
Table des matières
Les Mazarin seigneurs du Rosemont |
Philippe DATTLER |
2 |
Les mines polymétalliques de la Zone Sous-Vosgienne en 1715 |
François LIEBELIN |
10 |
Parc Naturel des Ballons des Vosges |
Pierre BERGMILLER |
18 |
Une scierie en partage. Les Colin de Lepuix-Gy |
François DEMEUSY |
20 |
ll y a 100 ans |
François SELLIER |
23 |
Le Général de Gaulle à Valdoie – 27 janvier 1950 |
François LIEBELIN |
26 |
Le typhus en pays sous-vosgien |
Francis PERROZ |
28 |
Un épisode de la guerre de 1870 |
René MATHEY |
31 |
MAGAZINE |
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Le moulin à huile de Saint Germain |
Bernard GROBOILLOT |
35 |
Le tissage du Pont à Lepuix (suite) |
Philippe DATTLER |
36 |
Felon … ton patrimoine fout le camp |
Philippe DATTLER |
37 |
Histoire d’une voisine rescussitée, la Société d’Histoire de la Vallée de Masevaux |
Jean-Marie EHRET |
38 |
Concours des chantiers de bénévoles : Prix national pour le Foyer rural de Rougemont |
Pierre WALTER |
38 |
Le jeu de marelle à la Forge-Musée d’Etueffont |
Philippe DATTLER |
42 |
Un lecteur nous écrit |
François LIEBELIN |
43 |
Engagez-vous, rengagez-vous, qu’y disaient |
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44 |
Les Mazarin seigneurs du Rosemont
En décembre 1659, pour remercier son premier ministre des éminents services qu’il a rendus au royaume, Louis XIV donne au cardinal Mazarin plusieurs seigneuries alsaciennes : Ferrette, Altkirch, Thann, Issenheim, Delle et Belfort.
À cette époque le Comté de Belfort comprend plusieurs parties dont une, le Rosemont, constitue l’essentiel de la région sous-vosgienne du Territoire de Belfort actuel (moins Rougemont et les villages voisins).
Ainsi, les habitants de Valdoie à Lepuix, de Giromagny à Etuettont deviennent les « vassaux » du puissant ministre et après lui de ses héritiers, et ainsi jusqu’à la Révolution.
A cette ultime époque de la monarchie la famille Mazarin s’allie aux Grimaldi qui règnent, aujourd’hui encore, sur le rocher de Monaco.
Le cardinal et sa succession
La Donation de 1659 apporte au cardinal un ensemble de seigneuries alsaciennes qui vient grossir un patrimoine déjà fort considérable. Les héritiers qu’il choisit, sa nièce Hortense Mancini et le mari de celle-ci Charles-Armand de la Meilleraie, vont lui permettre d’assurer pendant plus d’un siècle la pérennité de son nom. L’immense fortune ministérielle est transmise, d’abord directement par Hortense et Charles-Armand, puis par alliance lorsque les garçons viennent à manquer. Le patrimoine dans l’ensemble subsiste jusqu’à sa disparition complète décidée par l’Assemblée nationale en 1791. Toutefois les héritiers qui se succèdent en dilapident quelques morceaux ; il ne pouvait d’ailleurs en être autrement. Les causes de la fortune disparaissent avec le cardinal ; Charles-Armand perd ses charges, son fils et son petit-fils sont des courtisans bien falots, sinon de tristes personnages, puis les biens transmis par les femmes constituent les grosses dots qui rendent un parti attrayant. Le nom même du cardinal est abandonné à la fin du XVIIIème siècle. La dernière héritière, Louise Félicité Victoire, a bien peu du sang des Mancini-Mazarini dans les veines et le nom du cardinal est presque une tache originelle dès lors qu’il s’agit de tenir sa place parmi la haute noblesse de cour.
Les cent trente deux ans qui séparent la Donation de sa révocation voient la mutation s’opérer de la noblesse ministérielle, puissante et riche, à la haute noblesse, courtisane et endettée. Durant cette période six membres de la famille Mazarin sont seigneurs du Rosemont. ll paraît intéressant d’esquisser les portraits de ces personnages parfois hauts en couleur.
Le cardinal
Ces quelques lignes concernant le cardinal de Mazarin ont pour seul but de préciser ses liens avec l’Alsace et ses problèmes successoraux.
À partir de 1631 , la guerre de Trente Ans faisant rage, Richelieu intervient en Alsace par la mise en œuvre d’une politique de « protection » des villes. Il s’agit d’un aspect tactique de la stratégie qui sera développée durant la guerre de Trente Ans ; l’intervention ne doit pas déboucher forcément sur des annexions. A partir de 1643, alors que des contacts diplomatiques ont lieu entre les belligérants à Munster, les objectifs évoluent. Les plénipotentiaires français doivent obtenir des villes étapes vers le Rhin : Colmar, Sélestat, Saverne, Haguenau et Belfort ; cette dernière ville étant l’ultime relais entre la France et Brisach qui devrait être la porte française ouverte sur l’Empire. Mazarin devenu Premier ministre, l’évolution arrive à son terme en 1648 lorsque le Roi de France obtient les seigneuries et les droits possédés par les Habsbourg d’Autriche en Alsace dont Belfort et le Rosemont.
La guerre qui se poursuit avec l’Espagne et la Fronde, mettant à l’épreuve le pouvoir du cardinal, celui-ci s’implante dans la province. Il devient gouverneur de Brisach, succédant au frondeur d’Harcourt : puis il s’accorde le gouvernement de la province, celui de Philippsbourg, le grand baillage d’Haguenau, et se fait attribuer une première Donation en 1658, puis une seconde en 1659, définitive celle-là. Les mobiles du ministre semblent avoir été complexes. Avec Brisach il tient une place forte stratégique dans une province dont les liens avec la France sont encore mal assurés.
Avec les anciennes seigneuries des Habsbourg, il contrôle au Sud des Vosges un passage entre Brisach et l’intérieur du royaume. A plus long terme, les seigneuries qui constituent un bloc pourront servir d’appui à la pénétration française en Alsace. Par ailleurs, le cardinal n’oublie pas bien sûr ses propres intérêts. Les seigneuries lui procureront de bons revenus, notamment ceux des mines d’argent de Giromagny.
Raisons politiques, militaires et intérêt personnel sont si imbriqués que les biens du cardinal en Alsace sont gérés par l’intendant royal. En 1661 encore, peu avant sa mort, son receveur dans le comté de Belfort, Bourguard Courtot, rend ses comptes au subdélégué Domilliers agissant au nom de l’intendant Charles Colbert.
Le cardinal meurt sans avoir visité ses terres alsaciennes, ni bien sûr passé une nuit dans la maison qui porte son nom à Giromagny. Elles ne constituent d’ailleurs qu’une très petite partie de ses biens. C’est à la hâte, quelques jours seulement avant sa fin, que Mazarin résout le problème posé par la transmission de sa fortune et de son nom. Le 1er mars 1661, le cardinal étant déjà très souffrant, sa nièce préférée Hortense épouse Charles-Armand de la Porte, marquis de la Meilleraie, sous le régime de la communauté.
Le cardinal promet de les combler de biens et de charges à la condition qu’ils prennent son nom et portent ses armes. Le troisième jour de mars, Mazarin institue les jeunes époux ses héritiers et légataires universels. Soulignons le clin d’œil de l’histoire que constitue l’implantation de la Société des Carrières de la Meilleraie dans la région sous-vosgienne, et dans la région d’origine du premier duc Mazarin.
Hortense et Charles-Armand de Mazarin
Charles-Armand (1632-1713) est fils de Charles de la Porte, marquis, puis duc de la Meilleraie, maréchal de France. C’était, aux dires de Saint-Simon « un homme de grand sens dans le cabinet, de grande valeur et de grande capacité à la guerre tellement que lui et le commandeur (oncle de Richelieu) furent fort utiles au cardinal de Richelieu ». Parmi les mérites de Charles de la Meilleraie, celui d’être le cousin du cardinal-duc n’est sans doute pas le moindre. Cette parenté et sa fidélité expliquent pour une bonne part la carrière exceptionnelle de ce seigneur de médiocre origine. La Meilleraie recevra les charges de lieutenant général de Bretagne (la reine Anne d’Autriche en étant gouverneur), de gouverneur de Nantes et Port-Louis et de grand maître de l’artillerie. En outre, sa terre de la Meilleraie est érigée en duché-pairie en 1663. Charges, terres et titres sont transmis à son fils unique Charles-Armand.
La noblesse d’Hortense Mancini brille de tout l’éclat de la nouveauté. Elle est fille de Lorenzo Mancini et de Girollama Mazarini, soeur du grand homme de cette famille romaine, le cardinal Mazarin. Le mariage du 1er mars 1661 scelle l’alliance de deux familles dont l’ascension a été rapide mais récente. En raison de leurs liens avec deux cardinaux-ministres contestés, voire haïs ou méprisés, elles ne sont intégrées que superficiellement à la haute noblesse dont elles ont la fortune, mais une origine plus modeste.
