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Table des matières

Projets de construction de lignes de chemin de fer entre le Territoire de Belfort et l’Alsace

Bernard Groboillot

4

La paroisse de Lachapelle – Petitefontaine – 1ère partie : La fin d’un règne 1944 -1953

Yves Grisez

8

Drôle de théâtre à Auxelles-Bas

Jules-Paul Sarazin

12

Un usage méconnu du genêt à balais : le tissage d’une robuste étoffe (2ème partie)

Claude Canard

14

Il y a l00ans

François Sellier

20

Rodolphe Sommer 14 – La colère du forgeron

Pierre Haas

26

 MAGAZINE

 

 

Une époque formidable : un cheval récalcitrant

 

30

7 d’or

 

31

Vues du Fort

 

32

Jubilé 2000 -Terre de mémoire

 

34

La Vôge a lu

 

36

Filons aux Ballons

 

38

Une époque formidable : la poule au pot d’échappement

 

39

Il y a 100 ans

« Le Pays s’achemine lentement vers cette idée qu’il suffit de se syndiquer c’est à dire de se grouper pour imposer sa volonté […].
C’est le triomphe de la collectivité, l’écrasement de l’individu. »

Comme l’année précédente, I’Affaire Dreyfus aura marqué la vie française de 1899. Le Pays reste très partagé. Pourtant, le 19 septembre, le nouveau président de la République, Emile Loubet, prononce la grâce du capitaine déchu, après la réouverture d’un procès fertile en rebondissements. Aussi, quand le 19 novembre, à Paris, est inauguré « Le Triomphe de la République », une imposante statue de Dalou, c’est bien la victoire de la démocratie et de la justice que l’on célèbre.Tout un symbole…
Plus près de nous, le Pays-sous-Vosgien reste très affecté par la fièvre aphteuse qui continue à frapper le cheptel, tandis que le monde industriel ne cesse d’être ébranlé par les mouvements de grèves. Après le textile (voir la Vôge précédente) la métallurgie est touchée à son tour. La Société Alsacienne de Construction Mécanique établie depuis vingt ans à
Belfort, connaît sa première grande grève.

Journal d’une grève

11 octobre

Le mouvement d’humeur qui gagne la Société Alsacienne débute le 11 octobre 1899. Environ 300 ouvriers fondeurs, mécontents des agissements d’un pointeur, réclamaient son renvoi depuis plusieurs jours. Suite au refus de la direction de satisfaire pareille demande, le président du syndicat des métallurgistes échange des propos acerbes avec le pointeur. Il est congédié. La nouvelle connue, les 300 ouvriers concernés, débrayent aussitôt. D’autres se joignent au mouvement. En fin d’après midi, ils sont près de 500 grévistes.

12 octobre

700 ouvriers défilent dans le faubourg des Vosges, le jeudi matin 12 octobre. A I’embauche de 13h30, les grévistes interdisent l’accès des ateliers à ceux qui n’ont pas encore rejoint le mouvement. Ils sont bientôt 2500 à « descendre » en ville pour rejoindre la Place d’Armes et se rassembler autour du kiosque à musique sur lequel les leaders prennent tour à tour la parole. L’un deux veille à ce que la manifestation ne dégénère pas :  » Nous sommes forts de notre droit, tâchons de le faire aboutir avec dignité ! Un autre donne lecture des revendications :

  • Renvoi du pointeur
  • Réintégration de l’ouvrier président du syndicat des ouvriers métallurgistes.
  • Réduction de 10h30 à 10 heures de la journée de travail.
  • Répartition des bénéfices pour l’amélioration des salaires.
  • Gestion de la Caisse de Secours par les ouvriers eux-mêmes.
    Pendant ce temps, une vingtaine d’ouvriers (un par atelier) sont reçus par la direction. La discussion semble courtoise et aboutit à ce qui suit :
  • Le pointeur ne sera pas renvoyé mais déplacé.
  • Le syndicaliste, qui par ailleurs a formulé des excuses auprès de la direction, est réintégré.
  • Le temps de travail de 61 heures par semaine est ramené à 60 heures.
  • Suppression du marchandage.
  • Accord sur la gestion de la Caisse de Secours par les salariés.

