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Édito

Ce septième numéro de la Vôge présente un contenu légèrement différent de celui auquel vous êtes maintenant habitués. Il est en effet entièrement centré sur l’histoire du Pays sous-vosgien, et en particulier du monde rural, au XlXe siècle.
Nous avons en effet souhaité nous intégrer à la manifestation organisée pour le mois de septembre 1991 par l’association du Fayé, de Grosmagny. Son opération de 1989, I’Ami du Peuple, nous avait fourni la couverture du n°4. Celle de 1991, La Terre, nous fournit le contenu du n°7. Il s’agit en effet pour le Fayé de faire revivre le Pays sous-vosgien tel qu’il existait au XlXe siècle à travers une reconstitution historique et une adaptation du roman de Zola, La Terre.
Les articles contenus dans ce numéro traitent donc tous de la terre sous-vosgienne au XIXème siècle. Ils illustrent des scènes que vous pourrez voir en septembre à Grosmagny : partages, exploitation de la forêt, artisanat, vie quotidienne. Nous souhaitons bonne chance à l’association du Fayé dans l’organisation de cette fête du Pays sous-vosgien, et espérons vous y retrouver nombreux.

Le comité de La Vôge.

Table des matières

Le Fayé au XIXème siècle

Michel ESTIENNE

2

Une ferme à Malvaux

Francis PEROZ

7

La fin d’un train de culture à Giromagny – 1847-1860

Jean DEMENUS

10

L’osier, un auxiliaire du paysan

Philippe DATTLER

14

Le morcellement du « Pré Heyd» en 1835

François LIEBELIN

17

Scènes de la vie rurale au siècle passé

Bernard GROBOILLOT

20

Petite et grande culture à Lachapelle-sous-Rougemont

Colette HAAS-BRAUN et Yves GRISEZ

24

Les incendies en Pays sous-vosgien

Michel ESTIENNE

30

C’était en 1850

François SELLIER

35

MAGAZINE

 

 

Le Second Empire à Grosmagny

Fred SAULET

37

La terre ou la fantasmagorie du mal

Marie-Christine MAUDRUX

38

Felon conserve son patrimoine

 

 

« Sundgau 7 » : 25 villages

 

 

Infractions et délits au début du XIXème siècle

François LIEBELIN

42

Sus aux loups

 

 

Le Fayé au XIXème siècle

La montagne du Fayé, qui domine la vieille route allant de l’AIsace vers la Lorraine, prolongée par la Tête du Mineur, est aujourd’hui partagée entre sept communes : Lamadeleine-Val-des-Anges, Etueffont, Petitmagny, Grosmagny, Rougegoutte, Vescemont et Riervescemont. Chaque commune y possède des forêts relativement étendues, mais la plus grande partie en reste propriété privée.

Une forêt mazarine

Cette forêt du Fayé a joué de tous temps un rôle de premier plan dans la vie des habitants de ces communes, avant la Révolution, le Fayé faisait partie des forêts mazarines, et était exploité par les
agents du duc de Mazarin, comte de Rosemont, pour l’approvisionnement en charbon de bois de ses forges de Belfort.

Le seul cahier de doléances conservé par les communautés limitrophes du Fayé, celui de Grosmagny (1), traduit bien toute l’importance du bois dans la vie rurale. Près du tiers du préambule
du cahier lui est consacré. Les habitants de Grosmagny n’ont toujours pas accepté l’arrêt du 27 avril 1762 ordonnant le cantonnement, c’est-à-dire le partage entre le seigneur et les communautés, des forêts mazarines. Les dix-sept communautés du Rosemont n’avaient en effet obtenu que 3.000 arpents, dont ils jugeaient naturellement la valeur médiocre, alors que les ducs de Mazarin en conservaient 25.000 en toute propriété.
Ce partage des forêts, faisant suite à de longues controverses, était dénoncé violemment pour de multiples raisons. D’une part, l’exploitation intensive des forêts pour la fabrication du charbon de bois interdisait tout droit de pâture dans les coupes, droits dont l’exercice aurait ruiné la reconstitution des bois. D’autre part, certaines forêts restaient inexploitées, alors que les communautés manquaient de bois : « l’on voit des montagnes couvertes d’arbres, hêtres et plans qui fendent les nues, même des baliveaux, dont l’aspect remplit d’indignation l’homme dont on a méprisé le besoin », nous dit le rédacteur du cahier de Grosmagny.

À ce cantonnement s’ajoutait une répression sévère par les agents des fermiers du duc. Les justices de l’ancien régime nous ont laissé de nombreux registres de gardes forestiers, qui montrent bien l’étendue de la répression, qui parvenait à contraindre à l’exil des familles trop pauvres pour payer des amendes très élevées.
Si encore cette exploitation des forêts avait été utile pour les communautés riveraines du Fayé, elles auraient pu se faire une raison. Mais le charbon de bois ainsi produit partait directement sur Belfort, servir à la fabrication d’un fer dont une grande partie était exportée vers la Suisse et vers l’Allemagne. ll ne faut donc pas s’étonner si les habitants de Grosmagny consacrèrent quatre articles sur les 27 de leur cahier de doléances à ce problème des forêts. L’article 9 demandait l’annulation du cantonnement de 1762, le 10 la restauration du droit de faire pâturer le bétail dans les forêts, le 11 la suppression, des amendes forestales. Quant à l’article 24, il réclamait, sous couvert de patriotisme et d’un refus de contribuer à armer les ennemis de la France, l’interdiction de l’exportation vers
l’étranger des fers fabriqués à la forge de Belfort. Ils pensaient ainsi réduire les débouchés, et par conséquent la production et les besoins qui en découlaient.
Chacun, en 1789, pensait que les Etats généraux allaient apporter la solution à tous les problèmes du moment. Louis XVl, roi vénéré, ne pouvait, pensait-on, tolérer des situations dramatiques dans son Royaume, que parce qu’il les ignorait. Aussi fut-ce avec une grande impatience que les communautés riveraines du Fayé attendirent-elles des décisions sur leurs problèmes forestiers. Dès la fin du mois de juillet éclatent des troubles forestiers à Valdoie.Le25 août, les communautés du Rosemont sont en effervescence, et sont prêtes à s’emparer des forêts mazarines.
Aucune décision ne fut finalement prise par les assemblées révolutionnaires. Celles-ci, beaucoup trop attachées au respect de la propriété privée pour reconnaître des droits aux communautés, ne
leur accordèrent rien. Les forêts confisquées sur le duc de Valentinois, héritier des Mazarin, dont le Fayé, entrèrent dans le patrimoine de I’Etat, qui ne se montra guère plus tendre que les anciens
seigneurs, dont il embaucha d’ailleurs les agents forestiers, qui continuèrent ainsi leur surveillance.
D’où des troubles pendant toute la période révolutionnaire.

Le partage du 19ème siècle

La situation ne varia pas sous l’Empire, ni sous le règne de Louis XVlll. En revanche, sous Charles X fut lancé un vaste mouvement de restitution de leurs biens aux émigrés, et en 1825, les héritiers Mazarin récupéraient leurs biens, dont le Fayé. Les communes sur le territoire desquelles se trouvait la montagne se portèrent en justice contre les Mazarin, reprenant ainsi la contestation issue du cantonnement de 1762. Et pour la première fois, le 21avril 1828, près de quarante ans après la rédaction de leur cahier de doléances, les habitants de Grosmagny recevaient satisfaction : un jugement du tribunal de Belfort de ce jour donna en effet satisfaction aux communes du Rosemont. Le cantonnement de 1762 est annulé comme préjudiciable aux droits des communautés, et après de longs débats, les droits antérieurs furent rétablis, à savoir le droit au bois de chauffage, à celui de construction, à celui de charronnage (c’est-à-dire au bois nécessaire à la réparation des engins agricoles), le droit de grasse et de vaine pâture, et le droit de glandée.
Les droits de toutes les communautés n’étaient pas les mêmes. Les communautés du Val de Rosemont, à savoir Giromagny, Lepuix-Gy, Evette, Vescemont, Riervescemont, Grosmagny, Eloie, Chaux, Lachapelle-sous-Chaux, Sermamagny, Valdoie et Rougegoutte, jouissaient de la totalité de ces droits. Celles de l’ancienne mairie d’ Etueffont (Etueffont-Haut et Bas, Lamadeleine, Petitmagny et Anjoutey) jouissaient de droits comparables, mais certaines essences leurs étaient interdites, en particulier les chênes et les hêtres et les arbres fruitiers. Quant à Auxelles et Offemont, il n’avaient droit qu’au bois de chauffage et à la vaine pâture.
Un partage des forêts – un nouveau cantonnement – devait être fait en partant de ces bases. Des experts furent nommés pour dénombrer la population et ses besoins en bois de chauffage, pour faire l’estimation réelle des besoins en bois de construction et en bois pour la réparation des outils agricoles. Quant aux bestiaux, ils devaient tous être recensés, et leur consommation annuelle estimée. Le duc de Mazarin, Honoré Gabriel de Grimaldi, fit appel à cette sentence devant la cour royale de Colmar, et la situation resta bloquée pendant de nombreuses années, pendant lesquelles il vendit d’ailleurs ses droits sur les forêts du Rosemont à des financiers parisiens. Ce ne fut que le 15 février 1837, soit 75 ans après le
cantonnement, que la cour de Colmar rendit un arrêt réglant définitivement l’affaire, en continuant globalement tout en le simplifiant le jugement du tribunal de Belfort. Les communes se voyaient reconnaître la propriété de près de la moitié des forêts mazarines. Les frais de procès se montaient alors à près de 30.000 francs-or (soit le salaire annuel d’une cinquantaine
d’ouvriers …).
Les communes sortaient gagnantes de ce gigantesque procès. Il leur restait à se mettre d’accord entre elles afin de délimiter leurs biens respectifs, en fonction de leur population, et d’en réaliser l’aménagement. En effet, le code forestier faisait obligation aux communes de procéder à l’ « aménagement » de leurs forêts, c’est-à-dire à leur division en plusieurs tranches. Les trois quarts de la surface étaient partagés en coupes, d’un nombre suffisant pour permettre la rotation, en général de vingt à vingt-cinq. Il devait servir de réserve pour financer les dépenses imprévues importantes des communes.
Le partage du Fayé entre les communes d’Etueffont-Haut, Petitmagny, Grosmagny et Rougegoutte fut opéré, après diverses opérations d’estimation, sur arrêté du Préfet du Haut-Rhin du 31 mars 1841, L’opération fut entamée le 19 octobre 1841, et terminée le 3 janvier 1842, donc dans des délais rapides compte tenu de la difficulté du bornage en montagne. Les communes de Lamadeleine, Vescemont et Riervescemont se partageant quant à elles la Tête du Mineur (2).
Les communes avaient reçu des superficies du Fayé proportionnelles à leur population et à leur bétail. Ainsi, Etueffont-Haut reçut 82 ha 65, Petitmagny 44 ha 34, Grosmagny 32 ha 24, et Rougegoutte 100 ha 55. Le total représentait près de 260 hectares, dont l’aménagement commença presque aussitôt, pour s’achever entre 1850 à Grosmagny et 1853 à Etueffont. Parallèlement, un bornage définitif était effectué entre les forêts communales et les forêts privées. La délimitation des forêts de Grosmagny, par exemple, fut opérée en 1854 et, après approbation par le garde général des forêts du cantonnement de Masevaux, dont dépendait le pays sous-vosgien, le bornage fut effectué en 1857. Il en coûta alors encore 235 francs pour mener et planter dans les forêts des bornes de grès des carrières d’Etueffont, dépassant le sol d’environ 50 centimètrres et portant sur une face la lettre G à l’encre noire.

L’exploitation du Fayé

Les communes pouvaient ainsi enfin exploiter le Fayé. Celui-ci n’avait pas connu de coupes depuis la restitution aux Mazarin. En 1856, les habitants de Grosmagny estimaient que la dernière coupe avait eu lieu 34 ans auparavant, donc en 1822. Compte tenu de la nature du sol, de la vitesse de recépage et de la nature des coupes – on cherche alors surtout du bois de chauffage -, l’ensemble du massif était exploitable. Un seul droit fut prohibé, en raison du code forestier récemment promulgué, la vaine pâture, qui n’eut définitivement plus cours sur le Fayé depuis 1762.
Il restait toutefois une bonne moitié du Fayé qui n’était pas en possession des communes. Les Mazarin, et à travers eux les sociétés auxquelles ils avaient cédé leurs droits, avaient conservé, en entière propriété, plus de la moitié de la montagne. Le partage avec Rougegoutte et Grosmagny avait été opéré sur une base paritaire, mais celui avec Petitmagny et Etueffont le fut sur la base d’un tiers pour les communes et des deux tiers pour les sociétés. Celles-ci conservèrent donc dans le Fayé une surface d’environ 385 hectares qui, de même que celles voisines de la Tête du.Mineur, furent vendues à la société Viellard-Migeon, de Morvillars.
La société Viellard-Migeon était en quelque sorte l’héritière des maîtres de forge de Belfort, et avait développé à Morvillars, Méziré et Grandvillars des forges et des tireries, nécessitant de grosses quantités de charbon de bois. De même que la famille Viellard hérita des capitaux des maîtres de forges belfortains, elle sut entrer en possession d’une partie des forêts nécessaires à leurs fourneaux.
Deux exploitations du Fayé se juxtaposèrent donc. Sur la partie appartenant à la société Viellard-Migeon, le charbon de bois fut à nouveau produit, jusqu’à ce que le coke lui ravisse définitivement sa place. Cette partie de forêts fut alors laissée en futaie et exploitée de façon rationnelle. Quant à la partie des communes, elle fut jusqu’à la dernière guerre exploitée en fonction des besoins des habitants.
En fonction des besoins, mais sous haute surveillance. L’administration des Eaux et Forêts, soucieuse de la bonne gestion des ressources en bois et se rappelant les désordres engendrés par les revendications(3), fit peser sur les communes une tutelle rigoureuse. Les gardes forestiers surveillaient toute intrusion dans les forêts communales et n’hésitaient pas à verbaliser les contrevenants.
Cette surveillance était d’ailleurs relativement bien acceptée, puisqu’elle s’exerçait au profit des caisses communales, où tombait le produit des grandes et petites ressources du Fayé. En effet, tout était utilisé dans ce que produisaient les forêts. Naturellement venaient au premier rang les coupes de bois, mais d’autres produits venaient s’y ajouter. Le ramassage du bois mort et des chablis (branches cassées par le vent ou le givre) faisait l’objet d’adjudications annuelles, ainsi que la vente des écorces et des copeaux résultant des coupes. Il en allait de même pour le lichen (appelé le crin végétal), dont on faisait des matelas, et généralement pour tout ce que pouvait produire la forêt, jusqu’aux rames des haricots et aux feuilles de digitales pour la pharmacie ! Les gardes surveillaient le tout, et leur action était relativement appréciée par les communes, qui leur allouaient régulièrement, sur les coupes qu’ils surveillaient, du bois de chauffage.
Enfin, le droit de chasse dans les forêts communales faisait l’objet d’adjudications régulières. Survivance probable du temps d’indivis qui suivit le jugement de 1828, l’adjudication de la chasse dans les forêts de Rougegoutte, Grosmagny, Petitmagny et Etueffont-Haut se faisait en bloc.
Toutes ces ressources étaient naturellement très faible – la chasse rapportait 20 francs, à répartir entre quatre communes -, mais il y avait une volonté symbolique d’empêcher quiconque de profiter de la forêt aux dépens de la communauté.
Les ressources les plus importantes restaient naturellement celles produites par les coupes, ordinaires et extraordinaires. Chaque année avait lieu une coupe ordinaire, suivant un cycle résultant de l’aménagement de la forêt. La première opération était l’estimation de la coupe, effectuée par les agents des Eaux et Forêts. Tous les arbres à couper étaient recensés et marqués, et leur cubage estimé, par essence (à la fin du XIXème siècle, le Fayé était peuplé à 70 % en hêtre, à 10 % en chêne, diverses essences, dont les résineux, se partageant les 20% restant). Cette opération d’estimation avait deux buts : d’une part, elle permettait de fixer les bases des enchères, d’autre part, elle servait de base de paiement du vingtième forestier: 5 % du produit estimé des coupes devaient en effet être versés à l’État, pour compenser les frais de garde et de surveillance des forêts communales.
Deux solutions pouvaient ensuite se présenter : ou bien la commune voulait vendre sa coupe, afin d’alimenter le budget communal, ou bien elle décidait de la répartir entre les habitants, suivant le principe de l’affouage. Cette dernière solution fut la plus pratiquée dans le Fayé. L’adjudication des coupes venait ensuite : ou bien le bois était vendu sur pied, et la commune encaissait directement la recette, ou bien la commune procédait à l’adjudication de la coupe : la personne demandant le prix le plus bas pour effectuer la coupe était retenue (4), et la commune disposait ensuite du bois.
La coupe n’était jamais totalement vendue ou répartie entre les habitants. Chaque année, les conseils municipaux décidaient de la destination, et attribuaient des lots à différents services publics. Les écoles recevaient un fort lot de bois (74 stères et 300 fagots à Grosmagny en 1914, 40 stères et …