Décrivant Charles-Armand, Saint-Simon précise « qu’on ne pouvait avoir plus d’esprit ni plus agréable, qu’il était de la meilleure compagnie et fort instruit, magnifique, du goût à tout, de la valeur, dans l’intime familiarité du Roi qui n’a jamais pu cesser de l’aimer et de lui en donner des marques…, gracieux, affable et poli dans le commerce ». Plus loin, il le présente comme « un assez grand et gros homme, de bonne mine, qui marquait de l’esprit … ». Une gravure réalisée dans les années 1660 nous montre le duc Mazarin comme un homme plutôt mince, aux traits anguleux et le regard triste, voire vide. Sans être beau, le duc n’a sans doute pas le visage effroyable que lui attribue Mme de Sévigné dans une lettre à sa fille. En épousant Hortense Mancini, Charles-Armand aurait fait un mariage d’amour. Certes, Saint-Simon nous dit que le mariage est l’œuvre du cardinal, le maréchal de la Meilleraie ayant résisté tant qu’il le pouvait à Mazarin. Mais pour Marie Mancini, Charles-Armand « s’était dévoué à ma sœur Hortense dès le premier moment qu’il l’avait vue, avec des circonstances si particulières, qu’il avait dit hautement qu’il passerait plutôt sa vie dans un couvent que d’en épouser une autre qu’elle … ».
S’il y eut quelque inclination entre les deux époux, elle ne dura guère. La dévotion extrême du duc aurait, d’après les témoignages, détruit sa vie. Saint-Simon (qui l’a peu connu) estime que « la piété toujours si utile et si propre à faire valoir les bons talents, empoisonna tous ceux qu’il tenait de la nature et de la fortune par le travers de son esprit. Il devint ridicule au monde, insupportable au Roi par les visions qu’il fut lui raconter qu’il avait sur la vie qu’il menait avec ses maîtresses ». Pour Mme de Sévigné « c’est un fou ; il est habillé comme un gueux ; la dévotion est tout de travers dans sa tête ». L’Abbé de Choisy écrit pour sa part « une dévotion mal entendue le saisit, et gâta tout ; la tête lui tourna bientôt ».
Pour cet esprit d’une religiosité anxieuse et rigide, l’immense fortune dont il hérite est une tentation que Dieu lui envoie. Choisy évoque à ce propos « la malédiction que Dieu avait jetée sur tant de richesses qu’on peut dire véritablement le sang du peuple … ». Saint-Simon partage cet avis lorsqu’il rapporte l’anecdote suivante : « Le feu prit au château de Mazarin où il était, chacun accourut pour l’éteindre ; lui a chassé ces coquins qui attentaient à s’opposer au bon plaisir de Dieu. Sa joie était qu’on lui fit des procès, parce qu’en perdant il cessait de posséder un bien qui ne lui appartenait pas ; s’il gagnait, il conservait ce qui lui avait été donné en sûreté de conscience ».
Parallèlement ses rapports avec sa femme se détériorent. L’incompatibilité d’humeur qui, très vite, apparaît entre les époux, se transforme en haine. Pour Hortense qui a laissé son point de vue « si tous ces outrages étaient durs à souffrir en les entendant raconter, la manière de les faire était encore quelque chose de plus cruel ». Mais les torts semblent avoir été réciproques.
Dans sa vie publique le duc Mazarin n’est pas plus heureux. Il fait preuve d’une grande application dans l’exercice de ses charges, aussi bien en Alsace qu’en Bretagne où il préside les Etats. Comme son père, il sert le Roi avec fidélité, mais avec une réussite bien moindre ; à tel point que ses charges lui échappent l’une après l’autre ; soit qu’il doit les vendre, tels la lieutenance générale de Bretagne (cédée au duc de Chaulnes en 1669), le grand baillage de Haguenau, la grande maîtrise de l’artillerie, soit que ses charges sont vidées de leur contenu. Ainsi le gouvernement de l’Alsace devient un titre vide à partir de 1673 lorsque le roi refuse au duc l’autorisation de se rendre dans la province.
Pourtant la faveur personnelle de Louis XIV semble ne jamais lui avoir fait défaut. Choisy note « comme une chose assez singulière qu’il (Louis XIV) eut fait l’honneur au Duc Mazarin son sujet de lui envoyer à Brisach, où il était avec sa femme, le fils de Roze, secrétaire du Cabinet, à qui le duc donne audience avec la même pompe qu’eût pu faire un souverain. Le jeune Roze lui dit, de la part du Roi, que sa Majesté lui faisait part de la bénédiction que Dieu avait répandue sur son mariage ; et qu’elle ouvrait son cœur avec d’autant plus de joie qu’il était l’héritier et portait le nom de ce grand homme qui avait fait le bonheur de la France par le traité des Pyrénées ». Saint-Simon quant à lui remarque que « Depuis sa retraite dans ses terres, il (le duc) ne fit plus que trois ou quatre apparitions de quelques jours à Paris et à la Cour, où le Roi lè recevait toujours avec un air d’amitié et de distinction marquées ».
La vie du duc Mazarin paraît être un échec. Il échoue dans ses charges, il dilapide une part de sa fortune, ses relations avec sa femme et sa famille sont en permanence conflictuelles. Il meurt en 1713 dans ses terres de la Meilleraie où il résidait en solitaire, voire en misanthrope. « Ce ne fut une perte pour personne » note durement Saint-Simon. Il serait bien sûr peu sage d’accepter telle quelle l’opinion des contemporains. Néanmoins, il faut convenir que le duc fait figure d’inadapté parmi ses pairs, les grands seigneurs de la cour de Louis XIV. Les mauvaises langues et les plumes lestes se sont d’autant plus acharnées sur lui qu’il n’est pas sorti à son honneur de ses déboires conjugaux.
Un portrait représente Hortense, son épouse, vers 1680. C’est une jolie femme de trente cinq ans environ. Elle est coiffée de longues boucles au désordre soigneusement agencé qui laissent dégagé son visage. Le nez est romain, la bouche petite aux lèvres ourlées, le bas du visage commence à s’empâter. Elle a le regard hautain, voire dur. Pourtant, l’ensemble est joli. Sa soeur lui reconnaît d’ailleurs de la beauté, et de fait, Hortense fera tourner bien des têtes. Hortense a laissé des mémoires. Elle y explique notamment les motifs qui, selon elle, poussèrent son oncle à la choisir comme héritière : « soit que comme la plus jeune il me jugeât la moins blâmable, soit qu’il y eût quelque chose dans mon humeur qui revint davantage, il eut longtemps autant de tendresse pour moi que d’aversion pour eux (les autres neveux et nièces du cardinal). C’est ce qui l’obligea à me choisir pour laisser son bien et son nom au mari qu’il me donnerait ». Le moins que l’on puisse écrire est que Hortense ne se fait guère d’illusion, ni sur sa famille, ni sur elle-même, ni sur son mariage. Elle a quinze ans lorsqu’elle épouse Charles-Amand. L’union est vite un échec. Pour la plupart des contemporains les torts incombent largement au duc. Mme de Sévigné cite St-Evremond pour justifier la conduite d’Hortense : « elle est dispensée des règles ordinaires et l’on voit sa justification en voyant M. de Mazarin ». La jalousie maladive de Charles-Armand aurait poussé la duchesse à le fuir et mener une vie d’errance qui la mènera à travers l’Europe, de Paris à Londres (où elle meurt) via Rome. Remarquons simplement l’incompatibilité d’humeur entre les époux. Hortense est prête à s’intégrer à la vie de cour du début du règne de Louis XIV.
Riche, en faveur près du souverain, sans grand scrupule, elle est à sa place dans les palais royaux. Charles-Armand lui, veut exercer ses charges et diriger ses domaines. Il parcourt la France en tous sens et veut paraître dans ses gouvernements et ses terres accompagné de son épouse. Elle goûte peu ces tournées éprouvantes dans des provinces reculées et quelquefois mal remises de la guerre : »comme il craignait pour moi le séjour à Paris, il me promenait incessamment par ses terres et ses gouvernements. Pendant les trois ou quatre premières années de notre mariage, je fis trois voyages en Alsace, autant en Bretagne, sans parler de plusieurs autres à Nevers, au Maine, à Bourbon, à Sedan et ailleurs … ». Hortense voit dans ces déplacements le fruit de la jalousie, des « outrages » à son égard, alors que le duc veut être présent, dans ses terres pour y exercer ses…
(La suite dans : Les Mazarin seigneurs du Rosemont par Philippe DATTLER, page 2)
Les mines polymétalliques de la Zone Sous-Vosgienne en 1715
Les mines polymétalliques de la Zone Sous-Vosgienne, plus connues sous l’appellation de Mines du Rosemont ou de Giromagny, vécurent véritablement leur « Âge d’or’ dans la seconde moitié du XVIème siècle. A partir de 1560-64, des filons peu sollicités jusqu’alors sont systématiquement explorés puis exploités d’une manière rationnelle par des techniciens et des mineurs venus d’Allemagne et d’Autriche.
Dès 1625-1632, les colonnes les plus riches comme les autres, s’épuisent graduellement. On a pour l’époque, atteint des profondeurs remarquables, -190m sous le niveau de la vallée à Gesellschaft (Auxelles-Haut), -175m au Teutschgrund (Lepuix-Gy). L’entretien de coûteuses machines d’exhaure, le manque d’eau lors des périodes de sécheresse, mais encore les inondations, les gelées, sont autant de causes qui paralysent les machines pendant des durées pouvant dépasser plusieurs mois, provoquant ainsi la montée des eaux dans les fosses, obligeant les mineurs à quitter les « ouvrages noyés ».
