
Regard sur la Vôge
Il y a toujours un territoire où le temps s’écoule moins vite qu’ailleurs, où les gens savent et peuvent prendre leur temps. Un territoire où l’on n’a pas encore le sentiment d’être happé par le mouvement implacable de la marche du temps.
Patrimoine Belfortais
Les écarts ou les Essarts ces terres qui reviennent fréquemment de la toponymie locale et qui désignent la frange défrichée des agglomérations rurales – restent encore ouverts à ceux qui veulent se soustraire un moment, court ou long, au tohu-bohu de la civilisation moderne. Des aires de repos et de détente que les Belfortais peuvent trouver également dans leur bois, dans leur prairies, aux bords de leurs rivières.
Leur passé est encore si proche qu’il les convie à flâner sur les sentes d’autrefois.
Le patrimoine des Belfortais est assez riche pour leur indiquer les chemins de leur mémoire à travers les siècles. Il y a sans doute en Alsace et en Franche-Comté, des contrées ou le legs des civilisations et des siècles est plus nombreux et plus imposant. Mais outre que le territoire de Belfort, il n’est pas négligeable, il serait abusif de restreindre la notion de patrimoine au seuls chefs-d’œuvre des Beaux-Arts et de l’Histoire. Au premier rang, de ce que nous ont légué nos ancêtres, il faut placer la nature, une nature lentement, conquise, modelée et ornée au long des décennies, vêtue d’une humanité et d’une authenticité universelles.
La Vôge
Au nord des collines du Salbert et de l’Arsot, séparées par la vallée de la Savoureuse, porte d’entrée de l’agglomération Belfortaine, la Vôge s’étire, belle, large, ensorcelante. C’est l’un des plus beaux paysages de France; qui n’a pas entendu parler de la ligne bleue des Vosges et de son sommet le plus célèbre, le Ballon d’Alsace ?
Ah ce ballon d’Alsace, sorte de tarentule au gros corps rond, d’ou s’étendent quatre chaînes ainsi que des pattes avides. Par le Gresson et le Baerenkopf, il explore les pays d’Est; par la côte de Saint Antoine et celle de château-Lambert, il étreint la Franche-Comté orientale ; sa taille grandit de la zone sous vosgienne. C’est tout cela la Vôge.
Depuis le versant nord du Salbert, par temps clair, on aperçoit une masse voilée, un peu indécise, accostée d’une nuée laiteuse, toutes deux si haut dans le ciel, qu’on les croirait un orage menaçant ; c’est le Ballon d’Alsace et le ballon de Servances, les Burgraves plantés comme deux sentinelles, l’un surveillant l’autre.

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L’église Saint Jean-Baptiste à Giromagny
L’église de Giromagny, bien située sur un verrou glaciaire et visible de loin, a été construite sous le Second Empire, de 1857 à 1862.
Elle succède, au même emplacement, à l’église des mineurs, consacrée en 1569 et de dimensions plus réduites. Au milieu du XIXe siècle, ce bâtiment de trois siècles d’existence ne valait plus la peine d’être restauré et était aussi trop petit pour une population qui, avec les annexes, approchait 4000 personnes.
Les dimensions en sont respectables: 56,80m sur 20,50m; La largeur intérieure est de 18,90m la hauteur 51,80m, non compris la flèche du paratonnerre, surmontée depuis 1982 d’un coq girouette. Elle pouvait contenir 1000 personnes assises, avant des travaux qui ont légèrement réduit ce chiffre. Le matériau de construction – du grès bigarré – a été extrait des carrières d’Offemont, Vétrigne, Clairegoutte et Chagey.
Cette pierre, de couleur parfois très foncée, n’est visible que sur la tour octogonale, les contreforts et la base des murs. Les nefs sont crépies, ce qui n’est pas du meilleur effet, mais assure leur protection.
