EDITO
Honneur à vous, tirailleurs sénégalais, algériens, marocains, tunisiens, soldats du Pacifique, des Antilles, de l’Océan indien, arrivés par la Méditerranée le 15 août 1944. Vous qui ne connaissiez la France que par les livres, et encore. Vous qui ne pouviez imaginer ce que peut être la pluie, le brouillard, le froid de novembre dans notre région. Honneur à vous les « gamins » du lycée Janson de Sailly. Vous étiez des centaines, intégrés au 2e bataillon de Choc. Le plus jeune d’entre vous avait 16 ans ! Par Étueffont et Saint-Nicolas, vous êtes allés libérer nos voisins de Masevaux. Une trentaine des vôtres y ont perdu la vie. C’était votre baptême du feu. François Sellier
Table des matières
Édito | François Sellier | 1 |
Identité des soldats libérateurs inhumés à Giromagny. | Marie-Noëlle Marline | 2 |
Le Pays sous-vosgien, terre de maquis et de réfractaires. | Bernard Cuquemelle | 6 |
« Yoyotte », une oie pour le retour de déportation des garçons Natter • Résistance et répression en Pays sous-vosgien | Marthe Peltier et Bernard Perrez | 10 |
1944 Jeux de gamins pendant la Guerre | Roland Guillaume | 21 |
Pilotes de chasse et Pays sous-vosgien durant la Seconde Guerre mondiale | Stéphane Muret | 25 |
Célébrer et commémorer la Libération dans le Pays-sous-vosgien | Tristan Muret | 34 |
Il y a 100 ans | Martine Demouge | 43 |
Le dos des cartes | François Sellier | 64 |
La Fanfare des Mineurs du Pays sous-vosgien | Claude Parietti | 66 |
Les propriétés forestières du massif du ballon d’Alsace ❘ 1re partie | Jean-Christian Pereira | 72 |
Le « Verdoyeux » à Grosmagny : un retour aux sources | Nicole Grisey | 81 |
Giromagny, quand les flammes écrivent l’histoire | Michaël Mennecier | 87 |
Histoires de machines… « à polir » | Patrick Lacour | 106 |
Une vallée sous-vosgienne du nord du Territoire de Belfort : le Val des Anges et au milieu coule une rivière : la Madeleine • Étude de géographie physique et humaine ❘ 1re partie |
Bernard Heidet | 109 |
La seigneurie de Rougemont et les Habsbourg | François Sellier | 120 |
Céoùdonc ? | 123 | |
La petite histoire en patois Illustrations
|
José Lambert François Bernardin | 124 |
MAGAZINE | 127 |
Identité des soldats libérateurs inhumés à Giromagny
Parmi les documents soigneusement conservés dans les archives municipales de Giromagny, se trouve un simple bloc jauni avec sur la couverture l’inscription : « 1re DFL – Cimetière Divisionnaire N° 6 à Giromagny ». Il renferme les fiches des actes de décès de 91soldats tombés en Pays sous-vosgien et sur les contreforts du massif vosgien du secteur Masevaux-Thann fin novembre 1944. Ces fiches nous permettent d’identifier les soldats tombés au combat et inhumés à Giromagny, puis exhumés plusieurs années plus tard, soit pour rejoindre un caveau familial, soit pour être transférés en juillet 1964 à la nécropole nationale de Sigolsheim (68).
Le Pays sous-vosgien, terre de maquis et de réfractaires
Dès 1941, à Giromagny, la population résiste à sa manière.Cela commence par des manifestations sortant un peu de l’ordinaire : trois faits sont signalés par le maire1 qui en informe le préfet. Le premier événement mentionné fait l’objet d’un courrier adressé à M.Boeglin, futur résistant. Le maire lui demande d’inviter le public qui fréquente son cinéma2 à plus de retenue. En effet des spectateurs ont crié le mot « cochon » lorsque la photographie de Goebbels est apparue à l’écran. Dans un autre domaine, un boulanger de Giromagny, pris de boisson, a insulté des soldats allemands et a dû être incarcéré le temps de retrouver ses esprits. Mais le plus cocasse est, sans doute, le signalement du maire au préfet du Territoire de Belfort en novembre de cette même année….
« Yoyotte », une oie pour le retour de déportation des garçons Natter
En 1944, à Chaux, Alphonse et Marie Natter ont la douleur de voir leurs deux fils Pierre et Joseph enlevés par la Feldgendarmerie (police militaire allemande). Après ce dramatique départ et dans l’attente de leur libération, les parents décident d’élever en cachette une oie, « Yoyotte », qui sera mangée pour fêter le retour des garçons… Cette histoire tragique est aussi l’occasion d’évoquer les périls auxquels doit faire face la Résistance en Pays sous-vosgien au tournant des années 1943-1944.