On assiste alors au « redoublement » puis « retriplement » des postes de travail sur les ouvrages supérieurs non noyés, contribuant ainsi à accélérer l’épuisement des filons les plus proches de la surface.
Lorsqu’en 1636 après la prise de Belfort (28 juin), Louis de Champagne, Comte de la Suze, lieutenant général des armées de Louis XIII devint le premier seigneur français du comté de Belfort, il n’a pas le loisir de s’occuper du domaine et des richesses de son sous-sol puisqu’il meurt le 25 septembre de la même année. Son fils, Gaspard de Champagne, nommé gouverneur de la ville et du château de Belfort avec pouvoir d’administrer les seigneuries voisines de Delle et Rosemont, ne va, à cause des aléas de la guerre asseoir définitivement sa position à Belfort qu’en 1639-40. Les anciens concessionnaires miniers, des capitalistes bâlois pour la plupart, profitent de cette situation ambigüe pour ruiner les espérances du nouveau propriétaire » en conduisant les travaux sans aucun ordre tout en voulant avec des investissements dérisoires retirer le maximum de profit. Comprenant un peu tard qu’il a été abusé, de la Suze amodie la totalité des mines à Jacques Wattler commerçant montbéliardais (1646-1649) puis à Gerson Vernier Bininguer (1649-1655).
Le nouveau seigneur de Belfort, ayant embrassé le parti du prince de Condé, chef de la « Fronde », dut rendre au roi la terre de Belfort après un siège mémorable (décembre 1653 à février 1654). D’abord régies par un administrateur temporaire, les mines sont en 1659 données par Louis XIV à son ministre le Cardinal de Mazarin, lequel en 1661 les rétrocède à sa nièce Hortense de Mancini épouse de Charles Armand de la Porte marquis de la Meilleraye.
Dès lors, et jusqu’en 1791, le duc de la Meilleraye, puis ses descendants loueront par des baux de courtes durées l’ensemble de la concession à des entrepreneurs souvent peu scrupuleux, tentés par des espérances de profits faciles. De 1661 à 1702 ne se succèdent pas moins de sept compagnies, qui toutes concentrent leurs efforts sur trois filons jugés encore rentables : Saint-Pierre, Pfennigthurm à Lepuix-Gy, Saint-Jean à Auxelles-Haut.
Pour les seules années 1701-1702, d’importants travaux entrepris quant à la réparation des machines d’exhaure et des étangs par les derniers bailleurs, les sieurs Chaudé et Chauvinière grèvent les résultats financiers. Ils se soldent par une perte de 9.622 livres suivie du désistement des entrepreneurs. Pour conserver ses droits régaliens sur la concession, le duc de Mazarin doit se résoudre à continuer les travaux à son propre compte (1702-1716). La situation n’est pas simple : en gros, 1500 personnes vivent encore de la mine, d’une manière bien précaire d’ailleurs car on embauche et on licencie en fonction de la conjoncture du moment. Une lueur d’espoir pourtant : durant sa régie, de mai 1710 à avril 1711, le caissier des mines, le sieur Boug, annonce un déficit de 1.061 livres, mais il faut bientôt déchanter et pour enrayer une situation devenue catastrophique, la famille de Mazarin fait venir à Giromagny (1er septembre 1713), un ingénieur parisien d’une renommée incontestable : il s’agit de Louis de Fonsjean. Attardons-nous quelques instants sur la personnalité de Louis de Fonsjean :
« … avocat en Parlement à Paris, mathématicien, ingénieur métalliste et expériences en l’art de connaître et de préparer les mines … »
Il est reçu officiellement directeur général et caissier des mines d’argent, cuivre et plomb de Giromagny et des environs sur présentation de ses lettres de provisions aux officiers de la justice des mines, le 19 septembre 1713. Il recevra des gages annuels de 1200 livres.
À peine installé à Giromagny dans la maison des anciens administrateurs des mines, dite « de Saint-Pierre », de Fonsjean propose une série de mesures draconiennes :
- suppression d’emplois,
- réduction des dépenses inutiles,
- comptabilité plus rigoureuse,
- suppression des avantages en nature.
Il envisageait d’économiser ainsi annuellement 11.665 livres. Naturellement de Fonsjean était un « gêneur » qui s’attira bien vite l’animosité des officiers des mines et d’une partie du personnel dont il dérangeait les habitudes routinières et dévoilait les malversations. Soutenu et encouragé d’abord par les Mazarin dont il est l’agent zélé,la mort du roi Louis XIV, survenue le 1er septembre 1715, va brusquement tout changer dans le district minier. De Fonsjean est congédié deux mois plus tard puis le duc de Mazarin allègue, faussement d’ailleurs, qu’il a perdu plus de 100.000 livres pendant les quatre dernières années d’exploitation.
Le duc réussit à force d’intrigues à fléchir le régent Philippe d’Orléans. Un arrêt du Conseil d’Etat en date du 4 avril 1716 lui permit la cessation d’activité sur l’ensemble de la concession. Pendant quelques mois encore, les ouvriers sont employés au démontage des machines. Tout ce qui est récupérable est vendu sur la Place publique de Giromagny.
Dans la précipitation, on a oublié la transaction de 1594, qui devient caduque avec la disparition des fontes de minerai. Cette transaction rappelons-le, stipulait que les propriétaires des forêts rosemontoises seraient tenus de fournir du charbon de bois au quart de sa valeur marchande aux fonderies.
Finalement, avec un nombre restreint d’ouvriers, l’exploitation en surface perdure. A lui seul, le retraitement des déblais accumulés au fil des siècles permet des fontes épisodiques jusqu’en 1730. Trois années plus tard, ayant appris que le duc de Bourbon s’apprêtait à laisser la concession abandonnée de Giromagny à la Compagnie anglaise « Lyon » déjà bénéficiaire de celle de Plancher les Mines, la famille de Mazarin s’empresse de transiger avec le sieur David Floyd, l’administrateur de cette société, en lui louant la totalité des mines pour dix huit années. Entre 1734 et 1784, huit compagnies se succèdent avec plus ou moins de succès. De 1784 à 1791, date à laquelle les mines sont nationalisées, le duc de Valentinois, héritier des Mazarin, fait continuer les travaux dans le but unique de conserver ses prérogatives sur le domaine forestier.
En conclusion, la grave crise minière de 1715 mettait sur le Pavé plusieurs centaines d’ouvriers qui, pour survivre, durent ou quitter la région ou, comme ce fut le cas pour ceux d’Auxelles-Haut, se reconvertir dans la Paysannerie de montagne liée au petit adisanat.
Description de la situation présente des mines de Giromagny appartenant à Monseigneur le duc de Mazarin en 1715 Saint-Pierre au Montiean (Lepuix-Gy)
La montagne de St Pierre est une mine d’argent et cuivre dont la stolle ou souterrain taillé dans le roc est de la longueur de cent vingt cinq toises (240m) avant que de trouver le premier étage à descendre dans la dite mine depuis lequel étage jusqu’au fond il y a cent quatre vingt dix huit toises cinq pieds (380m) de profondeur tout taillé dans le roc. Pour tirer les eaux de la dite mine on entretient un canal d’un quart de lieue (1000m) de longueur qui fait tourner deux roues de trente pieds de hauteur chacune (9,60m) dont l’une est enterrée de huit toises (15,3m) de profondeur au milieu de la Première galerie ou souterrain pour tirer les eaux qui s’assemblent par de petites sources dans le roc au fond de la mine. Ces deux roues font travailler vingt deux pompes de cuivre et bois pour puiser les eaux rassemblées dans la dite mine. Il y a encore deux pompes à bras pour faire monter les eaux des ouvrages proches des grandes pompes.
Pour fournir les matériaux nécessaires pour l’exploitation, il y a…
(La suite dans : Les mines polymétalliques de la Zone Sous-Vosgienne en 1715 par François LIEBELIN, page 10)
Parc Naturel des Ballons des Vosges
Le Territoire
Créé en 1989, le Parc Naturel Régional des Ballons des Vosges regroupe 260 000 habitants dans 200 communes réparties sur le versant montagnard de quatre départements (Vosges, Haut-Rhin, Haute-Saône et Territoire de Belfort). Il s’agit de l’un des plus grands Parcs français et son étendue (300 000 hectares) présente des caractères paysagers, écologiques et humains variés.
Trois zones principales constituent cette montagne issue de phénomènes géologiques complexes :
- une ligne de crête sommitale ponctuée par des sommets arrondis ou « Ballons » qui culminent entre 1100 et 1424 m (Ballon d’Alsace, Grand Ballon, Hohneck, Petit Ballon, Brézouard) ;
- les versants lorrains et francs-comtois en pente douce drainés par un réseau de vallées, de lacs et d’étangs témoins d’une puissante érosion glaciaire ;
- un versant alsacien très contrasté, abrupt et au caractère alpestre bien marqué (cirques glaciaires). La forêt, composée essentiellement de résineux (sapin pectiné et épicéa), couvre près de 60 % du territoire et contribue à l’appellation « Ligne Bleue des Vosges ».