La grève semble donc pouvoir se  terminer.

12 octobre

Pourtant le vendredi matin…

(La suite dans : Il y a 100 ans, par François Sellier, page 20)

Projets de construction de lignes de chemin de fer entre le Territoire de Belfort et l’Alsace

Dans le numéro 23 de La Vôge, Bernard Groboillot a retracé l’histoire des chemins de fer d’intérêt local dons le pays sous-vosgien. II évoque ici les projets d’extension vers l’Alsace après Ia Première guerre mondiale. Ces projets sont restés sans suite parce que nés trop tard. Lorsque Ia condition politique que constituait le retour de I’AIsace à la France fut satisfaite, les conditions économiques étaient en train de changer rapidement avec le développement des transports automobiles. L’heure n’était plus à l’ouverture de nouvelles voies ferrées.

Par délibération du 6 janvier 1921, I’Union des commerçants de Belfort demande l’amélioration des voies de communication avec l’Alsace et particulièrement avec
les régions de Masevaux et de Thann.
Le 21 janvier suivant, le préfet présente un rapprt qui a pour but d’examiner les solutions préconisées dans ladite délibération en ce qui concerne les chemins de fer d’intérêt local soit, d’une part le prolongement jusqu’à Masevaux de la ligne Les Errues – Rougemont-le-Château, d’autre part la prolongation jusqu’à Thann de la ligne de Belfort à Lachapelle-sous-Rougemont.

Ligne de Lachapelle à Sentheim

La disparition de la frontière de 1971 qui mutilait le département du Haut-Rhin pose des questions du plus vif intérêt au point de vue du développement du réseau des chemins de fer d’intérêt local du Territoire de Belfort.
Peu après l’armistice de 1918, le Conseil général avait décidé l’incorporation de la ligne Lachapelle-Sentheim, construite par l’armée et dont l’exploitation fut poursuivie jusqu’au 31 décembre 1920.
Malheureusement les lenteurs dues aux formalités de la cession et le mauvais état de l’équipement électrique de la ligne, malgré de coûteuses réparations, ne permirent pas de continuer une exploitation ne répondant pas à toutes les garanties de sécurité.
Le département du Haut-Rhin se désintéresse entièrement des conséquences du maintien et de l’exploitation de la ligne tant pour les dépenses à faire pour la cession par I’Etat des installations en place que pour celles à faire pour réaliser les acquisitions de terrains, les améliorations et les modifications qu’il sera indispensable d’apporter aux conditions d’établissement du tronçon construit par l’armée d’une façon hâtive et sommaire.C’est ainsi qu’il faudra modifier la ligne de traction établie sans suspension caténaire et remplacer ses supports en bois hors d’usage par des pylônes en béton armé, déplacer la
gare de Lachapelle de manière à supprimer le rebroussement existant, construire des passages supérieurs à la traversée de la ligne à voie normale Lauw – Montreux-Vieux en remplacement des deux passages à niveau.
Cette ligne serait particulièrement onéreuse pour le Territoire de Belfort sans apporter une communication facile entre Masevaux et Belfort, le point d’aboutissement à la gare de Sentheim (1350 habitants) n’étant pas suffisants pour assurer un trafic rémunérateur sur son parcours de 8,353 km la ligne ne dessert que de petites localités : Lachapelle, Petitefontaine, Mortzwiller et Sentheim.