Le style est un gothique simplifié, comme de nombreuses églises de cette époque. Une grande nef de 9,25m de large, deux nefs latérales plus étroites, percées de 8 vitraux chacune, la nef principale éclairée par 16 rosaces, dans la partie supérieure, au-dessus du faux Triforium.
Que renferme-t-elle de remarquable ?
De l’ancienne église, une statue de Saint Jean-Baptiste, hauteur 1,60m, patron de la paroisse, construite en chêne et en frêne, vraisemblablement du XVIIIe siècle et que la restauration faite par Monsieur Jean Coulon en 1975 à débarrassé des nombreuses couches de peintures qui l’enlaidissaient.
Sous le porche, un bénitier de grès, hauteur 90cm, retrouvé après la première guerre, en exhumant les derniers corps du cimetière autour de l’église. Il pourrait plutôt s’agir d’un ancien Baptistère. Une inscription latine court sur le pourtour de la vasque, en partie illisible, car la pierre est usée. C’est un verset de psaume qui confirmerait cette hypothèse :
Lavabis me et super nivem dealbabor (Tu me laveras et je deviendrai plus Blanc que neige)
Tout le reste est propre à la nouvelle église.

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Le tilleul de Rougegoutte
Dans l’actuel territoire de Belfort, trois tilleuls légendaires : Fontaine, Montbouton et Rougegoutte étalent avec chaque renouveau leur panache majestueux.
Ces arbres tutélaires plantés tous les trois devant les églises et cimetières de ces paroisses marquent à n’en pas douter le souvenir d’évènements importants dans la vie des communautés villageoises.
D’après d’éminents spécialistes, la plantation des tilleuls de Fontaine et Montbouton remonterait au moins au XIVe siècle.
Celui de Rougegoutte vraisemblablement plus récent n’a pas moins un passé mémorable.
La justice à l’ombre du tilleul
Cet arbre situé au pied de la vieille église, édifiée sur un promontoire rocheux dominant toute la région, à une origine liée probablement « au fief de Rougegoutte – Grosmagny ». En 1345, Jeanne de Montbéliard, comtesse de Katzenellenbogen, dissocie ces deux villages du domaine rosemontois et les confère à Kennemann et Egloff de Masevaux.
De 1345 à 1791, Rougegoutte est partagé en « deux quartiers » :
– celui de la haute justice, à droite de la rivière (la goutte rouge), lequel appartient d’abord aux archiducs d’Autriche, possesseurs de notre région jusqu’en 1638, puis au comte de la Suze et enfin à la famille de Mazarin.
–Le quartier de la basse justice s’étendant de la rive gauche du torrent jusqu’à Gromagny.
Depuis le milieu du XVe siècle, la basse juridiction de Rougegoutte appartient pour moitié aux familles de Chaux et Milandre. Au siècle suivant, l’archiduc d’Autriche confère le fief devenu vacant aux nobles Reinach- Roppe. Les nouveaux seigneurs dont les prérogatives s’étendent alors en plus du fief sur environ 1000 ha de forêt situé à lepuix-gy, Malvaux, Giromagny, Vescemont et Riervescemont ont également droit de « basse justice » sur une vingtaine de sujets résidants au « vieux village » de Giromagny (place De Gaulle, quartier du Hautôt) et sur toutes les habitations implantées rive gauche de la Savoureuse à Lepuis-gy – Malvaux.
Au milieu du XVIe siècle l’exploitation industrielle des mines du Rosemont va troubler la quiétude des nobles de Reinach – Roppe. L’arrivée massive d’une population étrangère d’origine germanique à Giromagny oblige l’administration autrichienne à mettre en place une justice particulière des mines, laquelle étendra sa compétence sur tout le patrimoine Forestier.
En 1594, une transaction avec les « seigneurs de Rougegoutte », si elle le reconnaît le droit de propriété sur certaines forêts, les oblige à les laisser charbonner au « quart de la valeur » pour les fonderies de mines et leur interdit la construction de nouvelles métairies dans les zones déboisées.
