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Table des matières

La construction de l’église de Rougegoutte 1724 – 1730

François Liebelin 

2

À Auxelles-Bas, les bruits qu’on n’entend plus, ou presque plus

Jean Tritter

22

Quand l’art sert la mémoire 

Yves Grisez

24

Le charbonnier de Lamadeleine et le guérisseur de Grosmagny

François Liebelin 

32

La taille de la famille à Leval entre I 795 et 1994

Jean de Zutter

36

In memoriam

 

 

Jules-Paul Sarazin (1915-2002)

Jean Demenus

42

Michel Hély (1940-2003)

François Liebelin 

43

La construction de la tour de l’église de Rougegoutte, 1724 – 1730

La fondation de la paroisse

À l’origine, dans toute la vallée de la haute Savoureuse, il n’existait qu’une seule église, celle de Chaux, placée sous l’invocation de Saint Martin, évêque et confesseur. Elle fut pendant des siècles le siège d’une immense paroisse qui s’étendait du Ballon d’Alsace à la roche de Belfort.
Au début du XIème siècle, de puissants seigneurs, les comtes de Mousson-Montbéliard, réussirent à s’imposer dans notre région et pour en assurer la défense, ils construisirent toute une série d’ouvrages fortifiés, parmi lesquels les châteaux du Rosemont et de Belfort. lls divisèrent ensuite leurs vastes domaines en seigneuries. Celle du Rosemont fut constituée, croit-on, vers 1030.
Il fallut alors penser sérieusement aux besoins spirituels des habitants des agglomérations naissantes. L’église primitive de Rougegoutte, serait ainsi I’oeuvre des comtes de Montbéliard. Le fait qu’elle soit dédiée à saint Georges, patron des chevaliers, confirme si besoin est cette hypothèse.
L’église de Rougegoutte fut donc édifiée sur un site judicieusement choisi: un éperon rocheux à la base de montagnes qui pendant les longues périodes d’insécurité servirent de refuge aux populations de la plaine. Cette église était à la fois un observatoire et un refuge qui servit encore lors de la révolte des paysans du Rosemont en I 524.

Mouvance de la paroisse

A l’origine, de l’église de Rougegoutte dépendait une paroisse fort étendue comprenant :

  • Lepuix, en partie, (rive gauche de la Savoureuse jusqu’à Malvaux),
  • Vescemont et les métairies de la Milandre,
  • Giromagny,
  • Grosmagny,
  • Eloie,
  • Rougegoutte (regroupement au pied de l’église d’habitants des anciens hameaux de Marmagny, Turckmagny et autres inconnus. ».)

Lorsque fut édifiée en 1569 une église à Giromagny; fondation voulue par le très catholique Ferdinand ll d’Autriche (alors seigneur du Rosemont) dans le but avoué d’enrayer la propagation du protestantisme, l’antique paroisse de Rougegoutte fut réduite à :

  • Vescemont (village seul),
  • Giromagny (quartier du Hautôt),
  • Rougegoutte,
  • Grosmagny,
  • Eloie.

En 1795, profitant de la grave crise religieuse engendrée par la constitution civile du clergé, Grosmagny et Eloie purent réaliser un vieux rêve : se dissocier de Rougegoutte en édifiant leur propre église.