Avis de l’ingénieur en chef

L’ingénieur en chef Marguery indique dans un rapport que le maintien de la ligne de Lachapelle à Sentheim, en raison des résultats très sérieusement déficitaires de son exploitation et de l’importance des dépenses pour le rachat et les diverses améliorations des installations, ne saurait être assuré par le Territoire de Belfort seul. En équité chaque département devrait supporter les dépenses d’établissement et d’amélioration sur son territoire.
Par ailleurs l’exécution de la ligne Rougemont-Masevaux, si elle était décidée diminuerait encore I’intérêt du maintien de la ligne Lachapelle-Sentheim.
Il appartient donc au conseil général du Territoire de Belfort de décider s’il y a lieu de poursuivre l’affaire dans ces conditions.
En définitive, en raison des dangers présentés par l’exploitation de la ligne Lachapelle – Sentheim et conformément à l’avis émis par la commission départementale, le trafic est suspendu sur cette ligne à partir du 1er janvier 1921.

Ligne de Rougemont à Masevaux

Le Conseil général du Haut-Rhin émet alors le voeu d’examiner I’exécution de la ligne Masevaux-Rougemont. Les communes de la haute vallée de la Doller ne disposent plus, depuis la suppression de la ligne Lachapelle – Sentheim, que de la ligne à voie normale de Sewen à Mulhouse pour leurs relations avec Belfort. Cette ligne oblige à un long détour par Cernay, ce qui rend évident l’intérêt d’une liaison directe par voie métrique entre Belfort et Masevaux.
Masevaux, ancien chef lieu de canton de I’arrondissement de Belfort est une agglomération de 3 600 habitants qui constitue le centre de l’industrielle vallée de la haute Doller où s’échelonnent, de Sewen à Lauw les usines : scieries, fonderies, tissages… C’est de plus un centre touristique.

Tracé rouge

D’après l’étude de la carte, le tracé de la ligne pourrait être le suivant : il aurait son origine à la gare de Rougemont à la cote 439, traverserait à niveau le chemin de grande communication n°2, puis le chemin de grande communication n°11 qu’il longerait sur une faible longueur, s’élèverait à I’est de Rougemont pour franchir un col vers la cote 450, se maintiendrait à cette cote à flanc de coteau en direction du chemin de grande communication n°2 qu’il longerait sur quelques centaines de mètres, en accotement isolé, traverserait à niveau les chemins de Leval à Masevaux et de Rougemont à Lauw, se détacherait du G.C. 2 après cette dernière traversée à niveau, pour se développer en lacet pour la traversée
du ravin du ruisseau du Runzbach et descendre dans la vallée de la Doller qu’il traverserait pour aboutir à proximité de la gare de Masevaux des chemins de fer d’Alsace-Lorraine, vers la cote 400.
Le développement du tracé entre la gare des C.F.B. de Rougemont et la gare de Masevaux de la ligne Sewen-Cernay atteindrait une longueur approximative de…

(La suite dans : Projets de construction de lignes de chemin de fer entre le Territoire de Belfort et l’Alsace, par Bernard Groboillot, page 4)

La paroisse de Lachapelle-Petitefontaine – 1ère partie : La fin d’un règne 1944 – 1953

De 1944 à 1966 le chanoine Jules Lhôte et I’abbé Paul Houriez marquent successivement la paroisse de Lachapelle – Petitefontoine de leur sceau. Ils étaient dotés d’un tempérament différent et ils n’avaient sans doute pas la même conception de leur mission pastorale. En réalité, Ieur passage à la tête de la paroisse a correspondu à deux époques bien distinctes : celle de la fin d’un règne et celle d’un renouveou. Cette chronique ne revêt aucun caractère exhaustif. Les archives paroissiales ayant disporu, elle a été composée, pour l’essentiel, à partir de documents de nature familiale, sans que les archives municipales aient été sollicitées.
Dans un premier temps Yves Grisez nous présente les dernières années du ministère du chanoine Jules Lhôte.

