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Édito

CES GENS VENUS D’AILLEURS

La diversité des sujets traités dans La Vôge n’est plus à démontrer. Ce numéro ne fait pas exception, la vie des gens qui nous ont précédés et leurs activités sont largement développées. Qu’il me soit permis, cependant, de mettre en exergue la présence et l’action de certaines personnes dont il est question dans les pages qui suivent :

  • Cet archiduc d’Autriche qui créa un de nos villages, il y a 450 ans.
  • Ces ancêtres qui s’exprimaient en langue romane.
  • Ces Corréziens qui quittèrent leur plateau du Centre pour le pied des Vosges.
  • Ces comtes du Sundgau qui bâtirent chez nous des châteaux.
  • Ces soldats ukrainiens venus prêter main-forte aux légionnaires pour nous libérer.

Pourquoi les citer, eux, en particulier ?

  • Parce qu’ils démontrent la complexité des trajectoires humaines.
  • Parce qu’ils nous rappellent la diversité de notre appartenance culturelle.
  • Parce que, tout simplement, leur présence bat en brèche l’idée de ceux qui, par peur d’une submersion venue d’ailleurs, ont fait du mot « identité » leur obsession.

La Vôge a aussi pour mission de nous rappeler que nous sommes pluriels !

François Sellier.

Table des matières

 Édito François SELLIER 1
Il y a 100 ans ! – Revue de Presse Martine DEMOUGE 2
La forêt du Salbert Jean-Marie MARCONOT 22
Et si Rougemont s’était appelé Rougemont-les-deux-Châteaux ? François SELLIER 24
Au-delà des bornes Roland GUILLAUME 29
Le parler de nos ancêtres Jacques MARSOT 64
Un testament de 1812 Gérard JACQUOT 66
Les képis blancs au ballon d’Alsace Stéphane MURET 67
Alphonse Albietz, un as de la photographie Bernard PERROS 75
Histoires de machines… « à refendre les vis » Patrick LACOUR 80
La situation administrative de Belfort et du Pays-sous-vosgien à travers l’annuaire du Haut-Rhin de 1854 Bernard PILLER 83
Jules Viron, 37 ans de direction musicale à Giromagny Claude PARIETTI 87
Le dessous des cartes François SELLIER 97
Des Corréziens à Giromagny Colette THOMAS 99
Il y a 450 ans, la naissance du village d’Auxelles-Haut Arnaud ZIEGLER 106
La petite histoire en patois : Lo loitchou (Le lécheur)
Texte traduit « en patois de chez nous » par José Lambert et validé par le groupe « Djoza potois » de la Haute Savoureuse
Illustrations de François Bernardin
119
MAGAZINE
La vie de l’association
Les cicatrices du terrain : voies et chemins
Recherche de témoignages
Le cugnu ou cugneux ou encore ramai, ramin…
Petite leçon de patois sous-vosgien n°3
In memoriam
Marie-Noëlle MARLINE-GRISEZ
Roland GUILLAUME
 
 
Louis MARLINE
François SELLIER
122
126
128
129
129
130

Il y a 100 ans ! – Revue de Presse

L’année 1919 en bref

La Conférence de la Paix s’ouvre à Paris le 18 janvier 1919. Elle a pour but de faire ratifier les traités signés entre les belligérants car l’armistice du 11 novembre 1918 qui a suspendu les hostilités n’a pas mis officiellement fin à la guerre. Les vaincus, ainsi que la Russie, en sont exclus. Les traités signés ne seront donc que des compromis entre les vainqueurs et imposés aux vaincus. Le traité de Versailles est signé le 28 juin 1919. Dans La Frontière du 3 juillet 1919 on peut lire : « A Versailles dans cette même galerie des glaces, où l’orgueilleux empire allemand s’était édifié sur notre défaite et nos propres malheurs, les délégués de la république allemande, le cœur plein de rage et de tristesse, ont signé le 28 juin à quinze heures l’aveu de la défaite allemande et de l’écroulement du militarisme prussien. »

Jugée seule responsable du conflit, l’Allemagne est lourdement sanctionnée. Elle perd une partie de ses territoires, notamment l’Alsace-Lorraine, toutes ses colonies, le « corridor de Dantzig » qui permet à la Pologne d’avoir un accès à la mer. Son armée est réduite à 100 000 hommes ; la rive gauche du Rhin est démilitarisée. Elle est en outre condamnée à payer de lourdes réparations de guerre. La sévérité des conditions imposées est perçue outre-Rhin comme une véritable humiliation et les Allemands n’auront de cesse de prendre leur revanche. Epuisé par plus de quatre années de guerre, le peuple français gronde. De multiples grèves éclatent à travers le pays. Face à cette agitation sociale et par crainte de la contagion révolutionnaire qui sévit en Europe, le gouvernement Clémenceau « lâche du lest ». C’est ainsi que deux mesures sociales importantes sont adoptées : la création des conventions collectives et la journée de huit heures sur la base de six jours de travail par semaine.
Cette même année débute l’affaire Landru. Arrêté pour une simple escroquerie, on découvre qu’il aurait fait disparaître plusieurs femmes, dix peut-être, qui furent successivement ses maîtresses. Et à cette période, il est déjà question d’un projet de tunnel sous la Manche.
La fin de l’année est fortement politisée ; elle verra se dérouler successivement les élections législatives, municipales et départementales. Si à Belfort La Frontière jubile car la Gauche l’emporte largement aux élections locales, il n’en va pas de même au niveau national. En effet, la nouvelle Chambre des députés bascule à droite grâce au Bloc national constitué par l’alliance des partis de droite et du centre droit. Cette Chambre sera appelée « Bleu Horizon » en raison de la couleur des uniformes des très nombreux anciens combattants qui y siégeront.

Journal : L’Alsace

22 janvier 1919 Auxelles-Haut – Mort au Champ d’Honneur

L’adjudant Emile Raffenne, du 42e régiment d’infanterie, fils de notre ami Jules Raffenne est mort pour la France quelques jours avant la conclusion de l’armistice. Il avait fait toute la campagne et la mort qu’il avait tant de fois et si vaillamment affrontée l’a frappé à l’heure où la victoire, si longtemps espérée, était toute proche, à la veille d’être rendu à la tendresse des siens. Appartenant à la classe 1914, il était parti au mois d’avril avec notre vaillant régiment belfortain. Sa belle conduite au feu ne tarda pas à lui valoir les galons de sergent. L’an dernier, il méritait le grade d’adjudant et nous avons été heureux de reproduire à cette place la belle citation qui disait son courage et l’admiration de ses chefs. Sa mort glorieuse plonge dans la désolation sa famille qui le chérissait et dont le deuil est partagé par la commune tout entière. Que la sympathie émue de tous ses amis soit une faible, mais bien sincère et cordiale consolation pour M. Jules Raffenne et les siens. Un service funèbre sera célébré jeudi 23 janvier en l’église d’Auxelles-Haut pour le repos de l’âme de ce brave.

6 février 1919 Belfort – L’heure de fermeture des cafés

Est-ce que Belfort serait une ville bâtarde, et ce qui est permis à Mulhouse, Besançon, Chaumont, Dijon, Nancy, Lunéville, etc. lui serait défendu ? Les cafés et restaurants de ces villes ont l’autorisation de fermer à 10 heures pour les civils et de recevoir les militaires jusqu’à 9 heures. Pour Belfort, c’est 8 heures ! Il y a là une anomalie dont se plaignent non seulement les cafetiers mais les consommateurs, surtout par ce temps de neige,  où les soldats et les voyageurs ne savent où aller. Il suffit de « signaler » le fait pour que satisfaction soit donnée aux intéressés.

11-12 février 1919 Auxelles-Bas – Terrible imprudence

La semaine dernière, un jeune soldat du village, venu en permission eut la malencontreuse idée d’apporter avec lui, une grenade, qu’il montra comme un jouet, à sa petite sœur, âgée de 13 ans ; celle-ci la tint à peine qu’elle explosa, lui arrachant les doigts de la main gauche, et lui criblant le corps d’éclats. En toute hâte, la victime de ce pénible accident, fut dirigée sur l’hôpital de Belfort où son état fut jugé des plus graves. Quand donc les permissionnaires s’abstiendront-ils d’emporter des engins aussi dangereux ?

14 février 1919 Auxelles-Bas – Toujours les grenades !

Voici des détails sur cet accident dont nous avons parlé mardi : Tout dernièrement, un petit garçon de 8 ans, Camille Faivre, trouvait un détonateur de grenade. Il s’empressa de le porter à sa sœur Marthe, qui était souffrante et alitée. La pauvre enfant l’avait à peine entre les mains que l’engin explosa lui arrachant quatre doigts de la main gauche et la blessant au front et à la poitrine. Son petit frère reçut aussi nombre d’éclats produisant des blessures sans gravité. On juge du désespoir de la malheureuse mère, veuve de guerre, en apercevant ses enfants couverts de sang. Les pauvres petits reçurent immédiatement à l’ambulance les premiers soins que nécessitait leur état et furent transportés à l’hôpital de Belfort. A noter en passant le stoïcisme d’une enfant de 13 ans qui, en pleine connaissance sans une plainte supporta les pansements plaignant son petit frère qu’elle voyait évanoui.La leçon est dure. Espérons qu’elle profitera aux enfants amateurs de ces funestes jouets et aux militaires trop peu soigneux de ces engins meurtriers.

18 février 1919 Lepuix-Gy – Nécrologie

La population de Lepuix-Gy a conduit, lundi 10 février, à sa dernière demeure le corps de Mme Henri Briot, femme du sympathique industriel, décédée après une longue et pénible maladie. Les ouvriers de l’usine avaient tenu à rendre un dernier hommage à cette femme de bien, toujours prête à soigner les malades et à secourir les pauvres. Les poilus ont su, tout particulièrement, toucher son grand cœur et sa main, toujours prête à donner ; a distribué de nombreux dons aux hôpitaux de Belfort et aux soldats du pays ; c’est une noble figure qui disparaît. A sa famille éplorée, nous adressons l’expression de notre bien vive sympathie et nos condoléances émues.

22 février 1919 Belfort – Les soldats dans les cafés

Le Colonel Largillier, commandant d’armes de la Place de Belfort, a adressé à M. le Maire de la Ville de Belfort, la lettre suivante : J’ai l’honneur de vous faire connaître que j’ai pris les dispositions suivantes en ce qui concerne la fréquentation, l’ouverture et la fermeture des débits, cafés, restaurants, concerts et cinémas :

  1. Les cafés, débits et restaurants seront ouverts aux militaires de tous grades de 10h30 à 22 heures. Toutefois les sous-officiers et hommes de troupe ne pourront y rester ou y être admis après 20 h30 que s’ils sont porteurs d’un titre de permission de détente, ou s’ils sont munis d’une permission spéciale (de 10 heures, 11 heures, minuit ou de la nuit) délivrée par leur chef de corps.
  2. L’heure de la rentrée des sous-officiers ou hommes de troupe dans les cantonnements est fixée à 21 heures.
  3. Les concerts et cinéma sont autorisés jusqu’à 23 heures. Cette nouvelle réglementation est applicable depuis le 9 février 1919.

Cette nouvelle règlementation est applicable depuis le 9 février 1919.

2-3 mars 1919 – Le ravitaillement en huile et en pâtes

Le sympathique député du Territoire de Belfort, M. Louis Viellard, a reçu du Ministre de l’Agriculture, la lettre suivante :
Paris, le 18 février 1919
Monsieur le Député et cher Collègue,
Vous avez bien voulu me demander de céder à la municipalité de Giromagny une certaine quantité d’huile et de pâtes alimentaires, prélevées sur les approvisionnements du Service du Ravitaillement. J’ai l’honneur de vous faire connaître que par télégramme du 31 janvier, j’ai prescrit au Régisseur du Ravitaillement à Marseille d’expédier de toute urgence pour les besoins de la population civile du Territoire de Belfort 10 000 kilos d’huile d’olive tunisienne, quantité double de celle qui avait été demandée.
J’ai avisé également l’administration du Territoire de Belfort que le contingent de pâtes alimentaires de 20 000 kilos mis à sa disposition au titre de janvier serait augmenté d’une…

(La suite dans :   Il y a 100 ans ! – Revue de Presse , par Martine DEMOUGE, page 2)

La forêt du Salbert

Nous manquons de documents formels pour identifier l’origine du mot « Salbert », plusieurs hypothèses sont proposées ; par contre de nombreux textes sont conservés aux archives de Belfort sur l’histoire de cette forêt.