Le massif abrite de nombreuses tourbières sur le versant lorrain et ses landes sommitales appelées « Hautes-Chaumes » forment un paysage tout à fait remarquable. A cheval sur trois régions riches en évènements historiques (Alsace, Lorraine et Franche-Comté), le Parc Naturel Régional des Ballons des Vosges présente des contrastes profonds au niveau de l’habitat (colombage, pierre, bois) et des activités industrielles et artisanales anciennes (bois, textile, métallurgie, mines). Les nombreux musées et manifestations culturelles témoignent de l’attachement de la population du territoire à son passé et à ses traditions. Les amateurs de marche, de cheval ou de ski nordique bénéficient d’un réseau d’itinéraires remarquablement développé et balisé. On pratique également le ski de descente dans une dizaine de stations vosgiennes. Depuis plusieurs années, d’autres activités sportives s’y organisent : montgolfière, VTT, deltaplane, parapente…
Et à la fin d’une journée pleine de découvertes et de sensations, les fermes-auberges se feront un plaisir de vous accueillir et de vous régaler dans un cadre convivial et chaleureux.
Les missions
Soucieux de promouvoir une nouvelle image et de donner un nouvel essor à cette partie des Vosges, le Parc Naturel Régional des Ballons des Vosges s’est fixé trois objectifs essentiels dans le cadre de sa Charte Constitutive :
- préserver et valoriser le patrimoine naturel et culture,
- favoriser le développement économique et soutenir un tourisme de qualité,
- assurer la circulation des idées et la promotion du territoire.
Organisme de concertation à l’écoute des hommes, le Parc constitue avant tout une structure d’initiative et d’action à la disposition des communes rurales, des acteurs économiques et des associations. Il ne se surimpose pas aux organismes agissant depuis de longues années sur le terrain, mais cherche à assurer la cohérence de l’aménagement du territoire. Le Parc Naturel Régional des Ballons des Vosges soutient et participe à l’effort de tous pour que le sud du Massif Vosgien devienne un espace de vie et d’accueil de qualité.
L’équipe
L’équipe du Parc compte actuellement 7 personnes aux compétences diverses et complémentaires :
Pierre Welck, directeur
Bernadette WALGER, à l’accueil et au secrétariat
Claude MICHEL, chargé de mission Environnement
Anne KLEINDIENST chargée de mission Architecture, Aménagement et Patrimoine culturel
Jean-Marie HENRY, chargé de mission Développement économique local
Pierre BERGMILLER, chargé de mission Communication et Promotion
Yves KOHLER, responsable administratif et financier
La valorisation du patrimoine historique et culturel
Les habitants du Parc Naturel Régional des Ballons des Vosges ont su dominer et façonner la nature à leurs besoins. Les diverses formes d’habitat utilisant le colombage, la pierre ou le bois témoignent de ce rapport étroit avec le milieu naturel. Les petits villages nichés au flanc de la montagne (le Valtin, Château Lambert, Geishouse ) dégagent un charme particulier lié à la présence de fermes anciennes et de petits monuments amoureusement conservés (lavoirs, fontaines, chapelles et calvaires).
Issues d’un savoir-faire ancestral, les bâtisses, isolées ou regroupées en hameaux, ont fortement marqué le paysage vosgien en l’imprégnant de leur présence. Conscient de cette richesse, le Parc souhaite approfondir et diffuser la connaissance architecturale des formes d’habitat de manière à sensibiliser les habitants et à perpétuer la qualité architecturale et paysagère des sites. Des propositions d’embellissement paysager du cadre bâti souligneront davantage encore l’image et le caractère des villages.
Les actions du Parc en faveur du patrimoine historique et culturel seront menées dans un souci de cohérence à l’échelle de son territoire tout en révélant les spécificités et richesses locales. A cet effet, le Parc privilégiera deux thèmes fédérateurs : la connaissance des formes d’habitat et celle du patrimoine industriel avec notamment en 1990, une réflexion sur le patrimoine minier du Territoire du Parc.
Ces recherches serviront de trame de référence à la définition d’un programme cohérent d’actions concrètes du Parc en matière de valorisation de différents types de patrimoine, dans la perspective d’une mise en réseau thématique à l’échelle de l’ensemble de son territoire.
Une scierie en partage
Les Colin de Lepuix-Gy
L’existence de nombreux enfants dans les familles rurales de jadis pose, à terme, le problème de la division de l’héritage et son effritement. L’histoire des Colin de Lepuix se veut l’exemple d’une nombreuse famille qui voit son patrimoine se diviser toujours plus à chaque génération pour enfin se reconstituer… en d’autres mains.
Étienne et Jean Claude Colin
Lorsqu’en 1734, il est fait mention d’Étienne Colin âgé de 50 ans et de son frère Jean Claude âgé de 45 ans, ils sont tous deux scieurs de long et voituriers. Les familles Colin étant
nombreuses et les enfants tout autant, bien des prénoms se perpétuent de génération en génération. Nous trouvons donc Étienne fils, né en 1718, se mariant le 18 novembre 1738 à Marie Anne Marsot, avec dispense. Étaient présents à ce mariage, Claude Jacques et Laurent Nady, deux notables du village. Lorsque le 15 septembre 1784 il est fait l’inventaire de ses biens, nous apprenons qu’il fut marié deux fois et que de son premier lit sont nés Jean Baptiste, Jean François, Étienne , Jacques – les seuls survivants – et du second lit avec Ursule Lamboley, Marie Anne, Jean Thomas et Jeanne Marie, tous trois mineurs.
Jean Claude, fils de Jean Claude, se marie le 11 juin 1753 à Ursule Nady mais il meurt le 3 janvier 1770 âgé de 40 ans. Son père avait rédigé un contrat par lequel il abandonnait à ses enfants « les biens de Jeanne Claude Perros leur mère avec les parties propres du comparant. Jean Claude Colin fils aîné aurait après le décès de ses proches la maison faisant partie de ses propres biens et dans laquelle il réside, plus un pré d’environ quatre fauchées avec le jardin et les emphytéoses joignant. La dite maison, la scierie ou moulin à planches avec cinq coupots de champ au lieu dit les Rosées, moyennant la somme de 2000 livres payable après décès ». Cet acte date du 27 janvier 1754. Il semble que la situation se soit aggravée puisque, le 4 juin 1770, Ursule Nady est veuve avec six enfants. Elle habite au Pré Guenez dans la maison provenant des héritiers Nicolas Viellard. Pour éponger les dettes, le 9 mars 1778, elle vend la dite maison. Elle doit faire face aussi à la succession de son côté qui nous apprend que Catherine Nady est fille majeure célibataire, Jeanne Marie Nady femme de François Perroz, meunier, et Jean Nicolas Nady, procureur au magistrat de Colmar. Elle mettra tout en œuvre pour conserver les biens de son mari à ses six enfants. L’acte du 10 février 1780 nous décrit tous les biens de la succession. « Elle accepte tous les biens cités plus haut situés à l’entrée du chemin du Ballon confrontés par le chemin du Ballon de levant et de minuit, la rivière de couchant, un chemin de chariot de midi appelé ancien chemin du Ballon… treize arpents de terrain en nature de fouillie au-dessus de la maison situés en la Montagne Saint Nicolas confronté par Mathias Dupont de levant et de sieur comte de Reinach de tout autre part ». Elle vendra le 3 avril 1784 un…
(La suite dans : Une scierie en partage par François DEMEUSY, page 20)
Il y a 100 ans !
Juillet 1890. A la Conférence Internationale de la paix et de l’Arbitrage qui se tient à Londres, un vif incident oppose Français et Allemands au sujet de l’Alsace-Lorraine, annexée par ces derniers en 1871. Vingt ans après, cette question déchaîne toujours les passions et apparaît comme l’obstacle incontournable à l’établissement d’un véritable dialogue entre les peuples d’Europe. Par conséquent, la course à l’armement se poursuit tous azimuts.
En France, on fait même des expériences sur le dressage des hirondelles qui seraient supérieures aux pigeons pour la messagerie aérienne. L’hirondelle vole plus haut, est plus rapide, plus fidèle, plus intelligente et bien plus facile à nourrir, selon ses défenseurs. Mieux, dans les longs parcours, elle n’a pas besoin de s’arrêter pour se ravitailler puisqu’elle prend sa nourriture en vol. Une objection sérieuse est toutefois avancée : l’hirondelle craint le troid et nous quitte à l’approche de l’hiver… Décourageant !
De son côté, l’Académie de Médecine alerte l’opinion publique sur le déséquitibre démographique de notre pays, et assure qu’en cas de conflit : « La France pourrait succomber sous le nombre et son infériorité numérique pourrait même lui enlever toute velléité de résistance…
À Belfort, le conseil municipal n’arrête pas de débattre sur le problème de l’élargissement de la Porte de France. Quant à la zone sous-vosgienne, elle connaît une période d’intempéries désastreuses pour les cultures.
Prions !
Les agriculteurs sont véritablement désespérés. Depuis le début de juillet une pluie discontinue est en passe d’anéantir tous leurs efforts de l’année. La Croix de Belfort, journal catholique, propose un ultime recours aux paysans : « Amis laboureurs, il vous reste encore quelque chose à faire de très important : c’est de prier ! Combien y en a-t-il, parmi les ouvriers de la campagne qui aient seulement adressé un pater et un Ave au Créateur pour obtenir une amélioration de la température ».