Les décimateurs, les collateurs, les menandiers

Le chapitre Saint-Maimboeuf de Montbéliard, à qui les princes de cette cité avaient vers 1196 fait don des revenus de l’église de Rougegoutte, percevait le produit de la dîme sur l’ensemble des villages de la paroisse, c’est à dire d’abord la dixième, puis par la suite seulement la onzième partie du produit des récoltes en céréales. Le dit chapitre devait en contrepartie subvenir partiellement aux besoins du curé qu’il nommait à Rougegoutte en accord avec I’archevêque de Besançon.
Au fil des siècles, la situation varie sensiblement. Les archiducs d’Autriche qui se sont emparés en 1574 du droit de nomination, ou collature, (le chapitre de Montbéliard ayant embrassé le protestantisme), perçoivent environ les deux tiers de la dîme, le curé l’autre tiers, partagé avec la famille de Reinach-Roppe, seigneurs bas-justiciers en possession du fief de Rougegoutte-Grosmagny. La famille de Mazarin, par la donation faite en 1659 par Louis XIV supplée aux droits des archiducs jusqu’à la Révolution de 1789.
Le village d’Eloie a une situation assez mal définie. Le chapitre de la collégiale Saint Denis de Belfort, seul décimateur sur le ban de ce village depuis le milieu du XIVème siècle, doit verser sa quote-part à l’église de Rougegoutte. Les collateurs, en contrepartie assurent I’entretien, les réparations et la reconstruction du choeur des églises.
Les biens paroissiaux : donations diverses, fondations de messes, casuel etc..sont gérés par un « conseil de fabrique », composé d’un receveur (trésorier) et de deux assesseurs (menandiers), nommés en principe pour une année mais dont les fonctions peuvent être reconduites. La fabrique est de plus chargée de I’ornementation, de I’entretien et de la reconstruction de la nef de l’église lorsque le besoin s’en fait sentir. De nombreux litiges entre seigneurs et paroissiens apparaissent chaque fois qu’il s’agit de déterminer par experts interposés le montant des réparations ou des reconstructions d’édifices religieux.
À l’origine, à Rougegoutte, le beffroi des cloches s’élevait au dessus du choeur et de ce fait, les réparations se partageaient par moitié entre décimateurs et paroissiens.

La paroisse et l’église au XVIIème siècle

Le 8 septembre 1603, le procureur fiscal de l’archevêché de Besançon rend visite à l’église de Rougegoutte. ll nous en laisse la description suivante :

« L’église paroissiale de Rougegoutte est une assez belle église, elle est sous l’invocation de monseigneur saint Georges; autrefois elle était de la présentation du chapitre de Monbéliard. Maintenant sa majesté impériale en a la présentation.
Dans cette église, il y a deux autels en la nef, ils sont consacrés… En la dite église paroissiale il y a deux calices d’argent, un reliquaire d’argent, un ciboire d’argent, une |unette d’argent (ostensoir), des nappes et aubes suffisamment. ll convient de faire un tabernacle pour poser sur I’autel et y mettre Ies précieux sacrements… »

On recense en 1608, 43 chefs de famille à Rougegoutte, 33 à Vescemont, une cinquantaine à Grosmagny. La guerre dite de Trente ans (1633-1638) pour notre région apporte son flot de dévastations et de malheurs. Le petit village d’Eloie regroupant une dizaine de familles en 1632 n’en compte plus que deux en 1640.Tout laisse à penser que l’église paroissiale fut pillée, spoliée par des soudards sans foi ni loi et ceci à plusieurs reprises durant cette triste période. Mais contrairement à une légende encore tenace, pas plus que le château du Rosemont, elle n’a été détruite par les mercenaires à la solde des Suédois.
Dès la fin de l’année 1633, les villages de Rougegoutte et Grosmagny sont décimés par une grave épidémie de peste apportée par les soldats de l’armée de libération du duc de Féria. ll en sera de même pour Vescemont en 1636. Les habitants de cette communauté se placeront sous la protection de Saint Sébastien ; dans l’espoir d’endiguer le fléau.
En récompense des services rendus à la couronne de France, le roi Louis XIV lègue en 1659 le comté de Belfort au cardinal de Mazarin. Ses héritiers et leurs descendants seront jusqu’à la Révolution collateurs et décimateurs principaux de l’église de Rougegoutte.
Plus de cinquante années seront nécessaires pour défricher et redonner aux terres cultivées les superficies d’avant 1633. Les deux moulins de Rougegoutte abandonnés au début de la guerre, ne seront reconstruits qu’à la fin du siècle.
L’histoire a retenu seulement le nom des curés qui se succédèrent de 1633 à 1677. Nous ne savons rien de leur ministère, les archives restent rares et peu parlantes, elles confirment I’existence d’un autel dédié à Saint Sébastien, sans plus. Les registres paroissiaux de cette époque ont disparu depuis longtemps.
Le curé François Bernard, issu d’une famille bourgeoise d’Offemont, arrive à Rougegoutte en 1677.
Durant les vingt premières années de son ministère, il va pourvoir à l’ameublement intérieur de son église, en fait, reconstituer ce qui avait disparu durant la guerre des Suédois. En 1697, son but semble être atteint et il peut demander un dernier effort à ses paroissiens avec la reconstruction du presbytère qui, négligé pendant trop longtemps, tombe en ruine.
Cette reconstruction, à laquelle les seigneurs du lieu refuseront de participer, sera pourtant achevée dès 1699.
Sur ses vieux jours, le curé Bernard fait encore don à la paroisse de 100 louis d’or; argent destiné à l’achat d’une troisième cloche, plus grosse que les deux déjà existantes. ll meurt sans avoir vu la réalisation de son voeu car la somme insuffisante doit être complétée par souscription à laquelle se refusent les gens de Grosmagny. Son successeur, dès la première année de son ministère à Rougegoutte recueille les fonds nécessaires et fait mettre en place cette « grande » cloche dans un beffroi non prévu pour supporter le poids de cette troisième pensionnaire.