En mai 1307, la partie sud de cette « forest de Salbert » est donnée aux bourgeois de Belfort « en perpétuel hérietaige », par le comte de Montbéliard, Renaud de Bourgogne : ce cadeau figure de façon très détaillée dans la charte des franchises de 1307. La partie nord est donnée à Belfort par Frédéric duc d’Autriche, en 1442. Dans un document plus tardif, les Belfortains disent que cette donation de 1442 a été faite pour enlever les « difficultés ».
En effet, dans les faits divers notés au jour le jour, ou dans les liasses de documents juridiques, les noms du Salebert, Salberg, Salbert, reviennent constamment : Salbert est un lieu de litiges et de délinquance, pomme de discorde entre Belfort et les villages proches. Les gardes-champêtres, les « Banvards », sont souvent occupés, de nuit aussi, à protéger les propriétés des bourgeois de Belfort contre les « manants et habitants des communautés voisines, qui viennent y couper du bois, et se font gager ». Par exemple le 30 avril 1720, le garde fait son procès-verbal : il a remarqué des souches d’arbres fraîchement coupées, dans la nuit… Il a suivi les traces d’un chariot, le « freier »du chariot, qui l’ont amené à la maison d’un nommé JP Bezançon. Il a « reconnu et mesuré la grosseur et la longueur » du bois entassé près de la maison… et a sanctionné les fautifs « tous deux fourestiers dans la fourée de Salbert ».

Querelles séculaires entre ville et campagne

Un litige plus grave se développe au cours des siècles : Belfort possède le bois, mais les communes voisines ont gardé le droit coutumier de « morte pâture » : aller mener le troupeau communal, le « rouge » bétail, vaches et chevaux « champoyer » dans la forêt. Au fil des siècles les choses se dégradent. Une requête est faite par exemple en 1691 par les « manans d’Esvettes, Sermamaingny et Valdoye » auprès de l’intendant de la Haute Alsace contre le magistrat de Belfort. Ils expliquent que tant que le bois a servi pour « le chauffage de la bourgeoisie » et même « celui de la garnison », la coexistence a été bonne. Mais pour « le service des forges », Belfort fait « réduire en charbon » une partie de la forêt, et y installe de nouveaux habitants, les « censiers… gens vagabonds, sans aveu , sans lieu ni religion, et ce lieuescarté devient retraite de volleurs et de schenapants », récemment n’ont-ils pas crevé les yeux à un bœuf ? Et son propriétaire ne peut plus s’en servir… Et pourquoi les bourgeois de Belfort veulent-ils maintenant interdire les pâturages ? Dans d’autres documents on se plaint qu’ils ont refusé de procéder au bornage, réclamé depuis 1584 par les gens d’Evette ! C’est le pré-largement (large prairie entre le Salbert et Evette) qui est en question. Par fois ils font valoir qu’ils appartiennent à une autre seigneurie que celle de Belfort, celle du Rosemont. Dernier abus du magistrat de Belfort envers Evette : il a fait enlever un bœuf, depuis cinq jours, et refuse de le rendre, « procédé tortionnaire, violent, injurieux ». Un autre document, de 1660, reproduit les témoignages d’une cinquantaine de personnes, qui toutes disent avoir vu de tout temps les troupeaux des villages « champoyer » et pâturer dans la forêt, sans aucun empêchement des « banvards » et qu’ils n’ont jamais vu celui de Belfort ! Certains précisent qu’ils emmenaient même de… 

(La suite dans : La forêt du Salbert, par Jean-Marie MARCONOT, page 22)

Et si Rougemont s’était appelé Rougemont-les-deux-Châteaux ?

Quand, en 1893, la municipalité de Rougemont demande à l’État l’autorisation de nommer la commune Rougemont-le-Château, elle aurait pu et peut-être dû demander à s’appeler Rougemont-les-deux-Châteaux car il y eut bien deux châteaux médiévaux à Rougemont.

Bref historique du toponyme

En 1103, apparaissent les premières traces écrites de Rougemont « uxor Othonis Rubromonti » et « Martinus invenis de Rubromonte » dans la rédaction d’une donation faite à Saint-Nicolas-des-Bois. Pourquoi Rougemont ? Il y a de la terre rouge à Leval, à Romagny mais assez peu à Rougemont, excepté sur la route d’Étueffont. Cependant, « il nous sera permis de préférer l’hypothèse selon laquelle le village de Rougemont doit tout bonnement son nom à la couleur physique de son sol » écrit Pierre Haas 2 . Il est vrai que la référence à la couleur rouge est fréquente au village : on trouve la Rouge-Montagne, la goutte de la Rouge-Vie, la Rouchotte, les Rouge-Etangs mais, de l’avis même du philologue Raymond Schmittlein le nom de Rougemont reste une énigme.

Sous les comtes de Ferrette

En 1185, le comte Louis de Sarrewerden 4 est appelé Dominus de Rotenberc, or les Sarrewerden sont apparentés aux Ferrette, ce qui expliquerait qu’ils possédassent Rougemont à cette époque. M. Wilsdorf considère même que le château (lequel ?) existe déjà à cette date. S’il s’agit du château-haut, c’est-à-dire de celui qui fit l’objet de fouilles archéologiques de 1977 à 1989, alors la considération est possible puisque dix monnaies émises avant 1200 ont été mises au jour.
À présent, il n’est pas inutile de rappeler ce qu’était l’illustre famille des comtes de Ferrette. Tout part de la succession de Thierry de Montbéliard et donc de Mousson et de Bar (voir encadré sur les blasons) en 1102. Son domaine est alors partagé entre ses deux fils aînés Frédéric et Thierry II. Thierry II va administrer le comté de Montbéliard jusqu’à Belfort où il va construire un château (là où se trouvent aujourd’hui la citadelle et le Lion). Son frère Frédéric hérite, lui, du Sundgau et de la Haute Alsace qui s’étend jusqu’à Belfort (côté est). Comme souvent, les frères sont rivaux, voire ennemis. Frédéric va donc, lui aussi, construire un château à Belfort, le château de Montfort (là où peut-être se trouve aujourd’hui la tour de la Miotte) et nous verrons que ce ne sera pas sans conséquences pour Rougemont. Ce n’est qu’en 1125 que Frédéric apparaît avec le titre de comte de Ferrette, à l’occasion d’une donation à l’abbaye de Lucelle.
En 1160, Louis Ier de Ferrette succède à son père Frédéric. Il va régner pendant trente ans et il n’est pas impossible qu’il ait entrepris la construction du château-haut de Rougemont, celui que l’on nomme le Vieux-Château. En 1190, Ulrich Ier devient comte de Ferrette pour sept ans seulement mais c’est un bâtisseur. Tout simplement parce que les Ferrette gênent. Ils sont un obstacle à la liaison Bourgogne-Alsace ! C’est Ulrich Ier qui construit par exemple, la troisième tour d’Eguisheim (une des trois sorcières), le donjon carré de Ferrette et, peut-être aussi le
château-haut de Rougemont. Si ce ne fut pas le père Louis, ce sera peut-être le fils Ulrich Ier , mais hélas on ne le saura sans doute jamais… Le successeur d’Ulrich Ier qui n’est autre que son frère, Frédéric II, nous intéresse particulièrement. Il est, paraît-il, brutal et…

(La suite dans :  Et si Rougemont s’était appelé Rougemont-les-deux-Châteaux ?, par François SELLIER, page 24)

Au-delà des bornes

L’année 2021 est celle du cent cinquantenaire de la guerre de 1870-1871 qui a entraîné la perte d’une centaine de communes pour le département du Haut-Rhin et de l’établissement d’une frontière dont des traces discrètes sont encore bien visibles de nos jours : les bornes.

Le Lion et les bornes

Le voyageur qui passe par Belfort et, surtout, qui s’y arrête, ne manquera pas d’aller rendre visite au Lion. Le monument est à Belfort ce que la Tour de monsieur Eiffel est à Paris et la statue de la Liberté à New-York. Mais si le Lion symbolise la résistance spectaculaire de la ville lors du Siège et rappelle les événements douloureux des années 1870 et 1871, d’autres vestiges plus modestes, tant dans leur attitude que dans leurs dimensions, sont encore là où ils ont été placés il y aura bientôt un siècle et demi pour marquer une ligne de fracture artificielle qui allait pendant 47 ans séparer l’Alsace et la moitié de la Lorraine de la mère Patrie.
La patrie, Erckmann-Chatrian la définissait ainsi dans Un homme du peuple en 1865 : « Ceux qui n’ont pas de famille, pas de richesses, pas d’amours… eh bien ! ils ont la patrie ; ils ont quelque chose de plus grand, de plus beau, de plus éternel : ils ont la France ! ». Garder cette définition en mémoire est indispensable aujourd’hui pour comprendre comment et pourquoi, 43 ans après l’annexion, une nouvelle guerre cent fois plus meurtrière que celle de 1870 va trouver sa justification dans l’esprit des Français.

Histoire d’une frontière

Un an à peine après la commémoration du centenaire de la victoire des Alliés le 11 novembre 1918, nous voilà avec le cent cinquantenaire d’une guerre moins connue, mais dont les conséquences pour le Pays sous-vosgien et pour ses habitants seront au moins aussi importantes. Dans les cinq chapitres qui suivent cette introduction nous verrons successivement :

  • en quelques mots, les raisons et le déroulement de la guerre,
  • le déroulement des négociations qui ont fixé le tracé de la frontière,
  • la mise en place des bornes et leur entretien,
  • les conséquences du démembrement du département et l’influence de la frontière sur la vie quotidienne des gens,
  • l’état et l’utilité des bornes en 2019.

1 – Trois guerres pour un empire

Au début des années 1860, l’Allemagne est une sorte de patchwork constitué d’États de tailles plus ou moins importantes, le plus grand d’entre eux étant le royaume de Prusse qui s’étire sur plus de 1 200 kilomètres, de la limite du département français de la Moselle jusqu’aux confins
de la Lituanie (Fig. 1). La nation polonaise est alors partagée entre l’État prussien et l’immense empire de Russie.

Bismarck

Trois empires dominent l’Europe continentale : la Russie, l’Autriche-Hongrie et la France. Aucun des États voisins de la Prusse n’est vraiment menaçant et pourtant, en moins d’une décennie, le Royaume va plus ou moins provoquer trois guerres dont il sortira victorieux. Ce ne sont pas tant le roi de Prusse et ses généraux qui seront à l’origine de ces conflits que le chancelier Otto von Bismarck dont l’ambition est de réaliser l’unité allemande et de faire de son roi un empereur, un peu contre le souhait de celui-ci, paraît-il.
Passons rapidement sur la guerre contre le Danemark pour le contrôle du Schleswig-Holstein (1864), sur celle menée contre l’Autriche où l’armée prussienne démontre sa grande supériorité à Sadowa (1866) pour en arriver à celle qui sera à l’origine de la frontière qui nous intéresse : la guerre franco-prussienne de 1870-1871. Pour convaincre les grands États du Sud de l’Allemagne, (Bavière, Wurtemberg, Bade et Palatinat, repère 2 sur la carte de la fig. 1) de s’associer à la Prusse et aux petits États de la Confédérationde l’Allemagne du Nord (rep. 1) pour former une grande Allemagne, le machiavélique chancelier imagine de les entraîner dans une guerre importante dont la coalition sortira victorieuse. Une guerre, mais contre qui ? L’Autriche a déjà donné, la Russie est trop vaste, les autres pays, la Suisse, les Pays-Bas ou la Belgique ne présenteraient pas de difficultés mais chacun sait qu’à vaincre sans péril, on triomphe sans gloire… Il ne reste que la France, un pays riche dont l’armée est – Bismarck et l’état-major prussien le savent – moins bien équipée, moins bien organisée et dirigée par des stratèges qui ne manquent certes pas d’allure dans les défilés et dans les salons mais qui n’ont pas vraiment fait preuve de génie dans les opérations auxquelles la France a participé : conquêtes coloniales, guerre d’Italie, de Crimée, expédition au Mexique…
L’adversaire est choisi, il reste à trouver un casus belli.

