+33 6 27 61 39 09 contact@ahpsv.fr

Table des matières

L’an 00   4
Ouverture d’une d’une route à grande communication dans le pays sous-vosgien Bernard Groboillot 5
La paroisse de Lachapelle-Petitefontaine – Le renouveau 1953 – 1966 Yves Grisez 8
Les comtes de La Suze et un de leur soldat : Conrad Juster Jules-Paul Sarazin 17
Le jour du mariage et son évolution depuis la Révolution à Leval (1795-1995) Jean de Zutter 20
Il y a 100ans… François Sellier 25
Grave incendie à Rougemont en 1783 Olivier Billot 29
Le chemin des croix : Petitefontaine – Romagny Philippe Dattler – François Sellier 30
Rodolphe Sommer 15 – Rosine Pierre Haas 32
MAGAZINE    
Le tissage Briot 1848-1979 François Liebelin                     38
L’alpinisme au secours des clochers… Bernard Groboillot 40
La Vôge a lu   41
Une époque formidable   41
Appel à témoins   42
 « Le Ballon d’Alsace, terre de rencontres et d’affrontements »   43

Le tissage Briot 1848-1979

Implanté à Lepuix-Gy à I’extrémité ouest du village, dans la vallée de la Beucinère au lieu dit « en Chauve Roche », le Tissage Briot tel qu’il se présente à l’heure actuelle est I’aboutissement de trois étapes de construction.
Les bâtiments occupés par le Secours Catholique furent édifiés en 1847-48 par le docteur Charles Zaepfel de Giromagny. Après la mort de ce dernier, sa veuve loue l’usine à son gendre, Monsieur Pierre Bornèque, industriel à Bavilliers. Il agrandit les locaux en 1864-65, mais les affaires ne prospérant pas, l’usine est cédée à son frère, Albert Bornèque qui, à son tour, ne peut se maintenir. Il fait faillite en 1878 et laisse le soin à son principal créancier, Monsieur Gustave Galland de Remiremont, de faire redémarrer l’affaire.
Le fils de ce dernier fait construire en 1894-95 un vaste bâtiment à deux étages. Situé vis à vis de l’ancien, mais sur la rive droite de la Beucinière. Cette nouvelle bâtisse regroupera
tous les métiers à tisser; la préparation et l’ourdissage se faisant désormais dans les anciens locaux.
Deux années plus tard, l’ensemble du site est acquis par Henri Briot, alors gérant des tissages Laederich du Haut-du-Them. Bien secondé par son directeur Alix Briot, du même nom
devenu par la suite son gendre, le Tissage spécialisé dans le travail à façon acquit une renommée certaine. Transformée en société, en commandite simple en 1923, cette entreprise
familiale prit un bel essor et alignait 230 métiers à tisser à la veille de la guerre.
En 1957, la petite fille du fondateur, Mademoiselle Marie-Rose Briot devenait fondée de pouvoir de la société transformée en S. A. R. L. Un gros effort de modernisation fut tenté avec, d’abord le passage à l’électricité (arrêt de la machine à vapeur en 1957), puis en 1961-62 la construction d’une nouvelle salle de tissage destinée à abriter de grosses machines spécialement conçues pour la fabrication du tissu éponge.
La production s’arrêtait définitivement à l’automne 1979, la vente continuant quelques années encore. Mademoiselle Briot décédait en 1982 laissant une succession assez complexe destinée à des oeuvres humanitaires.

À l’heure actuelle (2000), l’ancien Tissage est propriété de « l’Association Marie-Rose Briot ». Association loi de 1901, elle regroupe :

  • le Secours Catholique
  • Les Bénédictions de la Pierre qui vire
  • le Prieuré de Chauveroche 
  • le diocèse de Belfort-Montbéliard
  • les Exécuteurs testamentaires.