Le chanoine Jules Lhôte

À la fin de la guerre, le  chanoine Jules Lhôte se trouve toujours à la tête de la paroisse catholique de Lachapelle-Petitefontaine, ces deux localités ne formant qu’une seule et même
paroisse depuis le concordat napoléonien de 1801. ll demeure également prêtre-desservant de la paroisse d’Angeot.
Nommé en 1908 Par I’archevêque de Besançon, le chanoine Lhôte est devenu au fil des ans une figure emblématique du « doyenné de Lachapelle ». ll connaît la totalité des familles d’une paroisse à laquelle il s’identifie toujours davantage. Cette connaissance se trouve d’ailleurs largement facilitée par les faibles mouvements d’une population dont la mentalité est encore largement paysanne, ainsi que par une pratique religieuse importante. Les catholiques représentent alors plus de 95 % de la population des deux villages, et la majorité des habitants assistent aux offices dominicaux, messes et vêpres.
La vie paroissiale se trouve fortement influencée par la personnalité du curé-doyen. Ordonné prêtre en I 887, il avait été professeur au collège de Lachapelle jusqu’à la fermeture de celui-ci, en 1890. L’on peut ainsi comprendre qu’il évoquait, avec une certaine nostalgie, le siècle précédent, au cours duquel sa paroisse avait accueilli, successivement, le  » Petit séminaire  » et le « Collège libre ». ll ne manquait pas de faire observer à ses interlocuteurs que cet accueil correspondait à des traditions ancestrales d’hospitalité et qu’il avait eu pour effet de porter la renommée de la paroisse bien au-delà des limites de l’évêché.
Il rappelait inlassablement à ses paroissiens leurs devoirs religieux et il s’avérait préoccupé par le sort des âmes dont il avait la responsabilité, ayant en réalité pour principe naturel le respect de la hiérarchie diocésaine et pour souci essentiel l’application scrupuleuse des Encycliques papales. Ses raisonnements et ses conseils étaient empreints du bon sens d’un homme issu du milieu de la terre. Il n’était pas, à proprement parler, un « intellectuel », comme pouvait l’être son « rival », l’abbé Georges Chiron, curé de Rougemont-le-Château.
Cependant, il possédait une mémoire redoutable, qui lui permettait de se référer sans hésitation à Saint-Paul ou à certains philosophes, ainsi qu’une certaine culture.