Dépêche et précipitation

Pour que son plan fonctionne, Bismarck sait qu’il faut que ce soit la France qui déclare la guerre à la Prusse, alors il va lui fournir un prétexte. Les Français sont fiers et susceptibles, pense-t-il, il suffit de les vexer ; tiens, par exemple, en leur faisant croire que le Roi a éconduit l’ambassadeur de France. Partant d’une information réelle, il fabrique une sorte de communiqué ambigu qu’il fait parvenir à la presse : c’est la dépêche d’Ems qui, plus ou moins bien traduite, est interprétée comme une gifle à l’empereur des Français et par conséquent à la France toute entière. Il n’en faut pas plus pour que le 19 juillet 1870, poussé par ses conseillers, soutenu par le Corps législatif et encouragé par l’opinion publique, Napoléon III déclare la guerre à la Prusse. Le 4 août, l’armée française est toujours en cours de mobilisation mais les Allemands, impatients, n’attendent pas et attaquent à Wissembourg. Quatre semaines plus tard, le 2 septembre, c’est la capitulation de Sedan. La guerre est finie pour Napoléon III mais elle continuera encore pendant plusieurs mois pour une grande partie de la France et pour Belfort en particulier dont le siège commence le 2 novembre. Comme nous nous intéressons ici plutôt à l’annexion de l’Alsace et d’une partie de la Lorraine et par voie de conséquence au tracé de la frontière, nous laisserons de côté toutes les péripéties militaires pourtant passionnantes que l’on retrouvera dans l’abondante littérature consacrée pour cette période tant à notre région 2 qu’au Pays sous-vosgien (voir la section Bibliographie et sources).

19 septembre 1870, l’entrevue de Ferrières-en-Brie

Le 4 septembre, en plus de la déchéance de l’empereur, les députés réunis dans la confusion proclament la République et établissent le Gouvernement de la Défense nationale, présidé par le général Louis Trochu ; Léon Gambetta est chargé du double ministère de la Guerre et de l’Intérieur et Jules Favre est ministre des Affaires étrangères. Deux semaines après sa nomination, ce dernier prend l’initiative de proposer à Bismarck une entrevue. Elle aura lieu à Ferrières-en-Brie, à mi-chemin entre Paris et Meaux. Le but de Favre est, premièrement de sonder le chancelier prussien sur ses intentions, deuxièmement de lui proposer un armistice pour permettre la tenue d’élections législatives sur tout le territoire français. Bismarck et l’état-major allemand ne veulent pas d’une suspension des combats, du moins pas tout de suite car ce serait donner du temps à Gambetta pour organiser la résistance depuis la partie non occupée de la France. Par contre, pour le premier point, Favre rapportera à ses collègues les très claires intentions de Bismarck :
« […] il m’a dit alors que les deux départements du Bas et du Haut-Rhin, une partie de celui de la Moselle avec Metz, Château-Salins et Soissons, lui étaient indispensables, et qu’il ne pouvait renoncer. »
Autrement dit, les habitants du Pays sous-vosgien peuvent se préparer à apprendre l’allemand… Heureusement, l’histoire n’est pas finie, monsieur Thiers va bientôt entrer en scène.

28 janvier 1871, un armistice restreint

Voilà plus de quatre mois que Paris est assiégé et un mois entier que la capitale est bombardée. Certes, la population parisienne ne vit pas dans des caves, comme celle de Belfort,

(La suite dans :  Au-delà des bornes, par Roland GUILLAUME, page 29)

2 – Comment les habitants de Leval sont restés français

Pendant des mois, disons de septembre 1870 jusqu’à la signature du Traité de Francfort début mai 1871, la population de l’arrondissement de Belfort a observé anxieusement l’évolution des discussions entre la France et l’Allemagne. C’est un long feuilleton où le suspens est entretenu par les rumeurs populaires et les fausses nouvelles colportées par des journalistes qui n’ont pas grand-chose à se mettre sous la plume. Avec le recul on sait que seul Bismarck savait le sort qu’il réservait à Belfort et à son territoire ; c’était lui qui écrivait l’histoire.

26 février 1871 – Préliminaires du Traité de paix

Lors de leur première séance de négociation, le 21 février, le chancelier Bismarck déclare à Jules Favre, toujours ministre des Affaires étrangères, et à Adolphe Thiers, chef du pouvoir exécutif de la jeune Troisième République, que l’Allemagne exige, en plus d’une indemnité de 6 milliards de francs, la cession de la Lorraine germanophone, dont la place forte de Metz, et la totalité de l’Alsace, dont l’arrondissement de Belfort tout entier. On imagine la grimace des négociateurs français (et celle des Belfortains s’ils avaient su cela). Le détail des négociations pour la conservation de Belfort par la France fait l’objet d’un long développement dans les Notes et Souvenirs de Thiers, trop long pour être cité ici. En voici quand même le début : « […] C’est alors que j’ai commencé, au sujet de Belfort, une lutte dont je me souviendrai toute ma vie […] »
On lira avec beaucoup d’intérêt la suite, citée dans la Revue des Deux Mondes dans l’article du général Bourely. Après bien des tergiversations, Bismarck accepte : en échange de deux communes situées à l’ouest de Metz, Belfort restera à la France. Ouf ! Voilà un premier pas, il sera toujours temps de définir l’étendue du territoire attaché à la ville quand sera négocié le traité de paix définitif. On verra plus loin que ce ne sera pas simple.
Ces Préliminaires, qui constituent une base pour les discussions devant mener au traité de paix, sont présentés à l’Assemblée le 1er mars. On peut y lire que :
« La ligne de démarcation coïncide avec la frontière occidentale des départements du Bas-Rhin et du Haut-Rhin jusqu’au canton de Belfort dont elle quitte la frontière méridionale non loin de Vourvenans pour traverser le canton de Delle aux limites méridionales des communes de Bourgone (sic) et Froide-Fontaine et atteindre la frontière suisse en longeant les frontières orientales de Jonchéey (sic) et Delle. »
Ainsi Morvillars, Grandvillars, Joncherey, Delle et les communes plus au sud sont exclues de l’annexion. Pendant ce temps l’Alsace germanophone est germanisée sans délai. Raymond Oberlé raconte que, dès le mois de janvier 1871, l’administration allemande se met en place dans les territoires annexés qui deviennent un Reichsland, une entité administrative et politique sans autonomie. Le Reichsland est découpé en trois circonscriptions appelées Bezirke, elles-mêmes divisées en arrondissements connus sous le nom de Kreise. Le futur Territoire de Belfort partagera sa frontière à l’Est avec le Kreis de Thann et celui d’Altkirch.

Conférence à Bruxelles

Nous savons ce qui s’est joué lors des discussions menées entre les deux pays pour déterminer le tracé de la nouvelle frontière franco-allemande par le récit qu’en a fait un des membres de la commission, le colonel Laussedat. Le ton de ses propos est souvent amer et critique vis-à-vis des hommes politiques qui participaient aux négociations : Jules Favre et Adolphe Thiers en particulier. Il leur reproche d’avoir manqué de fermeté et d’arguments face au chancelier de fer, le comte Otto von Bismarck. Mais il est fort probable que Bismarck, qui avait en main tous les atouts, n’a lâché que ce qui ne lui coûtait rien et que la partition des provinces de l’Est était jouée dès le mois de septembre 1870, quand avait été dessinée la carte où la ligne de délimitation projetée était « surlignée » d’un liseré vert. La rétrocession de Belfort et de son territoire à la France ne s’est pas faite en une seule discussion (voir encadré Le marchandage). Au début des négociations qui se sont déroulées du 21 au 26 février 1871, Bismarck annonce à Thiers que…

(La suite dans :  Au-delà des bornes, par Roland GUILLAUME, page 29)

3 – Entretien de la frontière

On imagine bien qu’après la mise en place des bornes dans les années 1872-1873, la ligne de démarcation entre la République et les territoires annexés n’est pas restée intacte. Les comptes rendus et le courrier échangé à propos des travaux d’entretien nous éclairent un peu sur la nature des relations franco-allemandes, au plus bas niveau.

Une étroite et rigide collaboration franco-allemande

Les travaux d’entretien ont fait l’objet d’une épaisse correspondance 34 entre les deux gouvernements et de multiples interventions sur le terrain. Les dégradations subies par les bornes ou leur environnement sont d’une étonnante diversité. On pense d’abord aux déprédations volontaires ; elles sont relativement rares et ne sont fréquentes qu’au début de la période d’annexion, quand la colère et le dépit des néo-frontaliers s’exprimaient sur les pauvres « pierres-frontière » qui n’y étaient pour rien. Dans son état daté du 2 octobre 1903, le Kreisdirektor de Thann signale 19 bornes non conformes sur 240. Trois d’entre elles sont cassées, deux renversées et une seule déplacée : la 3420 qui, située au sommet du ballon d’Alsace, est particulièrement exposée en ce haut lieu de pèlerinage patriotique.
Il faut quand même dire qu’elle s’est retrouvée à 20 mètres de son point d’ancrage malgré sa masse de plus de 230 kilogrammes ; les patriotes étaient musclés et ils étaient nombreux en ces temps-là. La plupart du temps les dégradations volontaires sont faites à coup de masse, de hache ou de marteau comme ce fut sans doute le cas en 1905 pour la borne 3425 que l’inspecteur-adjoint des Eaux et forêts préconise dans son rapport de remplacer par un nouvel exemplaire « en granit solide et difficile à casser ». Mais le gel, l’érosion des rives des ruisseaux et les inondations, le ravinement, s’ajoutent à la maladresse ou à la négligence des acteurs forestiers ou agricoles qui avec leurs charrois bousculent les bornes qui, malheureusement pour elles, n’ont pas le temps de s’écarter de leur chemin.

26 avril 1877 : la délimitation se précise

Le Traité de Francfort de mai 1871 a posé les bases du tracé et du processus de mise en place de la frontière. Il reste cependant encore pas mal de litiges et de situations ambiguës. La Commission internationale de délimitation a continué à fonctionner bien après la mise en place des bornes. Le 26 avril 1877 ses membres signent un Procès-Verbal de délimitation entre la France et l’Empire d’Allemagne ; ce document important n’a eu force de loi qu’après la signature par le Président de la République du décret du 2 mars 1878 36 . L’article 4 règle le problème de l’entretien de la route nationale 83 traversée trois fois sur quelques dizaines de mètres à Foussemagne ; une borne intermédiaire 3801-2 sera posée à mi-distance des deux traversées extrêmes. Les douaniers sont satisfaits.
Les responsabilités des états respectifs et la répartition de leurs contributions financières sont précisées dans les articles 28 à 30. La collaboration entre les services administratifs des deux côtés de la frontière en sera plus efficace…

Des communications difficiles

Si les relations entre les gens de terrain des deux nations sont plutôt paisibles à défaut d’être amicales, les échanges entre les administrations impériales et républicaines sont laborieux. L’état des bornes mentionné plus haut a dû transiter par l’Auswärtiges Amt à Berlin et son équivalent à Paris, le ministère des Affaires étrangères, avant d’arriver sur le bureau de l’administrateur faisant fonction de préfet du Territoire de Belfort. Des travaux nécessaires en 1903 n’ont été exécutés qu’en 1905 et en 1913 37 le gouvernement allemand n’a toujours pas payé sa quote-part, prétextant (à juste titre semble-t-il ?) que la réception des travaux n’a pas été effectuée dans les règles. Mais la mauvaise foi des fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères de la République n’a rien à envier à celle de leurs homologues germaniques, surtout quand il s’agit de verser des indemnités dues aux agents des Eaux et forêts chargés de la surveillance des bornes ou des travaux relatifs à leur entretien. Quand on sait ce que cette maudite frontière a coûté quelques années plus tard en or et en sang, on ne peut que trouver bien dérisoires les quelques centaines de francs en jeu à ce moment-là. Les courriers officiels échangés entre les deux pays doivent bien sûr être traduits dans un sens comme dans l’autre mais les rapports des visites sur le terrain effectuées par les agents des deux États sont bilingues, chaque page du document comportant deux colonnes, celle de gauche reproduit le texte dans la langue du pays destinataire (donc en français pour la France…) et celle de droite est réservée à la traduction dans l’autre langue. Et attention : pas question d’…

(La suite dans :  Au-delà des bornes, par Roland GUILLAUME, page 29)

4 – Le pays déchiré

Après l’anxiété et le soulagement pour les uns, la révolte ou la résignation pour les autres, il a bien fallu s’adapter à la partition du pays, s’organiser, faire des choix… L’économie locale, les transports, les administrations, les associations, l’industrie, l’agriculture et le petit commerce frontaliers… ont été profondément dérangés voire bouleversés. Passer en revue tous les sujets « impactés », nécessiterait un épais numéro spécial de La Vôge rien que pour le Pays sous-vosgien. Nous allons nous contenter d’évoquer quelques-uns de ces aspects et de survoler les  autres en commençant par la déstructuration administrative.