Fête nationale
Le 14 juillet est toujours l’objet des plus belles envolées lyriques de la part de ses détracteurs. La Croix de Belfort s’en prend même à Marianne : « Le Grand Condé n’était pas plus fier d’une victoire remportée sur l’ennemi, que nos crânes républicains le sont de cette journée … Tous leurs banquets se sont terminés par de dégoûtantes ivresses… La morale de tout cela est que Marianne, la déesse des francs-maçons, en même temps que la figure symbolique de la république, est pour ses dévots, une truande que l’on ne peut honorer que de goinfreries accompagnées de saouleries ».
Mines
Une grande activité règne depuis plusieurs jours aux abords des galeries de mines de la zone sous-vosgienne. Une reprise de l’extraction du minerai semble imminente. D’ailleurs le 21 juillet est créée à Lille, une société anonyme au capital de 1 500 000 francs pour l’exploitation des mines de plomb, de cuivre et d’argent, sur les communes de Lepuix et des deux Auxelles. Cette société, déclarée sous le nom de Dubois, Monet et Royaux, étendra son activité sur 2916 hectares.
Neige
La dernière semaine d’octobre voit l’apparition de la neige sur le massif vosgien : huit centimètres au Ballon d’Alsace et une fine couche à Lepuix où les arbres, qui n’ont pas encore perdu leur feuillage, subissent d’importants dégâts. On n’a pas souvenir d’une arrivée aussi précoce de la neige, sauf… en 1870 ! Ainsi donc, un vieux dicton refleurit sur toutes les lèvres : « Les Allemands déchirent leurs chemises et nous envoient les morceaux ».
Décès
Le mardi 9 décembre ont lieu à Giromagny, les obsèques du Conseiller Général du canton : Edouard Warnod. Ancien élève de l’Ecole Polytechnique, ingénieur des Ponts et Chaussées puis manufacturier à Giromagny, monsieur Warnod avait été élu Conseiller Général (conservateur) en 1883 et occupait depuis 1889 la présidence de l’Assemblée Départementale.
En bref
Juillet : Création à Giromagny d’une société de gymnastique : « Les Enfants du Rosemont ».
Août : Dernière distribution de prix au Collège Libre de Lachapelle-sous-Rougemont. Le directeur annonce officiellement la fermeture définitive de l’établissement.
Septembre : Visite à Giromagny, du directeur de la Compagnie des Chemins de Fer de l’Est. Il est venu pour étudier de plus près le tracé d’une ligne Giromagny-Saint Maurice, projet très cher à l’état-major français.
Octobre : Les catholiques locaux s’étonnent et s’indignent en voyant le clocher de l’église de Lachapelle-sous-Chaux, dépourvu de la croix qui le surmontait. Arraché par une bourrasque, il y a quelques années de cela, il n’a toujours pas été remis en place. « Et pourtant la commune est une des plus riches du canton ! ».
Décembre : à Petitefontaine, un douanier est sauvagement agressé par les complices de deux contrebandiers qu’il venait d’appréhender. Les trafiquants faisaient commerce des allumettes chimiques.
(La suite dans : Il y a 100 ans par François SELLIER, page 23)
Le Général de Gaulle à Valdoie
27 janvier 1950
Dans le cadre du centième anniversaire de la naissance du Général de Gaulle, il nous a paru opportun de rappeler la visite officieuse qu’il fit à Valdoie le 27 janvier 1950 aux adhérents du R.P.F. du Territoire de Belfort. Ce meeting avait pour cadre le parc du château Lenclud.
Comme chacun sait, le Général de Gaulle reste un monument de l’Histoire. Il y est d’ailleurs entré de son vivant. On a pu l’admirer, l’aimer ou même ne pas l’apprécier du tout, mais il
faut bien reconnaitre que le 18 juin 1940, refusant la défaite, il a su, dès cet instant redonner à la France abattue et méprisée le sens de l’honneur et l’espoir. Il était la France à lui seul.
Le 6 juin 1944, annonçant aux Français le débarquement de Normandie, le Général de Gaulle avait déclaré au micro de la B.B.C. : « c’est la bataille de France et c’est la bataille de la France », car pour lui la France ne pouvait être absente de la bataille qui marquerait sa renaissance. Et le 25 août de cette même année, à l’Hôtel de Ville de Paris, de Gaulle lançait :
« Paris ! Paris outragé ! Paris brisé ! Paris martyrisé ! Mais Paris libéré ! Libéré par lui-même, libéré par son peuple avec le concours des armées de France, l’appui et le concours de la France toute entière, de la France qui se bat, de la seule France, de la vraie France, de la France éternelle … ».
La guerre terminée, de Gaulle restera au pouvoir jusqu’au 20 janvier 1946. Quittant alors sa fonction de président du gouvernement provisoire, il se retire à Marly puis à Colombey-les-Deux-Eglise. La « traversée du désert » commençait. Elle allait durer douze ans.
Néanmoins, il ne reste pas inactif et veut affronter les partis sur leur terrain en leur opposant une formation politique qui s’adresse à tous les Français. Lancé à Strasbourg, le 7 mai 1947, le Rassemblement du Peuple Français (R.P.F.) a pour but : « … de faire triompher l’union du peuple dans l’effort de rénovation ».
Les débuts du R.P.F. connaissent un succès éclatant. Les adhésions affluent par dizaines de milliers. A côté du petit peuple, les notables rejoignent en masse une formation qui leur ouvre les perspectives du pouvoir.
C’est dans ce contexte idyllique que le Général de Gaulle va, le 27 janvier 1950, il y a donc 40 ans, prononcer à Valdoie devant 2000 compagnons et sympathisants un discours « musclé » dont il avait seul le secret.
(La suite dans : Le Général de Gaulle à Valdoie par François LIEBELIN, page 26)
Le typhus en pays sous-vosgien
Au XIXème siècle, le typhus (ou fièvre typhoïde) s’observe très tréquemment dans les villes où il ne s’éteint quasiment jamais. cette maladie a surtout tendance à exister en automne et au début de l’hiver.
Après une période d’incubation de trois semaines, la maladie proprement dite apparaît, La température monte, les malades se sentent abattus et manquent d’appétit alors qu’ils sont tenaillés par une soif dévorante, une forte diarrhée ne tarde pas à se déclarer.
Au début de la deuxième semaine, la température stagne à 40-41°C et les malades tombent peu à peu dans un état de prostration, de semi-inconscience, troublé par des périodes de délire. Ils maigrissent, leurs lèvres sont desséchées, l’haleine est fétide, la respiration s’accélère.
Dans les cas les plus favorables, la fièvre se calme vers la fin de la troisième semaine, l’état de conscience s’améliore. Mais la guérison complète demande encore deux à trois semaines.
Malvaux
Dans la première quinzaine du mois d’octobre 1823, Monsieur le Chevalier de Tessières, sous-préfet de l’arrondissement de Belfort, est informé qu’une épidémie de typhus existe dans l
a commune de Lepuix-Gy sur le territoire de laquelle est implanté le hameau de Malvaux. Il demande aussitôt des explications au maire de cette commune qui lui répond le 14 octobre : « La maladie qui existe dans un de nos hameaux appelé Malvaux où est située la papeterie du Sieur Clerc, à une lieue du village, n’a pas paru contagieuse dans le principe. Monsieur Lombard, médecin à Plancher-Bas qui a été appelé près d’un malade, l’avait ainsi jugé et jusqu’à présent il n’est mort aucun individu de cette maladie… La maladie dont il est question s’est manifestée dans l’établissement du Sieur Clerc même, c’est-à-dire dans le bâtiment qui sert de logement aux ouvriers : le premier malade était une enfant de quatre ans … Successivement, les autres enfants de la même famille sont aussi devenus malades sans même qu’on l’ait su dans la commune, ensuite d’autres ouvriers, principalement des femmes, ont été atteints et le mal s’est communiqué chez trois habitants du hameau dont les maisons sont voisines de la papeterie dans lesquelles il y a eu 4 personnes malades, mais qui sont, à peu près rétablies ».
A la lecture de cette lettre, et contrairement à l’opinion du docteur Lombard, la maladie qui règne au sein du hameau de Malvaux apparaît bien comme une maladie au caractère épidémique. L’opinion du Chevalier de Tessières incline également dans ce sens puisqu’il enjoint au docteur Blétry, médecin des épidémies, de se rendre sur place pour constater l’ampleur de la maladie et en déterminer la nature.
Le 18 octobre, le docteur Blétry envoie un rapport au sous-préfet : « La maladie est une synoche putride simple ». Synoche putride est le nom donné au début du XIXème siècle à une forme de typhus, l’adjectif putride s’expliquant par le fait que l’haleine des malades est fétide et que les hémorragies internes dont les malades sont victimes peuvent donner lieu à des éliminations de sang digéré (mélénas) à l’odeur particulièrement insoutenable.
Le docteur Blétry juge cette maladie « contagieuse par communication des individus qui n’emploient aucun préservatif pour s’en prémunir ». A ce manque de précaution par ignorance qui facilite la propagation de la maladie, le médecin ajoute d’autres facteurs néfastes : « les logements bas et peu spacieux occupés par les ouvriers de la fabrique, l’intempérie de la saison et le défaut de soins ont donné naissance à cette maladie qui paraît se borner à cet établissement en usant des moyens convenables ». Mais ces moyens ne sont pas évoqués dans la missive du médecin.