Un grand chantier : la restauration de l’église

S’il n’était pas, par tempérament, porté à adopter publiquement des positions en matière politique et sociale qui lui semblaient outrepasser I’exercice de son ministère, il pouvait néanmoins échanger des confidences qui laissaient entrevoir le fond de sa pensée.  » Catholique et français toujours « , il avait été, au tréfonds de son être, un farouche opposant, non seulement à l’occupation allemande que ses chers paroissiens venaient de subir, mais également à certaines des décisions qui avaient été prises par le gouvernement de Vichy. C’est ainsi que quelques paroissiens eurent I’occasion, quelques mois après la fin de la guerre, de l’entendre échanger à ce sujet des propos aigres-doux avec un curé de son doyenné. Il reçut la médaille de la reconnaissance française pour « services rendus à I’Armée », cette distinction récompensant son ardent patriotisme.
L’église Saint-Vincent de Lachapelle avait gravement souffert lors des combats de la Libération, qui avaient eu lieu entre le 25 et le 27 novembre 1944. En effet, de nombreuses parties
de l’édifice avaient alors été endommagées : le clocher, les toitures et les vitraux, en particulier.
Le maire Pierre Crave, et son frère Jean, avaient pris l’initiative, salutaire et courageuse, de procéder eux-mêmes à la réparation de la plupart des toitures de l’église et ceci dans les plus brefs délais en raison de la période hivernale. ll était maintenant nécessaire d’envisager la question des nombreuses réparations à entreprendre, sous un aspect global, en collaboration étroite avec les « pouvoirs publics » concernés.
Le chanoine Jules Lhôte participera, naturellement, aux difficiles tractations qui se déroulèrent, pendant plusieurs années, avec les représentants des municipalités de Lachapelle et de Petitefontaine, lesquelles étaient dirigées depuis 1946, respectivement par Xavier Finck et par Gaston Stouff. Il convenait, notamment, de fixer des priorités, les modalités des réparations, ainsi que la participation financière des deux communes, le quart des dépenses devant, en principe, être assuré par celle de Petitefontaine. Il était entouré par les membres de son conseil, composé de plusieurs personnes dont les avis lui furent précieux. L’expression  » dommages de guerre  » revenait sans cesse dans les propos des uns et des autres…
S’il arrivait au curé-doyen de se plaindre, en cercle extrêmement restreint, de l’attitude des représentants de la municipalité de Lachapelle qui aurait été, selon lui, essentiellement composée de  » radicaux mécréants « , il revient à la réalité de préciser que l’heureux aboutissement des discussions qui eurent lieu avec les deux municipalités pouvait être gêné par certains traits de son caractère, que l’âge accentuait passablement…
Son entêtement, lorsqu’il estimait que les intérêts de sa paroisse se trouvaient mis en cause, pouvait aboutir à des situation cocasses.
L’anecdote suivante en est révélatrice. Le brasseur Jean Grisez (né en I 900) lui avait proposé de prendre à sa charge les frais de réparation d’un vitrail endommagé qui avait été autrefois offert par sa famille. Jules Lhôte refusa catégoriquement cette proposition, considérant, sans doute à tort, que son acceptation priverait ultérieurement la paroisse des aides publiques nécessaires à la réparation des autres vitraux. Et que sont devenus ces vitraux? Ils avaient été, avec méticulosité, détachés de leurs jointures et placés dans de grands coffres aménagés sous le clocher, dans l’attente d’une éventuelle réparation. Or, un beau jour, I’on constata qu’ils avaient disparu, Xavier Finck se déclarant alors le  » premier étonné  » de cette disparition.
Le chanoine ne dédaignait pas les honneurs et il appréciait les visites que rendait à la paroisse, l’archevêque de Besançon, monseigneur Dubourg. A l’annonce de chacune d’elles, il était empli de joie et de fierté. Cependant. il marmonnait généralement :  » Qu’est-ce qu’il va trouver ici !  » L’une des dernières visites de l’archevêque à la paroisse titulaire du doyenné eut lieu en 1947, pour le baptême d’une cloche dénommée « Jean Colette ». ll s’agissait d’une cloche destinée à remplacer celle qui avait été offerte à la paroisse par la famille Grisez et qui
avait été fracassée lors des combats de la Libération. Elle avait été refondue par la maison Caussard de Colmar et elle eut pour parrain et marraine deux des petits-enfants du
brasseur Jean-Baptiste Grisez (décédé en 1915) et de son épouse, Laure Vogel : Jean Grisez, né en 1932 et Colette Braun, née en 1929. À I’occasion de ce baptême ont été éditées
et distribuées des images pieuses sur lesquelles on avait mentionné la prosopopée suivante :

(La suite dans :  La paroisse de Lachapelle – Petitefontaine – 1ère partie : La fin d’un règne 1944 -1953, par Yves Grisez, page 8 et dans La Vôge n°25)

Les comtes de La Suze et un de leur soldat : Conrad Juster

Quand, le 28 juin 1636, Louis de Champagne, comte de La Suze, reçut la capitulation de Belfort au nom du roi Louis XIIl, il était assisté au commandement de son armée, composée en
grande partie de mercenaires, par un officier étranger, Conrad Juster, qui s’installa à Auxelles-Bas, y fonda une famille qui, de nos jours encore, a des représentants.