Les diocèses

Si Dieu et ses saints se moquent des frontières établies sur Terre par les sociétés humaines, les paroissiens et leurs curés aiment bien savoir à quel évêché leur paroisse est rattachée. L’éclatement du Haut-Rhin inquiète les catholiques de l’ancien arrondissement de Belfort qui ne savent plus à quel évêque se vouer. Le décret présidentiel du 10 octobre 1874 48 répond définitivement à leurs interrogations.
« Art. 1er : La métropole de Besançon aura désormais pour suffragantes les églises épiscopales de Verdun, Belley, Saint-Dié et Nancy. Art. 2 : Les paroisses ou fractions de paroisses des cantons de Belfort, Delle, Fontaine, Giromagny, et des anciens cantons de Dannemarie et de Masevaux, situées sur le territoire français et faisant précédemment partie du diocèse de Strasbourg sont réunies au diocèse de Besançon. » Le département et les cantons Pendant plus de 40 ans, le titre de « département du Haut-Rhin » a été porté par un lambeau (glorieux, mais lambeau quand même) de son territoire : la moitié de l’arrondissement de Belfort, 610 kilomètres-carrés sur les 4 123 que le Haut-Rhin couvrait avant 1871. Quelques années avant la Première Guerre, on parlait déjà
de « territoire de Belfort » pour désigner cette espèce de département qui était géré par un administrateur faisant fonction de préfet sans être préfet mais tout en habitant un hôtel de préfecture… Rien d’étonnant à ce que, après la victoire, le Haut-Rhin récupère son titre mais sans le demi-arrondissement de Belfort qui se retrouvait, à titre de compensation, promu au rang de véritable et quatre-vingt-dixième département. Ainsi, en 1871, l’arrondissement de Belfort a-t-il été coupé en deux ; il a perdu entièrement trois de ses neuf cantons (Cernay, Saint-Amarin et Thann), deux d’entre eux ont été presque totalement annexés (Massevaux et Dannemarie) et celui de Fontaine a été amputé de neuf communes sur les vingt-neuf qu’il comptait. Les quatre communes restées libres du canton de Masevaux ont formé alors le plus petit canton du plus petit département français : celui de Rougemont.
La mise en place de nouvelles structures sous-entend une organisation nouvelle des services publics : poste, gendarmerie, justice de paix, perception… et douane.

Commerce, douane et contrebande

L’instauration des taxes diverses à l’importation, tant d’un côté que de l’autre de la frontière, a ralenti nettement, sans toutefois les geler, les échanges commerciaux. On verra plus loin que, paradoxalement, la nouvelle frontière a permis un développement spectaculaire de notre département sur le plan industriel. En attendant, c’est une activité commerciale particulière qui va retenir notre attention : celle qui est liée aux produits inégalement taxés de part et d’autre de la frontière et dont l’importation est interdite ou sévèrement réglementée : le tabac, l’alcool, les allumettes, le bétail, le sucre… La contrebande est une activité qui n’est pas nouvelle, celle qui concerne le tabac a commencé aussitôt que Richelieu a créé un impôt sur le tabac en 1629. A partir du moment où la différence de prix du tabac entre l’Alsace et la France a compensé l’effort nécessaire pour transporter illégalement la marchandise d’un pays à l’autre – pas seulement en passant par la montagne comme le laissent croire les cartes postales – et le risque de se faire prendre par les douaniers, des réseaux se sont mis en place. Car si les gains peuvent être intéressants, les peines encourues et une amende énorme de 500 francs pour le moindre délit devraient être dissuasives. Ce n’est pas vraiment le cas, et on peut le constater en étudiant les extraits de jugements comme celui où deux contrebandiers alsaciens sont condamnés à six et huit mois de prison, à 1 000 francs d’amende 52 et à la confiscation des marchandises (quelques dizaines de kilos de tabac, sans doute). Si parfois ce sont de gros trafiquants, comme ceux qui se sont fait prendre à la gare de Petit-Croix avec 33 000 cigares, on trouve aussi dans les journaux le compte rendu de condamnations plus légères comme celui-ci :
« Heidet Louis-Clément et Schvalm Jules , âgé de 12 ans, les deux de Petitmagny, ont été pris par les douaniers sur le territoire d’Etueffont-Haut porteurs de…

(La suite dans :  Au-delà des bornes, par Roland GUILLAUME, page 29)

5 – Les bornes, aujourd’hui

Que reste-t-il des pierres plantées il y a bientôt 150 ans ? Aurait-il fallu les arracher pour oublier les mauvais moments ou les conserver pour se souvenir des erreurs passées ?

Les « D » sont ôtés

Après la guerre, la frontière internationale qui séparait le Territoire de Belfort et l’Alsace annexée est officiellement rétrogradée au rang de limite départementale. Les pierres-frontière marquent toujours les limites entre communes, elles n’ont donc pas perdu leur utilité, elles ont simplement changé de “casquette“. Bien sûr le « D » gravé sur la face tournée vers le Haut-Rhin fait un peu désordre, alors il sera décidé (à une date que je n’ai pas pu retrouver) de le gommer à coups de burins et de marteaux. L’opération est sans doute officielle car on en observe les effets du Luxembourg jusqu’à la Suisse. Toutefois il y a eu des loupés et de superbes « D » ont été conservés ça et là ; ils nous rappellent qu’autrefois l’Allemagne était à deux pas de la mairie de Leval… Les bornes sont aussi des repères chronologiques qui entretiennent la mémoire. Malgré leur utilité évidente pour marquer les limites locales, les bornes ont été menacées, et pas seulement parce qu’elles gênaient la charrue ou le passage du tracteur forestier, mais parce qu’elles heurtaient certains esprits encore marqués par le souvenir de la défaite de 1870, de l’annexion de 1871, de la Première Guerre et de l’Occupation. Jean-Claude Fombaron a inséré dans un de ses articles 83 une coupure du journal La Liberté de l’Est daté du 28 août 1951. Le papier est signé René Robin et s’intitule « Des témoins qui doivent disparaître ! ». Six ans après l’épuration qui a suivi la Libération, un large sous-titre précise : « Des lignes de bornes de l’ancienne frontière (1871-1918) sont encore en place sur les crêtes des Vosges ».
On peut y lire :
« […] ne pas avoir enlevé, trente-trois ans après la victoire sur l’Allemagne des petites bornes hectométriques de démarcation d’une frontière qui nous avait été imposée quarante-sept ans plus tôt par cette Allemagne, c’est inadmissible. »
Et plus loin :
« On nous dira peut-être que ces pierres ont été laissées en terre parce qu’elles indiquent maintenant la limite commune des départements des Vosges et du Haut-Rhin […]. Agréons cette remarque, à la condition toutefois que l’on efface, enfin, sur les bornes vosgiennes, la lettre « D » de si tragique souvenir. »
Voilà qui permet de supposer que le martelage purificateur a eu lieu après la Seconde Guerre mondiale.

Sauvegarde et mémoire

Bien que martelées pour exorciser un mauvais souvenir avant de penser à autre chose, de nombreuses bornes sont encore visibles. Elles restent là, font partie du paysage, oubliées car trop familières, couleur de grès, couleur de terre. Le randonneur s’assoit dessus, le bûcheron les bouscule sans les voir et sans leur demander pardon, les intempéries et la végétation les usent et il en disparaît chaque année sous des tas de remblai lors des travaux routiers. On ne peut pas se réjouir de la dégradation de ces modestes vestiges mais on imagine bien qu’il n’est guère possible de les restaurer toutes et de les protéger éternellement. L’une d’elle – la 3594 – a été sauvée de justesse de la destruction par les passionnés de vieilles pierres du Foyer rural de Rougemont. Elle trône avec d’autres cousines plus âgées sur un parterre, devant le Foyer. Déracinée, elle l’est doublement, au propre et au figuré, et l’endroit qu’elle balisait est maintenant désert. Elle n’est plus qu’un témoin qui aurait perdu la mémoire, une bête fauve en cage sortie de sa savane et qui ne représente plus qu’elle-même.
Alors, que faire ? Une piste nous a été donnée par François Sellier en 2011 dans son éditorial du numéro 39 de La Vôge. Alors président de l’AHPSV à la suite du décès de François Liebelin, il écrivait :
« Notre mission de défense du patrimoine n’est pas oubliée, elle non plus. Hélas ! nous sommes souvent démunis face à ceux qui rasent, démolissent « à la va-vite » sans connaître ou sans vouloir reconnaître que tout a une Histoire. Ainsi notre rôle consiste-t-il, le plus souvent, à écrire cette histoire plutôt qu’à en préserver ses témoins. La Vôge a été créée pour cela. » 
Et c’est pour cela que, à partir de 2017 et en tant que membre de l’association, j’ai entrepris un inventaire exhaustif des bornes encore visibles en profitant de mes randonnées (ou plutôt, en orientant celles-ci le long de la ligne-frontière), d’abord sur les crêtes du Pays sous-vosgien, puis dans la plaine que constitue la Trouée de Belfort, jusqu’à la frontière suisse. La partie la plus laborieuse et la moins agréable n’est pas…

(La suite dans :  Au-delà des bornes, par Roland GUILLAUME, page 29)

Le parler de nos ancêtres

L’histoire de la langue française s’inscrit sur un long parcours. A travers les siècles et les millénaires, des événements, des personnages, ont modelé nos parlers, nos accents. Notre région, voire notre cadre sous-vosgien, ont souvent prêté leur physionomie à ces rencontres historiques.