La démolition de la vieille tour élevée sur le choeur de l’église

Le 7 août 1709, le nouveau curé, Alexis Fournier; nommé par le duc de Mazarin après approbation de l’archevêque de Besançon, entre en fonction. Il est alors âgé de 32 ans, en pleine force de l’âge. De tous les curés de Rougegoutte, il aura eu le plus long ministère. Il meurt en fonction le 14 décembre 1756 après avoir passé un peu plus de 47 années à  Rougegoutte, étant toutefois depuis 1738 secondé par un vicaire. Ses collègues de Chaux, Giromagny…

(La suite dans : La construction de l’église de Rougegoutte 1724 – 1730, par François Liebelin page 2)

À Auxelles-Bas, les bruits qu’on n’entend plus ou presque plus

Les bruits font partie de notre vie. Ils nous entourent, naissent, disparaissent ; souvent, par habitude nous n’y prêtons plus attention. Les années passent, Ie genre de vie change ; les bruits que nous entendions il y a 50, 60 ans ou plus… nous les avons oubliés.

Essayons de les entendre encore !…

Les rues du village n’ont pas toujours été recouvertes d’un beau tapis d’asphalte. De nombreux villageois se déplaçaient en sabots, tôt le matin, le « clac-clac » des sabots du faucheur résonnait dans l’aube naissante suivis, un peu plus tard, des « clac-clac » plus rapides des ouvrières se rendant à l’usine, puis ceux des ménagères allant chercher le pain de la famille et le ravitaillement de la journée.
Il fallait profiter de la fraîcheur du matin pour aller couper l’herbe à sécher. La faux avait été « battue » la veille. Le bruit des marteaux sur I’enclume s’entendait dans les quatre coins du pays. Une fois sur le pré, la pierre à aiguiser entrait en action et pendant des heures renouvelait son va et vient sur la lame de faux. En ce temps là, on se chaussait aussi de brodequins. De gros clous les « ferraient » ; on les entendaient « racler » les cailloux de la route.
On n’entend plus les roues des voitures cerclées de fer « crisser » sur la route, les fouets des voituriers activer les attelages de boeufs ou de vaches… hue… dia… ott… Les claquements se voulaient tous plus forts les uns que les autres.
On n’entend plus le marteau du maréchal frapper l’enclume dans son atelier (il manque au pays), les haches des charpentiers équarrir les chênes.
Est ce que vous vous souvenez de la sirène du tissage appelant les ouvrières au travail ? Par vent favorable on pouvait percevoir la sirène de I’Altshom de même que le roulement des trains du coté d’Evette-Champagney. Les métiers à tisser une fois mis en route ronronnaient à longueur de journée.
Certains bruits se manifestaient régulièrement: les grelots du cheval du laitier, la corne de la bouchère, celle des marchands ambulants annonçant leur passage. D’autres bruits étaient perçus épisodiquement : la massette du cantonnier cassant les cailloux, le cylindre à vapeur tentant de remettre les chemins en état.