Les comtes de La Suze

Louis II de Champagne, comte de La Suze et seigneur d’une douzaine d’autres lieux, eut une vie très agitée. De religion réformée et poussé par le roi Henri IV il servit d’abord dans I’armée du roi de Suède Gustave-Adolphe qu’il quitta après la campagne du Danemark (1613). Rentré en France, il prit le parti du duc de Mayenne contre Louis Xlll qui subissait alors I’influence de Concini. A la chute de ce dernier (1617), il se rallia au roi mais, dès 1621 il provoqua le soulèvement des protestants du Centre de la France. Délogé de Jargeau, vaincu à Beaugency, il jugea bon de s’expatrier et, avec l’accord du roi, accepta la proposition de la République de Berne qui lui offrait le poste de général en chef de son armée. Rentré en France après six ans (1628), il participa, en qualité de maréchal de camp, à la campagne du Palatinat (1632-1634) et au siège de Nancy. En 1635, Louis Xlll lui confie la mission de s’emparer du comté de Belfort et du landgraviat de Haute et de Basse Alsace qui appartenaient à I’Autriche et qu’on appelait Autriche Antérieure. Ayant anéanti, à Roppe, les troupes de mercenaires croates qui, chargés de défendre le pays, en profitaient pour se livrer aux pires exactions sur la population, il oblige le général autrichien von Colloredo à lui livrer Belfort. Il
s’empare ensuite de Delle et soumet la plus grande partie de I’Alsace.
En récompense, le roi Louis Xlll lui accorde, pour en jouir comme de ses biens propres, les comtés de Belfort et de Ferrette, le brevet de lieutenant-général de ses armées et une pension de 9 600 livres. Il ne jouit pas longtemps de ces avantages, étant mort trois mois plus tard (25 septembre 1636). Les Bernois, reconnaissants, réclamèrent le corps de leur ancien généralissime, lui firent des obsèques solennelles et lui élevèrent un beau mausolée.
C’est son fils Gaspard, âgé de dix-huit ans qui prit sa succession et reçut du roi un brevet confirmatif des avantages consentis à son père. ll entreprit aussitôt de réparer les dégâts causés au pays par la guerre de Trente ans. ll tenta de relancer les activités dans tous les domaines et s’attacha particulièrement à la réalisation de deux objectifs pour lesquels il
ne ménage ni sa peine ni son argent :

  • renforcer la défense de Belfort par la construction du « grand couronné » dont les travaux dureront onze ans (1637-1648).
  • relancer I’exploitation des mines qui constituaient la principale richesse du comté. Déjà victimes d’une exploitation intensive et désordonnée de la part des autrichiens dans la deuxième moitié du siècle précédent, elles avaient été saccagées par les Suédois. Les puits et les galeries étaient inondés et les Suédois avaient fait main basse sur les stock et les lingots.

Les traités de Westphalie (1648) confirmèrent le rattachement à la France du comté de Belfort et de la plus grande partie de I’Alsace. C’est alors que la régente Anne d’Autriche et le cardinal Mazarin retirèrent à Gaspard de La Suze les avantages qu’il avait hérités de son père, en raison de sa sympathie pour le parti du prince de Condé (Fronde des princes 1648-1653). Ayant refusé de rendre la place, Gaspard de La Suze se trouva en rébellion ouverte contre le pouvoir royal durant cinq ans.
Une fois la Fronde vaincue, ordre fut donné au maréchal de La Ferté, gouverneur de Lorraine, de s’emparer de Belfort par la force. Une armée de 2 000 hommes se porta sur Belfort qu’elle investit. Le siège, mené durant le terrible hiver de 1653-1654, fut très dur. Le puits de la citadelle fut pris par la glace privant d’eau la garnison qui demanda une suspension d’armes et capitula Ie 23 février I 654. Gaspard de La Suze fut autorisé à quitter la citadelle avec les honneurs de la guerre.
Accompagné de quelque deux cents volontaires, il prit le chemin du Luxembourg, en vue de rejoindre les troupes du prince de Condé qui, vaincues en France, continuaient à guerroyer aux côtés des Espagnols sur la frontière du Nord. Curieusement le traité de capitulation spécifiait que Gaspard de La Suze continuerait à jouir « des réparations, augmentations et améliorations qu’il aura faites à ses frois et dépenses dans les terres de Belfort, comme dans les forges et fourneaux à fer, tant au dit Belfort qu’à Chatenoy, aux montagnes Saint-Jean d’Acelle, à Thurn et à Giromagny, sans y être troublé sous quelque prétexte gue ce soit, estant les admodiateurs maintenus en leurs admodiations, selon les articles portés en
icelles faites avec le comte ».