850 ans avant J.-C., la France s’ouvrait aux premiers migrants celtiques ; ceux-ci, originaires du centre de l’Europe, s’arrêtèrent principalement en Bourgogne, Franche-Comté, Alsace. Quelques siècles plus tard, vers 450 avant J.-C., les tribus celtes déferlèrent sur l’Europe entière, s’implantèrent massivement dans notre pays peu peuplé et en quête d’évolution. « Nos ancêtres les Gaulois » apportèrent les premiers ingrédients d’une culture et d’un savoir-faire propre à l’ascendance d’une grande nation. La langue celtique en particulier devait longtemps perdurer avant de péricliter au VI e siècle de notre ère. Néanmoins, les Celtes ont contribué à l’enrichissement de notre vocabulaire français ; des mots aussi courants que : alouette, balai, trou, blé, sont d’origine celtique. En 58 avant J.-C. apparut en Gaule Jules César, proconsul romain. Rome était en alerte, les Germains avaient franchi le Rhin avec à leur tête, le redoutable Arioviste, proclamé roi des Suèves. Celui-ci avait un nom celte, parlait cette langue tout comme le germain. Avec la fougue du verbe, il avait ainsi habilement fédéré, sur la rive droite du Rhin, des tribus  germaniques, mais aussi des tribus celtiques en voie de germanisation. La puissante Rome détenait déjà en Gaule depuis 121 avant J.-C. la provincia romana (Provence) et ne pouvait tolérer pareille intrusion, synonyme de menace pour ses territoires.
Avec ses meilleures légions, César se propulsa à la rencontre d’Arioviste. Dans un combat « parfois indécis, les invincibles Germains » furent battus et obligés de repasser le Rhin. Le génie militaire du cynique César avait prévalu et plus rien ne pouvait s’opposer à son appétit de conquêtes. Le bouillant Vercingétorix « vola dans les plumes » du sublime romain, opposa une résistance bien au-delà de ses capacités. Le petit coq gaulois eut le grand mérite de promouvoir le premier éveil national, de pousser le premier cocorico. Avec la conquête de la Gaule, les conséquences furent capitales pour notre pays qui deviendra latin par la civilisation, la culture, et surtout la langue. À n’en pas douter, la confrontation entre César et Arioviste avait été décisive. Mais où donc eut lieu cette bataille ? Dans ses mémoires De Bello Gallico, le Romain victorieux a décrit l’itinéraire suivi par ses troupes depuis Besançon. Ce tracé amenait les Romains devant la future Porte de Bourgogne ou dans ses alentours. Dans son ouvrage Histoire de la Franche-Comté, J. Vartier a écrit « La localisation belfortaine a été défendue de façon magistrale par R. Schmittlein. »
Ce dernier cite la plaine de Chaux avec le point stratégique du Salbert. Mais nos voisins revendiquent ; M. Poly, archéologue, soutient Champagney (70), les Montbéliardais défendent Bavans, les Haut-Rhinois un lieu entre Cernay et Aspach-le-Haut. Dans nos manuels d’histoire, la période adjacente à la conquête de la Gaule est baptisée « époque gallo-romaine », celle-ci accompagnait la pax romana (paix romaine). Aussi la latinisation sera-t-elle lente. La présence romaine consistait en un fort contingent militaire, nécessaire surtout à la surveillance des frontières de l’Est (limes), mais aussi des marchands, du personnel administratif et d’encadrement. Leur parler ne ressemblait pas à la littérature de Cicéron. Plusieurs siècles plus tard, « le latin vulgaire » allait donner naissance au « roman ».
À compter du IIIe siècle, la quiétude relative régnant en Gaule sera fortement mise à mal par les invasions barbares. Trois tribus allaient ainsi peser sur l’avenir de notre pays et surtout dans notre région : les Alamans, les Burgondes et les Francs. Elles avaient en commun leur installation sur la rive droite du Rhin sans cacher leur désir d’expansion sur la rive gauche du fleuve. Chacune de ces tribus parlait un idiome issu du germain.

Les Alamans, après quelques incursions en Gaule, s’installèrent en masse en Alsace vers la fin du IV e siècle. Ils y perpétuèrent leur culture germanique et aussi leur langue, un parler encore en vigueur en ce début de XXI e siècle. Les Burgondes, avec le déclin puis l’effondrement de l’Empire romain (en 476), avaient sensiblement suppléé Rome dans la garde des frontières, de plus en plus poreuses à l’Est. Après des occupations en Suisse et dans la vallée du Rhône, ils s’arrêtèrent dans l’actuelle Bourgogne. Tout à la fin du Ve siècle et début du VIe siècle, les Francs empiétèrent en Gaule de manière décisive. Avec leur chef Clovis, ils culbutèrent l’armée gallo-romaine, s’en prirent victorieusement aux Alamans, aux Wisigoths et au Burgondes. La Gaule conquise devint notre France.
Parallèlement, le parler germain « le francique » se répandit principalement au nord et au nord-est de la France. Pas moins de 400 à 500 mots d’origine germanique sont encore répertoriés dans le français moderne : bleu, blanc, maçon, gars. Clovis, roi des Francs, jeta une première esquisse du royaume de France ; il fut très secondé par son épouse, la reine Clotilde. Selon Grégoire de Tours et l’historien Suchaux, c’est au château de Montjustin (70), tout près de nos collines subvosgiennes, que Clovis, déguisé en mendiant, vint enlever Clotilde. L’influence de la très catholique reine des Francs, fille du roi des Burgondes, fut incontestable. Partout dans l’ancienne Gaule, l’arianisme reculait au profit du christianisme. Dès lors que Clovis accepta le baptême, le peuple gallo-romain accepta et soutint le nouveau monarque.
Ainsi, la France naissante hérita du parler de ces…

(La suite dans :  Le parler de nos ancêtres, par Jacques MARSOT, page 64)

Un testament de 1812

Ce testament établi devant maître Lardier a la particularité d’être dicté par un homme devenu militaire en remplacement de son frère et auquel il fait grâce de la somme due pour ce remplacement…

Par décret du 29 décembre 1804, Napoléon 1er institue le conseil de révision et le tirage au sort. Ainsi, dans certaines familles aisées, on peut négocier devant notaire une somme destinée à financer un remplaçant au « malheureux tiré au sort ». C’est exactement ce qui s’est passé dans la famille Démeusy. On remarque que ce contrat a été établi auprès d’un notaire de Belfort le 11 juillet 1810. C’est en effet, à partir de 1808, que débute l’ère des énormes « levées » d’hommes, les campagnes napoléoniennes creusant des trous dans les effectifs, trous qu’il faut sans cesse combler… Jean Baptiste Augustin Démeusy, soldat à la place de son frère et « dans la vue de la mort » dicte donc le testament qui suit :

Par devant LARDIER, notaire impérial, à la résidence de Giromagny, chef lieu de canton, département du Haut Rhin, soussigné et en présence du Sieur Jean-Baptiste BONET, capitaine retiré, Joseph ZELLER, négociant, Blaise Alexis ZELLER, serrurier, et Joseph POIROT, teinturier, tous quatre demeurant à Giromagny, témoins. Fut présent Jean Baptiste Augustin DÉMEUSY, natif du Puix, y dé ce jour à Giromagny, sain d’esprit, mémoire et entendement, ainsi qu’il la fait paraître aux notaire et témoins soussignés par les discours et raisonnement ; jouissant aussi d’une bonne santé de corps, lequel, dans la vue de la mort, a fait, dicté et prononcé au dit notaire et témoins du présent testament et ordonnance de dernière volonté, que le dit notaire, sous la dictée du testament, en sa présence et celle des témoins a écrit de sa main comme il suit :

— je donne et lègue à François Joseph DÉMEUSY, mon frère, tonnelier, demeurant au Puix, tout ce qu’il pourra me devoir à l’époque de mon décès, tout et principal qu’un intérêt, sur le prix du service de remplacement que je fais à l’armée en son lieu et place suivant convention privée en date du huit octobre mil huit cent huit, inventorié sous la cote vingt neuvième de l’inventaire de mes père et mère, auquel il a été procédé devant Mtre. TRIPONÉ, notaire impérial à Belfort, le onze juillet mil huit cent dix, enregistré à Belfort le dix sept du même mois, pour en jouir, et disposer pour lui en pleine propriété, à compter du jour de mon décès, par précipect et hors part, et à la charge de donner aux pauvres de la paroisse du Puix dans l’année de la mort une somme de cent francs une fois payée, et de faire célébrer immédiatement après mon décès et indépendamment de mes obsèques et services ordinaires de messes à mon intention pour une somme de cent francs ; Je déclare que tel est mon testament expresse ordonnance de dernière volonté, que j’entends être pour et nettement suivi et exécuté après mon décès suivant sa forme de teneur ;
Fait et passé à Giromagny en l’étude, l’an mil huit cent douze le quinze mai, à dix heure du matin après que le notaire soussigné à me donner lecture entière de ce testament en présence des témoins, du testateur et qu’il y a persévéré, le dit testateur, les quatre témoins et le dit
notaire ont signé
Signatures

Gérard JACQUOT

Les képis blancs au ballon d’Alsace

Le 22 novembre au petit matin, des soldats français de la 1 re division française libre descendent du hameau de la Côte et investissent Malvaux. C’est le début de l’opération qui va permettre de libérer le Pays sous-vosgien. Rapidement, les assaillants qui font partie du bataillon de marche n° 5 (BM5) se dirigent vers Giromagny dans un mouvement tournant pour investir le bourg et laissent une autre unité se mettre en place à Malvaux : la Légion. C’est à cette dernière que va revenir l’honneur de faire à nouveau flotter le drapeau tricolore sur le symbolique sommet du ballon d’Alsace. Il faudra cinq jours aux « képis blancs » pour atteindre leur objectif, au prix de plusieurs pertes humaines.

Le contexte : une offensive de débordement

Comprendre une bataille, même à un niveau local, nécessite de changer d’échelle. Il faut replacer l’événement, aussi anecdotique soit-il, dans un ensemble plus large. Cela permet de comprendre les stratégies et les décisions prises à tous les échelons. Les combats pour la prise du ballon d’Alsace n’échappent pas à cette règle. C’est pourquoi nous replacerons d’abord ces derniers dans le cadre du mois de novembre 1944 avant d’entrer dans les détails. Le massif des Vosges est géographiquement une clef qui ouvre une porte sur l’Alsace. Les possibilités de le traverser dans les années 40 ne sont pas aussi nombreuses et aisées qu’aujourd’hui. Il faut en effet se replonger dans un contexte vieux de 75 ans, à une époque où les routes, à fortiori de montagne, sont beaucoup moins développées et modernes qu’aujourd’hui. C’est aux armées fran-
co-américaines qui ont pris pied dans le sud de la France le 15 août que revient la mission, en cette fin d’année 1944, de libérer la Franche-Comté puis l’Alsace. L’objectif général est plus vaste que la prise de ces deux régions et doit permettre aux libérateurs de traverser le Rhin pour prendre pied sur le sol ennemi.

Depuis le milieu du mois d’août, le 6 e corps américain du général Patch et la 1re armée française du général De Lattre de Tassigny ont bousculé la 19e armée allemande, la forçant à une retraite rapide dans la vallée du Rhône jusque dans le nord de la Franche-Comté. Mais au début du mois de septembre la course-poursuite se ralentit. Des atermoiements stratégiques imposent aux généraux français et américains des changements de direction fréquents qui font perdre du temps. Plus tard, l’espoir du commandement français, appuyé par les Américains, de déborder les défenses allemandes par les Vosges du Nord aboutira à une impasse. À cela s’ajoute l’essoufflement des troupes.
Face aux premiers froids de l’hiver qui s’annonce, les troupes africaines peinent. Il faut officiellement les remplacer par des locaux, plus aguerris aux conditions climatiques. C’est le fameux « blanchiment » des unités coloniales, opération certes technique mais également aux arrière-pensées politiques. Enfin, il faut réorganiser les lignes de ravitaillement dangereusement étirées par l’avance victorieuse. L’essence, le ravitaillement, les munitions ne suivent plus. Les véhicules ont besoin de maintenance, les hommes de repos. Le 10 septembre, l’occasion d’enlever Belfort sans réels combats est passée. L’ennemi s’est réorganisé. Il faut attendre la mi-novembre pour que l’offensive reprenne. L’Alsace est l’objectif prioritaire et les généraux français, comme Béthouart, envisagent d’y prendre pied par le sud, en longeant la frontière suisse vers Mulhouse et Colmar. Mais Belfort est un saillant dangereux dans une telle stratégie et il faut faire tomber la ville qui fait office de « bouchon retardateur ». C’est dans ce but qu’une attaque est montée par le nord. Un mouvement enveloppant est pensé par les crêtes du Pays sous-vosgien, créant ainsi une deuxième mâchoire pour la pince qui doit englober la cité du Lion par le nord et le sud. Dans ce plan, la prise du Ballon livrera une entrée vers l’Alsace. C’est à la première DFL que reviendra ce rôle.
La 1 re DFL est une unité aguerrie. Elle se bat depuis le début du conflit. En Lybie, en Érythrée, à Bir Hakeim, à El Alamein, en Italie, à Toulon, elle a acquis un savoir-faire et une expérience au combat très développés. Elle a également ses faiblesses. Au moment des combats sur le Ballon, elle vient de perdre son chef, l’impétueux général Brosset, mort dans un accident de jeep qui a projeté son corps dans le Rahin en crue à la sortie de Champagney le 20 novembre. Elle manque de matériel et les hommes fatigués vont endurer des combats d’hiver sans équipements adéquats. Elle a été réorganisée et renforcée par les FFI du maquis de Chambarand (intégrés au BM24) et ceux du bataillon du Charolais et du Morvan (intégrés au BM11) mais ce sont des hommes jeunes, certes combatifs mais peu expérimentés. À la veille des opérations qui nous intéressent ici, elle est divisée en brigades. La première est essentiellement constituée des 1er et 2e bataillons de la Légion étrangère (1er et 2e BLE) ; la seconde des bataillons de marche n° 4, n° 5 et n° 11 (BM4, BM5 et BM11) ; la quatrième des BM21 et 24 auxquels s’ajoutent des unités diverses comme le 1 er bataillon de fusiliers marins (1 er BFM) qui lui sert d’unité de reconnaissance, ainsi que de l’artillerie, des avions Piper de reconnaissance, le Génie, des unités médicales, des unités de transmission… Démarrant du secteur de Champagney, la 1re DFL doit percer en Haute-Saône à la Chevestraye, forcer le front vers Plancher-Bas puis se diriger vers Auxelles, Giromagny, Chaux et Sermamagny. La prise de Giromagny se fera par l’est et l’ouest. Dans ce plan, la libération de la cité sous-vosgienne inclut en amont la prise de Lepuix-Gy et de Malvaux, coupant ainsi la voie de retraite du Ballon aux troupes allemandes. La prise de Lepuix-Gy est donc le préalable de l’assaut sur le Ballon. Le BM5 sera le premier à déboucher sur Lepuix-Gy mais c’est la 13e demi-brigade de la Légion étrangère qui aura le rôle de libérer le symbolique ballon d’Alsace. Menée par des hommes énergiques et précédée d’une réputation forte, l’unité est cependant sur la brèche depuis des semaines et a subi des pertes. Les renforts récents qu’elle vient de recevoir, des soldats ukrainiens déserteurs ayant changé de camp quelque temps auparavant, laissent parfois dubitatifs les chefs mais la Légion reste la Légion. Le travail sera fait.