LA MACHINE À VAPEUR

Construite à la fin du siècle dernier par la Maison A. Blondel de Lamadeleine-les-Lille, c’est une machine horizontale type mono-cylindrique à double effet. D’une puissance maximum de 150 HP, elle est munie d’un volant d’inertie en fonte de 4 m de diamètre, couplé avec un régulateur à boules permettant de stabiliser sa vitesse à 85-90 tours par minute, quelque soit le
travail demandé.
Une courroie en cuir de 42 cm de large relie le volant lisse à un tambour de 2 m de diamètre monté sur la transmission principale du tissage couplée elle-même avec une turbine hydraulique de 50-60 HP. En 1957, après plus de 50 années de bons et loyaux services, la machine est arrêtée définitivement et remplacée par un moteur électrique.
D’abord entretenue et graissée périodiquement, elle finira par être abandonnée. Nous la vîmes pour la première fois en 1990, elle était déjà dans un triste état, rongée par la rouille.
Cette machine marque la fin d’une époque, celle où la force motrice de la vapeur était reine dans les usines. Notre association. I’A. H. P S.V., mit alors tout en oeuvre dans un premier temps pour stopper les dégradations et surtout éviter que la machine ne termine à la ferraille. Ce ne fut pas une tâche facile. Au cours de ces dernières années, la machine fût visitée par une foule de curieux. Nous eûmes souvent droit à de belles paroles d’encouragement mais de financement point. Finalement, l’Association Marie-Rose Briot désirant démolir le local de la machine, menaça d’ensevelir cette dernière sous les décombres. Le Conseil Général conscient du problème accepta la prise en charge du démontage et du transfert des différents éléments dans les locaux de I’ancien Tissage du Pont à Lepuix-Gy (photo ci-contre : état en mars 2012).

(La suite dans :  Le Tissage Briot 1848-1979, par François Liebelin, page 38)

Ouverture d’une d’une route à grande communication dans le pays sous-vosgien

S’il est un sujet que les lecteurs de La Vôge voient régulièrement revenir dons les colonnes de la presse locale, c’est celui de la « desserte du Pays Sous-vosgien » : une route départementale qui permettra Ie désenclavement de Ia région et qui sera ouverte selon un axe orienté grossièrement nord-sud.
L’ouvrage contribuera fortement à « l’aménagement du Territoire » conçu aujourd’hui autour de Belfort, centre urbain attractif pour la population et ses activités.
Autre temps, autre souci, à la fin du XIXè siècle, les prédécesseurs de nos Conseillers généraux se préoccupaient déjà d’aménager le département par l’ouverture d’une route, mais leur projet, que nous présente Bernard Groboillot, était orienté est-ouest. A l’époque,la population était moins mobile et trouvait sur place à s’employer dans les usines textiles qui existaient dans presque tous les villages.
Autre souci, la route ne débouchait pas sur d’autres routes (ou autoroute) comme aujourd’hui, mais sur des gares, le rail ayant un effet structurant qu’il a largement perdu de nos jours.

Avant l’annexion de l’Alsace en 1871, les industries de la région de Rougemont – Etueffont étaient desservies par la gare de Sentheim. Après la défaite, les formalités de douane ne permettent plus de l’utiliser. Aussi, au cours de la séance du 25 mars 1881, le Conseil général décide qu’il y a lieu d’entreprendre l’établissement d’une route les reliant à la gare de Bas-Evette en cours de construction, qui remplacera pour eux la gare de Sentheim.
« Il importe de se préoccuper vivement de l’ouverture d’une voie de communication directe et dans des conditions de bonne viabilité qui n’existent plus aujourd’hui pour ces centres importants. Les dépenses en résultant seront ainsi une nouvelle conséquence des troubles que l’annexion a portés aux intérêts du département. »

Les projets

Ce chemin est prévu pour compléter le réseau du chemin de fer d’une longueur de 7,230 km qui, de Bas-Evette reliera Giromagny et dont les travaux sont mis en adjudication en août 1881.
Partant de Bas-Evette (ou même d’une nouvelle gare à Sermamagny), toute la partie industrieuse du Nord-Est du Territoire. Les marchandises seront acheminées directement sans passer par la ville de Belfort.
Un premier projet présenté et approuvé par le Conseil général est mis en adjudication le 27 août 1882. Il comprend les traversées de Sermamagny, Eloie, Etueffont-Bas, Rougemont et même au-delà vers I’Allemagne (Masevaux – Lauw).
Notons que le cahier des charges prévoit que seuls les entrepreneurs français sont admis à soumissionner ce qui exclut, bien sûr, les Alsaciens.