(La suite dans : Le Fayé au XIXème siècle par Michel ESTIENNE, page 2)

Une ferme à Malvaux

Par un beau jour d’été, vous avez garé votre voiture sur le parking de Malvaux, Négligeant le chemin Marcel Tassion, vous longez maintenant la rive gauche de la Savoureuse sur une route goudronnée. Lorsque cette route s’achève, vous êtes à hauteur des anciennes papeteries Clerc. Continuant votre chemin, vous remontez par un sentier escarpé le long de cascades encaissées entre forêts et rochers. Soudain, la lumière se fait plus vive, le sous-bois s’estompe et vous êtes en présence d’une des plus anciennes fermes encore existantes du massif du Ballon d’Alsace.

Pourtant, au siècle dernier et pendant les premières décennies de ce siècle, toutes les gouttes (c’est-à-dire les vallées) de ce massif étaient parsemées de telles fermes. Il semble qu’elles étaient
au nombre de treize pour l’ensemble de la vallée de Malvaux. Mais la dure réalité d’une agriculture de montagne difficilement rentable a amené le départ progressif de leurs occupants. Les plus chanceuses de ces fermes ont été transformées en résidences secondaires, les autres ont succombé sous les outrages du temps et ne sont plus qu’amas de pierres au milieu de la végétation reconquérante.
Promeneur, la ferme que vous venez d’atteindre après quelques instants de marche est vraisemblablement la seule demeurée dans son état originel. Mais c’est un témoignage fragile car les ans et surtout le poids des chutes de neige ont lourdement pesé sur sa charpente et sur ses murs, l’ébranlant à tout jamais et rendant sa vie précaire. Prenons ensemble le temps de l’examiner attentivement.

Un aspect austère

Le ou les constructeurs de cet édifice l’ont voulu adapté aux aléas climatiques de la zone sous-vosgienne. Implantée à quelques dizaines de mètres de la Savoureuse, la ferme expose sa façade au sud, à proximité immédiate d’un petit ruisseau que ses occupants ont utilisé et utilisent encore pour l’alimentation en eau. L’ensemble du bâtiment présente un visage sévère. Les murs sont faits d’un assemblage de pierres granitiques et volcaniques sur une épaisseur de cinquante centimètres. Ils sont recouverts d’un crépi à l’extérieur et de plâtre à l’intérieur. Les ouvertures au strict encadrement de granit taillé sont de petites dimensions : 80 centimètres de largeur et un mètre de hauteur sont les mesures moyennes des fenêtres ; la hauteur des portes n’excède jamais deux mètres.
Dès l’abord, la ferme montre sa subdivision : les fenêtres percées sur le pignon ouest trahissent l’espace « logement » où l’on pénètre par une étroite porte. L’espace « à vocation agricole » est relégué dans la partie orientale du bâtiment. Il est en partie enterré dans le talus contre lequel s’appuie le bâtiment. Une porte de grange de faible largeur en permet l’accès.
Un vaste toit à deux pans couverts de tuiles protège la ferme contre les intempéries. Il s’abaisse jusqu’à 120 mètres du sol sur l’arrière de la ferme exposé au nord. Deux protubérances rompent la surface de la façade principale : sur la gauche du bâtiment, un four à pain surmonté par un poulailler ; sur la droite, un bûcher (ou une porcherie).

Le logement

La surface intérieure du bâtiment est inégalement partagée : un tiers est réservé à l’usage agricole, le reste permet le logement. La porte d’entrée de ce dernier ouvre directement sur la cuisine pavée de grandes dalles de grès. Sous la fenêtre, un évier en grès de forme arrondie, peu profond. Une petite rigole évacue directement les eaux usées vers l’extérieur. Sur sa droite, le four à pain n’est pas muni de conduit d’évacuation de la fumée. Celle-ci quitte le foyer et se dirige librement vers le plafond où une forme creuse et arrondie la guide vers la cheminée qui surmonte le petit fourneau tripode utilisé pour la cuisine. Un tel système paraît être d’une efficacité problématique en cas de temps maussade.
Le côté septentrional de la cuisine jouxte le cellier, une pièce sombre et fraîche, faiblement éclairée par une petite ouverture grillagée largement abritée par I’avancée du toit. Le plancher de ce cellier est percé d’une trappe qui permet l’accès à la cave. Cette cave est envahie par les eaux à la fonte des neiges.
La salle commune est éclairée par deux ouvertures orientées respectivement à l’ouest et au sud. Un fourneau en brique occupe le centre de la cloison mitoyenne d’avec la cuisine. Son piétement porte le millésime 1804 antérieur de trente six ans à la date de construction du bâtiment, date gravée sur une des cloisons de la grande pièce. Au-dessus de ce fourneau, une petite trappe (10 centimètres sur 14) permet le chauffage des pièces situées à l’étage supérieur. Le fond de la salle commune comporte une alcôve profonde de 1,20 mètre. Au premier étage, deux chambres ouvrent sur le pignon occidental. Séparées par une cloison en planches, elles présentent toutes deux une surface sensiblement égale à douze mètres carrés.

Les locaux agricoles

Le côté oriental de la ferme est occupé par les locaux à usage agricole. Mitoyenne de la cuisine, une étroite grange de 190 centimètres de largeur assure la transition avec l’écurie et permet aussi l’accès au grenier. ll est à noter que cette grange ne s’ouvre sur l’extérieur que par une porte de 80 centimètres de large. La ferme montre ainsi un exemple d’exploitation agricole de montagne où l’usage des véhicules était inconnu en raison des accidents du terrain. Le contraste est net avec les bâtiments situés dans la partie basse de la vallée de la Savoureuse où une large porte de grange éclaire la façade.
L’écurie est, elle aussi, de dimensions modestes. Six bêtes pouvaient s’aligner face à la mangeoire. Le sol est pavé de galets provenant du lit de la Savoureuse. Deux poutres y délimitent une rigole pour l’écoulement du purin.

La faiblesse de la construction

Accessible par une raide échelle depuis la grange, le grenier offre une vaste surface de 70 mètres carrés. Il permet aussi d’avoir une vue sur la charpente, laissant ainsi percevoir la principale faiblesse du bâtiment.

Des chevrons, espacés les uns des autres par une cinquantaine de centimètres, supportent le poids de la toiture et prennent appui sur les murs. Une poutre faîtière les réunit à leurs sommets. Mais cette charpente ne comporte aucune traverse. De ce fait, si une forte chute de neige fait peser un poids excessif sur la toiture, la force appliquée sur la charpente va se transmettre sur les murs et va tendre à les écarter vers l’extérieur. La ferme connaît aujourd’hui cette situation dramatique qui met gravement en jeu sa survie.

La fin d’un train de culture à Giromagny – 1847-1860

Vers le milieu du XIXe siècle, la population de Giromagny est encore à dominante rurale ; mais la pression démographique est forte : les familles de huit enfants et plus sont courantes. Les partages amenuisent les surfaces disponibles et obligent |es héritiers à rechercher d’autres moyens de subsistance, C’est ce que nous montrent deux inventaires et partages successifs dans la même famille en 1847-1848 et 1860-1884.

« Le vieux François »

François Demenus, né en 1776, se maria à l’âge de vingt ans et eut dix enfants, quatre garçons et six filles. Petit paysan propriétaire, il fut longtemps conseiller municipal, puis en 1838 le seul adjoint de la commune jusqu’à son décès en septembre 1847, à l’âge de soixante et onze ans. C’était un bel âge pour l’époque et il était appelé dans sa famille et dans le village « le vieux François ». Après son décès, il y eut désormais deux adjoints à la commune. L’inventaire de ses biens a été réalisé le dimanche 19 décembre 1847, de 8 h. du matin à 8 h. du soir, en trois vacations de 4 heures, par devant Me Pierre-Antoine Lardier, notaire en la résidence de Giromagny. Sont présents les témoins requis, Lois Barberet et Jean-Baptiste André, tous deux propriétaires, la veuve et ses sept enfants vivants : trois sont déjà décédés, mais l’un d’eux, marié, a eu lui-même cinq enfants et sa veuve est présente en leur nom. L’acte est passé dans la maison du défunt, lieu-dit le Hautôt, de nos jours place de Gaulle, à I’emplacement exact de I’actuelle C.M.D.P. Cette maison construite en 1741 par Jean-François Demenus, grand-père du défunt, a été démolie après la seconde guerre mondiale, ayant beaucoup souffert de l’explosion du pont de la Savoureuse en 1944.
Le document dont nous allons parler est un cahier de dix huit feuillets, format 21 x28 cm. L’humidité a laissé de larges tâches brunes, à la pliure, il est déchiré, et il est souvent impossible de lire deux ou trois lignes.
Parmi les héritiers, ou maris des héritières, nous trouvons quatre cultivateurs, un tisserand, un employé de fabrique, un ouvrier de fabrique et le fils défunt lui aussi cultivateur.

L’inventaire des biens

La prisée des biens meubles est assez vite faite car on ne parle que de deux pièces : cuisine et poêle.

Dans la cuisine :

  • trois marmites, deux casseroles et une chaudière 12,00 F
  • un dressoir, deux soupières, dix huit assiettes, six fourchettes, douze rondelots (écuelles en bois), une baratte et trois baquets 16,50 F
  • une lampet deux lanternes 1,50 F
  • un petit tonneau 1,00 F
  • un cuveau à lessive 2,00 F
  • deux fléaux brisés 0,50 F
  • six bouteilles noires 0,60 F
  • …… (objet illisible) 0,60 F

Total : 34,70 F

Dans le poêle :

  • une table, trois bancs, quatre chaises et un vieux coffre 6,00 F
  • une horloge et huit cadres 2,00 F
  • un miroir 1,00 F
  • une vieille commode et une armoire 10,00 F
  • six taies, six draps de lit, huit nappes, six….. 25,00 F
  • trois habits complets, une paire de bottes, six chemises et un chapeau 20,00 F
  • deux lits garnis et un matelas 40,00 F
  • vingt-sept kilogrammes de chanvre 35,00 F
  • un vieux coffre et une vieille armoire 2,00 F

Total : 151,00 F

On ne peut que s’étonner de la pauvreté des ustensiles de ménage du mobilier et de leur faible valeur. Le contenu de la cuisine et du poêle ne représente qu’un peu plus de 10 % de l’estimation globale, le reste étant pour le matériel agricole, le bétail, les récoltes … On ne dit rien non plus des autres pièces de la maison. Il y avait une autre pièce au rez-de-chaussée, et à l’étage une grande chambre et deux plus petites, qui devaient être meublées, même sommairement.

Dans les granges, écuries, grenier et dépendances :

  • deux crocs, deux pioches, deux faucilles et un trident 3,00 F
  • une pelle à mine, une pelle, une hache à pré et une bêche 4,00 F
  • une voiture et tout son assortiment 35,00 F
  • une charrue usée 6,00 F
  • environ douze hectolitres, soixante litres de pommes de terre 27,50 F
  • cent vingt gerbes de blé 60,00 F
  • vingt-cinq gerbes de blé 15,00 F
  • deux cents gerbes d’avoine 87,50 F
  • un hectolitre, quarante litres d’orge 20,00 F
  • trois mille kilos de foin 150,00 F
  • trois mille cinq cents kilos de regain 80,00 F
  • ………………. 500,00 F
  • trois vaches 350,00 F
  • une génisse 25,00 F
  • un porc 60,00 F
  • un tas d’environ huit voitures de fumier 30,00 F
  • huit stères de bois de chauffage 40,00 F
  • quelques planches de sapin 14,00 F
  • une herse 3,00 F
  • une faux et deux râteaux 1,50 F

Total : 1.511,50 F

Le total général s’élève à 1.697,20 F. Une ligne est totalement illisible ; mais l’estimation porte 500,00 F, la somme la plus importante ; placée avant l’estimation des vaches on peut penser, vu le prix, qu’il s’agit d’une paire de boeufs : et aussi par référence à l’estimation des biens de 1860 où une paire de boeufs est prisée 600,00 F. Le matériel et les outils ont peu de valeur. Il n’est pas fait mention de petit bétail, chèvres ou moutons, ni de poules ou de lapins.

Les biens immeubles

Ils sont divisés en trois catégories : ceux provenant de la communauté, ceux propres au défunt et ceux apportés par héritage du fait de l’épouse. Les premiers sont en nombre en surface et en valeur les plus importants. Ils comportent vingt trois pièces de terre, prés, champs et quelques rares cantons de bois, acquis de l’an Vlll (1800) à 1844 pour une surface de 8ha 43a 70ca.
Une seule pièce atteint 2ha30, lieudit le Pré la Dame, située sur le ban de Giromagny entre Auxelles-Bas et cette commune. Elle fut achetée en 1818 pour la somme de quatre mille francs payée en sept annuités jusqu’en 1826. Une tradition familiale rapporte que c’est le curé Paclet qui prêta l’argent à l’acquéreur, lequel remboursa par des coupes de bois.
On peut constater que le défunt et sa femme passèrent leur vie à arrondir leur bien, y mettant sans doute toutes leurs disponibilités. Il n’est pas possible de préciser la somme totale, car les sommes sont rarement portées ; la veuve déclare « prix payé comptant » ou « prix entièrement acquitté, sans soulte ni retour ». Les parcelles les plus petites – huit ares, il y en a sept pour tout l’héritage – sont estimées à un prix élevé, parce qu’elles sont proches de l’habitat ; ainsi le lieu-dit Les Grands Prés, sis faubourg d’Alsace à côté du Temple, verger et pré de fauche pour fourrager les bêtes ; ou bien parcelles des meilleurs champs, les prés de la Noye. On s’efforce aussi d’acheter les terres contiguës. Les prés cotés n° 11-12-13 forment finalement un ensemble de 96 a, lieu-dit la Noye, finage de Vescemont ; on encore ceux cotés n » 22-23-24-25 font 1 ha 12a, lieudit sous le Montjean.
Le défunt avait apporté à la communauté la maison où il est décédé « couvert en tuiles, consistant en logement, grange, écurie, petite cour avec jardin joignant, d’une contenance d’environ 4a, lieu-
dit le Hautot ». Il la tenait de son père Henri, qui lui-même en avait hérité du constructeur, par acte passé le 17/12/1774. A cela s’ajoutait treize pièces d’une surface totale de 4ha 82a ; la plus étendue est la terre des Fougerêts : 1ha 02. La veuve de François, Marie-Françoise Zeller, avait hérité en 1816, au décès de ses parents Georges Zeller et Claudine Marsot de cinq pièces pour une surface de 58a.
La surface totale des biens s’élève à 13ha 83a7ca. La plupart des actes sont passés devant notaire, quelques-uns sous seing privé. Les noms des lieux-dits sont parfois imprécis dans leur dénomination et encore plus dans leur orthographe ; mais on peut encore aujourd’hui situer aisément la plupart : le Pont Tremble, la Grosse Pierre, les Monts Romains …
Le défunt et sa femme avaient acheté en 1827 une maison mitoyenne à la leur, avec dépendances pour 16a, sans indication de prix, pour y loger une de leurs filles, Marie-Anne, qui avait épousé Henri Mercier en 1823. Cette maison, n°16, place de Gaulle, existe encore, sans modification importante.
Quant aux valeurs en numéraire, elles sont fort limitées.