1944 Jeux de gamins pendant la Guerre
En moment, nous avons été tentés d’intituler cet article « Jeux interdits à Lepuix, en 1944 » mais nous aurions eu l’impression de galvauder le titre du chef d’œuvre de René Clément1. La Vôge est une revue sérieuse et n’a pas besoin de titres accrocheurs pour être lue. Pourtant la présente histoire se passe aussi pendant cette guerre-là, et ses personnages sont aussi des enfants dont les jeux feraient frémir les mamans d’aujourd’hui et alimenteraient peut-être aussi l’actualité des journaux télévisés. Ce sont les souvenirs de Paul Lindecker, né en 19322, rassemblés plus de soixante-dix ans plus tard avec le recul nécessaire pour ne garder que l’essentiel, mais aussi avec le risque de bousculer un peu la chronologie. C’est un témoignage, un document parmi les autres et l’historien saura le confronter à d’autres sources s’il ambitionne de se rapprocher de la réalité.
Pilotes de chasse et Pays sous-vosgien durant la Seconde Guerre mondiale
Jean Tacquard est le premier de cette liste. Il naît à Lachapelle-sous-Rougemont le 15 juin 1914 au soir. Il est le fils de Pierre Tacquard, mécanicien né en 1874, et de Laure Bourquardez, née en 1879 à Delle, sans profession comme c’est souvent le cas pour les épouses à cette période. La famille n’est pas inconnue dans le village. L’entreprise TacquardFrères y produit depuis des années des pompes diverses dans un atelier de construction mécanique. Selon les divers recensements, Pierre Tacquard est mécanicien (tables de recensement de 1926), industriel, patron ou constructeur (tables de recensement de 1936). Jean naît au 5 de la Grande rue et passe sa jeunesse au village. En 1926, il est recensé comme « sans profession », ce qui est logique à 12 ans. Il en est de même en 1936 mais il est probable qu’il a alors déjà intégré l’armée de l’air
Célébrer et commémorer la Libération dans le Pays sous-vosgien
Ces quelques mots, signés par le maréchal de Lattre de Tassigny, désignent l’effervescence, la liesse populaire et le soulagement qu’ont pu ressentir les villages du Pays sous-vosgien au moment de la Libération, en novembre 1944. La Libération, tant espérée depuis de nombreuses semaines, est enclenchée à partir du 20 novembre et va durer huit jours. Les conditions hivernales sont très diffi – ciles. La pluie, la neige, le froid et les inondations retardent l’avancée des troupes françaises. AuxellesBas, Auxelles-Haut sont libérés le 20 ; Lepuix-Gy et Lachapelle-sous-Chaux les 21 et 22 ; Giromagny, Vescemont, Rougegoutte, Chaux, Sermamagny, le 22. Grosmagny est libéré le 24, les villages de Petitmagny, Étueffont, Anjoutey ou encore Rougemont-le-Château doivent patienter jusqu’au 25 novembre. Pour ce dernier, il faut même attendre le 26 novembre pour que cessent offi ciellement les bombardements sur le village. Lachapelle-sous-Rougemont, après des combats très violents le 25, n’est défi nitivement libéré que le 28 novembre. Dans certaines communes, les combats ont été particulièrement meurtriers.
Il y a 100 ans !
4 mai 1924 : vol historique à Montbéliard
Étienne Œhmichen est né à Châlons-sur-Marne, aujourd’hui Châlons-en-Champagne, le 15 octobre 1884. La famille s’installe dans le pays de Montbé- liard en 1897. Diplômé de l’École centrale Paris en 1908, il est un ingénieur doué et éclectique, il s’inté- resse à la mécanique, l’aérodynamique, la cinématographie, la paléontologie… Au début des années 1920, ses recherches portent sur des engins volants surprenants, à décollage et à atterrissage à la verticale. Le 4 mai 1924, avec sa drôle de machine, il effectue à Courcelles-les-Montbéliard le premier kilomètre en circuit fermé sur un terrain des usines Peugeot. Son appareil est doté de 12 hélices : 4 rotors de sustentation à axe vertical, 5 hélices pour la stabilité horizontale, 1 hélice de direction et 2 de propulsion… rien que ça !