Ces avantages durent devenir caducs quand, en 1659, le comté de Belfort fut attribué au cardinal Mazarin. Gaspard de La Suze a laissé à Belfort le souvenir d’un homme simple, actif et affable. De religion réformé, il avait épousé le 7 novembre 1645, Henriette de Coligny, petite fille de I’amiral victime de la Saint-Barthélémy. Frivole, fantasque, défrayant la chronique par
ses excentricités, elle ne se plaisait qu’en compagnie des beaux esprits. Férue de littérature et de philosophie, elle correspondait avec tout ce que I’Europe comptait d’intellectuels.
Elles entretenait des relations amicales avec la reine Christine qui avait succédé à Gustave-Adolphe sur le trône de Suède et, comme elle, finit par se convertir au catholicisme.
Bien qu’elle eu rompu son mariage en 1648, elle fit publier plusieurs ouvrages de poésie sous le nom d’Henriette de La Suze.

Les Juster

Conrad Juster était né dans le diocèse de Trente qui constituait une principauté ecclésiastique avant d’être annexé par I’Autriche. Il fut rendu à I’ltalie par le traité de Saint-Germain après
la guerre de 1914-1918.
Dès 1636, on le trouve installé à Auxelles-Bas, peut-être placé là par son chef le comte de La Suze qui, en sa double qualité de comte de Belfort et de Ferrette, avait des intérêts à défendre dans la région. ll épousa une fille de Giromagny Elisabeth Mérique dont le père était « facteur » des mines de Château-Lambert. Conrad dut mourir vers 1661 ; son testament est daté du 21 septembre de cette année.
Son fils Alexandre prit sa succession. ll était né à Auxelles-Bas vers 1637 et mourut le 9 mars 1714. On sait avec certitude qu’aux environs de 1700, il était procureur fiscal de la seigneurie. Le procureur fiscal était une sorte de fondé de pouvoir qui veillait aux intérêts matériels et financiers du seigneur dont il était le représentant permanent. De son mariage avec Eve Prevost (1641-1707) il eut cinq enfants : quatre filles et un garçon, Jean-Claude, qui lui succéda. En 1708, à la veille de contracter un nouveau mariage avec Anne Mombey, il partagea ses biens entre ses cinq enfants moyennant une rente viagère en argent et en prestations alimentaires.
Jean-Claude Juster, né vers 1687 et mort le 14 mai 1733, épousa le 14 octobre I 707 Elisabeth Brunet (1697-1747), fille d’un marchand drapier de Giromagny. lls eurent treize enfants, parmi lesquels :

  • Anne-Françoise, née en I 724 qui épousa le 5 juillet 1744 « dominus Jean Han de la suite des seigneurs de Foussemagne, Roppe et Rosemont »,
  • Toussaint qui mourut à l’âge de onze ans en 1733,
  • Nicolas qui épousa le 7 juillet 1741 Anne-Marie Briseylon,
  • Pierre-François (1717-1785) qui lui succéda.

Pierre-François Juster épousa le 17 novembre 1741, Françoise Lollier (1721- I 757) dont le père était « mayre du roy » à Auxelles-Bas. Le couple eut dix enfants : d’abord sept filles, puis un garçon, François…qui mourut âgé de cinq mois le 22 avril 1763.
Sans doute pour sauver le patronyme et assurer la succession des Juster, le couple fit encore deux tentatives…qui se soldèrent par la naissance de deux nouvelles filles : Françoise le 15 mai 1574 et Marie-Elisabeth, dont le naissance, le 3 février 1757 coûta la vie à…

(La suite dans : Les comtes de La Suze et un de leur soldat : Conrad Juster, par Jules-Paul Sarazin, page 17)

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