Sur l’actif :

  • Prix du contrat coté 2.159,00 F
  • Report de la masse des sommes reçues en avancement d’hoierie à quatre enfants 1.300,00 F

Total : 3.459,00 F

Sur le passif :

  • à Henri Demenus (plus jeune fils) 150,00 F
  • au maréchal-ferrant pour travail de sa profession 24,45 F
  • au percepteur pour restant des contributions de l’année courante 26,00 F
  • le prix du contrat analysé coté 21 (pré de 16a aux Bessottes en 1846) 1.000,00 F

Total : 1.200,45 F

Une donation partage est faite un peu plus tard ; le 12 février 1848. Une pension de 400 F est prévue pour la veuve, à payer collectivement en quatre termes. Celle-ci mourra en 1852. Huit lots sont formés des biens et tirés au sort, exception faite de la maison, vendue au dernier fils Henri, mon arrière grand-père, par acte du 10/12/1847.
Cette vente est conclue pour la somme de 2.500 F, le mobilier pour 1.700 F. Il paiera en conséquence les dettes de la communauté mais le tiers des objets mobiliers sera à la veuve, à cause de la communauté régie par l’ancien droit local. L’essentiel à retenir réside dans le morcellement des terres, les plus petites en 2 parts, les plus grandes en 3-4 ou 5 parts. Ainsi dans les grands prés, on partage en deux des parcelles de 8a ; la terre des Fougerêts (1ha02) est divisée en 4 parts, le Pré la Dame (2ha30) en 2 parts, les prés du Montjean (1ha60) en 5 parts. Les lots vont de 1ha70 à 4ha25. Mais comme ils ne sont pas d’égale valeur, il sera prélevé sur la masse mobilière des sommes pour les égaliser pour un total de 3.010 F.

L’émiettement

Douze ans plus tard, le 2 mai 1860, nouvel inventaire, à la suite du décès à l’âge de 40 ans d’Henri, le plus jeune fils. Il serait mort des suites d’un accident, ayant été renversé par son attelage. Il laisse sept enfants mineurs, âgés de 11 ans à quelques mois. Joseph Mercier, cousin du défunt et instituteur à Chaux, subrogateur est présent, ainsi que les témoins requis, Jean-Baptiste Germain Lamboley, ancien maire, propriétaire et Jean-Baptiste Jacquerez, ancien instituteur demeurant tous deux à Giromagny ; l’acte est passé par Me Hippolyte Emile Lardier, fils et successeur de Pierre-Antoine. Lors de la prisée des biens on trouve :

Dans le logement :

  • un buffet 40,00 F
  • trois lits montés 80,00 F
  • une horloge 25,00 F
  • une table, deux bancs, un coffre et deux chaises 5,00 F
  • huit cadres et une glace 2,00 F
  • un berceau 1,00 F
  • huit taies et huit draps de lit 70,00 F
  • six serviettes et six nappes 16,00 F
  • toute la batterie de cuisine 15,00 F
  • un pétrin 2,00 F
  • une armoire, une malle et une commode le tout en mauvais état 15,00 F
  • deux coffres 6,00 F
  • douze sacs 10,00 F
  • deux habillements d’homme, une paire de souliers, un chapeau et six chemises 15,00 F

Total : 302,00 F

Dans les dépendances :

  • quinze doubles décalitres de pommes de terre 15,00 F
  • cinq cents kilos de foin 20,00 F
  • cinq cents kilos de paille 15,00 F
  • deux voitures en mauvais état 70,00 F
  • une paire de bœufs 600,00 F
  • une vache 150,00 F
  • une vieille charrue, une herse en fer, une paire d’échelles, sept chaines 30,00 F
  • deux haches, deux crocs, une pioche, un trident, une pelle, une hache à pré, un marteau et une enclume 5,00 F

(La suite dans : La fin d’un train de culture à Giromagny – 1847-1860 par Jean DEMENUS, page 10)

L’osier, un auxiliaire du paysan

La vannerie n’était pas un artisanat. Longtemps elle fut une activité du paysan. A la campagne toutes les familles faisaient leur « tcharpigne » lorsque le travail des champs laissait quelque répit.

Une variété de saule

Le vannage est pratiqué à la morte saison, mais ses produits n’en sont pas moins nécessaires à la vie quotidienne. Les objets fabriqués sont divers, le plus courant étant le panier à deux anses, d’une contenance de vingt litres environ, destiné à transporter aussi bien les pommes de terre que l’herbe des lapins, ou le bois fendu. Le vannier réalisera aussi le panier à fixer sous sa charrette et contenant son repas de midi, l’habillage des bonbonnes, ou les vans indispensables lors du battage du grain.
De nombreux végétaux sont propres au vannage. C’est dans une nacelle de papyrus que Moïse fut abandonné aux flots du Nil. Moins exotique, le noisetier sert au vannier des pays tempérés. Dans notre région c’est l’osier qui a été adopté en raison de sa souplesse, de la longueur de ses brins (rejets ayant poussé dans l’année) et surtout de son abondance.
L’osier, de la famille des salicacées, est une variété de saule. ll pousse naturellement, mais à l’état sauvage sa qualité est médiocre. Ainsi, une quinzaine d’espèces poussent dans la région ; elles donnent des brins dont la facilité d’emploi et la fragilité sont variables, mais pour l’essentiel la qualité dépend du sol sur lequel l’arbre pousse. L’osier est un arbre des zones humides, mais point trop n’en faut pour que ses brins soient beaux et bons. Si le milieu est gorgé d’eau les brins seront très longs mais aussi très mous, et à l’usage s’écraseront. Pour donner un bon matériau, l’osier doit être dans une bonne terre, de la qualité de celles où sont plantées les pommes de terre par exemple. Aujourd’hui dans les oseraies, les osericulteurs sélectionnent les espèces (il existe des hybrides), l’engrais est largement utilisé et l’arbre est protégé des parasites, notamment d’un redoutable petit coléoptère bleu.
Les saules sont plantés en ligne, les pieds sont très rapprochés pour que, les arbres se gênant, les brins montent le plus haut possible. ll faut obtenir des brins de 80 cm au moins. En moyenne ils atteignent 1 ,50 m et peuvent monter à 2,50 m. Les brins les plus petits sont utilisés en vannerie fine (paniers) ou comme liens (pour lier les ceps de vigne par exemple). Les grands brins servent
de pièces destinées au renfort des gros paniers. Ils peuvent être fendus dans le sens de la longueur pour donner des éclisses (lamelles très minces).
L’osier, tributaire du sol, l’est aussi du climat. Il a deux ennemis principaux : les gelées printanières qui peuvent, mais ce n’est pas irrémédiable, entraver son développement, et surtout la grêle qui, en marquant l’écorce et parfois le bois rend le brin plus fragile.
La récolte de l’osier a lieu à l’automne, après les premières gelées de la Toussaint, lorsque les feuilles sont tombées. Le vannier coupe les brins de manière à rendre chauve le têtard (tête du saule). Les brins sont triés, certains étant inutilisables car trop petits par exemple, ou de mauvaise qualité car trop fragiles. C’est ,notamment le cas des brins branchus qui casseront à l’emplacement de la branche.
Le paysan autrefois utilisait souvent très vite l’osier qu’il venait de couper. La vannerie ainsi faire était grossière car l’osier en séchant se rétracte et rend le panier bien branlant. Pour obtenir un produit de bonne qualité, il faut sécher les brins puis les conserver à plat, au sec, en évitant la moisissure. Le vannier peut ainsi utiliser la matière première à sa convenance, plusieurs…

(La suite dans : L’osier, un auxiliaire du paysan par Philippe DATTLER, page 14)

Le morcellement du « Pré Heyd » en 1835

Le Pré Heyden comme on l’appelait alors, était encore en 1835, l’année de son morcellement, la plus vaste terre agricole de Giromagny. Cité pour la première fois en 1587 (1), il passe par la suite entre les mains de différentes familles seigneuriales et fut déclaré Bien national en 1792 (2).
Acquis à la fin de la Révolution par Jean François Philibert Rossée, !’homme politique le plus en vue du canton de Giromagny, à sa mort survenue en 1832, ses héritiers lotirent la propriété en 29 parcelles qu’ils vendirent aux enchères publiques (3).

Les origines de la propriété

L’exploitation industrielle des Mines polymétalliques du Rosemont dans la seconde moitié du XVIème siècle place Giromagny jusqu’alors petit village à vocation essentiellement agricole au centre
du nouveau District minier avec la complaisance de Grégoire Haid ou Heyd, un alsacien expert en matière minière. Le 2 juillet 1562, la Régence d’lnnsbruck ordonne à celle d’Ensisheim de faire procéder à l’installation de ce »zélé serviteur » qu’elle vient de nommer Juge des Mines d’Alsace et Sundgau, en la résidence de Giromagny (a). On lui doit entre autre, dans ce nouveau bourg, la construction d’une maison de justice (1563-1565) (5).
Parallèlement à ses multiples occupations, ce personnage hors du commun, secondé par son fils aîné Christophe, fit sortir Giromagny d’une longue léthargie. Il acquit plus de 40 arpents (16 ha) de fouillies situées à proximité du nouveau bourg, sur les flancs Est des « Monts Romains », terres mises immédiatement en culture et à l’extrémité desquelles lui et ses descendants firent édifier plusieurs hôtels ou demeures bourgeoises, en rapport avec leur récente fortune (6). Anoblis en 1601 par l’ Empereur Rodolphe, les Heyd de Heydebourg (Heydenbourg : nom donné à leur maison franche et allodiale de Giromagny) ont rang désormais parmi la noblesse alsacienne (7).
Après de multiples péripéties, les maisons et terres des Heyd échouent en 1762 à Sigismond Dagobert, comte de Wurmser, lieutenant général des troupes impériales, colonel d’un régiment de
hussards (8).

Le Pré Heyd déclaré Bien national

Considéré comme immigré en 1792, puisqu’il n’a pas réapparu en France et plus spécialement à Giromagny, le comte de Wurmser voit ses bien mis à la disposition de la Nation. Il combattra même quelques années plus tard les armées de la République à la tête d’un régiment autrichien. Le 7 février 1793, la municipalité de Giromagny se voit chargée par le Directoire du département du
Haut-Rhin, d’inventorier les biens du ci-devant comte (9), lesquels se répartissent comme suit :
1 . « Une maison, composée de deux habitations, avec une autre petite habitation, grange, double écuries séparées, cour, jardin et verger joignant, situés dans le haut de la place d’en bas de Giromagny ; Iedit jardin et verger peuplés d’arbres fruitiers le tout joignant, enclos de murs, palissades et haies vives de la contenance d’environ 4 journaux (128 a), confrontés par la grande
route de levant et partie de minuit avec Jean Nicolas Petijean, aussi partie de couchant avec le pré appelé Heydenbourg, Jean François Demenus et François Joseph Haab de midi.
2. Plus un canton de pré de la contenance d’environ 30 fauchées 3 quarts (9,80 ha), appelé le pré Heydenbourg, confronté par le verger ci-dessus et autres, et de la « Hadergasse » (Rue Thiers) de levant et partie de minuit avec le chemin d’Auxelles-Bas, plusieurs particuliers de couchant et midi lequel est amodié sous plusieurs dénominations en commençant par le minuit.  » D’après le procès-verbal d’inventaire des biens de l’émigré Wurmser, le pré Heyden est depuis longtemps déjà partagé en 20 portions, les 18 premières d’une superficie d’environ une fauchée ou 32 ares chacune. La 19ème regroupe 9 fauchées de prés, broussailles, chaussées et queue d’étangs appelé le « Procureur », la 20ème, environ 3 fauchées de pré autrefois en étang appelé le Procureur.
De 1793 à 1795, la Municipalité de Giromagny est chargée du recouvrement des locations annuelles de cette immense propriété. En 1796, le Directoire du département veut procéder à une mise aux enchères de la terre de l’ancien fief. La vente est gelée un moment par l’inspecteur Duhamel de Paris, lequel a été pressenti par le Gouvernement pour créer une Ecole pratique des Mines à Giromagny.
Le projet Duhamel ayant échoué pour des raisons que nous n’exposerons pas ici, la propriété est alors divisée en deux lots, mis en vente par le Tribunal de Colmar (10). Le pré seul est soumissionné pour un prix raisonnable par Jean François Philibert Rossée, ancien Procureur syndic du District de Belfort, pour lors membre du Conseil des Anciens.
Rossée, veuf de Françoise Lamielle, une giromagnienne de vieille souche, avait un faible pour cette petite bourgade où il fit I’acquisition en 1802 d’une belle et vaste propriété avec maison de
« maître » ayant appartenu à la famille Alberti avant la Révolution (10). De 1806 à sa mort survenue en 1832, l’ancien législateur laissa la jouissance du pré Heyd à l’une de ses filles : Scholastique Rossée, épouse du baron d’empire Antoine Brincard ; chef d’escadron au 25ème Régiment de Dragons. Le 20 avril 1835 (12) les héritiers Rossée, en présence du notaire Lardier de Girornagny procèdent à la vente et adjudication en détail aux plus offrants et derniers enchérisseurs des immeubles dépendant de la succession de défunt leur père et de feue Mademoiselle Françoise Lamielle leur mère, savoir:
1. « Une pièce de pré contenant en totalité 10ha 80a 10ca, située à Giromagny, lieu-dit le « Pré Heyden », tenant en partie du midi au chemin de la Croix, du nord en partie à la route d’Auxelles-Bas, et des autres parties à plusieurs particuliers, acquise par feu monsieur Rossée comme domaine national provenant du ci-devant fief de Wurmser, désigné sur le plan qu’en a dressé le huit du mois courant monsieur Lollier, arpenteur géomètre à Belfort et divisée en 29 parcelles, dont les quatre premières au midi et « l’Etang Procureur » au couchant sont de contenance inégale et les…

(La suite dans : Le morcellement du « Pré Heyd » en 1835 par François LIEBELIN, page 17)

Scènes de la vie rurale au siècle passé

Ces quelques délibérations et procès verbaux consignés dans les registres de la commune de Saint-Germain-le-Châtelet, nous apprennent à mieux connaître les mœurs et la manière de vivre des paysans de nos villages au 19ème siècle. Faut-il dire qu’ils étaient méchants ? Certainement pas, mais ils avaient et exigeaient le respect de leurs biens, acquis durement avec toutes les  vicissitudes que comportait la condition paysanne. Sans généraliser les situations, il est intéressant de constater les actes de certains couches sociales du monde rural d’autrefois, époque évolue, événements et coutumes oubliés, décriés bien souvent.
Toutefois, ces histoires drôles, écrites dans le langage d’autrefois, font partie de notre patrimoine admirable, Elles sont transcrites du registre des délibérations de Saint-Germain-le-Châtelet conservé aux archives départementales du Territoire de Belfort.