La présence allemande

La question de la présence allemande à la fin du mois de novembre 1944 dans le secteur du ballon d’Alsace pose encore aujourd’hui un certain nombre de problèmes. Quelques réflexions s’imposent pour défricher un sujet complexe et s’affranchir d’histoires développées et colportées au fil des ans et des mémoires. En d’autres termes, il est nécessaire de remettre en cause certaines idées communément admises comme celle de la forte présence de troupes SS et de chars Tiger dans le secteur sous-vosgien en cette fin d’automne 1944. La plupart des soldats présents sont des membres de la Wehrmacht et il n’y a quasiment aucun char sur le secteur. Les rares présents sont plutôt des chasseurs de chars de type Jagdpanzer et parfois des Panzer IV de conception vieillissante. De 1940 à 1944, des hommes ont stationné à Lepuix-Gy et Malvaux. Des témoignages parlent de soldats installés dans le village de Lepuix-Gy, notamment dans l’école publique qui sert de Kommandantur locale. Des hommes chargés de veiller sur une station météorologique au Ballon redescendent dansla vallée chaque jour. D’autres restent en permanence au niveau de la goutte du Lys, vivant dans la maison Noroy alors vide d’occupants. Peut-être étaient-ils chargés de la surveillance de ponts menant au Ballon ?
À partir de septembre 1944, la présence allemande se densifie notamment du fait de la lutte contre la Résistance. Mais en novembre 1944 la situation a évolué. Qui sont alors les défenseurs du versant comtois du ballon d’Alsace ?

(La réponse dans :  Les képis blancs au ballon d’Alsace par Stéphane MURET, page 67)

Alphonse Albietz, un as de la photographie

Lorsque j’étais enfant, je croisais fréquemment Alphonse Albietz, mon voisin photographe. C’était un homme simple et très pieux. Il avait servi comme photographe aviateur durant la Grande Guerre sous le nom de Duchène.

Une famille venue d’Alsace

Alphonse Albietz est né à Masevaux le 7 août 1883. Son père Conrad Albietz (1841-1930) et sa mère Marie-Madeleine Delavelle (1842-1929) quittent l’Alsace pour s’installer à Giromagny. La famille apparaît pour la 1re fois dans le registre du recensement de la population de 1896. Le document indique que Conrad est cordier et qu’il est, comme son épouse et trois enfants inscrits, de nationalité allemande. Installée Grande-rue puis rue du Rosemont, la famille vivra ensuite dans une maison du quartier du Hautôt (l’actuel 15 rue Maginot) louée à la famille Elie Bloch avec, à l’arrière, un petit atelier pour exercer le métier de cordier.

Le photographe

Les registres de recensement de la population de 1911 nous apprennent qu’à 28 ans Alphonse Albietz est toujours Giromagnien. Sa fiche matricule datant de 1912 indique qu’il exerce la profession de photographe. Plusieurs de ses cartes professionnelles sont conservées dans les archives familiales. L’une d’entre elles est une carte établie par le bimensuel Photo-index.1 Elle est datée de 1913 et contresignée par l’intéressé et la mairie de Giromagny. Sur cette carte qui a traversé les années il est encore possible de lire « nous prions les autorités de faire bon accueil à la demande de M. Alphonse Albietz et de bien vouloir lui faciliter la tâche […] pour l’obtention de documents utiles à la presse. » Le photographe participe à des concours photos organisés par cette revue. Il obtient le 49e prix pour la présentation d’une photo à un concours sur le thème « Paysage » en 1913, puis le 8e prix en février 1914 pour la présentation d’une photo au concours « Paysage d’automne ». Comme quoi, la persévérance paie !

Durant la Grande Guerre

Placé dans la disponibilité de l’armée active le 1er octobre 1913, il est appelé à l’activité suite à la mobilisation générale du 1er août 1914. Il a 31 ans. Inapte à l’infanterie, il est affecté au détachement de la 7e section de C.O.A. de Belfort (Commis et Ouvriers militaires d’Administration). Le commis était le nom du spécialiste affecté aux tâches bureaucratiques, l’ouvrier était le nom de l’ensemble des personnels servant dans la branche exploitation de l’intendance. A partir de 1914, l’aviation militaire prend de l’importance. Aussi, des appareils photographiques sont utilisés dans l’aviation pour effectuer des reconnaissances. Comme l’atteste une carte de la 7e armée, à partir du 12 octobre 1916 Alphonse Albietz est autorisé à se servir d’un appareil photographique. Ayant un nom d’origine germanique, il risquait en cas de capture par l’ennemi d’être confondu et jugé pour trahison, comme tous les Alsaciens-Lorrains. Il prend alors le nom de Louis Édouard Duchène et devient observateur photographe. Le 4 août 1917, il reçoit une appréciation favorable du chef de service de la photographie aérienne du Groupe des divisions d’entraînement (GDE). Voici ce qui est noté : « très bon opérateur – orientation et lecture de carte : bon travail de dessin et d’exploitation des photographies : satisfaisant – très bonne volonté – toujours prêt à voler- très consciencieux. » Sa fiche matricule indique qu’il a reçu une citation à l’ordre de l’Aéronautique de la 4e armée en date du 13 octobre 1918 : « mitrailleur photographe brave et adroit, le 4 septembre 1918 exécutant une mission de protection, soutient un combat acharné contre un monoplan ennemi. Le 1er octobre accomplit malgré un tir violent de mitrailleuse, une mission photographique à 100 m d’altitude. »

Sa carrière après la guerre

La paix revenue, Alphonse Albietz reprend son activité de photographe dans la vie civile. Établi comme photographe professionnel à Mulhouse, il exercera parallèlement son activité à Giromagny : à partir de 1930 son nom apparaît sur la liste des commerçants giromagniens. Dans un journal local de Mulhouse, lors de la revue d’un 14 juillet on le cite comme Der unentbehrliche Mann, c’est-à-dire : l’homme indispensable.
Voici ce qui a été publié à son sujet :
« Il se méfie du temps.
Il accomplit une oeuvre qui ne supporte pas trop de clarté.
Mais cet homme craint l’ombre en même temps.
Il fait beaucoup de bruit ou plutôt sa moto.
Il n’est pas riche. Mais son coeur est d’or.
Il porte toujours un faux col très très haut et toujours la même lavallière noire.
C’est… Albietz, le photographe le plus populaire entre Metz et Mulhouse.
Un héros de la vie ordinaire, mais un héros surtout pendant la guerre.
C’était un aviateur qui pourrait faire étinceler sa poitrine en portant toutes ses décorations.
[…] vous le voyez ci-contre : là, il est comme braqué, son oeil absorbe l’ensemble et l’effet,
et la photo vit avant que l’image frappe la plaque.
Ici, il fait une moue. Dieu sait pourquoi.
Pour des raisons …

(La suite dans :  Alphonse Albietz, un as de la photographie par Bernard PERROS, page 75)

Histoires de machines… « à refendre les vis »

Début XXe siècle les fabrications mécaniques se multiplient, avec des besoins croissants en éléments d’assemblage. Parmi ceux-ci, les vis à tête fendue sont encore presque dominantes.

Au Salon de l’Automobile 1907 est présenté un tour automatique Wüttig qui en fin de cycle refend les têtes de vis. Mais cette fonction nouvelle est peu répandue et pendant longtemps la plupart des tours de décolletage (comme les « tours parisiens », cf. La Vôge n° 45) imposeront d’effectuer cette opération sur une machine spéciale. On utilise une petite fraise scie à denture fine, de largeur correspondant à la fente. Le catalogue Chapuis 1913 propose un large choix de fraises-scies en acier fondu, ø 50 mm (alésage ø 16), en vingt épaisseurs étagées de 0.5 mm (1.25 F : 3.90€) à 4.3 mm (3.35 F : 10.50 €). Ce travail conviendrait à une fraiseuse, mais à l’époque elles sont trop peu nombreuses pour les affecter à ces tâches mineures ; on adapte donc d’anciens tours ou fraiseuses déclassés. Il existe pourtant des machines spécifiques permettant à un ouvrier exercé (souvent une femme) de refendre 10 000 à 12 000 têtes de vis par jour. Mais il s’agit de montages primitifs, compliqués, et pourtant bien coûteux : 465 F (1 460 €) pour des têtes de vis jusqu’au ø 8, et 555 F (1 745 €) pour des vis plus grosses. Soit le prix d’une perceuse à colonne de bonne taille ! (cf. La Vôge n° 46)

Au Tissage du Pont

Sur une grande table à piétement de fonte était fixé un arbre de renvoi muni de poulies actionnant quelques petites machines d’établi situées de part et d’autre. En particulier une fendeuse de vis, ici simplement nettoyée (plusieurs pièces sont endommagées et quelques-unes manquent). Cette machine bien plus évoluée que la précédente est constituée d’un bâti monobloc pourvu d’un petit bac de récupération d’huile, incluant la poupée avec poulie folle et huileurs à mèche (lubrification automatique) et supportant directement les axes nécessaires. Évolution importante, peut-être sur une bonne dizaine d’année car nous n’avons rien vu de comparable dans les ouvrages des années 1900 à 1920…

Remontage de la machine

Pour l’utilisation, même en simple test, il était difficile de conserver l’immense table et son moteur « Belzon & Richardot (Bavilliers près de Belfort) pourtant très intéressant avec ses paliers lubrifiés par bague, malheureusement trop usés. Une table réduite a donc été reconstruite sur un piétement de fonte plus léger, puis ré-équipée des accessoires originels, au besoin restaurés ; et il reste la place pour deux petits appareils… Seuls éléments modernes, un moteur des années 60, les câbles électriques, quelques boulons et des courroies plates en matériaux synthétiques reliant le moteur au renvoi et le renvoi à la fendeuse Au-dessus et derrière, l’arbre de renvoi ; devant à gauche, un potelet conduisant le câble électrique vers le plafond et portant un pichet d’huile avec robinet au dessus de la fraise. Au milieu, la fendeuse de vis placée sur un bac en tôle collectant les projections d’huile. En dessous, à gauche le moteur, au milieu un seau suspendu recevant l’huile du bac supérieur, et à droite l’interrupteur.