Travaux à Rougemont

Le chemin entre Rougemont et la frontière, au lieu-dit  » les Fourches  » présente des rampes et pentes atteignant 8 % qui rendent la circulation très difficile pour les voitures lourdement chargées. ll importe donc de les rectifier et de les ramener à 4 %. Ces travaux sont évalués à la somme de 21 000 Francs. Mais un examen sur place permet de constater qu’en plaçant en remblai au pied de la côte les terres à enlever en déblai, on peut pour obtenir une pente régulière de 4 %, se contenter, en fait, d’une tranchée minimale de 2,35 m dont le cube ne serait pas de plus de 8 000 m et la dépense de 16 000 F.
Les travaux commencent en juin 1883, ils seront poussés activement afin que le nouveau chemin puisse être livré à la circulation au mois d’octobre. Pour ne pas ralentir la marche de ces travaux la circulation sur la partie à rectifier est interdite. La déviation se fait par le chemin vicinal de Leval à Masevaux qui est en bon état, après entente avec l’administration des douanes. Ce n’est qu’en 1886 que la commune de Rougemont obtient le remboursement de 1171 F pour l’acquisition du terrain nécessaire à la rectification de la côte des « Fourches ».

Il est également prévu l’élargissement de la route dans la traversée de Rougemont et la pose de trottoirs. Pour ceux-ci les frais seront supportés par tiers, un au département, un à la commune et un aux propriétaires.

De Rougemont à Etueffont-Bas

En août 1883 une étude est faite concernant la rectification de la forte côte entre Etueffont et Rougemont qui offre à la circulation des marchandises un obstacle considérable.
L’agent voyer présente un projet qui, sur le versant de Rougemont, réduit les pentes à 4,40 % ce qui sur  le versant d’Etueffont les ramène entre 3 et 4 % au moyen d’un nouveau tracé de route. L’inconvénient c’est le montant de la dépense qui s’élève à 65 000 F
Le Conseil général demande d’examiner une possible économie sur le montant des travaux, par exemple en faisant une rectification sur place sans changement de tracé et en obtenant sur le versant d’Etueffont, comme sur celui de Rougemont, une pente régulière de 4,40 %.
Les travaux de construction du chemin d’Etueffont-Bas à la route de Rougemont seront achevés en cette année 1883 mais une subvention supplémentaire de 1210 F est nécessaire pour faire face à la dépense.

D’Ettueffont-Bas à Eloie

Le chemin d’Etueffont-Bas à Eloie, bien qu’existant, est trop sinueux et trop étroit, il faut y faire d’importants travaux qui sont prévus pour 1884. Le pont sur la Madeleine à Etueffont-Bas est construit aux frais de la commune et les dépenses Pour ce chemin s’élèvent à 27 000 F

De Sermamagny à Eloie

Monsieur Warnod, conseiller général de Giromagny, indique dans un rapport le 27 août 1884 que « le chemin de Sermamagny à Eloie doit compléter le réseau routier qui reliera au chemin de fer de Bas-Evette à Giromagny toute la partie si industrieuse du Nord-Est du Territoire qui comprend les manufactures de Rougernont, les deux Etueffont, Anjoutey, Saint-Germain. Ce réseau est pratiquement achevé jusqu’à Eloie, le pont sur la Savoureuse à Sermamagny est construit. Il ne reste à exécuter que le tronçon de route compris entre Eloie et Sermamagny. »

Un premier projet présenté et approuvé en 1883 est mis en adjudication le 27 août de la même année. Monsieur Schad est chargé de cette entreprise. Mais au moment de commencer les travaux, la commune de Sermamagny non satisfaite de ce tracé, veut en imposer un autre à I’entrepreneur. Aussi I’Administrateur (le Préfet d’alors) donne l’ordre de surseoir à ces travaux.
En avril, l’agent voyer propose deux autres projets: le projet approuvé en 1883 revient à 19300 F celui demandé par la commune, plus long et bien moins satisfaisant à 22300 F. Un troisième, qui tout en raccourcissant de 100 mètres la distance totale qui est de 2157 mètres, nécessiterait l’ouverture d’une plus grande longueur de chemin neuf parce qu’il n’emprunterait pas le chemin d’Eloie au Valdoie, reviendrait à 27 000 F.
Monsieur Warnod conclut qu’en raison de la pénurie de ressources dont dispose le département il convient d’approuver le premier tracé adjugé en 1883 pour 19 300 F. Monsieur Schad obtient 500 F d’indemnités pour arrêt de ces travaux et non 5 000 F comme il le demandait.
En 1885, la municipalité de Sermamagny refuse encore la proposition qui lui est faite pour modifier le tracé du chemin d’Eloie. Ce n’est qu’en 1886, après la reconstruction d’un pont sur la Savoureuse que le litige est terminé, mais la commune doit payer 2 100 F de dommages et intérêts.