Sus aux maraudeurs

Le conseil municipal s’est fait l’honneur de délibérer sur différents objets sous l’espérance que Monsieur le sous-préfet de l’arrondissement de Belfort homologuera les motifs ci-dessous détaillés :
Délibérons qu’antérieurement il se commettait souvent des froissements d’herbes dans les vergers enclos et non enclos notamment dans les champs et jardins, surtout pendant l’obscurité des nuits, tant de la part des enfants mal élevés que des pères et mères maraudeurs, qui se permettent de faire des enlèvements de fruits, d’arracher les pommes de terre, choux, bois, etc, qui se font tant de jour que dans les nuits nocturnes ce qui porte souvent de grands dommages à certains propriétaires mais que pour mettre un frein à toutes ces injustices friponneries il échut de délibérer. Comme de fait délibérons d’une voix unanime que les enfants reconnus d’avoir froissé les herbes, cueilli des fruits de quelques espèces que ce soit, ils seront punis, pour la première fois d’un emprisonnement d’un jour, devant la récidive de trois francs moitié au profit du propriétaire qui aura souffert les mésus ou dommages.
Consentons en outre que les chefs de famille pris en contravention de ces genres de délits, seront punis de deux jours d’emprisonnement et pareille amende de trois francs pour ceux de jour. Le quadruple pour ceux qui seront rencontrés pendant l’obscurité des nuits et sans préjudice aux poursuites qu’a le gouvernement royal contre ceux qui seront convenus de ces dits délits.
Plus et finalement délibérons d’une voix unanime que le sentier qui prend de la chaintre de Germain Bobay vieux, dit les Hauts champs, allant le long des haies vives, tirant dans les champs de lamielle, de là aux champs rioles, de là dans la première maison du chênois ; il est inutile, il occasionne beaucoup de délits, de dommages, de pillages et de petites voleries parmi les passants. Raisons pour lesquelles nous demandons la suppression d’icelui attendu que le chemin vicineux qui entre dans ce hameau le plus proche, meilleur et praticable, il évitera moins de voleries. En conséquence, il résulte qu’ayant ouï les conclusions du sieur maire, le conseil a délibéré qu’il sera supprimé pour toujours, qu’un avertissement sera fait à l’issue de la grande messe de paroisse des délibérations ci-dessus précitées afin que personne n’en prétende cause d’ignorance. Qu’il y aura une amende de un franc pour la première fois, du double dans la récidive et en continuant
au doublement s’ils continuent à pratiquer ce même sentier.
Après avoir été approuvées par Monsieur le préfet du département, ces délibérations ci-dessus détaillées nous seront renvoyées pour maintenir l’ordre, l’équité et la bonne harmonie dans l’intérieur et l’extérieur de cette commune, faire régler la discipline sur ceux qui voudront suivre leurs mauvaises intentions.
Fait en mairie de Saint Germain le cinq du mois de mai l’an mil huit cent dix sept. Ont signé : les onze conseillers et le maire Frossard.

Histoire de pelle

Le premier mai mille huit cent vingt quatre, le tailleur de pierre Nicolas Perche se présente à la salle commune pour demander au maire de perquisitionner au domicile de Jean Claude Nicolas, tonnelier, afin de reconnaître deux pelles qui ont été volées dans la carrière.
Le maire François Frossard et le garde champêtre André Bobay acceptent cette requête puis rédigent le procès verbal conçu en ces termes :
« Nous nous sommes transportés dans la maison de Jean Claude Bailly, le vieux, de cette commune où ledit Jean Claude Nicolas a son domicile. Accompagnés du sieur Nicolas Perche, Jean Pierre Sauvageot et Thiebaut Cravat, ces deux derniers étant les ouvriers de Perche, afin de reconnaître les dites pelles. Etant arrivés au dit domicile avons déclaré au dit Jean Claude Bailly le vieux et à Jean Claude Nicolas que l’on voulait faire une perquisition dans leur domicile pour des outils qui ont été volés dans la carrière de Nicolas Perche. Après leur consentement nous avons fait la perquisition et avons trouvé les dites deux pelles dont Sauvageot et Cravat ont reconnu :
– la large pour être celle de Nicolas Perche par une marque qu’elle avait été pliée du côté gauche, marque déclarée par eux avant la perquisition et l’autre reconnue par le dit Perche par une petite fente au dessous du trou où elle est clouée après le manche.
Après la reconnaissance des dites pelles nous avons demandé à Jean Claude Nicolas où il les avait achetées, il a répondu que c’était chez les marchands. Sur sa déclaration nous lui avons dit que nous voulions porter les pelles dans la maison commune. Mais Jean Claude Nicolas s’est révolté pour les reprendre en disant qu’elles lui appartenaient et nous suivant pas à pas il a empoigné les dites pelles que tenait Nicolas Perche en se les tirant l’un à l’autre. Finalement le dit Perche s’en est saisi aidé par Sauvageot son ouvrier. La perquisition étant faite nous avons rédigé le présent procès verbal en présence des sieurs Nicolas Perche, Jean Pierre Sauvageot et Thiebaut Cravat qui ont signé avec nous. »

Sabre au clair !

L’an mille huit cent vingt sept, le vingt sept octobre est comparu Jean Claude Septans cantonnier sous le numéro quatre, travaillant sur le dix-huitième kilomètre de la grande route depuis les Errues à Lachapelle et domicilié dans cette commune de Saint Germain. Lequel a porté plainte, que le jour d’hier, le sieur Roueche brigadier garde forestier domicilié à Angeot, s’est transporté vers lui alors qu’il était dans l’exercice de ses fonctions avec plusieurs ouvriers.
Le sieur Roueche lui a dit que la terre qui provenait du curage des fossés n’était pas bien mise et qu’il lui ferait enlever. Le dit Septans lui a répondu qu’il l’avait mise suivant l’ordre de ses chefs et que s’il avait du droit à la faire enlever qu’il voie avec ses chefs.
Le sieur Roueche lui a dit que c’était un cochon, le dit Septans lui a répondu qu’il était plus cochon que lui de parler de la sorte. Et la déposé avec la présente plainte qu’il adresse à Monsieur le procureur du roi auprès du tribunal de l’arrondissement de Belfort.

« Tiens, coquin, voici ce que je vais te payer »

Le vingt neuf janvier mille huit cent vingt, c’est François Septans qui vient porter plainte à la mairie, motif, on a voulu l’assassiner ! Il déclare que le jour d’hier à dix heures du soir, le nommé Joseph
Nicot s’est introduit dans son domicile. Faignant de vouloir lui payer le loyer de sa forge que Septans lui a amodiée l’année dernière, le dit Nicot est entré dans la dite forge communiquant avec la maison du dit Septans. ll a frappé à la porte qui était fermée en lui disant de l’ouvrir.
Septans qui était couché s’est relevé pour ouvrir la porte d’entrée de sa maison. Mais le dit Nicot lui a dit que ce n’était pas cette porte là qu’il fallait ouvrir, qu’il devait seulement ouvrir la porte de la forge qui communique avec le poêle. Ce que fit le dit Septans croyant recevoir le numéraire qui lui es dû, comme Nicot le lui avait dit.
Mais il fut bien surpris lorsque celui-ci entrant le saisit en l’empoignant par la gorge et le serrant très vivement en lui disant « tiens, coquin, voici ce que je vais de payer » tout en essayant de vouloir lui boucher sa bouche afin de l’empêcher de crier.
Après s’être débattu pendant l’espace de six minutes, il est parvenu à crier et a pu se débarrasser en s’approchant d’une vitre qui fut cassée. Et de là ses cris étant entendus de ses voisins qui vinrent de suite à son secours et firent du bruit que le dit Nicot entendit et le laissé heureusement avec quelques égratignures.
En se sauvant par la porte de la forge il doit avoir été vu par ceux qui sont venus à son secours. Septans a déclaré que la porte de la forge qu’il loue au dit Nicot était ouverte au moment de la fuite de son agresseur, ce que personne n’aurait pu faire sinon celui qui est dépositaire de la clé.

La bonne bûche

L’an mille huit cent trente, le seize du mois de juin est comparu Nicolas Didier cultivateur domicilié en cette commune, lequel nous a présenté la présente plainte que sur les quatre heures de l’après midi ce jourd’hui s’est présenté à la mairie tout ensanglanté à la figure et a déclaré que c’était Nicolas Perche, tailleur de pierre de cette commune qui lui avait occasionné ce découlement de sang par l’effet d’un coup de bûche de bois qu’il lui a jeté à la tête.
Le dit Didier déclaré en outre que le dit Perche était accompagné de Marie Barbe Bobay sa femme, qu’elle lui a elle même jeté deux pierres mais elles n’ont point eu d’effet. Ce n’est que le seul coup de bûche que le dit Perche lui a jeté qui l’a terrassé, à l’encontre duquel il adresse la présente plainte à Monsieur le procureur du roi.

Scandale !

Ce jourd’hui seizième jour du mois de juillet dix huit cent vingt sept, environ deux heures un quart de l’après-midi, nous Frossard François maire de la commune de Saint Germain accompagné du sieur André Bobay garde champêtre, nous avons entendu du bruit sur la place commune et nous nous y sommes transportés, nous avons reconnu que les sieurs Jean Baptiste Monnier et Jean Pierre Monnier son frère, tous deux fils de François Monnier, meunier et Didier Nicolas fils de Nicolas Didier tous trois de la commune, étaient à jouer aux quilles pendant l’office de vespres, nous leur avons déclaré qu’il ne convenait pas de scandaliser ainsi la paroisse et que nous allons contre eux dresser procès verbal pour servir et valoir ce que de raison.

Querelles au village

Le vingt sept juillet mille huit cent vingt sept, Françoise Bailly épouse de Nicolas Didier tous deux cultivateurs, vient à la maison commune déposer une plainte : que le jourd’hier elle était devant la maison du Jean Claude pour laver du linge dans une fontaine qui « jisse » devant cette maison. Pendant qu’elle lavait son petit fils Mathieu et le garçon du Nicolas Perche, tailleur de pierres de cette commune, étaient près d’elle à s’amuser. ll se sont agacés un peu trop fort et celui du Nicolas s’est mis à pleurer, sa soeur Marianne âgée de quinze à seize ans est accourue et a donné un soufflet au petit Mathieu ce qui l’a renversé par terre, sa grand-mère lui dit qu’elle était une impertinente de venir battre cet enfant et que cela ne lui convenait pas.
Sur ces raisons, la dite Marianne s’en est retournée, elle est entrée dans leur jardin qui est à côté du chemin qui conduit au domicile de la Françoise, elle est montée sur le mur du jardin.
Quand la dite Françoise est passée s’en retournant chez elle, le sieur Nicolas Perche était caché dans les haricots, il a dit à sa fille Marianne qui était sur le mur avec une pierre pesant environ six à sept livres qu’elle tenait dans ses mains « jette lui la pierre à la tête, tue-la, la vieille bougre ». Au même instant la fille lui jette la pierre droit à la tête de la Françoise qui a été assommée en tombant par terre et dont elle était toute ensanglantée. Ce qui lui causera un préjudice considérable.

Querelles de ménage

L’an mille huit cent trente deux, le cinq du mois de mars sont comparus à la mairie, Thiebaut Bailly cultivateur domicilié en cette commune et Claudine Nicolas femme de François Bobay dit voltigeur, belle mère du dit Bailly demeurant avec le dit Bailly son gendre.
Laquelle nous a fait la présente plainte, savoir que le présent jour vers les neuf heures du matin, étant partie pour aller à Belfort elle n’était pas loin de sa maison quand elle a rencontré son mari le dit François Bobay « voltigeur » qui mange sa pension à Phaffans où il a actuellement sa résidence.
Elle l’a laissé passer sans lui rien dire, quand il a eu dépassé sa femme, il a été faire deux ou trois tours chez les voisins puis autour de la maison. Sa femme a vu et conçu les jeux qu’il voulait faire, elle est rentrée dans la maison puis un moment après elle entend du bruit dans la grange, elle va voir, elle aperçoit un homme qui tendant la tête au travers du plancher de la remise. Elle s’est mise à crier au voleur et voit son mari qui sort de dessous la remise, puis se dirige au bout de Ia maison où il brise une croisée du poile avec un baton et par cette croisée il entre dans la maison. Il prend les objets détaillés par Thiebaut Bailly, savoir : un fusil, un crochet de fer ainsi qu’une pioche le tout en présence de témoins.
À l’encontre duquel il disposent la présente plainte à Monsieur le procureur du roi près du tribunal de première instance de l’arrondissement de Belfort.

Apparemment les choses ne se sont pas arrangées dans ce ménage puisque le sept septembre de la même année Thiebaut Bailly dépose une nouvelle plainte ainsi conçue :

Savoir que le jour d’hier sur les huit heures du matin le sieur François Bobay son beau père s’est présenté dans son domicile où le dit Bailly était à déjeuner. Le dit Bobay a pris leur écuelle de soupe, l’a jetée par terre ainsi qu’une assiette, ensuite il a pris la cuillère de service, l’a cassée sur le dos du dit Bailly son gendre.
Ensuite le dit Bobay est sorti, il a pris sa faux qu’il avait pour aller faucher, l’a jetée dans les fenêtres et les a toutes cassées. Il a pris des pierres, les a jetées contre les portes qu’il a aussi cassées, il a menacé de brûler le maison, enfin d’autres menaces encore en présence des sieurs Jean Claude Septans, François Tavernier et Jean Pierre Heidet, les trois voisins domiciliés au dit lieu.
Il a également déclaré que le jour cinq du présent mois Bobay a battu la femme du dit Bailly, sa fille ainsi que sa belle mère qui est sa femme. C’est pourquoi le dit Bailly adresse la présente plainte à Monsieur le procureur du roi près du tribunal de Belfort.

Petite et grande culture à Lachapelle-sous-Rougemont

Cette étude est tirée d’un document sauvé de la décharge publique par un habitant du village de Lachapelle-sous-Rougemont.
« La monographie de la petite et de la grande culture dans la commune de Lachapelle-sous-Rougemont » par E. Cottet, instituteur en 1900, retrace l’activité agricole dans la seconde partie du 19ème siècle, avec ses particularités, dues à la situation géographique du village et à la présence du collège libre. On retrouve dans le ton de l’ouvrage le souci moralisateur de l’instituteur de l’époque, soucieux de sa lourde charge d’instruction jusque dans les domaines de la vie privée, hygiène, soins, vie quotidienne, et de la technique, apprentissage des règles élémentaires de la vie paysanne et de la culture.
Dans cet article, les passages entre guillemets sont dus à la plume d’E. Cottet.