Plus en détail…

Le renvoi repose sur deux chaises marquées « Sire – Voujaucourt » assez élaborées : les paliers sont alignables et oscillants sur les deux axes, ce qui permet de compenser d’éventuels défauts de parallélisme dans l’implantation des chaises. Les paliers à bague, en fonte, sont à graissage automatique et demandent peu d’entretien. Une bague libre barbotant dans un réservoir d’huile repose sur l’arbre qui l’entraîne par friction ; elle remonte alors de l’huile qui s’étale sur…

(La suite dans :  Histoires de machines… « à refendre les vis » par Patrick LACOUR, page 80)

La situation administrative de Belfort et du Pays sous-vosgien à travers l’annuaire du Haut-Rhin de 1854

La France vit alors sous le régime du Second Empire proclamé le 2 décembre 1852.
En 1851, elle compte 35,8 millions d’habitants (deuxième pays le plus peuplé d’Europe derrière la Russie). L’agriculture fait vivre la moitié de la population française. L’industrie textile est de loin la première industrie française, mais reste très dispersée (notamment en milieu rural).

L’année 1854 est marquée par la guerre en Crimée qui oppose la France et l’Angleterre à la Russie. En effet, depuis 1849 un conflit oppose la France à la Russie sur le statut des lieux saints, sujet derrière lequel se pose la question de savoir si l’Empire ottoman va tomber sous l’influence russe. En 1853, la Russie menace le gouvernement turc. L’Angleterre et la France sont prêtes à faire la guerre, conscientes qu’elles ont un intérêt commun avec le maintien de l’équilibre européen : la Russie ayant vu son rôle de « gendarme » du continent européen renforcé suite au «Printemps des peuples » de l’année 1848.
L’annuaire administratif du Haut-Rhin de 1854, dans sa première partie, décrit brièvement les institutions régissant la France, comme tout annuaire départemental. Mais il nous intéresse particulièrement puisque Belfort est alors un chef-lieu d’arrondissement du Haut-Rhin. En 1854, la population du département est de 494 147 habitants, dont 428 301 catholiques, 49 206 protestants et 1 758 appartenant à d’autres cultes. Belfort, elle, compte 7 847 habitants.

Regards sur l’Administration belfortaine

Le Conseil municipal de Belfort est composé ainsi :
MM. Keller, avoué, maire ; Vouzeau, avocat, 1er adjoint ; Erard, notaire, 2e adjoint. Conseillers municipaux : MM. Dantze, fabricant de chandelles ; Bardy, juge au tribunal civil ; Saglio, propriétaire ; Lebleu, négociant ; Termonia, greffier au tribunal ; Willemein, commissaire-priseur ; Fritsch, dit Lang, négociant ; Nizole, fils, avocat ; Boltz, serrurier ; Thiery, cultivateur ; Lollier, arpenteur ; Quellain, rentier ; Antonin, ancien receveur particulier ; Lalloz, avoué ; Keller, avoué ; Meny, notaire ; Baize Felemez, négociant ; Petitjean, médecin ; Juteau, négociant ; Fournier, substitut du procureur impérial ; Hivernat, vétérinaire et Etterlé, boulanger. L’arrondissement de Belfort compte 9 cantons : Belfort, Cernay, Dannemarie, Delle, Fontaine, Giromagny, Massevaux, Saint-Amarin, Thann.

Les membres du Conseil général du département, arrondissement de Belfort, sont :
Belfort : Nicole, père, avocat à Belfort. Delle : Viellard, maître de forges à Méziré. Fontaine : Saglio, banquier à Belfort. Giromagny : Boigeol, fabricant à Giromagny. Massevaux : Klié, procureur impérial près le tribunal de Belfort. Dannemarie : Welté, notaire à Dannemarie. Cernay : Struch, propriétaire et maire de Lutterbach. Saint-Amarin : Roman, père, manufacturier à Wesserling. Thann : Humberger, propriétaire à Leimbach.

Les membres du Conseil d’arrondissement sont :
Belfort : M. Lang, marchand de vins à Belfort. Delle : M. Japy, manufacturier à Beaucourt. Fontaine : M. Thouvenin, juge de paix à Fontaine. Giromagny : M. Metzger, juge de paix à Giromagny. Massevaux : M. Schwalm, juge de paix à Massevaux. Cernay : M. Simon, juge de paix à Cernay. Dannemarie : M. Gaudin, négociant à Dannemarie. Saint-Amarin : M. Gros, père, fabricant à Wesserling. Thann : M. Müller-Koche, maire de Thann.

L’organisation judiciaire
Cour impériale de Colmar (Colmar, dont le ressort est formé du Haut et du Bas-Rhin) – Ordre des avocats – Tribunaux de 1re instance –  Tribunaux de commerce – Justices de paix : 1 juge de paix par canton, 2 suppléants et 1 greffier.
Notaires : 3 à Belfort (Erard, Meny, Pequignot), 1 à Giromagny (Lardier), 1 à Rougegoutte (Holder), 1 à Delle (Feltin), 1 à Fontaine (Perret), 1 à Foussemagne (Charbonnier), 1 à Lachapelle-sous-Rougemont (Wermelinger), 2 à Massevaux (Gendre, Lardier)

Les cultes

  • Culte catholique : diocèse de Strasbourg
  • Cultes protestants : luthériens de la confession d’Augsbourg et protestants réformés
  • Culte israélite : 1 synagogue à Belfort
  • Anabaptistes : de 5 à 600 dans le département
    du Haut-Rhin.

L’organisation militaire

  • Subdivision militaire : Etats-majors de la Place de Belfort (colonel commandant de la Place), de l’artillerie et du génie.
  • Hôpitaux militaires : 1 hôpital à Belfort (8 membres, dont 1 aumônier),
  • Gendarmerie départementale (présence de brigades à Belfort, Delle, Lachapelle-sous-Rougemont, Giromagny).

L’organisation des finances publiques

(Recette générale. Receveurs particuliers. Payeur du département).Les communes du Pays-sous-vosgien trouvent leur percepteur à : Offemont (Salbert, Valdoie) ; Lachapelle-sous-Rougemont (Felon, Saint-Germain-le-Châtelet, Lachapelle-sous-Rougemont) ; Etueffont-Haut (Anjoutey, Bourg, Eloie, Etueffont-Bas, Etueffont-Haut, Grosmagny, La Madeleine, Petitmagny, Rougegoutte) ; Giromagny (Auxelles-Bas, Auxelles-Haut, Chaux, Evette, Giromagny, Lachapelle-sous-Chaux, Lepuix, Riervescemont, Sermamagny, Vescemont) ; Massevaux (Petite-Fontaine, Romagny, Rougemont-le-Château). Outre ce service des contributions directes, l’arrondissement de Belfort compte également une administration de l’enregistrement et des domaines, un service des eaux et forêts, une administration des douanes (dans le sud du département actuel : Delle, Chavannes) et un service des contributions indirectes ( pour nos villages : 2 agents à Giromagny et 2 agents à Massevaux).

Les services publics

  • Ponts et Chaussées et navigation intérieure : 9 fonctionnaires pour l’arrondissement de Belfort
  • Chemins vicinaux : présence d’agents-voyers à Belfort, Giromagny, Fontaine, Delle.
  • Administration des postes : 1 directeur préposé à Belfort, 1 à Delle, 1 à Giromagny et 1 à Bourogne
  • La télégraphie : Institution récente, implantée dans les chefs-lieux des départements (le directeur et 3 employés basés à Colmar) et 2 employés 15, rue de la Station à Mulhouse.
  • Les haras : 6 vétérinaires exercent dans l’arrondissement de Belfort.
  • Une Caisse d’épargne : située à Belfort et compte entre 4 000 et 5 000 déposants.
  • Une prison : la maison d’arrêt, de correction et de transfèrement de Belfort compte 1 gardien chef et 1 gardien ordinaire, 1 aumônier catholique et 1 médecin. Elle possède une commission de surveillance composée de 6 membres (le maire de Belfort, le juge d’instruction, un curé, un avocat, un ancien percepteur et le juge de paix).

L’instruction publique

L’arrondissement de Belfort dépend alors de…

(La suite dans :  La situation administrative de Belfort et du Pays-sous-vosgien par Bernard PILLER, page 83)

Jules Viron, 37 ans de direction musicale à Giromagny

Quand Jules Viron arrive à la direction de la Fanfare, tout est à reconstruire : rassembler les musiciens, redonner de la vitalité, recréer un répertoire musical, retrouver le public et… surmonter les intriques idéologiques !

Jules Viron, l’homme de la stabilité attendue. Lors de sa nomination en 1893, la Fanfare existait depuis 18 ans. Et durant cette période, elle a connu de grands moments musicaux réussis, et en même temps des événements déstabilisateurs ayant amené sa dissolution à plusieurs reprises. Jusqu’à sa retraite en 1930, Jules Viron s’est alors attaché à relancer et affirmer la présence musicale de la Fanfare dans la cité, et également à assurer son évolution et sa pérennité.

La Fanfare de Giromagny, ses origines

Dans la seconde moitié du XIXe siècle, et notamment après 1870, on assiste à une évolution importante : le développement des cités lié au développement industriel, avec en conséquence l’augmentation significative de la population ouvrière. Aussi, les propriétaires et les industriels ont pris conscience de la nécessité de favoriser, en les organisant, peut-être même pour les maîtriser, les loisirs du personnel ouvrier. A cet effet, ils ont créé les Cercles populaires et littéraires, cercles culturels proposant la lecture, les arts (chorale et musique), les jeux de société. A Giromagny, deux cercles ont été créés, d’abord le Cercle populaire et artistique avant 1870 par Fernand Boigeol, maire et industriel, cercle à tendance républicaine, puis le Cercle fraternel en 1879 par M. Bellenot, industriel associé à la maison Boigeol / Warnod, cercle plutôt conservateur.     La malheureuse guerre de 1870 a retardé la création de la Fanfare de Giromagny, et c’est seulement en 1875 qu’un comité provisoire l’a constituée, avec statuts déposés le 19 juin 1876. Ce comité a eu la bonne idée d’associer trois musiciens, Jean-Baptiste Farouelle, Alfred Dupont (qui sera le premier directeur) et Joseph Lhomme, personnage influent dans l’histoire de la Fanfare. Rappelons que, lors de sa création, la Fanfare était une société privée et donc n’était ni musique d’entreprise ni municipalisée.

La Fanfare de Giromagny avant l’arrivée de Jules Viron

Durant les 18 années, l’évolution de la Fanfare est remarquable : 15 musiciens lors de la création, 20 musiciens en 1878, 34 musiciens en 1886 et arrivée des saxophones en 1884. Résumé de l’activité : dès 1876, premier concert public devant l’Hôtel de ville, et participation au festival de musique à Belfort organisé par la Lyre belfortaine. Puis grands moments musicaux : soirées de gala, concerts publics, participation aux cérémonies du 14 juillet et à l’inauguration du monument « Quand-même » à Belfort, processions de la Fête-Dieu, première fête de Sainte- Cécile en 1890. Et aussi participation à plusieurs concours : Chaumont (1882), Besançon (1884), Vesoul (1885), Dijon (1886) et Belfort (1888). Enfin elle est municipalisée en juillet 1881 après plusieurs demandes, grâce à l’intervention de Joseph Lhomme, directeur de la Fanfare et adjoint dans la nouvelle municipalité de Louis Boigeol. En marge de ce fonctionnement musical, plusieurs événements ont eu des conséquences majeures. Tout d’abord, les divergences philosophiques entre républicains et conservateurs, avec la concurrence des deux cercles, le Cercle populaire
et le Cercle fraternel, ont divisé les musiciens. De plus, les quatre premiers directeurs qui se sont succédés ont tous démissionné pour diverses raisons : Alfred Dupont (1876-1878), Joseph Lhomme (1879-1882), Alexandre Courtès (1882-1886), Léon Jeannenot (1886-1891). La Fanfare aégalement été dissoute à deux reprises : en 1878 et en 1891 avec des arrêts respectivement d’un an et vingt mois.