Le dos des cartes
Adrien connait déjà le métier – son père fabriquait des sabots – mais il envisage plutôt une carrière dans les chemins de fer… Pourtant, rapidement, l’occasion de racheter l’entreprise de son patron lui est offerte. La tentation est forte, d’autant que l’embauche aux chemins de fer s’avère compliquée. Ainsi donc, le 31 octobre 1922, un acte de vente2 par Donzé Alphonse à Coulon Adrien est-il signé devant notaire et concerne : « Un établissement industriel à usage de saboterie industrielle au lieu-dit « village » sur la route de Saint-Nicolas à Rougemont-le-Château. Un bâtiment renfermant le matériel ci-après :
– Scie à ruban avec moteur.
– Machine à reproduire avec son moteur.
– Machine à creuser avec son moteur.
– Outillage divers et bois de travail et toute l’installation électrique. »
La Fanfare des Mineurs du Pays sous-vosgien
La naissance de la Fanfare
Dès sa création en 1987, l’AHPSV, travaillant à la mise en valeur du patrimoine du Pays sous-vosgien, a souhaité reconstituer une fanfare. François Liebelin (président de l’AHPSV) et Pierre Walter, tous deux musiciens, avec les membres du bureau de l’association, ont travaillé sur cette idée. Plusieurs mois de réflexions et de contacts ont été nécessaires, principalement pour solliciter des musiciens et constituer le premier répertoire. Et le 5 novembre 1991 tout est prêt, la Fanfare est créée. Son nom ? Le bureau de l’AHPSV a désiré qu’il rappelle symboliquement les exploitations minières du Pays sous-vosgien qui ont existé durant deux siècles. Ce sera : Fanfare des Mineurs.
Les propriétés forestières du massif du ballon d’Alsace
Le grand cantonnement de 1762
La population augmente alors, mais aussi les besoins de l’industrie dévoreuse de bois. Si les mines sont presque épuisées vers 1720 et végètent, les forges de Belfort se développent tout au long du siècle. Les bois à charbonner, d’abord pris dans les forêts de la plaine et du côté de la seigneurie de Delle, sont recherchés à la fin du siècle jusque sur les sommets du Ballon. Parallèlement, les Mazarin, comme les seigneurs de Reinach, constituent des emphytéoses pour rentabiliser leurs forêts. Ce sont des parcelles de forêt, louées à long terme, souvent pour une durée de 80 à 100 ans, à des familles qui défrichent, construisent et mettent en culture les terres. Ce sont la plupart du temps des charbonniers-bûcherons qui vivent déjà sur place. Une somme est versée au seigneur lors du contrat passé chez le notaire, suivie d’un loyer annuel. Ces emphytéoses constituées par vagues, surtout à partir de 1726 lorsque les mines ne sont plus rentables, forment des enclaves dans les forêts.
Le « Verdoyeux » à Grosmagny : un retour aux sources
Lieu de convivialité par excellence, ce bâtiment a vu passer des générations de clients, habitués ou non, sur plus de 200 ans. Une vie foisonnante qui ne demandait qu’à se poursuivre… Auberge, épicerie, charcuterie bien avant la fi n du XIXe siècle. D’abord relais de poste, à l’image de nombreux autres « Cheval blanc » un peu partout en France, le relais fait fonction d’auberge comme dans presque tous les villages, avec autorisation de vendre des boissons à table. C’est l’arrivée du chemin de fer qui sonne le glas de la poste aux chevaux au début des années 1870. Mais les chevaux-vapeur vont prendre le relais. En 1877, selon l’Annuaire administratif des communes1, l’aubergiste est François Grassler, également épicier et charcutier de Grosmagny. Dans les années suivantes, il ajoute une corde à son arc en devenant débitant de tabac. Après sa disparition, c’est sa veuve qui prend sa succession, jusqu’au tout début du XXe siècle, en ne gérant pratiquement plus que l’épicerie, le tabac et un peu de mercerie.
Giromagny, quand les flammes écrivent l’histoire
Le 14 mars 1932 à 5 h, le fils Hème est réveillé par de la fumée, le rezde-chaussée de l’hôtel tenu par ses parents est la proie des flammes. On alerte la gendarmerie, la sirène de la mairie retentit. Mais l’incendie progresse vite. Les premiers pompiers interviennent, des soldats organisent un service d’ordre, tandis que d’autres tentent de sauver quelques meubles et de la vaisselle. L’autopompe est mise en batterie et, après trente minutes d’efforts, le feu est maîtrisé. Mais au lever du soleil le constat est terrible, il ne reste guère que les quatre murs. L’Étoile avait déjà été endommagé par un incendie en 1911. Et en 1849, la ferme du sieur Bourquenot avait été réduite en cendres au même endroit. L’année suivante, il émigre aux États-Unis… à l’âge de 78 ans.