La propriété terrienne à la fin du 19ème siècle

Le plus grand propriétaire foncier de la localité, c’est la commune de Lachapelle-sous-Rougemont. Outre ses 95ha 37a 30ca de forêts aménagées en coupes ordinaires, elle possède 4ha 97a 15ca de champs cultivés et un étang communal empoissonné, d’une superficie de 99a 20ca.
On distingue les trois catégories de propriétés suivantes :

  • la grande propriété (20ha et au-dessus) se répartissant entre trois propriétaires pour 85ha.
  • la moyenne propriété (entre 10 et 20ha) se répartissant entre cinq propriétaires pour 70ha.
  • la petite propriété (10ha et au-dessous) se répartissant entre cinquante deux exploitations pour 214ha.

L’étendue des propriétés n’a pas sensiblement varié dans la commune depuis la Révolution, le village ayant conservé son caractère essentiellement agricole. Toutefois, I’on a constaté un accroissement continuel de la surface occupée par les prairies et une diminution réciproque dans celle occupée par les terres labourables. « Cela est dû à la vente à bas prix des graines, la culture des céréales n’étant plus assez rémunératrice, alors qu’en transformant ses champs en prés, il augmente le nombre des bêtes de son écurie et en retire un gain très appréciable. La surproduction du fumier lui permet d’obtenir des rendements supérieurs aux terres labourables. Il s’efforce aussi de  faire produire du lait, du beurre et toutes autres substances qui en dérivent. La diminution du nombre des étangs a eu pour conséquence une baisse considérable dans la production du poisson. Mais, en revanche pour compenser ce désavantage, l’air moins saturé d’humidité est devenu plus propre à la respiration ; ce climat s’est assaini au grand bénéfice de la santé publique. »

Les propriétaires

« En 1898, j’en compte 130 (c’est E. Cottet qui parle). Ainsi qu’on le voit par l’examen du tableau ci-dessus depuis 1789, le nombre des propriétaires ruraux fonciers va en augmentant jusqu’en 1878; forcément les grandes propriétés diminueront elles se démembreront. Il n’y aura plus un propriétaire qui possédera à lui seul 60ha comme en 1783.
Voici par ordre d’importance décroissante quels sont en 1900 les grands propriétaires fonciers :

  1. MM. les frères Grisez qui exploitent une étendue de 35 ha
  2. M. Jeantet Joseph qui exploite une étendue de 28 ha
  3. M. Jeantet Léon qui exploite une étendue de 23 ha
  4. M. Noblat Jean Baptiste qui exploite une étendue de 18 ha
  5. M. Grisez Jean Baptiste, brasseur qui exploite une étendue de 15 ha
  6. M. Bailly Stanislas qui exploite une étendue de 14 ha
  7. Le collège libre du Haut-Rhin qui exploite une étendue de 12 ha
  8. MM. les frères Jacquard qui exploitent une étendue de 11 ha.

Le résultat immédiat de cette diminution dans l’étendue des propriétés rurales est le morcellement qui en divisant les terres à l’infini, diminue leur puissance de production, fait perdre un temps précieux au cultivateur et est souvent aussi la source de contestations nombreuses qui surviennent entre voisins ».

Évolution du prix des terres depuis 1789

Les deux tableaux ci-contre donnent de vingt en vingt années et d’une façon aussi exacte que possible les prix moyens de location et d’achat d’un hectare de terres de diverses natures depuis 1789.

Les causes des mutations de propriétés

La mort est évidemment la cause la plus naturelle des mutations de propriétés, mais elles peuvent aussi se produire par suite d’échanges et de ventes volontaires ou par autorité de justice. Le nombre des ventes volontaires un peu conséquentes s’est élevé depuis 1820 à 74. Le nombre des ventes par autorité de justice a été de 34.
Le vrai cultivateur de race transmet ses terres à ses enfants qui agissent de même. Aussi, pour cette catégorie de travailleurs de la campagne, les mutations sont peu nombreuses. Ce sont les grands propriétaires terriens qui gardent le plus longtemps leurs biens dans la même famille. Certaines propriétés se mutent à peu près tous les quinze ans, d’autres seulement tous les quarante ans. La moyenne de possession est d’à peu près vingt cinq ans.
« ll n’a pas été créé de grande propriété en vue de la chasse dans la commune de Lachapelle sous Rougemont, à la différence des autres communes de l’arrondissement de Belfort où des domaines très étendus ont été créés exclusivement en vue de la chasse. Néanmoins, il est bien certain que la recherche de ce divertissement favori du riche, si agréable et si utile à la fois a été une des causes déterminantes de la constitution de quelques uns de ces domaines. »

Les conditions d’exploitation

« C’est à la troisième République qu’est due l’initiative de beaucoup de lois, arrêtés ou décrets, tendant au développement de l’agriculture, intervenant à chaque instant pour les travailleurs de la terre. Exemple : droits de transmission et d’enregistrement, mesures d’échenillage, prime au meilleur rendement dans la culture du chanvre et du lin…

  1. La loi du 22 janvier 1874 qui donne aux préfets les moyens de s’opposer à la destruction des oiseaux utiles à l’agriculture.
  2. La loi du 29 mai 1874 qui a augmenté l’effectif des étalons et le crédit des primes réservées aux étalons et juments poulinières.
  3. Un décret de 1875 interdisant l’entrée et le transit des pommes de terre provenant des États-Unis et du Canada dans le but de préserver la France du Doryphora Colorado, insecte qui détruit les pommes de terre.
  4. La loi du 30 juillet 1875 qui établit les écoles pratiques d’agriculture ou de nombreux fils d’agriculteurs de la commune appartenant à la moyenne culture envoient leurs enfants pour leur faire acquérir, outre l’instruction agricole théorique et pratique les compléments indispensables d’instruction primaire.
  5. La loi du 11 avril 1879 qui augmente de 300 millions la dotation de la caisse des chemins vicinaux est un puissant moyen d’encouragement aux cultivateurs qui ont surtout besoin de bonnes voies de communications pour transporter leurs produits.
  6. En 1879 est votée la loi qui organise les chaires départementales d’agriculture ainsi que le recrutement des professeurs chargés de faire des conférences dans les campagnes et un cours dans les écoles normales. Ces conférences ont produit dans la commune, les meilleurs résultats par les conseils pratiques et d’application immédiate donnés par monsieur Hézard le dévoué professeur d’agriculture du Territoire de Belfort. Les rendements en blé et en pommes de terre ont été augmentés considérablement.
  7. Les lois de protection de 1881, qui ont établi le tarif général des Douanes et encouragent la production française.
  8. Celles de la même année sur la police sanitaire des animaux votées dans le but d’empêcher la propagation des maladies contagieuses, prescrivant, moyennant indemnité, l’abattage des animaux atteints de peste bovine ou de péripneumonie.
  9. Une autre loi de 1881 établit le livre 1er du code pénal qui traite de l’entretien des chemins ruraux et sentiers, modifie les articles du code civil relatifs à la mitoyenneté des clôtures aux plantations, aux droits de passage et d’enclaves.
  10. La loi du 28 mars l882 qui sera un des plus grands titres de la République à la reconnaissance de la prospérité. A partir de cette date, l’agriculture fait partie du programme des connaissances obligatoires de l’enseignement primaire. L’instituteur sera dès lors le premier qui distribuera l’enseignement agricole aux fils de cultivateurs.
  11. La loi du 21 mars 1884 sur les syndicats professionnels ; elle est un puissant instrument de défense et de progrès, entre les mains des agriculteurs ; elle leur permet de se réunir pour l’achat du bétail, des instruments perfectionnés, des engrais, elle autorise l’organisation des instruments perfectionnés, des engrais, elle autorise l’organisation des caisses d’assurances, des prêts agricoles. S’inspirant de cette loi, de nombreux syndicats furent fondés. C’est ainsi qu’à dater du 1er janvier 1899 fonctionne dans le Territoire de Belfort une caisse d’assurances mutuelles de secours contre la mortalité du bétail et une association de crédit mutuel agricole fondées toutes deux sous les auspices des membres de la société d’agriculture du Territoire de Belfort dont le président est monsieur Jules Japy constructeur de machines agricoles, industriel à Beaucourt. »

Les dispositions du code civil relatives aux successions ont contribué au morcellement des terres dans la campagne française, et certains propriétaires se sont vus dans l’obligation de pratiquer le remembrement pour continuer à exploiter dans de bonnes conditions ; tandis que certains enfants de familles nombreuses abandonnent la culture, s’en vont à la ville, prennent le chemin de l’usine et trop souvent hélas « grossissent le flot des déclassés, des désillusionnés auxquels la vie n’a pas réussi. »

La main d’œuvre

Parmi les exploitants de la petite culture, trente quatre dirigent l’exploitation avec leurs bras seuls et ceux de leur famille. Les autres engagent à la journée ou à la tâche pour la fenaison, la moisson ou l’arrachage des pommes de terre, des ouvriers ou ouvriers agricoles. Les statuts de régisseur et de fermier n’existent pas au village, pas plus que le métayage.
L’instruction générale est très suffisante, elle est souvent au dessus de la moyenne : la plupart des jeunes gens ont bénéficié de l’enseignement donné par le collège libre installé dans la commune. Plusieurs cultivateurs sont bacheliers et œuvrent sans cesse pour le perfectionnement et l’amélioration des exploitations et des conditions de vie.
En ce qui concerne l’ouvrier agricole, homme, femme ou enfant, la rémunération est établie en fonction de la saison.

Les salaires

« Il n’y a point de rémunération particulière pour les travaux de la moisson. Mais les faucheurs engagés à la tâche sont payés à raison de 15 F par hectare, ils reçoivent outre la nourriture, 3 litres de vin. Le salaire est toujours donné en argent et jamais en nature. L’emploi des machines n’a eu aucune influence sur le salaire des ouvriers. La main d’oeuvre est toujours assez rare, elle est loin d’être en abondance. Il est assez rare que l’ouvrier agricole s’adonne en même
temps à une occupation industrielle. Sur une cinquantaine de journaliers agricoles qui habitent la commune cinq ou six à peine se livrent pendant l’hiver à une occupation industrielle surtout à l’abattage des bois communaux ». On peut estimer le gain moyen de la famille ouvrière agricole à 1.000 F. Elles ont presque toutes une maison leur appartenant et quelque bien ; cependant les économies sont rares. En dehors du nécessaire, les dépenses consistent surtout en achat de tabac et de journaux. La fréquentation des cabarets grève le faible budget. « Mais on peut espérer que l’active campagne menée contre l’alcoolisme fera bientôt reconnaître qu’il ruine non seulement sa santé mais qu’il perd ainsi sa dignité d’homme ».
L’ouvrier agricole élève toujours une ou plusieurs chèvres, il se nourrit de lait, le matin et le soir. A midi son repas principal se compose d’ordinaire d’une soupe, d’un plat de viande et de légumes. Dans les nombreuses familles, on ne boit du vin au repas que le dimanche et les jours fériés. L’usage du café au lait est très répandu dans tous les ménages, il tient souvent lieu de
repas du soir, cela s’explique car l’ouvrier, grâce à la tolérance des pays frontières, peut se procurer à bon marché le café et le sucre. L’ouvrier agricole qui est nourri chez le patron est fort bien traité, le repas du midi se compose souvent de deux sortes de viandes. Il a du vin à tous les repas, ainsi qu’au petit déjeuner de dix heures et au goûter de quatre heures.

Les modes de culture

C’est en 1880 environ que la première batteuse mécanique fit son apparition dans l’exploitation « Grisez frères », attenante à l’hôtel du Canon d’Or. En 1879, messieurs Grisez et Jeantet utilisèrent pour la première fois les faucheuses mécaniques dont l’emploi s’est répandu avec une extrême rapidité chez les propriétaires. L’exploitation de MM. Grisez possède les instruments agricoles les plus perfectionnés tels que :

  • charrues dites défonceuses ou sous-soleuses
  • extirpateurs
  • trieurs, tarares
  • semoirs mécaniques
  • râteleuses, faneuses, rouleaux .. »

Les batteuses mécaniques au nombre de 5 ou 6 ont été complètement abandonnées depuis que les frères Tacquard, entrepreneurs, propriétaires de machines agricoles louent aux propriétaires une batteuse à vapeur moyennant la somme de 50 F par jour, qui permet de traiter 2 000 gerbes par jour.
Presque tous les cultivateurs emploient les engrais chimiques azotates et phosphates combinés aux engrais animaux qui permettent d’obtenir des résultats surprenants, prodigieux même. Certains propriétaires disposant de capitaux pratiquent l’assèchement de marais, ou bien l’irrigation et le défrichement, augmentant les surfaces cultivées.
En 1891 les frères Grisez pratiquent l’amendement à l’aide de la marne, de la chaux, du plâtre, obtenant un vif succès.
En 1898 le premier prix culturel leur est très attribué à l’exposition de Belfort: une prime de 2.000 F et un objet d’art d’une valeur de 500 F aux chefs d’exploitation et une somme de 500F à leurs serviteurs.

Le mode de vie des agriculteurs

La manière de vivre de l’agriculteur est simple et honnête. Il fréquente très peu les cabarets et ne s’enivre jamais. Il se nourrit en général assez bien, consomme une assez grande quantité de viande de boucherie, met le pot au feu au moins deux fois par semaine. Il est bon d’ajouter que tout calcul fait, ce mode de nourriture est très économique, car le kilogramme de boeuf vaut de 1 F à 1 F 10 et que les porcs sont toujours vendus à un bon prix qui varie de 1 F 20 à 1 F 30. Il est donc plus avantageux pour le paysan de vendre plus de porc et de s’approvisionner à la boucherie. « Sa santé et sa bourse ne peuvent qu’en profiter ».
Le vêtement, toujours bien soigné chez les femmes comme chez les hommes est très convenable et paraît même luxueux si on le compare à celui des villages voisins. Les moments de récréation du cultivateur sont rares et espacés. Il ne fréquente guère les cabarets si ce n’est le dimanche à l’issue des offices religieux auxquels il assiste de manière assidue. Mais le cultivateur de nos pays est surtout un homme d’intérieur, un père de famille. ll y a bien quelques exceptions …

(La suite dans : Petite et grande culture à Lachapelle-sous-Rougemont par Colette HAAS-BRAUN et Yves GRISEZ, page 24)

Les incendies en Pays sous-vosgien

Parmi les différents fléaux menaçant la paysannerie française au XlXe siècle, l’incendie occupe une place particulièrement importante. En effet, sa fréquence est beaucoup plus importante que de nos jours, pour diverses raisons convergentes.

L’une des principales raisons du nombre important des incendies d’habitations tient au mode de chauffage des maisons et de préparation des repas. La cheminée y tient une place prépondérante, même si les poêles sont de plus en plus répandus. Les repas en particulier sont préparés dans l’âtre de la cheminée. Par ailleurs, on y cuit souvent le pain, depuis que la Révolution a supprimé le four banal. Ces préparations impliquent une présence presque permanente du feu à l’intérieur des habitations, feu que l’on est souvent contraint de laisser sans surveillance, ou bien la nuit, ou bien pour vaquer aux travaux des champs.
Le phénomène est encore aggravé par la nature de l’habitat, et la présence d’une grande quantité de combustible. Jusque sous le Second Empire, la majeure partie des habitations rurales sont couvertes en chaume ; de plus, en pays d’élevage, les granges renferment des quantités importantes de fourrage et de paille, sans parler des fagots et autres combustibles. Dans de telles conditions, l’incendie n’a guère de mal à se déclarer. Il prend naissance en général dans le grenier des habitations, ou plus exactement est détecté alors qu’il ravage le grenier. Mais il est difficile de savoir comment il a pris naissance ; dans le chaume de la toiture à cause de flammèches s’échappant de la cheminée, ou dans le grenier proprement dit, par une fissure de la cheminée, il est souvent bien difficile de savoir par où l’incendie s’est propagé.
Ce fléau nous est assez bien connu, dans la mesure où le code pénal, conçu au premier chef pour la défense de la propriété, a toujours réprimé sévèrement l’incendie et I’incendiaire, qu’il soit volontaire ou non. L’incendie volontaire est considéré comme un crime, même s’il n’a fait aucune victime. Mais l’incendie involontaire est lui aussi puni sévèrement, s’il est prouvé qu’il a pour origine la négligence ou le défaut d’entretien. De plus, avec le développement de la pratique de l’assurance des biens, qui se développe pendant tout le XlXe siècle, tout incendie fait l’objet d’une enquête afin de détecter une éventuelle escroquerie à l’assurance.