La maladie s’est surtout propagée au sein des cellules familiales. Deux familles sont principalement touchées : la famille Payer (5 victimes) et la famille Barey (4 victimes). De plus, les personnes atteintes par la synoche putride sont surtout des femmes et des enfants, la moyenne d’âge des malades étant de 22 ans environ.
Sermamagny
Deux ans plus tard, le 14 octobre 1825, une lettre au ton alarmant parvient sur le bureau du Comte d’Agrain des Hubard, sous-préfet de l’arrondissement de Belfort. Elle émane de l’adjoint au maire de la Commune de Sermamagny. Avec une orthographe peu académique, cet édile municipal apporte des informations quasi-dramatiques sur la situation sanitaire de sa commune : « J’aurai déjà dû vous prévenir il y a quelques jours Monsieur le Sous-Préfet qu’il y reigne une maladie dans notre commune qui enlève beaucoup de personnes. Je crains que se ne soit une maladie contagieuse. Une personne qui tombe malade dans une maison, presque tous les autres quelle que jour après tombe malade. Le nombre des décédés se monte jusqu’à ce jour à 22, tout des personnes de lage de 20 ans jusque soixante… Le nombre des malades quille y a a present se monte à cent dix… peux taitre que le nombre est plus grand. C’est Monsieur le Docteur Menaux qui a été appelé dans le commencement. Ille en à traiter quatre dans la même maison qui tout quatre sons mort. Ille en a traité plusieurs autres qui sont convalaisant ».
Aussitôt, le sous-préfet alerte le docteur Blétry et le prie de se rendre à Sermamagny « sans retard à l’effet de prendre dans les diverses maisons où la maladie règne des renseignements positifs sur sa teneur et sur les moyens employés jusqu’ici pour la combattre ».
Le docteur Blétry, après un examen attentif de la situation, fait le constat suivant :
« Le nombre des malades s’élève y compris les convalescents à 38 individus, celui des morts jusqu’à ce jour est de 19 ». Sermamagny est une commune qui compte alors 502 habitants. La maladie « a atteint presque tous les individus des maisons où elle s’est déclarée et elle règne depuis 3 mois. Mais le plus grand nombre (de malades) n’a suivi aucun traitement, de là, la propagation du mal et sa longue existence. Aujourd’hui même, la plupart refusent les soins que je leur offre. Monsieur le Curé qui m’a accompagné chez tous les malades a joint ses sollicitations aux miennes et souvent sans succès. Nul doute que la maladie cesserait promptement si chaque individu voulait écouter et suivre les conseils que je leur donne ».
La situation est donc particulièrement grave : le typhus fait des ravages parmi une population qui refuse obstinément toute médication tant sa méfiance est grande envers le médecin, un homme qui vient d’une ville pourtant distante de 6 kilomètres seulement. Un…
(La suite dans : Le typhus en pays sous-vosgien par Francis PEROZ, page 28)
Un épisode de la guerre de 1870
Dans un précédent numéro de « La Vôge », le Père Etienne Keller relate quelgues-uns des événements survenus à Rougemont le 2 novembre 1870.
Dans les pages qui suivent, nous vous proposons de vous faire revivre quelques jours de « l’Année Terrible » et plus particulièrement le combat malheureux du 2 novembre 1870, au Champ des Fourches, près de Rougemont.
Avant d’en arriver là, Il ne semble pas inutile de rappeler les événements tragiques qui expliquent l’arrivée des Prussiens à Rougemont.
La guerre de 1870
Après Sadowa (1866), victoire écrasante remportée par les Prussiens, l’Autriche a été écartée des affaires allemandes, et la Prusse a réuni, sous son sceptre, tous les états jusque là indépendants, pour former la Confédération de l’Allemagne du Nord.
Pour consolider cette union encore fragile, Bismarck souhaite une guerre avec la France. L’occasion lui en est donnée en 1870, et il n’hésite pas à falsifier la fameuse dépêche d’Ems pour en faire une insulte pour notre pays. A Paris, la réaction est très vive. Le cabinet, présidé par Emile Olivier, est placé devant un choix difficile : subir l’insulte ou réagir. Il opte pour la guerre qui est déclarée le 15 juillet 1870. Trop légèrement… Car notre armée qui s’est distinguée dans des batailles glorieuses (Alger, 1830 – Sébastopol, 1854 – Solférino, 1859) n’est pas préparée pour affronter une guerre nationale. Initialement, elle peut mettre en ligne 7 corps d’armée et 260.000 hommes, alors que les Confédérés (Prusse et Etats du Sud) disposent de 12 corps d’armée et d’un million d’hommes.
Cette infériorité des moyens ne peut être compensée, ni par un nouveau fusil qui fait merveille (Le Chassepot), ni par la « Garde Nationale Mobile », créée tardivement, mal entraînée et dotée d’un fusil à tabatière qui date de 1857. D’où les échecs dans les premières rencontres et les défaites dans les grandes batailles, malgré l’héroïsme de nos soldats.
Dès le 2 aout, nous nous emparons de Sarrebrück… que nous abandonnons aussitôt pour nous installer en position défensive à Spicheren. A partir de ce moment, du 6 au 18 août, à Forbach comme à Borny, à Rezonville comme à Saint-Privat surtout, nous menons des combats défensifs qui, chaque fois, tournent à notre désavan tage. Finalement, une des plus belles armées que nous ayons jamais eues, mais fort mal commandée par le Maréchal Bazaine, est contrainte de se replier sur Metz, et s’y laisse enfermer. Elle capitule le 27 octobre !
En Alsace, après le combat de Wissembourg, le 4 août, le Maréchal de Mac-Mahon, avec son seul corps d’armée, résiste à Woerth toute une journée, à la IIIème armée allemande. Malgré des charges héroïques des cuirassiers à Morsbronn, et du 1er Régiment de Tirailleurs pour dégager notre artillerie, la retraite est ordonnée, d’une part sur Saverne, d’autre part sur Bitche. Début août, la place fortifiée de Strasbourg est investie. Elle résiste jusqu’au 27 septembre, malgré des bombardements incessants. Sélestat tombe le 14 octobre après un long siège, et Neuf-Brisach résiste encore. Le 1er novembre, à proximité de Thann, les Bataillons des Mobiles du Haut-Rhin, formés et commandés par le Colonel Emile Keller, tentent d’arrêter la progression de l’ennemi. Ils échouent et se replient dans les vallées vosgiennes. L’armée de Châlons, forte de quatre corps d’armée et commandée par le Maréchal de Mac-Mahon, reste le dernier espoir de la France. Du 20 août au 1er septembre, malheureusement, elle s’épuise en marches et contremarches qui démoralisent les troupes. Et le 1er septembre, elle est investie autour de Sedan. Après les charges de la cavalerie et une tentative de sortie qui échoue, Napoléon III, pour éviter un massacre inutile, décide de capituler : 100.000 hommes et un matériel immense tombent aux mains de l’ennemi !
La Garde Nationale
Avec ses faibles moyens et peu faite pour affronter les troupes régulières, elle est mise sur pied tant bien que mal, notamment dans les Vosges où des rassemblements importants sont en cours. Il en est de même en Haute-Saône, et depuis un mois, un bataillon de mobiles, commandé par M. Lanoir, stationne à Auxelles-Bas, dans l’attente des événements.
À Chaux, la garde nationale est placée sous les ordres de M. Pourchot, maire du village, mais elle est commandée, en fait, par le lieutenant Géhin, propriétaire et marchand de vin à Chaux. Il était bien connu dans la région, car pendant de longues années, il avait dirigé le roulage de la Maison Scheurer-Kestner, de Bellevue-Chaux à Thann. Il était renommé pour son intrépidité et on l’appelait familièrement par son prénom, Nicolas.
Tous ses hommes, portant la blouse bleue des paysans, coiffés d’un képi ou d’une cape blanc-bleu, étaient armés du fusil à piston, très lourd, à la détente trop raide, donc difficile à manier et peu précis au tir. Le fusil à tabatière des mobiles ne valait guère mieux. On avait profité des derniers moments pour effectuer quelques exercices et entraîner les gardes nationaux au maniement de leurs armes. Malgré des effroyables défaites subies par nos armées, tous faisaient preuve d’un beau courage et s’apprêtaient à en découdre.
Le combat du Champ des Fourches
Depuis deux jours, les Prussiens étaient arrivés à Sentheim. Le lieutenant de la garde nationale de Rougemont, alors directeur d’un des tissages du village, s’était porté à leur rencontre, avec quelques autres qui, comme lui, parlaient l’allemand. Dans les auberges de Sentheim, ils avaient vu et entendu ces soldats ennemis qui leur parurent « lourdauds et pas du tout féroces ».
Le 2 novembre au matin, partis très tôt dans la nuit, le lieutenant Géhin et sa petite troupe – quelque 40 hommes recrutés à Chaux et Giromagny – avaient pris la route en direction de l’est. A 6 heures du matin, ils étaient à Etueffont-Haut, y formaient les faisceaux et appelaient à eux tous les hommes valides, au demeurant peu nombreux, car tous les célibataires avaient été appelés pour former les regiments de marche ou des compagnies de francs-tireurs.