La construction du chemin

Ces chemins auront une largeur minimale de 6 mètres et même 7 mètres suivant les possibilités. Pour que les matériaux déposés ne soient pas une gêne ni un danger pour la circulation, il est prévu …

(La suite dans : Ouverture d’une d’une route à grande communication dans le Pays sous-vosgien, par Bernard Groboillot, page 5)

La paroisse de Lachapelle-Petitefontaine – 2ème partie : Le renouveau 1953 – 1966

Après le décès du chanoine-doyen honoraire Jules Lhôte, « l’aumônier de Saint-Nicolas », Félix Saugier, assura, pendant quelques mois, la charge des paroisses de Lachapelle – Petitefontoine et Angeot.

L’arrivée, en juillet 1953, de I’abbé Paul Houriez marque le début d’un incontestable renouveau de la vie paroissiale. Ce prêtre, âgé de trente trois ans, est issu, comme son prédécesseur, d’une famille de cultivateurs du Territoire. Cependant, il se trouve doté d’une personnalité bien différente de celle de Jules Lhôte. ll n’appréhende pas véritablement l’histoire de la paroisse dans ce qu’elle comporte de spécifique et il ne la prendra pas spécialement en considération lorsqu’il s’agira d’adopter certaines options.

La plupart des habitants de Lachapelle, de Petitefontaine et d’Angeot (cette dernière paroisse étant encore desservie), apprécient le « style » de ce ieune prêtre plein d’allant, qui multiplie les contacts avec la population et qui se rend, non seulement dans les familles de ceux  » qui croient au ciel « , mais également dans celles qui n’y croient pas. On le voit partout, ce qui lui vaudra d’être surnommé le  » curé routier  » par certains chauffeurs d’autobus de « la Citroën » qui assuraient alors le service de la ligne Belfort – Mulhouse. L’abbé Houriez se trouve aidé dans sa nouvelle tâche par une jovialité et une ouverture d’esprit qui lui permettent d’être à l’écoute des suggestions ou des critiques, dont il ne tiendra pas toujours compte. Dans l’exercice de son ministère, il ne se contentera pas d’appliquer l’enseignement reçu au séminaire.
Il dresse rapidement le constat suivant : au cours des dernières années, plusieurs familles de paroissiens se sont détournées de la pratique religieuse pour des raisons dues principalement aux déficiences causées, bien naturellement, par le grand âge et la maladie de son prédécesseur. ll s’agit donc de reconstituer un tissu paroissial qui se délite.
La conduite du renouveau paroissial devra prendre en considération l’existence de quelques changements de nature démographique. Anne-Marie Jaminet-Grisez relève à ce propos l’indication suivante :
« L’installation en 1951 de l’entreprise de construction Bailly-Buchwalter a entraîné l’arrivée au village d’une soixantaine de personnes, dont la plupart sont d’origine italienne, à forte natalité. Par ailleurs, entre 1945 et 1955, le nombre d’enfants a pratiquement doublé ».
A partir de 1959 s’établiront de cordiales relations entre I’abbé Houriez et la nouvelle municipalité dirigée par le maire, Pierre Antoine et ses adjoints, Jean Buchwalter et Raymond Poirot, tous trois chrétiens fervents. Se fait jour l’émergence d’un nouveau type de relations entre le curé de Lachapelle – Petitefontaine et la municipalité de Lachapelle, composée en grande partie de jeunes catholiques pratiquants et engagés, dont certains exposeront des idées particulièrement intéressantes en matière de renouveau paroissial. En réalité, l’on assiste à la naissance d’une espèce d’ « alliance du Trône et de l’Autel « , qui se révélera positive et qui se manifestera, en particulier, par la présence des représentants de la municipalité de Lachapelle aux goûters qui pouvaient être régulièrement organisés par les dames de l’Action Catholique Féminine.
D’ailleurs, certaines d’entre elles, assurent l’enseignement du catéchisme, dans une salle de l’ancienne tannerie du Collège appelée par certains vieux habitants de la localité » le château de Victorine « . Ce bâtiment, mis à la disposition de la paroisse par Anne-Marie Jaminet, sera utilisé à partir de 1964 par l’ « Association Paroissiale d’Education Populaire », animée, en particulier, par Jean Buchwalter. A l’Action Catholique participent désormais plusieurs nouveaux venus, lesquels apportent avec eux la force de leurs convictions. Le pèlerinage, en principe annuel, des « Ligueuses » est suivi par un plus grand nombre de paroissiennes. Il en est de même des  » Journées de récollection  » qui ont…

(La suite dans : La paroisse de Lachapelle-Petitefontaine – 2ème partie : Le renouveau 1953 – 1966, par Yves Grisez, page 8)

Les comtes de La Suze et un de leur soldat : Conrad Juster

Quand, le 28 juin 1636, Louis de Champagne, comte de La Suze, reçut la capitulation de Belfort au nom du roi Louis XIIl, il était assisté au commandement de son armée, composée en
grande partie de mercenaires, par un officier étranger, Conrad Juster, qui s’installa à Auxelles-Bas, y fonda une famille qui, de nos jours encore, a des représentants.