Entendez-vous la voix si particulière du récupérateur de peaux de lapins, de chiffons, de ferraille ? Le tambour du garde-champêtre chargé de transmettre les avis de la municipalité ? Après la moisson le bruit des fléaux qui « battaient » les gerbes de seigle ou de blé dans les granges ? Les années passant, des petites machines à battre actionnées par des bras puissants (plus tard par des moteurs) apparurent et « ronronnaient » au milieu de nuages de poussière.
En hiver, il n’était pas rare d’entendre, tantôt chez I’un, tantôt chez I’autre, les cris d’un cochon qu’on égorgeait.
ll y a des bruits qui étaient réservés à la tradition de certaines cérémonies religieuses.Les ieunes, le vendredi-saint, parcouraient les rues du village avec la crécelle ou la tapette pour appeler les paroissiens aux offices.
Le prêtre se rendait au chevet d’un malade mourant, il était précédé d’un servant qui agitait une clochette pour annoncer son passage.
Pendant les enterrements les chants latins du prêtre accompagnaient le cercueil à l’église et au cimetière. À la messe, le dimanche, le sacristain présentait aux fidèles, au bout d’un long bâton, une bourse munie d’une clochette. On n’entend plus l’horloge du clocher égrener les quart, les demies, les trois-quart, les 4/4, ni sonner le tocsin dans les circonstances tragiques.
Le jour du 14 juillet, l’artificier du village bourrait de poudre et de papier les mortiers et provoquait des explosions capables de réveiller les sourds. Il le faisait aussi à certaines fêtes
religieuses.
Les dimanches et jours de fêtes, les pianos mécaniques invitaient les jeunes (et les vieux) à venir danser pour se distraire.

N’ai-je rien publié ? Ce n’est pas sur ! Je dirai pour terminer tout mon regret de ne plus pouvoir écouter le chant des alouettes qui accompagnait les cultivateurs dans leurs champs, des chardonnerets dans les vergers, le cri des buses qui tournoyaient dans le ciel à la recherche de poules qui sont rares maintenant, les caquetages des poules couveuses qui rassemblaient les poussins. Aujourd’hui on entend plus que le bruit assourdissant des voitures, des camions, des motoculteurs.

La taille de la famille à Leval entre 1795 et 1994

Faire référence à la famille d’autrefois, c’est souvent, sinon toujours, évoquer de grandes familles. En fait I’image, si elle n’est pas complètement fausse est largement déformée.
Une famille, c’est déjà et avant tout un mariage qui dure. Quand I’espérance de vie des gens ne dépassait pas 30 ans, les mariages qui durent devaient être relativement peu nombreux. ll faut nuancer. ll faut se méfier et ne pas tirer de conclusions hâtives. Si l’espérance de vie est faible, c’est que la mortalité infantile et la mortalité juvénile sont très importantes et, à l’âge au mariage, l’espérance de vie des époux est bien plus élevée que I’espérance de vie à la naissance – et on peut penser qu’elle est au moins égale à la période féconde de la femme. La
mortalité des adultes entre 25 et 45 ans ne pouvait donc toucher la natalité dans les familles que de façon peu importante. Mais si statistiquement peu d’hommes et de femmes mouraient entre 25 et 45 ans, il était peu fréquent que l’homme et la femme qui décédaient soient les 2 conjoints d’un même couple !