Pour permettre ce contrôle, la loi fait obligation au propriétaire d’un bien incendié de faire la déclaration du sinistre dans des délais assez brefs devant le juge de paix du canton. Nous ne savons rien naturellement de la régularité des déclarations, ni de leur sincérité. Mais leur grand nombre laisse penser que les déclarations étaient faites régulièrement. En revanche, leur contenu laisse le plus souvent le lecteur sur sa faim : le juge de paix doit en effet interroger la victime sur  l’origine probable de l’incendie. Mais en raison des peines encourues, et en particulier en cas de mauvais entretien d’une cheminée ou de défaut de surveillance, les propriétaires restent le plus souvent très réservés quant à l’origine du sinistre. Sauf naturellement quand il s’agit d’une maison en location, auquel cas le locataire est chargé de tous les maux.
De 1848 à 1871, ce n’est pas moins de 106 incendies qui ravagent le pays sous-vosgien. Et ce nombre n’est qu’un pâle reflet de la réalité, puisque seuls sont déclarés les incendies importants, et en particulier ceux entraînant la destruction complète d’une habitation ou d’un corps de ferme. Il convient toutefois de noter qu’en raison de la présence de toitures de chaume, les incendies sont en général dévastateurs, et ne peuvent être enrayés qu’avec de grandes difficultés. Il est d’autant plus difficile d’arrêter ces incendies que les modes de secours sont peu nombreux. Il existe certes dans toutes les communes un corps de sapeurs-pompiers, et souvent jouent des mécanismes d’entraide de village à village. Mais ces pompiers, pour lesquels sont construits par les communes au cours du siècle de nombreux corps de garde, ne peuvent guère qu’essayer d’empêcher l’incendie de gagner les habitations voisines. Le manque d’eau se fait en effet cruellement sentir . il est hors de
question, en l’absence d’adduction, de mettre des lances en batterie. Et, sauf proximité d’un cours d’eau ou d’un étang dans lequel il est possible de pomper, ce n’est en général pas le filet d’eau coulant des fontaines publiques qui permet de lutter efficacement. Ce qui n’empêche pas les pompiers d’intervenir systématiquement, alertés par le tocsin – c’est souvent par ce même tocsin que des paysans occupés dans leur champ, apprennent le début de l’incendie dont leurs biens sont victimes – et aidés par les voisins, qui souvent découvrent l’incendie avant les propriétaires, même si ceux-ci sont présents.
En effet, dans l’immense majorité ces cas, l’incendie est déclaré comme ayant pris naissance dans le grenier, sans que l’on en connaisse par ailleurs la cause. Réalité, ou déclaration tronquée afin d’éviter les ennuis d’une enquête ? Il est très difficile de le savoir. Mais il est tout de même frappant de constater le très faible nombre d’incendies dont on déclare la cause, et en général, on la déclare pour la rejeter sur autrui : en février 1848, à Etueffont-Haut, on explique un incendie par le défaut de surveillance de deux enfants, confiés à une personne recueillie par charité. Toujours à Etueffont-Haut, en juin 1851, on accuse la foudre d’être à l’origine d’un sinistre. En novembre 1855, à Giromagny, c’est la maladresse d’un ouvrier travaillant à remplir un tonneau d’eau de vie à côté d’une flamme qui cause un début d’incendie. En 1866, comme le cadavre carbonisé d’un inconnu a été découvert dans la remise d’une propriété incendiée de Rougegoutte, on n’hésite par à faire de cette remise le lieu de départ du feu, et à en rendre donc responsable le vagabond.
Très rares sont en fait ceux se reconnaissant quelque peu responsables de leur malheur, mais le cas se présente quelquefois. En mars 1867, a lieu à Etueffont-Haut un incendie dans une épicerie, dû à la chute d’une lampe dans un panier de boîtes d’allumettes ; en décembre 1887, à Eloie, a lieu chez Joseph Bailly un incendie prenant naissance dans la chambre du poêle : deux enfants laissés sans surveillance ont mis le feu à une paillasse laissée non loin du poêle. Mais en dehors de ces cas extraordinaires, le silence est de rigueur, afin de ne pas s’impliquer dans des suites judiciaires éventuelles.
De même est dégagée la responsabilité des voisins, dont il est systématiquement expliqué qu’ils se sont tous précipités pour combattre le début d’incendie. Sinistres donc en général inexpliqués. Le plus souvent, il est donc affirmé que le feu a pris naissance dans le grenier, donc aux étages supérieurs. La responsabilité d’une flammèche est donc certaine, mais venant de l’extérieur, elle peut provenir de toute cheminée voisine. Le mauvais entretien du conduit de la cheminée, qui permet au feu de se communiquer aux poutres du plafond, n’est que rarement avoué.

Il est de toute façon certain que c’est par la toiture que prennent naissance le plus grand nombre des incendies, car elle représente le point le plus fragile de la demeure à cet égard. Partant, il est logique que ce soient les voisins qui les premiers prennent conscience du feu et préviennent les propriétaires. Le rôle du foyer domestique dans la naissance du feu ressort
cependant très bien d’une étude statistique. Nous connaissons en effet les heures de déclenchement, ou plus exactement de détection des incendies. Les plus nombreux correspondent aux heures des trois repas journaliers, ce qui laisse supposer que le feu était ranimé systématiquement, y compris pour le repas du matin. La cuisson du pain cause également de nombreux incendies au cours de la journée, mais la déclaration en est rare. C’est le repas du soir qui donne naissance au plus grand nombre de sinistres : lors de sa préparation, certes, entre 18 et 19 h, mais aussi à sa suite : beaucoup de feux se déclenchent entre 21 h et minuit. Il est probable que ce sont alors des bûches qui, s’écroulant dans la cheminée, libèrent des flammèches parvenant jusqu’au chaume du toit.
La répartition dans l’année des incendies est plus difficile à expliquer. Certes, il est normal qu’ils soient fréquents lors de la période de chauffe, de novembre à mars, mais le mois qui en connaît le plus grand nombre est paradoxalement celui de juin : de mai à septembre, les sinistres sont nombreux, et seuls les mois d’avril et d’octobre connaissent une diminution notable des risques. ll est probable que durant les mois d’été, le défaut de surveillance est plus important en raison du temps demandé par les travaux des champs. Ainsi, c’est alors qu’il travaille au bois que le 18 juillet 1853, Joseph Heck de Riervescemont est prévenu par une petite fille d’un incendie, qu’il parvient à grand peine à éteindre. Quant à la pointe du mois de juin, peut-être peut-on l’attribuer à des fourrages rentrés encore humides ?
Toitures en chaume et présence de grandes quantités de combustibles dans les greniers interdisent en général les interventions. Seule la rapidité permet parfois de faire face, mais il faut encore compter avec le manque d’eau. Ainsi, en 1851, à Lachapelle-sous-Chaux, Jean-Joseph Grisez, vers 19 heures, alerté par le tocsin alors qu’il travaillait aux champs, découvre sa maison en flammes le feu a pris dans la cheminée alors que sa femme préparait le repas du soir ; elle ne put le maîtriser, malgré une intervention immédiate ; elle ne disposait que d’une bassine d’eau.
Mais surtout, le chaume permet à l’incendie de se répandre de maison en maison. Certes, nous n’avons pas trace d’incendie d’un village entier dans le canton de Giromagny de 1848 à 1870. Mais de nombreux sinistres concernent plusieurs habitations. En janvier 1848, ce sont deux maisons qui brûlent à Auxelles-Haut, alors qu’elles n’étaient séparées que par une ruelle large de deux mètres. Le feu est d’ailleurs venu d’un début d’incendie déclaré dans une troisième maison. En 1864, à Auxelles-Bas brûlent deux fermes, l’une couverte en bardeaux, l’autre en chaume. Leurs greniers n’étaient séparés que par une cloison en planches, et l’incendie put se propager sans la moindre difficulté. Il en alla de même en 1866 à Giromagny dans les maisons d’Alexis Jacquerez, bonnetier, et de Jacques Grevillot, perruquier, alors même que leurs deux maisons étaient construites en pierre et couvertes en tuiles. Mais l’incendie le plus destructeur de la période est certainement celui survenu à Anjoutey le 28 janvier 1870 vers midi, qui anéantit quatre propriétés, et entre autres cinq corps de logis, quatre écuries, deux granges… Le feu, né chez Jean-Claude Merlet, cultivateur, s’est déclaré dans une maison ancienne, construite en partie en torchis et couverte de chaume, proie facile pour les flammes. Il passe ensuite chez François Giros, dont la grange était couverte en chaume, puis chez le boucher François Clerc. Celui-ci disposait de deux maisons, l’une couverte en tuiles, l’autre moitié en tuiles et moitié en chaume. Enfin, il se communique à la demeure de François Tisserand, le garde-champêtre, dont seule la grangerie, couverte en chaume, est la proie des flammes, le corps de logis couvert en tuiles pouvant être sauvé.
La responsabilité de la couverture en chaume dans la naissance, puis la propagation des incendies, était évidente pour chacun. Aussi, pour lutter contre l’incendie va-t-on lutter contre le chaume. Deux facteurs vont permettre une disparition somme toute rapide du chaume : le développement des compagnies d’assurance, qui vont très vite refuser d’assurer des maisons couvertes en paille, et l’enrichissement de la paysannerie sous le Second Empire, enrichissement qui finance les transformations. Nous ne possédons pas de sources nous permettant de savoir à quelle date se généralisa l’assurance des propriétés dans le canton de Giromagny. Mais dès 1848, nous savons que plusieurs des maisons victimes de sinistres étaient assurées. Ce furent manifestement les maisons louées qui furent les premières à être assurées. Ainsi brûle en juin 1849 à Etueffont-Haut une maison louée par le notaire Charles Lardier, assurée pour 2.000 F. Le mobilier du locataire n’est en revanche pas assuré. Mais l’assurance se développe, y compris chez les plus modestes, comme Sébastien Stalder, journalier à la Planche-le-Prêtre, dont la maison brûle en 1858 après une fournée de pain, et qui était assuré pour 2.000 F auprès de la compagnie Phénix. Surtout, on voit entre 1848 et 1871 l’habitat paysan se métamorphoser. La description en reste identique, avec la maison bloc comportant le corps de logis, la grangerie, l’écurie et éventuellement une remise, mais la couverture change du tout au tout. En 1853, les huit incendies survenus dans le canton de Giromagny ont tous concerné des maisons couvertes en chaume, d’une valeur moyenne de 1100 F. C’est d’abord le corps de logis qui va être transformé et couvert de tuiles. La grange seule reste couverte de paille. Les deux incendies survenus en 1859 à Lepuix-Gy et Anjoutey concernent de telles demeures. A Lepuix-Gy, la maison a ainsi pu être sauvée. La valeur moyenne monte alors à 4.750 F. En 1870, sur douze maisons incendiées pour lesquelles nous connaissons la couverture, quatre sont couvertes intégralement en chaume, cinq ont encore la grangerie couverte en tout ou en partie de paille, trois sont couvertes uniquement de tuiles. La valeur moyenne de l’habitat est de 3.500 F. Dans les maisons couvertes en tuiles, le feu a pu être en général maîtrisé et n’a causé que des dégâts mineurs : 60 F chez Xavier Travers, tisserand à Vescemont, 100 F chez François Clerc d’Anjoutey.
Les dégâts sont le plus souvent très importants, puisque c’est la totalité de l’exploitation qui disparaît le plus souvent. On arrive en général à sauver les animaux, parfois quelques meubles, avec l’aide des voisins, souvent le lit et ses accessoires. Mais, parfois, le bétail lui-même ne peut être évacué à temps. En 1864, à Etueffont-Haut périssent carbonisés trois brebis et deux agneaux chez Xavier Surque, en 1867, dans la même commune, deux chevaux, une vache, une génisse et un porc chez Victor et Isidore Didier, tailleurs de pierre. La même année, l’aubergiste de Petitmagny, Alexis Artel, perd une chèvre, trois porcs et un mouton. Mais surtout, certains de ces incendies entraînent mort d’hommes. Le plus souvent, l’intervention des voisins et la détection rapide de l’incendie permettent une…

(La suite dans : Les incendies en Pays sous-vosgien par Michel ESTIENNE, page 30)

C’était en 1850

La Révolution de 1848 qui éclata le 22 février à Paris fut connue à Belfort le 26. Les gardes nationaux revêtirent leurs uniformes, la Marseillaise et le Chant du départ retentirent, une brillante illumination eut lieu à la Sous-Préfecture. Deux jours plus tard, une salve de cent un coups de canon fut tirée du château pour proclamer la République.
Le 10 décembre 1848, Louis Napoléon Bonaparte était élu Président de la République avec, dans l’arrondissement de Beffort, 20.261 voix contre 4,188 à Cavaignac, 99l à Ledru-Rollin et 17 à Lamartine.