Les comtes de La Suze

Louis II de Champagne, comte de La Suze et seigneur d’une douzaine d’autres lieux, eut une vie très agitée. De religion réformée et poussé par le roi Henri IV il servit d’abord dans I’armée du roi de Suède Gustave-Adolphe qu’il quitta après la campagne du Danemark (1613). Rentré en France, il prit le parti du duc de Mayenne contre Louis Xlll qui subissait alors I’influence de Concini. A la chute de ce dernier (1617), il se rallia au roi mais, dès 1621 il provoqua le soulèvement des protestants du Centre de la France. Délogé de Jargeau, vaincu à Beaugency, il jugea bon de s’expatrier et, avec l’accord du roi, accepta la proposition de la République de Berne qui lui offrait le poste de général en chef de son armée. Rentré en France après six ans (1628), il participa, en qualité de maréchal de camp, à la campagne du Palatinat (1632-1634) et au siège de Nancy. En 1635, Louis Xlll lui confie la mission de s’emparer du comté de Belfort et du landgraviat de Haute et de Basse Alsace qui appartenaient à I’Autriche et qu’on appelait Autriche Antérieure. Ayant anéanti, à Roppe, les troupes de mercenaires croates qui, chargés de défendre le pays, en profitaient pour se livrer aux pires exactions sur la population, il oblige le général autrichien von Colloredo à lui livrer Belfort. Il
s’empare ensuite de Delle et soumet la plus grande partie de I’Alsace.
En récompense, le roi Louis Xlll lui accorde, pour en jouir comme de ses biens propres, les comtés de Belfort et de Ferrette, le brevet de lieutenant-général de ses armées et une pension de 9 600 livres. Il ne jouit pas longtemps de ces avantages, étant mort trois mois plus tard (25 septembre 1636). Les Bernois, reconnaissants, réclamèrent le corps de leur ancien généralissime, lui firent des obsèques solennelles et lui élevèrent un beau mausolée.
C’est son fils Gaspard, âgé de dix-huit ans qui prit sa succession et reçut du roi un brevet confirmatif des avantages consentis à son père. ll entreprit aussitôt de réparer les dégâts causés au pays par la guerre de Trente ans. ll tenta de relancer les activités dans tous les domaines et s’attacha particulièrement à la réalisation de deux objectifs pour lesquels il
ne ménage ni sa peine ni son argent :

  • renforcer la défense de Belfort par la construction du « grand couronné » dont les travaux dureront onze ans (1637-1648).
  • relancer I’exploitation des mines qui constituaient la principale richesse du comté. Déjà victimes d’une exploitation intensive et désordonnée de la part des autrichiens dans la deuxième moitié du siècle précédent, elles avaient été saccagées par les Suédois. Les puits et les galeries étaient inondés et les Suédois avaient fait main basse sur les stock et les lingots.

Les traités de Westphalie (1648) confirmèrent le rattachement à la France du comté de Belfort et de la plus grande partie de I’Alsace. C’est alors que la régente Anne d’Autriche et le cardinal Mazarin retirèrent à Gaspard de La Suze les avantages qu’il avait hérités de son père, en raison de sa sympathie pour le parti du prince de Condé (Fronde des princes 1648-1653). Ayant refusé de rendre la place, Gaspard de La Suze se trouva en rébellion ouverte contre le pouvoir royal durant cinq ans.
Une fois la Fronde vaincue, ordre fut donné au maréchal de La Ferté, gouverneur de Lorraine, de s’emparer de Belfort par la force. Une armée de 2 000 hommes se porta sur Belfort qu’elle investit. Le siège, mené durant le terrible hiver de 1653-1654, fut très dur. Le puits de la citadelle fut pris par la glace privant d’eau la garnison qui demanda une suspension d’armes et capitula Ie 23 février I 654. Gaspard de La Suze fut autorisé à quitter la citadelle avec les honneurs de la guerre.
Accompagné de quelque deux cents volontaires, il prit le chemin du Luxembourg, en vue de rejoindre les troupes du prince de Condé qui, vaincues en France, continuaient à guerroyer aux côtés des Espagnols sur la frontière du Nord. Curieusement le traité de capitulation spécifiait que Gaspard de La Suze continuerait à jouir « des réparations, augmentations et améliorations qu’il aura faites à ses frois et dépenses dans les terres de Belfort, comme dans les forges et fourneaux à fer, tant au dit Belfort qu’à Chatenoy, aux montagnes Saint-Jean d’Acelle, à Thurn et à Giromagny, sans y être troublé sous quelque prétexte gue ce soit, estant les admodiateurs maintenus en leurs admodiations, selon les articles portés en
icelles faites avec le comte ».