Première approche

Une première approche de la taille de la famille peut être donnée par la comparaison entre le nombre de mariages et le nombre de naissances d’une époque. La méthode est simple et un peu grossière mais les autres méthodes, si elles sont intellectuellement plus satisfaisantes sont beaucoup plus difficiles à mettre en ceuvre pour des résultats qui ne paraissent pas beaucoup plus exacts.
Pourtant, cette méthode du quotient appelle quelques critiques :

  • tous les mariages dénombrés à Leval ne concernent pas, loin s’en faut, des familles qui ont procréé à  Leval. La tradition qui fait que le mariage se passe dans la commune de résidence de la jeune fille a pour conséquence que de nombreux mariages de jeunes filles enregistrés à Leval concernent des couples qui ont eu la plupart de leurs enfants dans
    d’autres villages tandis que de nombreux couples qui ont eu leurs enfants à Leval ne s’y sont pas mariés. ll y a distorsion entre les mariages et les naissances mais statistiquement on peut penser qu’il y a compensation.
  • cette compensation statistique sur les mariages doit aussi jouer sur les naissances : si toutes les naissances enregistrées à Leval ne concernent pas obligatoirement des familles qui ont demeuré à Leval (les premiers enfants des jeunes femmes ayant épousé un homme d’un autre village, les enfants de voyageurs…), des enfants de famille résidant habituellement à Leval ont pu naître dans d’autres villages (les premiers enfants des jeunes femmes ayant épousé un homme de Leval, les enfants nés lors de déplacements liés au travail ou lors de visites familiales – tant il est vrai que même dans les naissances les plus prévisibles se glisse toujours une part d’aléatoire).
  • troisième facteur perturbateur : les enfants nés hors mariage et qui, s’ils sont très nombreux, pourraient influer sur la taille moyenne de la famille. En fait le problème est plus théorique que réel. ll existe des naissances hors mariages à Leval : leur proportion (137 naissances hors mariage pour 1.138 naissances, soit 10,2 %) varie de 2 % au minimum entre 1945 et 1954 à 26 % au maximum entre 1915 et 1924 – et leur influence pourrait donc être importante à certaines époques. Mais là encore, il faut atténuer cette première impression car pour plus d’un tiers, elles ne sont pas des éléments perturbateurs. Les enfants qui naissent hors mariage appartiennent en effet à 3 catégories :
  • ils naissent quelques jours, quelques semaines ou quelques mois (et parfois même quelques années !) avant le mariage de leurs parents et sont légitimés lors du mariage de leurs parents. Ils représentent à Leval, 50 naissances (soit 37 % des naissances hors mariages) et ont été comptabilisés exactement comme ont été comptabilisés les enfants nés quelques mois ou même quelques semaines après le mariage de leurs parents.
  • ils naissent hors mariage mais sont reconnus par leur père. Même si au XlXe et au début du XXe siècle, peu de couples vivaient en concubinage, quand le même homme reconnaît à plusieurs années d’écart plusieurs naissances hors mariage de la même femme, il y a bien famille. Mais les parents ne s’étant pas mariés, cette famille échappe à notre étude.
  • la dernière catégorie enfin est celle des naissances hors mariage non reconnues. Elle est numériquement la plus importante (71 naissances) mais elle reste relativement marginale.
  • une autre critique concerne le découpage en périodes. Les enfants décomptés dans une période peuvent être ceux des mariages du début de la période mais ils peuvent être aussi des enfants des mariages de la période précédente, voire d’une période encore antérieure. Si l’on admet que la vie féconde d’une femme peut durer une trentaine d’années (globalement de 15 à 45 ans), un découpage en décennies peut répartir ses enfants sur 3 ou même 4 décennies. Le problème ne peut pas être évacué sans discussion. Les résultats peuvent être grandement faussés si l’on est en période de forte croissance de la natalité, soit parce que la population elle-même croît fortement d’une décennie à l’autre (les faibles mariages de la période précédente sont mis en relation avec les fortes naissances de la période suivante), soit parce que la fécondité (le nombre d’enfants par femme) croît de façon considérable. A Leval, durant le XlXe et le XXe siècles, la population varie de 397 au plus (en 1831) à 175 au moins (en 1946). Entre 1826 et 1831, le nombre d’habitants passe de 328 à 392 (soit + 64 habitants en 5 ans ou + 19,5 %) mais les naissances (qui passent de 97 à 137, + 40 ou + 41,7 %) et les mariages (qui passent de 28 à 38, + 10 ou + 35,7 %) augmentent aussi.