Histoires de machines… «à polir»
Le principe est toujours de frotter la pièce avec des particules dures et anguleuses, plus ou moins fines selon l’état de surface recherché. Dans une meule en grès les grains de quartz sont solidement agglomérés, mais on obtient une surface plus douce en collant ou déposant l’abrasif sur un polissoir en matériau tendre dans lequel il s’incruste. On utilise des disques de bois garnis de cuir ou des empilements de disques de drap (coton ou laine), en rotation très rapide. On «rode» les profils complexes en y frottant un moulage au plomb rendu abrasif par l’incrustation de l’émeri dont on l’enduit. Le polissage s’effectue progressivement, par utilisation successive d’abrasifs de plus en plus fins, jusqu’à obtention du fini recherché.
Une vallée sous-vosgienne Bernard Heidet du nord du Territoire de Belfort : le Val des Anges et au milieu coule une rivière : la Madeleine.
Dominé au Nord dans son cirque initial par les crêtes du Baerenkopf (1 074 mètres) et du Faniat (1 075 mètres) avec un accès à la vallée de la Doller par le col du Lochberg (978 mètres), le Val des Anges se poursuit en direction du sud en étant surmonté à l’Ouest par le ballon Gunon (913 mètres), la Tête des Mineurs (928 mètres) et enfin par le Fayé à 916 mètres. Le col des Sept Chemins à l’Ouest est un accès à la vallée de la Rosemontoise. Sur le versant oriental, on relève le Mont Brûlé (981 mètres), le Haquin à 834 mètres et, en dernier, la Tête le Moine culminant à 789 mètres ; le Trou du Loup à 730 mètres d’altitude permet le passage en direction du hameau de Saint-Nicolas et de la vallée éponyme. Une fois le village d’Étueffont atteint, la rivière se fraie encore un chemin entre les deux collines gréseuses du Mont Bonnet (566 mètres) et du Montanjus à 527 mètres ; en aval de ces reliefs la vallée n’a plus d’existence morphologique.
La seigneurie de Rougemont et les Habsbourg
Le comté de Ferrette apparaît en 1125, né du partage des possessions du comte Thierry de Montbéliard entre ses deux fils, Frédéric et Thierry II. Si ce dernier hérite du comté de Montbé- liard et construit le château de Belfort, Frédéric, lui, reçoit une grande partie du Sundgau, une partie du pays de Porrentruy et une autre du pays de Delémont. Frédéric a un fils, Louis, qui lui succède et qui gouverne le nouveau comté durant 30 ans. On notera que Louis épouse (déjà) une Habsbourg, Richenza (ou Richilde), ce qui lui assure une précieuse alliance et la tranquillité sur la frontière nord-est de son domaine2. Louis a un fils, Ulrich Ier, qui au décès de son père devient à son tour comte de Ferrette. Il règne sept années durant avant d’être assassiné par un fils de Frédéric Barberousse, empereur d’Allemagne. C’est sous l’administration de ces deux hommes (Louis et Ulrich Ier) que la seigneurie de Rougemont prend toute sa dimension. On leur doit, de manière certaine, la construction du château-haut de Rougemont, nous sommes alors entre 1160 et 1197. Quant à la fortification de la petite ville de Rougemont, elle est plus certainement l’œuvre d’Ulrich II. Mais ceci est une autre histoire.
LA petite histoire en patois
Les ûes d’la Fifine • Les œufs de Fifine
I vu echayi dè veus raconta enne hichtoire d’ la Fifine, a peu d’la Mélie. La Fifine, c’éta enne fonne de Reudg’gotte què rechta au cul bochon.
Je vais essayer de vous raconter une histoire de Fifine et de Mélie. Fifine, c’était une femme de Rougegoutte qui habitait au Curtil Buisson.
Ça s’péssa au mois dè Djuya, a peu la Fifine, alle ava des bares brôches. Alle via les raméssa a peu fare in totchè, enne bouène tarte, ço la sojon, a faut en profita.
Ça se passait au mois de Juillet et Fifine avait des belles prunes (locales et précoces récoltées en fin de moisson). Elle voulait les ramasser et faire un gâteau, une bonne tarte, c’est la saison, il faut en profiter
Ce numéro de la Vôge vous intéresse et vous souhaitez le lire dans son intégralité ?