Peu après, Géhin et son groupe arrivaient sur la place de Rougemont et y battaient le rappel. Le lieutenant de la garde nationale de Rougemont qui s’était compromis dans la reconnaissance de Sentheim, avait jugé prudent de disparaître, laissant à ses hommes le choix de la conduite à tenir.
Le maire de Rougemont, M. Alphonse Heidet, parcourait les rues et engageait tous les hommes armés et surtout les sapeurs-pompiers à se porter au-devant de l’ennemi. Quelques-uns de ces hommes vinrent ainsi grossir le groupe du lieutenant Géhin. Mais les plus nombreux, récusant toute autorité, préférèrent agir à leur guise et prirent les sentiers de la forêt connus de longue date.
Pendant ce temps, le village restait calme. On travaillait dans les trois usines mais chacun était resté libre de se rendre à son travail. La panique qui avait suivi les premiers désastres avait fait place à plus de sérénité. Les vieux qui avaient vu les deux invasions précédentes, tenaient des propos plus rassurants : « Oh ! J’en ai vu moi des Prussiens, des cosaques, des Kaiserlichs, et me voici tout de même ; ils ne nous mangeront pas ».
Bref, après l’affolement du début, où l’on avait vu la population des villages de la plaine accourir dans la montagne avec leur bétail et leurs objets les plus précieux, puis repartir au bout de quelques jours, on avait fini par prendre une attitude plus calme, sans inquiétude excessive. Par prudence on avait enfoui des armes et des munitions et placé dans des caches sûres les provisions, les habits, les objets qui pouvaient tenter la cupidité bien connue des envahisseurs. En ce 2 novembre, la messe des trépassés avait sonné comme à l’accoutumée et des fidèles s’étaient rendus à l’église, où le prêtre officiait. Quelques habitants étaient même allés dans les champs, ou les chenevières pour les derniers travaux, et des ménagères étendaient leur lessive au soleil d’automne, apparemment sans grand souci pour l’ennemi qui approchait. A ce moment, les premiers coups de feu viennent d’être tirés.
Trois volontaires, impatients d’en venir aux mains, avaient pris les devants sur la route de Masevaux et ils s’étaient postés en embuscade à l’embranchement de la route de Lauw. Lorsque trois uhlans arrivent tranquillement, soudain le feu éclate. Un des cavaliers est abattu, et les deux autres tournent bride et partent au galop. Mais un peu plus tard, c’est un peloton de uhlans qui se présente, l’arme à la main, prêt à faire feu. Nos trois audacieux font une nouvelle décharge et sans plus attendre, sous une grêle de balles, ils prennent la fuite et disparaissent dans la forêt. Par des sentiers perdus, ils gagnent la montagne et finissent par arriver sains et saufs à Giromagny. Mais ce premier accrochage devait avoir des conséquences plus graves.
Le combat et ses suites
En ce moment, en effet, Géhin et sa troupe, avec les renforts reçus à Rougemont, avaient pris la route de Masevaux. Tambour battant, ils s’acheminent vers la colline du Champ des Fourches, d’où on domine les prairies de la ferme Goetz-Guth et la route de Masevaux, à sa sortie des bois qui s’étendent jusqu’à Lauw.
C’était une excellente position qui offrait à la fois des vues, un bon champ de tir et des possibilités de repli par la forêt, à gauche, sur les pentes du Vieux-Château. Mais nos gardes nationaux n’eurent pas le temps de contempler ce paysage. En arrivant sur la crête, ils découvrent, à 200 pas, la colonne ennemie qui avance, en rangs serrés par les méandres de la route. En tête marchent quelques prisonniers, parmi lesquels M. Perros, de Rougemont, directeur du tissage de Guewenheim, pris l’avant-veille, les armes à la main.
Pour nos intrépides soldats, la surprise est totale. Géhin a juste de temps de crier : « Feu feu ! Dans la forêt et à volonté ! » La fusillade éclate aussitôt et la plupart, après avoir tiré quelques coups de fusil, s’échappent en direction de la forêt. Certains tirent encore en s’abritant derrière les arbres de la route. La retraite est générale mais elle s’effectue non sans difficultés, Avant d’atteindre le couvert des futaies, il faut traverser quelques champs, et par malchance, une coupe en exploitation, alors qu’en face l’ennemi réagit.
Les Allemands, à leur tour, ont ouvert le feu et des soldats se lancent à la poursuite des fuyards. La…
(La suite dans : Un épisode de la guerre de 1870 par René MATHEY, page 28)
Magazine
Le moulin à huile de Saint Germain
L’histoire du moulin à huile de Saint-Germain-le-Châtelet reste à faire. Son existence est connue au 19ème siècle. Des documents fiscaux précisent que sa puissance hydraulique est estimée à quatre chevaux et sa valeur locative à 600 F par an. Les annuaires du département du Haut-Rhin, de 1877 à 1885, indiquent, pour leur part, le nom du propriétaire : Célestin Cordier.
Ce moulin était utilisé pour broyer un végétal proche du colza : la navette, qui produisait l’huile notamment destinée aux lampes d’éclairage. Longtemps enfouies, les meules du moulin ont été récemment exhumées par M. Robert Cordier, descendant de l’huilier, toujours propriétaire des lieux au n° 8 de la rue Principale. Elles témoignent d’une activité artisanale très répandue dans les campagnes jadis.
Histoire d’une voisine rescussitée La Société d’Histoire de la Vallée de Masevaux
Le 2 mai 1948 voyait naître à Masevaux une société d’histoire locale. Portée sur les fonts baptismaux par des notables du lieu comme Jacques André, conseiller général du canton ou Joseph Breitschmitt, notaire et premier président, elle tint ce jour-là son assemblée générale constitutive au Cercle Catholique de Masevaux. Malheureusement, son existence tomba peu à peu dans l’oubli, même si des historiens isolés continuèrent avec talent l’oeuvre entreprise par ces pionniers.
En mars 1990, une trentaine de personnes se retrouvaient au SIVOM de la Doller en vue de redonner vie à la dite Société en étendant son champ d’investigation dans toute la vallée de Masevaux. Dès le 14 juin, l’Assemblée (re)constitutive tenue dans le choeur même de l’ancienne église abbatiale du Chapitre des Dames Nobles de Masevaux élit le Bureau suivant :
- Président : M. Louis ulrich, conseiller général
- 1er Vice Président : M. Joseph Scheubel (Oberbrùck)
- 2ème Vice Président : M. René Limacher (Masevaux)
- Secrétaire-correspondant : M. Jean-Marie Ehret (Oberbûck)
- Trésorier : M. Gérard Zimmermann (Wegscheid)
La nouvelle société a déjà engagé de fructueux échanges avec l’Association d’Histoire et du Patrimoine du Pays Sous-Vosgien ainsi qu’avec la Société d’Histoire de Balschwiller et environs. Souhaitons qu’ils se développent de façon exponentielle !
N.B. : On peut adhérer à la Société d’Histoire de la Vallée de Masevaux en versant une cotisation de 50 F. au trésorier Gérard Zimmermann – 29 rue du Général de Gaulle 68290 Wegscheid.
Concours des chantiers de bénévoles
Prix national, pour le Foyer Rural de Rougemont
Paris, Hôtel de Sully, 11 juin 1990, Roger Bambuck, Secrétaire d’Etat chargé de la Jeunesse et des Sports et Michel Colardelle, Directeur de la Caisse Nationale des Monuments Historiques et des Sites ont remis les cinq premiers prix nationaux du Concours des Chantiers de Bénévoles qui se consacrent à la restauration et à la mise en valeur du patrimoine dans toute sa diversité : grands monuments, petits édifices, architectures, jardins historiques, sites protégés ou non.
Outre l’effet incitatif , ce concours doit encourager et récompenser en priorité une action exemplaire. C’est ainsi que le Club Archéologique du Foyer Rural de Rougemont le Château s’est vu attribuer le prix national de 40.000 F dans la catégorie « Restauration à dominante archéologique ». Cette distinction devait couronner un défi authentique et marquait d’une borne glorieuse le long et passionnant chemin d’une aventure dont les jalons méritent d’être rappelés.
Les travaux ont commencé en mai 1977. A cette époque, il s’agissait simplement d’organiser une occupation de plein air pour un groupe d’adolescents du village. Il existe quelques pauvres vestiges d’un vieux château médiéval, oublié de tous, situé au sommet d’une colline qui domine notre petit village. Nous voulons débroussailler, aménager une petite place avec quelques tables et bancs pour en faire un but de promenade pédestre. C’est le début d’une grande aventure pour Rougemont-le-Château, plus petit chef-lieu de canton, du plus petit département de France (1300 habitants). Mais on ne touche pas comme cela à un site historique, la Direction Régionale des Antiquités Historiques de Franche-Comté est alertée. Pas question de faire des travaux d’aménagement ou de dégagement, même minimes car il peut y avoir des « vestiges archéologiques ». Une telle opération ne peut être autorisée que si le responsable maîtrise les techniques de fouilles archéologiques. Aussitôt Pierre Walter, responsable du projet, demande son inscription pour le cycle de formation A.F.A.B. Durant 4 années, pendant les vacances scolaires d’été, il se formera sur différents chantiers nationaux.