Mais quand, dans les années suivantes, la population baisse (22 habitants en moins entre 1831 et 1836 et encore 15 entre 1836 et 1841, soit – 9,5 % au total), le nombre de mariages diminue de 11 (de 38 à 27 ou – 29 %) alors que les naissances ne diminuent que de 5 (-3 %). La taille moyenne des familles de la période 1835-1844 (4,96 enfants par famille) apparaît ainsi nettement supérieure à la taille de la famille entre 1825 et 1834 (3,61enfants par famille). Mais les résultats peuvent être tout aussi faussés par une forte baisse de la population ou de la fécondité (le grand nombre de mariages de la période précédente étant mis en relation avec le petit nombre de naissances de la période suivante). De 1896 à 1901, la population de Leval décroît de 311 à 265 habitants (soit -36 ou -11,6 %) et durant les années suivantes (de 1905 à 1914), si le nombre de mariages décroît de 54 % (de 31 à 14, soit -17), les naissances ne baissent que de 29 % (-18, de 62 à 44). Les mariages de la période bénéficient là encore des naissances liées aux mariages de la période précédente et la taille des familles de la période 1905-1914 (3,14 enfants) est nettement supérieure à la taille de la période précédente (2 enfants entre 1895 et 1904).
Mais de telles évolutions de la population sont relativement rares à Leval où généralement la population évolue peu d’un recensement à l’autre:entre 1856 et 1896, le nombre des habitants oscille entre 300 et 333, la plus grande amplitude étant de +23 et, entre 1946 et 1986, elle varie entre 175 et 196 avec comme plus forte variation une différence de +10.

Dernière critique enfin : cette méthode assimile mariage et famille – ce qui est le cas dans l’immense majorité des mariages. Pourtant, à la marge, certains mariages n’ont pas pour but de créer une famille mais d’unir des solitudes: mariages de 2 personnes âgées ou mariages de femmes ayant dépassé l’âge de la ménopause (un mariage en 1848 entre un homme de 56 ans et une femme de 49 ans, un mariage en 1858 entre un homme de 42 ans 5 mois et une femme alors âgée de 47 ans et 5 mois).

Deuxième approche

Une autre approche plus fine consiste à étudier chaque couple formé à Leval et à ne retenir tant au niveau des mariages que des naisssances que les couples significatifs. Si la période de référence reste la décennie du mariage, les naissances, elles, peuvent s’étaler sur plusieurs décennies. Le mariage entre Henri Cordier et Anne-Eve Mang se déroule en 1800. Leur premier enfant naît en 1801 mais leur dernier enfant (le 7e) naît en 1819 : la vie féconde de la femme s’est étendue sur 20 ans – et 3 décennies. Nicolas Mathey et Anne-Eve Frelin se  marient en 1819. Leur premier enfant naît en 1821, le dernier (le 13e) en 1846. Mais s’il est vrai que le mariage d’Anne-Eve Frelin est une exception : elle s’est mariée à 16 ans et 3 mois et elle est une des rares femmes de l’étude dont presque toute la période de fécondité (25 ans) soit en même temps une période de mariage. Par le hasard des découpages, ses enfants sont répartis sur 4 décennies (1815-1824, 1825-1834, 1835-1844 et 1845-1854) !
A titre d’exemple, nous étudierons ensemble la première décennie (1795-1804), le raisonnement tenu pour la première décennie ayant été reproduit pour les décennies suivantes. Entre 1795 et 1804, 31 mariages sont célébrés à Leval dont 10 mariages sans enfant nés à Leval, 2 mariages avec un enfant et 3 mariages avec 2 enfants nés dans la commune.Au delà de 2 enfants nous avons considéré que la famille était de Leval. En fait, il faudrait aller plus…

(La suite dans :  La taille de la famille à Leval entre 1795 et 1994, par Jean de Zuter, page 36)

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