En 1849 le Prince président laisse le soin à l’Assemblée de prendre des mesures réactionnaires telle que la loi Falloux qui supprime le monopole universitaire et favorise la création des écoles confessionnelles, une loi restreignant le suffrage universel ou encore une loi limitant la liberté de la presse. Il est cependant accueilli en fanfare à Bavilliers puis à Belfort, le 19 août. Un bal est donné en son honneur à la salle des fêtes de I’Hôtel de ville. Le lendemain, après la revue des troupes de garnison au Champ de Mars, le Président part pour Mulhouse en passant par Lachapelle et le Pont d’Aspach (1).
Quant aux citoyens de la zone sous-vosgienne soumise aux caprices d’un temps déplorable, ils se demandent s’il fait vraiment meilleur vivre sous la République ou sous la Monarchie…

1850, une année pourrie

Tout commence le 2 janvier quand la neige succède à une période de froid intense. Une neige si abondante qu’elle paralyse tout, qu’elle efface tout, qu’elle engendre la panique. Les cultivateurs qui se rendent au marché de Belfort sont contraints à rebrousser chemin. Certains doivent même abandonner en route le chargement de leurs voitures, les bêtes ne pouvant plus tirer les lourds fardeaux.
A la tombée de la nuit, on sonne les cloches des églises de plusieurs paroisses pour tenter de diriger les voyageurs. Dans les villages, la couche est si épaisse que certains envisagent de creuser des tunnels de communication sous la neige accumulée. Deux hommes égarés meurent dans la forêt avoisinant Etueffont-Bas. Les loups sortent de leurs tanières, à Perouse une louve et ses quatre louveteaux sont aperçus en plein midi. Tous les trains sont bloqués. Quant aux courriers, ils accusent de seize à dix huit heures de retard !
En pareilles circonstances, il est toujours des gens pour qui « à quelque chose malheur est bon ». Ainsi, des braconniers répandent-ils des substances toxiques sur les champs enneigés pour empoisonner perdrix et corbeaux. A Chaux, une voiture pleine de chaînes de navettes destinées à un tissage de Giromagny et bloquée par la neige, se voit vidée de son contenu au cours de la nuit. Mais le voleur était « honnête », il se contente de garder les caisses vides et dépose au petit matin les navettes devant la porte de l’adjoint de Giromagny. Dans la nuit du 26 janvier enfin, la pluie fait son apparition. Une forte pluie qui, quatre jours durant, fait fondre la neige et provoque un nouveau désastre. Les rivières ne peuvent canaliser l’énorme quantité d’eau de la fonte et la plupart des villages sont inondés. Certaines routes sont recouvertes de 70 à 80 centimètres d’eau ! En aval, la Savoureuse déborde elle aussi. Le quartier du Fourneau à Belfort est le plus touché, Les  chroniqueurs affirment que la hauteur d’eau dans les rues de Belfort est supérieure à celle enregistrée lors de la grande inondation de Delle en 1720. Il est dit que cette année 1850 sera placée sous le signe des caprices du temps. A la mi-juillet, on note des gelées blanches pendant une semaine à Auxelles-Bas. Fin août, le bilan est peu encourageant : « A peine avons-nous eu depuis le printemps une semaine qui se soit écoulée dans un beau fixe. Les produits de la terre ont été généralement abondants mais la pluie trop fréquente a causé la réapparition de la maladie de la pomme de terre et si le temps persiste, la vendange souffrira. » (2).
En septembre, les récoltes terminées, les tristes prévisions se confirment. La moisson est nettement moins bonne que celle de 1849 :

  • Le blé est beau mais rare. De plus, il est moins disposé à « prendre l’eau » ; d’ailleurs plusieurs boulangers réclament aussitôt la modification du tarif qui sert de base à la taxe du pain.
  • La « maladie de la pomme de terre » fait des ravages. Les deux tiers de la récolte seraient touchés.
  • La paille qui constitue une part  importante de la nourriture du bétail en hiver est, elle aussi, de médiocre qualité et source de maladies. Aussi est-il conseillé de répandre du sel sur les gerbes avant de les engranger.

Pour couronner le tout, les astronomes constatent un fait inquiétant : la lune a pris un mouvement qui la rapproche de plus en plus de la terre, si bien qu’on calcule déjà que, si ce mouvement se poursuit, la lune aura rejoint la terre d’ici dix ans ! .. (3).
Bref , l’année 1850 est bel et bien une année pourrie. Certains ont beau jeu, alors, de dire qu’on ne vit pas mieux sous la République que sous la Monarchie …

Les potins de l’année… La Saint-Henri

Une croyance superstitieuse veut que dans la région de Giromagny, les trois jours qui précèdent ou suivent la Saint Henri, doivent être marqués par des incidents. Or, la fatalité (assez naturelle
à une période où l’on est occupé aux plus forts travaux de la campagne) veut qu’une fois encore ces craintes soient confirmées. Ainsi, le premier jour, deux maisons brûlent entièrement à Bourg. Le lendemain une jeune fille de Giromagny tombe d’un cerisier ; gravement blessée, elle sera toutefois sauvée. Le surlendemain une maison brûle à Lepuix. Un jour plus tard, une femme de Giromagny se tue en tombant d’une charrette de foin et un menuisier de Lepuix est à moitié écrasé par une voiture de bois.
La superstition, cette infâme … (Voltaire).

Trésor

Février 1850 à Etueffont. Des enfants jouent dans un trou creusé pour détremper de la chaux et trouvent un vase contenant 46 pièces d’argent et 55 d’or ! Les premières sont frappées à l’effigie de Ferdinand II, roi des Romains et Empereur d’Allemagne ; les autres monnaies sont encore plus anciennes (4).

Villégiature

Juillet 1850. Le citoyen Flocon, rédacteur en chef du journal « La Réforme » et ex-ministre du commerce sous le gouvernement provisoire de 1848, est en villégiature dans une chambre d’auberge au sommet du Ballon d’Alsace. Auparavant, il avait séjourné quelques temps aux eaux de Plombières. Les mauvaises langues disent que la Révolution de février lui a donné le goût des positions élevées …

Communications

Août 1850. Le Conseil d’Arrondissement de Belfort est réuni pour étudier l’état des routes. Il est notamment question du chemin reliant Rougemont au village de La Petite Fontaine (Petitefontaine). En plusieurs endroits, la voie est si étroite que deux voitures ne peuvent s’y croiser ; de plus des matériaux sont entreposés ça et là et entravent un peu plus la circulation. Dans la traversée du Val (Leval) le chemin est coupé par plusieurs ruisseaux enjambés par de petits ponts en planches. Leur étroitesse et leur très mauvais état rendent la traversée du village très dangereuse. Le Conseil d’Arrondissement décide donc de donner priorité à la réfection de cette voie de communication.

Sans commentaire

Lu dans « Le Journal de Belfort », fin août 1850 :
 » Un jeune homme de Vescemont occupé à faire ses prestations, ayant été s’asseoir dans une espèce de carrière, a été surpris par un éboulement de terre qui lui a brisé l’épine dorsale. ll paraît même qu’on a eu beaucoup de mal à le retirer vivant de dessous les décombres ; la grande masse de terre l’a littéralement cassé en deux ; on l’a retiré ayant la tête entre les deux jambes »

Magazine

Le Second Empire à Grosmagny

Il y a deux ans, l’association « Le Fayé » fêtait par un spectacle de grande qualité, le plus beau rendez-vous du bicentenaire dans le Territoire, la date anniversaire de la Révolution française. Animations de rues et représentations théâtrales d’une pièce « L’ami du peuple » connurent un succès sans précédent dans le pays sous-vosgien.
En septembre prochain, du 5 au 8 et du 12 au 15, ce sera le déferlement du Second Empire dans la commune : de Zola à la République qui s’installe, en passant par les confrontations du monde industriel et bourgeois avec celui du peuple, le village, entièrement reconstitué vivra au rythme de saynètes animées par de nombreux artistes du département. L’histoire, le théâtre et l’animation de rues feront bon ménage pour cette fête exceptionnelle.

Vivre ce passé qui nous appartient
L’histoire … quelles histoires ?

Laissons le rêve évoluer dans son système archaïque bien que révélateur. Des bruits, des cris, des sons, des couleurs remontent inconsciemment on ne sait d’où : la Goutte d’or, Degas et ses repasseuses, l’affaire Dreyfus, la photographie, les libertés suspendues, Karl Marx, le ventre de Paris, Victor Hugo, Sedan .. Où est la chronologie ? Où est le lien, qui fait qu’un siècle passe, attendant patiemment ou non le suivant, contre tous et avec chacun … cela, en tout cas, laisse des traces ! Ces dernières ne seraient-elles que repères incertains (trop certains !) pour pédagogues débutants ?
Être « l’ivre d’histoire », n’est-ce pas plutôt revivre l’aventure au cœur du passé, qu’une sériation de dates obscures qui ne révèlent que très rarement, les passions et les haines qui créent l’Histoire. Abandonnons là, l’onirisme … Rêvons la réalité, la fête, l’ambiance, qui fait que l’histoire, de manière événementielle, à coup de jeux théâtraux, de mise en scène au
quotidien et de travail coopératif , se défait, se refait, au bout du compte, se revit et même se construit. Deux week-end de septembre, Grosmagny offrira cette possibilité de renouer avec le passé. La mobilisation est énorme, le projet est populaire ; le patrimoine historique et culturel en milieu rural a beaucoup plus d’importance et de sens que l’on ne pourrait croire.
Le pari, rejouer au présent, « la Terre », l’essor industriel et les richesses picturales et littéraires de cette époque, est osé ; qu’importe !
« Le Fayé », maintenant bien rodé à la mise en scène et l’organisation de spectacles, a les épaules larges. Disposant du soutien financier du Conseil général et de nombreux sponsors, ainsi que du parrainage de la presse locale, l’association attend la venue de plusieurs dizaines de milliers de personnes ; cet espoir est loin d’être irréaliste, surtout lorsque l’on connaît la vitalité, la passion et le sérieux des organisateurs.

Au programme

Comme pour 1989, la fête se présente sous deux formes : un son et lumière, les 7, 8, 14 et 15 septembre (sur le thème de la « Terre » de Zola) et des animations de rues, du 5 au 7 et du 12 au 14 septembre, dans un village « repeint » pour l’occasion aux « couleurs » du Second Empire. Les visiteurs découvriront, tour à tour, les travaux des champs, le repas des moissonneurs, le comice agricole, la boulangerie, la distillerie, la forge et bien d’autres métiers d’époque … Le thème de la fête sera illustré par la présence de manèges, forains, camelots et autres saltimbanques et troupes folkloriques…
Sculpteurs, écrivains, poètes, côtoieront d’autres artistes, dont des peintres ayant pour mission de recréer « le déjeuner sur l’herbe » de Manet, d’après des modèles vivants ! Un studio photo et son matériel datant de 1870 sera exposé dans le bas du village. Le programme n’aurait pas été complet sans quelques reconstitutions historiques des mouvements sociaux de l’époque : et si le village s’embrasait, ainsi qu’une ferme ou deux… et si la guerre venait à se déclarer à Grosmagny … Des surprises, les rues du villages vous en procureront une bonne série ; une ambiance grandiose et exceptionnelle à ne manquer sous aucun prétexte !

La terre ou la fantasmagorie du mal

C’est en 1867 que germe, chez Emile Zola, le projet d’écrire une fresque dépeignant « les sentiments, les désirs, les passions, toutes les manifestations humaines, naturelles et instinctives dont les produits prennent les noms convenus de vertus et de vices ». Mais l’œuvre gigantesque en vingt volumes que Zola nous a livrée, intitulée « Les Rougon-Macquart, histoire naturelle et sociale d’une famille sous le second Empire », ne commencera à paraître qu’en 1871 et se poursuivra, au rythme d’à peu près un roman par an, pour s’achever en 1893.
Disciple de Taine, de Claude Bernard et de Darwin, Zola construit son « naturalisme » à travers l’histoire de cette famille, partant du principe que l’hérédité, le milieu social et les circonstances du moment déterminent l’homme dans ses actes et dans ses pensées. « La famille dont je conterai l’histoire, représentera le vaste soulèvement démocratique de notre temps : partie du peuple, elle montera aux classes cultivées, aux premiers postes de l’État, à l’infamie comme au talent. »
À l’origine de cette famille : des fous et des ivrognes. Les circonstances du moment : le second Empire et l’abominé Badinguet, le « Tyran à moustaches » dont la chute, que Zola, républicain convaincu, « n’osait espérer si prochaine », a apporté, selon ses propres termes, « le dénouement terrible et nécessaire » de son oeuvre. « La Terre », quinzième volume de cette « saga », paraît en 1887 et fait l’objet de violentes critiques. Qualifié de « géorgiques de la crapule » par Anatole France et « d’irrémédiable dépravation morbide d’un chaste » par une meute de jeunes auteurs excités par des aînés jaloux; « La Terre » déchaîne les passions. Une telle œuvre, en effet, ne peut laisser indifférent.
Le décor uniforme et paisible de la Beauce devient, sous la plume de Zola, le théâtre d’une guerre sans merci à laquelle vont se livrer, au rythme des semailles et des moissons, les acteurs d’une pièce effrayante dont le personnage principal, La Terre, enjeu de leurs passions, va conduire certains d’entre-eux jusqu’à l’abjection la plus ultime.
« La Terre » qui, sans doute par souci de « naturalisme », commence par l’accouplement d’une vache un peu fougueuse et d’un taureau au membre maladroit, que la main innocente d’une adolescente va guider pour que la semence ne soit pas perdue, c’est d’abord l’histoire d’un drame : le drame d’un patriarche, le père Fouan, respecté et craint tant qu’il est encore en possession de son patrimoine mais qui, tout comme le roi Lear de Shakespeare, après avoir partagé ses biens entre ses enfants, est chassé de sa maison puis dépouillé petit à petit par les monstres dévorants qu’il a engendrés, monstres qui vont, poussés par une hallucinante et frénétique phagocytose, l’affamer, l’humilier, le frapper, le priver de sa dignité avant de l’assassiner abominablement en mettant le feu à la paillasse sur laquelle, tel un chien, on l’autorisait encore à s’étendre.
Mais, autour du père Fouan et de ses principaux tortionnaires, gravitent d’autres personnages tout aussi monstrueux, faisant de ce village de la Beauce un microcosme de cruauté et de bassesse dans lequel évoluent des êtres frustes et bornés, animés par les plus noirs instincts.
« La Terre » est une peinture de la nature humaine dans ce qu’elle a de plus effrayant, de plus immonde, une épouvantable mise en scène de l’horreur, partout présente. Ligne après ligne, le lecteur, gagné par l’oppression cherche en vain l’air frais et croit reprendre sa respiration devant la tendre affection qui unit la jeune Françoise, âgée de 14 ans, à sa sœur Lise, au commencement de l’histoire. Illusion. La convoitise veille. La haine et la jalousie se développent au fil des pages. Pour quelques arpents de terre, Lise assassinera sa sœur, devenue adulte, en la précipitant sur une faux qui lui déchirera le ventre, tuant du même coup l’enfant qu’elle attendait, en ayant pris soin, préalablement, d’inciter son mari Buteau, à violer Françoise, viol auquel elle participe et assiste « sans qu’un pli de sa face remuât ». Étouffement garanti.
Impossible de sortir de ce cloaque putride, irrespirable, habité par des personnages de cauchemar : Olympe, dite « La Trouille », sinistre gamine androgyne, gardienne d’oies de son état, qui se fait culbuter dans les fossés dès l’âge de 14 ans par tous les garçons du village, Hillarion, l’attardé mental, le dément contrefait et incestueux qui couche avec sa sœur Palmyre et termine sa vie sous la hache de sa grand-mère, Marianne Fouan, dite « La Grande », 89 ans, pour avoir tenté de la violer.
Hyacinthe, dit « Jésus-Christ », ivrogne invétéré, dévoyé, paresseux, champion de concours de pets, qui donne à chacun des personnages de l’histoire, ainsi qu’à Zola lui-même, l’occasion de blasphémer avec délectation chaque fois que des épithètes peu élogieuses sont accolées à son incroyable surnom.
Jacqueline, dite « La Cognette », fille de ferme dépravée espérant se faire épouser par son maître, que par ailleurs elle méprise et qu’elle trompe sans vergogne avec tous les mâles qui passent à sa portée, avec la frénésie d’une obsédée sexuelle.
Même les très jeunes enfants sont monstrueux, tels Laure et Jules, fille et fils de Buteau et de Lise, qui dansent autour de leur grand-père Fouan, trébuchant de faiblesse et de faim, en chantant sur un air de ronde enfantine « Tombera, tombera pas… son pain sec mangera, qui le ramassera … ». Insoutenable.
Et que dire de Lise, la femelle infernale fratricide et parricide qui, après avoir tué sa sœur et avant de faire griller son beau-père, tente d’abord de l’étouffer, en chemise, à califourchon sur un oreiller, par une danse obscène de « sa croupe nue de jument hydropique ».
Zola nous offre, dans « La Terre », une incroyable concentration de monstruosité et de laideur, un monde sale et hideux, peuplé de gens répugnants dont la puanteur intérieure est si puissante qu’elle parvient à masquer l’odeur fétide du purin et de la paille souillée des étables.
Un seul être pourtant, se démarque de ce troupeau de monstres : Jean Macquart, originaire de Plassans, frère de Gervaise, l’héroÏne de « L’assommoir ». Ancien menuisier engagé dans l’armée, il s’installe au village après la victoire de Solférino, pour devenir paysan. Lui seul conserve sa dignité et son honneur, tout simplement parce que même s’il aime la terre, il ne l’aime pas de la même passion charnelle que les autres. Il n’est pas réellement impliqué dans le drame des Fouan, qui les met en état d’impuissance comme peut l’être un amant qui, ne pouvant posséder l’Autre, sombre dans la folie meurtrière. Il n’en est que le témoin.
La Terre, la Maîtresse du paysan, la Mère nourricière, la Femme qu’il faut apprivoiser, fertiliser et ensemencer avec passion pour qu’elle donne la vie, selon son bon plaisir, la Terre immortelle sera toujours la plus forte. La posséder n’est qu’une illusion et c’est cela qui
les rend fous.
En fait, « La Terre » est une allégorie, un monde fantasmatique fait de désirs et d’impuissance, où l’inconscient de Zola a pris, à son insu, le pas sur le naturaliste. Ecrire ce
livre lui a permis d’exorciser ses démons en nous permettant à nous, ses lecteurs, d’exorciser les nôtres. ll est d’ailleurs aisé de comprendre qu’après avoir accouché d’un tel cauchemar, Zola ait éprouvé le besoin d’écrire « Le Rêve » , qui vient immédiatement après « La Terre » dans la saga des Rougon-Macquart.
C’est ce monde hallucinant de violence et de fantasmes qui sera La Terre : un monde de violence et de fantasme représenté à Grosmagny, au mois de septembre 1991, par une cinquantaine d’acteurs professionnels et amateurs, dirigés par Monsieur François Jacob, directeur du « Théâtre de I’Oeuf » et metteur en scène, une pièce d’une intensité dramatique shaskespearienne jouée dans un décor grandiose associant site naturel et personnages de Jérôme Bosch en toile de fond.