Parallèlement, sous sa direction, une équipe de jeunes du village poursuit des travaux de dégagement et de fouilles gui mettent en évidence des structures insoupçonnées jusqu’alors et du mobilier achéologique intéressant. Les premières visites commentées, conférences, expositions remportent un succès notoire auprès de la population. Le château renaît, revit ! Il devient un centre d’intérêt reconnu sur le plan départemental et régional, un outil d’animation locale. En 1981, nous participons pour la première fois au concours de C.N.M.H.S. et obtenons le 1er prix régional. A partir de ce moment, les structures mises au jour étant importantes mais très vulnérables, il faut engager un programme de consolidation-restauration. Notre site est retenu dans le cadre de l’action régionale de remise en valeur des vestiges militaires médiévaux. A partir de 1979, chaque année, un chantier de trois semaines à temps complet est organisé au mois d’août, en plus des week-ends de travail qui ont lieu d’avril à octobre. L’équipe locale, constituée d’une vingtaine de bénévoles fidèles, est renforcée par quelques étudiants.
Des actions ponctuelles d’initiation à l’archéologie sont organisées :
- une semaine pour les classes de seconde de lycée,
- une journée pour les classes primaires.
Ainsi pendant dix ans nous travaillons avec la même ardeur et le même enthousiasme, pour atteindre nos objectifs, à savoir :
1. Fouiller le site dans sa totalité (apport muséologique et historique).
2. Remettre au jour, assurer la conservation de l’ensemble des structures architecturales de l’édifice (mise en valeur du patrimoine médiéval).
3. En faire un support et un lieu d’animation culturelle.
Tout notre travail, plus de 35.000 heures totalement bénévoles, sans aucune intervention d’engins mécaniques, a été consacré à la réalisation simultanée de ces trois objectifs. C’est sans nul doute ce qui fait la spécificité de notre chantier. Si la fouille du site s’est terminée avec la campagne 1989, nous pouvons dire aujourd’hui que nous avons gagné notre pari. Il serait trop long de faire ici le bilan détaillé de toutes nos actions en ce domaine (publications, conférences, expositions, journées nationales portes ouvertes sur les sites, participation à des séminaires, journées découverte du patrimoine, visites commentées, interventions en milieu scolaire, classes du patrimoine pour deux collèges de Belfort …).
En juin 1989, nous avons enfin réalisé un rêve vieux de douze ans : « Réaliser un spectacle son et lumière sur le site » avec 50 acteurs et participants dans le cadre du bicentenaire de la Révolution. Ce projet, utopique en 1977, devenait réalité pour 800 spectateurs en 1989. Il démontre que le patrimoine, quelle que soit sa forme ou son importance, est un vecteur de développement culturel local à condition de le mettre en valeur, de le préserver et de l’animer.
C’est ce que nous avons fait avec l’aide précieuse et indispensable des collectivités.
Un lecteur nous écrit
Monsieur Jean Tritter, un de nos fidèles lecteurs d’Auxelles-Bas, nous a fait parvenir la lettre suivante :
En complément de l’étude de Monsieur François Liebelin sur « La Région sous-vosgienne à la veille de la Révolution » où il nous montre entre autres la résidence de la famille de Ferrette à Auxelles-Bas, je me permets de vous remettre ci-joint une photographie de la clé de l’embrasure de la porte de la chapelle seigneuriale des comtes de Ferrette. Démolie en 1974 elle s’élevait à côté du cimetière d’Auxelles-Bas, actuellement Place Jean Peltier. La date de construction laisse à penser que la demeure seigneuriale est plus ancienne. Le signe « mystérieux » 4ème de la date, serait, d’après Monsieur Heidet d’Essert, un caractère arabe signifiant O.
À toute fin utile, je vous communique la relation d’un fait divers – tiré des archives communales d’Auxelles-Bas – qui intéresserait peut-être les lecteurs de La Vôge, fait divers où l’on constate que la morale et le respect des bonnes moeurs étaient parmi les préoccupations majeures des conseillers municipaux de l’époque. Une coutume que les personnes d’un certain âge ont encore connue, autorisait la distribution aux habitants de portions de bois de chauffage : 1 portion aux ménages – 1/4 puis 1/2 portion aux célibataires.
Une habitante Melle X… – fille-mère – demande au Maire, en 1841, de lui octroyer une portion complète. Les Conseillers Municipaux rejettent la demande. Le compte-rendu donne les motivations qui entraînent leur refus. En voici les principaux passages :
» Le Conseil Municipal considérant que depuis un temps immémorial les filles non mariées n’ont eu dans la distribution de l’affouage que 1 /4 de portion, porté à 1/2 par la suite…
Attendu que la mesure adoptée par le Conseil Municipal a aussi pour effet de prévenir l’insubordination et le libertinage en forçant les filles à demeurer avec leurs parents, Qu’au contraire, si la demande devait être accueillie dans sa prétention, ce serait accorder une prime au désordre car un bon nombre de filles qui ne peuvent souffrir la surveillance de leurs parents vigilants pour les quitter et établir ménage (sic) où libérées de tout frein elles ne tarderaient pas à livrer libertinage (sic) ».
Melle X… intente alors un procès à la Municipalité. Elle le gagne en 1844.
Dans un premier temps le Conseil Municipal fait appel à la décision.
Il annule cet appel en 1845. Mais ayant appris que dans un cas similaire la Cour de Cassation avait donné raison à un Conseil Municipal, l’Appel fut renouvelé. Ne perdons pas de vue que les faits relatés se passaient il y a plus d’un siècle !!!
L’ancienne demeure seigneuriale d’Auxelles-Bas
Nous tenons à remercier Monsieur Jean Tritter pour la photographie de la clé de l’embrasure de la porte de la chapelle des comtes de Ferrette, démolie en 1974 et qu’il a eu l’obligeance de nous transmettre.
Dans un article paru dans le n°5 de La Vôge, et intitulé : « La Région sous-vosgienne à la veille de la Révolution », nous restions imprécis (milieu XVIIIème siècle) quant à la construction de la « demeure seigneuriale d’Auxelles-Bas » et ce, pour les raisons suivantes :
- Plusieurs documents prouvent qu’il faut dissocier la construction de « la chapelle domestique » des seigneurs de Ferrette de celle de leurs résidences successives à Auxelles-Bas. En 1730, déjà, année où, d’après la clé de voûte sauvegardée par Monsieur Tritter fut édifiée la chapelle, les Ferrette, pour des raisons inconnues font expertiser une maison, grange et écuries leur appartenant à Auxelles-Bas. En 1750, un sieur Bourquin, chapelain particulier de madame de Ferrette, réside chez elle à Auxelles-Bas. Ainsi, avant 1750, il existe bien à Auxelles-Bas une demeure seigneuriale avec « chapelle domestique » aménagée dans un des corps de bâtiment.
- Une lettre du 22 mars 1757, retrouvée dans les archives du greffe de la seigneurie, montre la détermination des habitants du lieu d’actionner le seigneur en justice pour l’obliger à enlever les matériaux à bâtir qu’il a entreposés sur la place publique.
- Un autre document plus significatif encore, puisqu’il s’agit de l’estimation des biens des anciens seigneurs d’Auxelles, estimation faite le 2 nivôse an ll (22 décembre 1794), prouve l’existence de trois maisons situées dans le même enclos.
- La grande maison (Cure actuelle).
- Les grange et écuries (à l’emplacement de la Mairie Ecole actuelle).
- Une autre maison située au nord de la première. Elle sera vendue à la famille Peltier en 1796-97.
Quant à la bâtisse construite au sud des dépendances et abritant l’ancienne chapelle domestique, elle a été rétrocédée à un certain Jean Claude Novier en 1792.
Ces quelques précisions : tout simplement, pour montrer si besoin est que la Cure actuelle, rachetée par la commune le 16 mai 1810, ancienne résidence seigneuriale, est vraisemblablement le bâtiment que l’on se préparait à édifier en 1757. Le style de l’édifice peut également confirmer cette hypothèse, d’où la légende de la photographie du monument : « Résidence de la Famille de Ferrette à Auxelles-Bas milieu XVIIIème siècle ».
Engagez-vous, rengagez-vous, qu’y disaient
(Le 21 février 1793) le Conseil Général assemblé est comparu le nommé Jean-Claude Chifermann de St Germain, lequel a dit qu’il s’étoit engagé il y a environ six mois pour servir au sixième bataillon des volontaires du Haut-Rhin dans la compagnie du Sr Boyer fils aîné ; que s’étant repenty de s’être engagé il a sollicité son congé absolu qu’il a obtenu dudit Sr Boyer fils en lui payant une somme de vingt quatre livres en numéraire, ainsy que soixante et douze livres en espèces sonantes au citoien Boyer père administrateur du Directoire du district de Belfort ; que malgré le congé absolu sous la date du 30 7bre dernier, la municipalité de St Germain sur une invitation à elle faite voudrait faire rejoindre ; que dans le cas ou son congé ce seroit trouvé illégal et seroit obligé de retourner au bataillon, il demande à ce que la somme de quatre vingt seize livres en numéraire qu’il a payé lui soit remboursée par les dits Srs Boyer ; qu’en conséquence il dépose la copie de sa lettre d’invitation écrite à la Municipalité de St Germain, ainsy que le congé qui lui a été délivré ; laquelle déclaration il a faite en présence de Nicolas Signe de Buc et de Pierre Bègue d’Etuffond le haut témoins requis qui ont signé et le comparant étant illétré a fait sa marque. Fait les jours mois et an avant dits.
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