Ces avantages durent devenir caducs quand, en 1659, le comté de Belfort fut attribué au cardinal Mazarin. Gaspard de La Suze a laissé à Belfort le souvenir d’un homme simple, actif et affable. De religion réformé, il avait épousé le 7 novembre 1645, Henriette de Coligny, petite fille de I’amiral victime de la Saint-Barthélémy. Frivole, fantasque, défrayant la chronique par
ses excentricités, elle ne se plaisait qu’en compagnie des beaux esprits. Férue de littérature et de philosophie, elle correspondait avec tout ce que I’Europe comptait d’intellectuels.
Elles entretenait des relations amicales avec la reine Christine qui avait succédé à Gustave-Adolphe sur le trône de Suède et, comme elle, finit par se convertir au catholicisme.
Bien qu’elle eu rompu son mariage en 1648, elle fit publier plusieurs ouvrages de poésie sous le nom d’Henriette de La Suze.

Les Juster

Conrad Juster était né dans le diocèse de Trente qui constituait une principauté ecclésiastique avant d’être annexé par I’Autriche. Il fut rendu à I’ltalie par le traité de Saint-Germain après
la guerre de 1914-1918.
Dès 1636, on le trouve installé à Auxelles-Bas, peut-être placé là par son chef le comte de La Suze qui, en sa double qualité de comte de Belfort et de Ferrette, avait des intérêts à défendre dans la région. ll épousa une fille de Giromagny Elisabeth Mérique dont le père était « facteur » des mines de Château-Lambert. Conrad dut mourir vers 1661 ; son testament est daté du 21 septembre de cette année.
Son fils Alexandre prit sa succession. ll était né à Auxelles-Bas vers 1637 et mourut le 9 mars 1714. On sait avec certitude qu’aux environs de 1700, il était procureur fiscal de la seigneurie. Le procureur fiscal était une sorte de fondé de pouvoir qui veillait aux intérêts matériels et financiers du seigneur dont il était le représentant permanent. De son mariage avec Eve Prevost (1641-1707) il eut cinq enfants : quatre filles et un garçon, Jean-Claude, qui lui succéda. En 1708, à la veille de contracter un nouveau mariage avec Anne Mombey, il partagea ses biens entre ses cinq enfants moyennant une rente viagère en argent et en prestations alimentaires.
Jean-Claude Juster, né vers 1687 et mort le 14 mai 1733, épousa le 14 octobre I 707 Elisabeth Brunet (1697-1747), fille d’un marchand drapier de Giromagny. lls eurent treize enfants, parmi lesquels :

  • Anne-Françoise, née en I 724 qui épousa le 5 juillet 1744 « dominus Jean Han de la suite des seigneurs de Foussemagne, Roppe et Rosemont »,
  • Toussaint qui mourut à l’âge de onze ans en 1733,
  • Nicolas qui épousa le 7 juillet 1741 Anne-Marie Briseylon,
  • Pierre-François (1717-1785) qui lui succéda.

Pierre-François Juster épousa le 17 novembre 1741, Françoise Lollier (1721- I 757) dont le père était « mayre du roy » à Auxelles-Bas. Le couple eut dix enfants : d’abord sept filles, puis un garçon, François…qui mourut âgé de cinq mois le 22 avril 1763.
Sans doute pour sauver le patronyme et assurer la succession des Juster, le couple fit encore deux tentatives…qui se soldèrent par la naissance de deux nouvelles filles : Françoise le 15 mai 1574 et Marie-Elisabeth, dont le naissance, le 3 février 1757 coûta la vie à…

(La suite dans : Les comtes de La Suze et un de leur soldat : Conrad Juster, par Jules-Paul Sarazin, page 17)

Ce numéro de La Vôge vous intéresse et vous souhaitez le lire dans son intégralité ?

Partagez sur vos réseaux !

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies afin de vous offrir une meilleure expérience utilisateur.
J'ai compris !
Privacy Policy