Felon conserve son patrimoine

À la suite de l’article « Felon, ton patrimoine fout le camp », paru dans le précédent numéro de La Vôge, M. Georges Papon, maire de la commune, nous a adressé la lettre suivante :
« C’est avec surprise et étonnement que j’ai pris connaissance de votre article paru dans la revue « La Vôge » : « Felon ton patrimoine fout le camp ».
Je voudrais vous rassurer, je suis un fervent défenseur des choses qui en valent la peine.
Je ne pensais absolument pas supprimer le patrimoine de la commune en ôtant un amas de tombes en ruine, qui depuis quarante ans, n’avaient retenu l’attention de personne. Pour ma part, je considérais comme un affront pour les morts que de laisser cet endroit si peu entretenu.
Je vous remercie tout de même d’avoir remarqué que ma commune avait fait de gros efforts, et des sacrifices pour que notre village devienne un village accueillant. Quant au vieux et beau panneau situé « Rue de I’Église » et « Rue de l’Etang », Cher Monsieur, il n’a pas été volé, ni vendu à des collectionneurs comme on vous l’a peut-être dit, mais bien au contraire, je l’ai démonté afin de le rénover, puis de le remettre à sa place, lorsqu’il aura fait « peau neuve » »
D’ailleurs, lorsqu’il aura réintégré sa place, vous serez invité à le contempler et vous pourrez ainsi démentir votre article paru dans la revue n°6. »

« Sundgau 7 » : 25 villages

La Société d’Histoire de Balschwiller et Environs (S H B E ) a été créée le 9 mai 1989 au Foyer de Balschwiller en présence d’une quarantaine de passionnés de l’histoire.

L’association a pour but :

  • de promouvoir et de favoriser la connaissance, les travaux et les études scientifiques sur l’environnement et le passé historique de la commune de Balschwiller et des communes limitrophes à celle-ci, à savoir : Ammertzwiller, Bernwiller, Saint Bernard, Egligen, Hagenbach, Buethwiller, Falkwiller et Gildwiller ainsi que Bellemagny, Brechaumont, Bretten, Burnhaupt le Bas, Burnhaupt le Haut, Diefmatten, Eteimbes, Galfingue, Guevenatten, Hecken, Saint Cosme, Spechbach le Bas,
    Spechbach le Haut, Sternenberg, Traubach le Bas et Traubach le Haut,
  • d’établir des échanges d’information entre les chercheurs et le public,
  • de participer à la conservation du patrimoine local,
  • de recenser les monuments historiques, les classer et prendre ou faire prendre les mesures nécessaires à leur conservation,
  • d’émettre des avis au cas où des objets de valeur ou d’intérêt historique des communes semblent menacés par des transformations ou risquent de disparaître.

Depuis sa création, l’association a réalisé trois expositions : Gildwiller (1989), Balschwiller (1990), Spechbach le llaut (1990).
Elle a créé une série de cartes postales mettant en valeur le patrimoine (Balschwiller, Bernwiller, Burnhaupt le Bas, Burnhaupt le Haut et Spechbach le Haut) Elle était également présente à deux fêtes locales (stand à Bernwiller 1990 et Burnhaupt le Bas 1990).
L’association se réunit tous les premiers lundis du mois à 20 h au Foyer de Baschwiller. Le siège est fixé à la Mairie de Balschwiller, 14 rue de Mulhouse, 68210 Balschwiller

Infractions et délits au début du XIXème siècle

Le 29 décembre 1790, l’Assemblée nationale constituante créait la « Gendarmerie Nationale », corps militaire qui serait désormais chargé du maintien de l’ordre sur tout le Territoire français.
Le District de Belfort, constitué en vertu de la Loi du 22 décembre de cette même année 1790 devint le siège d’une « Lieutenance de Gendarmerie », Giromagny, chef-lieu de canton n’obtint une brigade composée de cinq hommes qu’après les troubles religieux qui perturbèrent fortement le canton en septembre 1797.
Cette brigade, installée primitivement au « Château des Mines » sis au Phanitor à Lepuix-Gy, ne fut casernée à Giromagny qu’au début du XIXème siècle. Les dépôts d’Archives de Belfort et Colmar conservent une foule de rapports, enquêtes, descriptions d’événements extraordinaires, arrestations etc rédigés par les brigades du département au début du siècle dernier.
Le lecteur découvrira ici quelques uns de ces documents émanant des brigades de Belfort et Giromagny. Nos ancêtres, comme nous allons le constater étaient confrontés à des problèmes que nous rencontrons encore de nos jours sous des aspects différents.

Lieutenance de Belfort
8 janvier 1817

« … la brigade de Giromagny rend compte d’un vol sans effraction qui a eu lieu dans la nuit du 4 au 5 courant dans le domicile de Monsieur le Curé du dit lieu de 20 bouteilles de vin de Champagne et environ 4 sacs de pommes de terre, il présume que les voleurs se sont introduits de jour chez lui, n’ayant entendu aucun bruit et le matin trouvant la porte ouverte qui donne sur le cimetière … ».
« … la même brigade rend compte que d’après la réquisition de monsieur le Maire de Lachapelle-sous-Chaux elle s’est transportée au dit lieu à l’effet de faire cesser le trouble et le scandale qui avait lieu à l’occasion du 1er jour de l’an ; malgré les patrouilles qui ont été faites par 8 hommes de garde de la dite commune, elle n’a pu rétablir l’ordre ni empêcher de tirer plus de 200 coups de pistolets et autres armes à feu par les croisées des maisons. Ce n’est qu’à leur arrivée que le scandale a cessé, ils se sont ensuite rendus chez monsieur le Maire à l’effet d’entendre les hommes de garde ; lesquels leur ont déclaré que plusieurs coups de pistolets ont été tirés de la maison du Sieur Chapuis Claude Jacques, elle a reconnu qu’un coup a été tiré à bout portant par le nommé François Sellier ancien militaire sur les nommés Vincent Litot et Louis Chapuis tous deux de garde, que s’étant mis en embuscade pour se saisir du dit Sellier, le nommé Melchior Litot est sorti de la maison, se sont saisi de la personne et qu’après quelques débats qu’il s’est évadé et qu’au même moment le dit Sellier en est sorti et a pris la fuite.
D’après la déclaration du Maire, ce dernier est signalé comme un homme dangereux pour avoir menacé les autorités de la dite Commune.

Lieutenance de Belfort
31 janvier 1817

« … la brigade de Giromagny rend compte d’un vol avec effraction commis dans la maison du Sieur François Xavier Travers de Vescemont, consistant en 35 fromages chacun du poids de 3 kg, d’après les perquisitions faites par la dite brigade, elle a retrouvé dans un sac 19 de ces fromages volés dans un trou de mine entre Lepuix et Giromagny. Les auteurs de ce vol sont inconnus ; le procès verbal a été remis à Monsieur le Procureur du Roi … ».

Brigade de Giromagny
24 mars 1817

Procès-verbal concernant la saisie d’un fusil de calibre dans la commune de Lamadeleine chez le nommé Joseph Bringard du dit lieu.
« Nous soussignés Brigadiers Gendarmes royaux de la résidence de Giromagny, certifions qu’en vertu du signalement de 9 individus déserteurs ou tentant de rejoindre la région du Haut-Rhin, à nous transmise par Monsieur le Chevalier Deschamps Commandant la Gendarmerie royale de Belfort en date du 17 courant, nous nous sommes à cet effet transportés dans la commune de Lamadeleine à l’effet de nous assurer auprès de Messieurs les Maire et Adjoint s’il n’existe aucun déserteur dans la dite commune porté sur la liste de signalement mentionnés ci-dessus.
N’ayant pu trouver le Maire ou même l’Adjoint de cette commune pour leur demander quelques renseignements à l’égard du dit signalement nous nous sommes occupés à nous transporter dans toutes les métairies et fermes et autres maisons isolées pour nous assurer s’il n’existe pas quelques déserteurs ou gens sans aveux, où tant entré dans le domicile du Sieur Joseph Brangard de la dite commune nous avons remarqué qu’un fusil de calibre (arme de guerre) était accroché et après l’avoir examiné nous avons reconnu que le dit fusil avait été fabriqué dans la Manufacture royale de France.
Nous avons déclaré au dit Joseph Bringard que nous faisions la saisie de son fusil au nom de la loi. Nous l’avons porté dans notre résidence pour être par la première correspondance porté à Belfort et remis à qui de droit avec le présent procès-verbal… ».

Lieutenance de Belfort
Rapport journalier du 20 février 1818

« … la brigade de Giromagny rend compte que le huit, elle s’est rendue à l’église paroissiale de Giromagny pour y maintenir l’ordre et la décense durant l’office divin, qu’elle a remarqué que les nommés Jean-Baptiste Lhomme, fils de Nicolas ; Jean-Baptiste François, fils de Philippe ; Jean Georges Henneman, charron et Michel Plançon, tout quatre de Giromagny ne faisaient que se pousser, parler et rire : qu’elle leur a fait commandement de rester tranquille, qu’ayant continué à donner scandale, elle a dressé procès-verbal lequel a été remis à Monsieur le Juge de Paix du canton de Giromagny.
La même brigade rend compte d’un vol commis avec effraction dans la nuit du 12 au 13 à Rougegoutte chez le Sieur Jean Georges Jeanrichard, cultivateur à Rougegoutte d’environ 2 sacs de pommes de terre, 4 livres de sel, 10 livres de lard salé. Procès verbal a été remis à Monsieur le Procureur du Roi.

Brigade de Giromagny
24 avril 1818

« Nous soussignés Gendarmes royaux de la résidence de Giromagny certifions que sur les 4 heures de l’après-midi a eu lieu dans la commune de Rougegoutte où se trouvait la Fête de la paroisse (la Saint Georges) entre un assez grand nombre de jeunes gens de la perturbation, dont plusieurs coups de cailloux ont été donnés. A notre arrivée sur les lieux, une partie a pris la fuite et l’autre partie s’est dispersée de manière que n’ayant pu connaître les auteurs des coups qui ont été donnés, nous nous sommes informés près de plusieurs personnes afin de les connaître, aucun de ces individus n’a voulu nous donner aucun renseignement. Nous nous sommes adressés aux autorités du dit Rougegoutte qui se sont trouvées sur les lieux au moment de la rixe, accompagnées de leurs hommes de garde qui ont fait tout ce qui a été de leur pouvoir pour mettre l’ordre et la tranquillité dans cette rixe et n’ayant pu empêcher la bataille vu le grand nombre qu’ils étaient ; enfin, ils nous ont déclaré ne connaître aucun de ces dits individus par leur nom mais que les connaissant pour être tous des communes du Puix et de Giromagny.
Motif pour lequel nous avons dressé le présent procès verbal après avoir vu qu’il était impossible à nous de découvrir les auteurs, pour être remis à Monsieur le Chevalier Deschamps notre lieutenant pour être par lui remis à qui de droit… ».

Lieutenance de Belfort
Infractions routières

« … contraventions dressées par la Brigade de Belfort à 18 voituriers trouvés sur la route couchés sur leurs voitures au lieu de marcher à la tête de leur chevaux … ».

Contravention en manière de roulage
Août 1825

« … les individus ci-après ont été rencontrés conduisant des voitures à jantes étroites attelées de deux boeufs :

  • M… Perrot de Rougegoutte, voiture chargée de 20 quintaux de houille.
  • Alexis Frechin de Rougegoutte, 19 quintaux.
  • Alexis Clerc de Rougegoutte, 20 quintaux.
  • Laurent Marconnot, 18 quintaux.
  • Jean-Pierre Girard de Grosmagny s’est sauvé.
  • Denis Perros de Rougegoutte, 19 quintaux.
  • Jean- Baptiste Mougin de Rougegoutte, 18 quintaux.

    Tous ces chargements sont non compris le poids de la voiture. Les dits individus ayant fourni caution, on les a laissé aller, mais à tort puisque les roues à jantes étroites auraient dû être brisées par les ordres du Maire… ».

Sus aux loups

Aux citoyens membres composant l’administration centrale du Haut-Rhin.
Expose François Doriant de Boron que le 28 frimaire dernier, il eût le bonheur de tuer une louve dans les forêts de ladite commune. L’exposant éprouve la plus douce satisfaction dans les sentiments de gratitude que lui témoignent ses concitoyens pour un coup de chasse ausy heureux : mais sa très modique fortune lui fait un devoir de réclamer la prime que luy assure la loi du 11 ventose an 3 sujet de la présente, tendante à ce qu’il plaise, citoyens administrateurs, vu le certificat cy joint, ordonner que la prime fixée par la loi, convertie en numéraire, sera acquittée à l’exposant par le receveur de l’arrondissement du ci-devant districk de Belfort et sera justice.
L’administration municipale du canton de Delle considérant que l’on ne saurait trop encourager les citoyens à s’attacher à la destruction des loups dont la multiplication et les ravages sont favorisés par la quantité de forêts dont ce canton est parsemé.
Considérant en outre que la louve tuée par ledit Doriant était probablement pleine puisque c’est à cette saison que ces animaux destructeurs se reproduisent, que le citoyen Doriant, mérite d’autant mieux la récompense nationale qu’il a eu et continue la générosité de s’exposer seul pour opèrer la destruction des loups. Estime qu’il y a lieu de délivrer mandat sur les revenus de l’arrondissement de Belfort d’une somme de vingt quatre francs au profit du pétitionnaire.
Fait en séance le 3 nivose an cinq de la République Française.

(Archives départementales du Haut-Rhin, L 99)

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