Une nomination heureuse

La Fanfare de Giromagny étant en sommeil depuis presque deux ans, le maire Louis Boigeol prit alors l’initiative de la reconstituer en 1893 avec l’aide de son adjoint Joseph Lhomme qui avait déjà assuré la fonction de directeur. Conscient de la nécessité de donner toutes les chances à ce projet de reconstitution, Joseph Lhomme proposa de confier le poste de direction à Jules Viron (27 ans, piston, ancien musicien de la Fanfare, ancien musicien militaire et tambourmajor), et s’engagea personnellement, d’une part à lui assurer sa première formation de direction et d’autre part à former les jeunes élèves. Heureuse décision du maire complétée par la clairvoyance et l’engagement de Joseph Lhomme.

La direction musicale de Jules Viron

Il a dirigé de 1893 à 1930. Et durant sa direction, la Fanfare puis l’Harmonie auront eu une réelle existence musicale : on notera les nombreuses rencontres avec le public lors des concerts extérieurs, les concerts-bals, les cérémonies officielles, les retraites aux flambeaux, les cérémonies religieuses avec messes et processions, les inaugurations. Mais il y aura également à prendre en compte les clivages entre républicains et conservateurs et à gérer les conséquences de la Grande Guerre. Alors à peine nommé, Jules Viron ne perd pas de temps : avec un effectif de musiciens réduit, il dirige la Fanfare lors d’un premier concert public le 30 avril 1893 devant la mairie. La presse est élogieuse […morceaux de bon goût, bien enlevés… »] (La Frontière).

Évolution de la Fanfare

Les effectifs se stabilisent : 33 musiciens en 1898, 30 en 1905 et 1912, 34 en 1923 et 36 en 1932. La Fanfare en 1893 était constituée d’instruments de la famille dite des cuivres : piston, bugle, alto, baryton, basse, contrebasse. Elle était complétée par les percussions (tambour et grosse caisse) et depuis 1884 par la famille des saxophones. Avec l’arrivée des clarinettes en 1903 puis des flûtes, Jules Viron fera évoluer la Fanfare en la transformant en musique d’harmonie pouvant aborder un répertoire plus large. Elle s’appellera Harmonie municipale de Giromagny en 1906.

Les concerts-bals

Très rapidement, dès 1895, Jules Viron crée les grands rendez-vous musicaux à Giromagny, avec deux concerts-bals chaque année, au printemps et en hiver. A la mode depuis les années 1880, le concert-bal associe concert de la société organisatrice et séquences de divertissement : chansonnettes et choeurs, saynètes, vaudevilles et bouffonneries musicales, oeuvres pour musiciens solistes, solos des grands airs d’opéras et opérettes, duos, exercices de gymnastique, acrobates… Un bal termine la soirée. A l’époque, cette forme de concert était retenue par la plupart des fanfares et harmonies. Que jouait alors la Fanfare/Harmonie de Giromagny ? Principalement des ouvertures, des fantaisies et des valses transcrites à partir d’oeuvres classiques des compositeurs tels que Offenbach, Adam, Bizet, Rossini, Aubert, Meyerbeer, Lecocq,
Boieldieu, Méhul, Strauss, Planquette… En annexe la liste des oeuvres majeures interprétées durant la direction de Jules Viron

Les concerts publics, le 14 juillet, la commémoration de l’armistice de 1918, les Fêtes-Dieu

Les concerts publics sont synonymes de musique en plein air, les musiciens étant très proches du public. A Giromagny, la Fanfare puis l’Harmonie se produisaient plusieurs fois chaque année devant la mairie lors de concerts publics (il n’y avait pas de kiosque à Giromagny). Ces concerts seront complétés en 1926 par des concerts dits d’été et d’automne. Des concerts se sont également déroulés au saut de la Truite. D’une façon générale, le programme comportait cinq oeuvres. Le 14 juillet a été décrété fête nationale en 1880. A partir de 1896, les musiciens se sont associés aux manifestations chaque année, avec retraites aux flambeaux dans les rues de Giromagny et concerts publics.
De même, à partir de 1920, les musiciens ont participé aux cérémonies de la commémoration de l’armistice avec également retraites aux flambeaux et concerts publics. La Fanfare/Harmonie participait aux cérémonies des Fêtes-Dieu avec messes et processions qui étaient très suivies par la population de Giromagny. Le journal La Croix indique la participation de 1 000 à 1 200 personnes lors de la Fête-Dieu de 1910.

Les concours de musique

Contrairement à ses prédécesseurs qui avaient participé à cinq concours entre 1882 et 1888, Jules Viron, dès son arrivée, a sans doute estimé que…

(La suite dans :  Jules Viron, 37 ans de direction musicale à Giromagny par Claude PARIETTI, page 87)

Le dessous des cartes

Sous ce titre, nous avions pris l’habitude de commenter une ou deux images du temps de guerre, dans chacun des cinq numéros de La Vôge consacrés plus particulièrement à la Grande Guerre. Il nous est apparu opportun de poursuivre cette rubrique à travers d’autres cartes postales, en temps de paix cette fois…

La « Coupe Léderlin », plus ancienne course de côte automobile du Grand Est, s’est courue pour la première fois le 5 août 1906 sur les pentes du ballon d’Alsace, au départ du village de Saint- Maurice. Cette épreuve mettait en compétition des pilotes des trois automobiles-clubs : Vosges, Alsace et Belfort. Chaque concurrent marquait des points pour son club et la coupe Léderlin (du nom d’un généreux industriel de Thaon dans les Vosges) revenait au club totalisant les meilleurs résultats de ses pilotes. Le club vainqueur était ensuite chargé d’organiser l’épreuve de l’année suivante, ce qui explique les départs de Saint-Maurice ou de Lepuix. Si la coupe était gagnée trois fois consécutives par le même automobile-club, elle lui était acquise définitivement. Les catégories de voitures étaient définies par leur châssis, car très souvent à l’époque, on achetait un châssis que l’on faisait carrosser. Ainsi, plus le châssis était grand, plus le moteur était puissant… théoriquement. Le prix variait évidemment lui aussi : 3 000 à 6 000 F pour les plus petits châssis, 21 000 F pour les plus gros1. Mais pour équilibrer les chances, les catégories supérieures étaient affectées d’un handicap, ainsi le plus rapide n’était-il pas forcément le vainqueur ! Le 5 août 1906, sur les pentes du ballon d’Alsace, le plus rapide fut le baron Adrien de Turckheim avec une Lorraine-Dietrich de 60 CV en 12’46, mais la coupe Léderlin a été remportée par Jules Goux sur une Peugeot2 de 6 CV en 18’29. Parmi les cinquante engagés dans cette première épreuve, figuraient une femme, Mlle Périgot d’Arches et le futur célèbre Ettore Bugatti qui pilotait une Mathis. C’est aussi lors de cette compétition automobile que sera expérimentée et
adoptée par les commissaires de course, l’utilisation du drapeau vert pour prévenir les concurrents que la route est libre, ainsi que le drapeau rouge pour un éventuel arrêt de course. La course a été disputée trois fois avant la Grande Guerre : 1906 (côté Saint-Maurice – 9 km), 1907
(côté Giromagny – 14 km), 1908 (côté Giromagny – 14 km). Ces trois premières éditions furent remportées par l’Automobile-club de Belfort. La coupe Léderlin lui fut donc définitivement attribuée, mettant ainsi en péril…

(La suite dans :  Le dessous des cartes par François SELLIER, page 97)

Des Corréziens à Giromagny

À l’aube du XXe siècle, le bourg de Giromagny, alors commune du Haut-Rhin, a compté parmi ses habitants plusieurs familles venues de leur Corrèze natale. Il semble qu’elles aient été parmi les premières à y apporter quelque accent chantant de langue occitane.

À la lecture des registres du recensement de 1901, Deprun, Chassac, Besse, Bourzeix mêlent leurs sonorités aux franc-comtoises. Des noms qui apparaissent dans deux maisons avec deux familles vraisemblablement complètement corréziennes composées d’un couple, d’enfants et d’un ou plusieurs adultes, frère ou soeur des parents. A noter que les hommes sont tous cordonniers : François Deprun, Antoine Besse et son apprenti Pierre Gauthier. La famille Deprun-Chassac réside rue de Rougegoutte1, la famille Besse-Bourzeix rue Thiers.

Les familles Deprun et Besse en 1901

François Deprun et son épouse Léonie Chassac sont tous deux nés à Liginiac, petit village du canton de Neuvic en Haute-Corrèze dont Ussel est sous-préfecture. C’est la partie orientale de la Corrèze, au climat assez rude, au sol plutôt pauvre. François Chassac, frère de Léonie, habite avec eux et est ouvrier cordonnier. Tous trois sont trentenaires. Deux autres jeunes hommes, Romain Laboucheix et Jean Peuch, âgés de 20 et 16 ans, sont ouvriers de François Deprun également. Le couple Deprun-Chassac a deux fillettes, Marie et Joséphine, de 12 et 7 ans. On voit qu’alors cinq adultes, auxquels s’ajoutent des enfants, peuvent vivre dans un seul logement. Des hommes de la même famille s’entraident pour développer une activité artisanale. Antoine Besse est né à Roche-le-Peyroux, son épouse Louise Bourzeix à Saint-Étienne-la-Geneste, deux autres villages du canton de Neuvic. Trentenaires, ils ont un fils Émile, né un an plus tôt à Giromagny. Pierre Gauthier est inscrit comme domestique, mais il apprend le métier de son patron puisqu’on le retrouvera, au recensement suivant de 1906, cordonnier à la même adresse,  alors que la famille Besse-Bourzeix sera partie pour une autre région. Ce métier était principalement une profession ambulante à cette époque, surtout dans des contrées rurales où les habitations étaient souvent très isolées, les distances longues que l’on parcourait sur des sentiers. On allait au bourg ou à la ville seulement les jours de marché ou de foire et les artisans ambulants y côtoyaient les autres marchands et colporteurs. Tous ces commerçants ambulants se rendaient entre-temps dans les villages aux nombreux hameaux, directement à la porte de leur clientèle.
En fait, les familles Deprun-Chassac et Besse-Bourzeix étaient présentes à Giromagny pour la première fois au recensement de 1896. Deux ouvriers cordonniers vivaient alors avec le couple Deprun, Louis Deprun, frère de François et Léon Dauvisy, deux jeunes Corréziens de 17 et 18 ans. Antoine Besse était secondé par Martin Besse, son frère et par Pierre Françot, Corrézien également. On remarque déjà, ce qui va se confirmer plus tard, que ces ouvriers se succèdent, venant peut-être apprendre un métier pour partir ensuite voler de leurs propres ailes. En tout cas, ces artisans migrants de Haute-Corrèze assuraient leur besoin en main-d’oeuvre tout en étant utiles à leurs proches, parents ou jeunes gens du même village. En ce qui concerne la vie des familles, le Limousin, terre de culture occitane, objet de convoitise entre l’Aquitaine et le Royaume de France, connaissait les règles du droit romain moins rigide que le droit franc. Les filles pouvaient hériter des parents et on voyait même des familles où des frères et soeurs étaient cohéritiers : les « frérèches ». Cette organisation a pu contribuer à entretenir la solidarité familiale, à la faire perdurer et expliquer peut-être l’arrivée, chez ces Corréziens migrants, de frères venant partager le métier et le logis. L’émigration a été très importante en Limousin au XIXe siècle. Les migrations ont commencé tôt en Corrèze : aux XVIe et XVIIe siècles, des Corréziens migraient déjà à Paris ou en Espagne pour enrichir la famille élargie, mais il s’agissait surtout de migrations saisonnières. L’essor du XIXe siècle a amené à Paris et d’autres grandes villes beaucoup de Corréziens. La Corrèze, surtout le Nord et l’Ouest plus montagneux, était pauvre et très peu industrialisée. Les exploitants agricoles étaient encore souvent métayers. Avec le développement des grandes lignes de chemin de fer, les Limousins ont migré de plus en plus, comme les célèbres maçons de la Creuse ou les cochers corréziens. Il est probable que le développement des lignes de chemin de fer partout à l’intérieur des régions ait favorisé l’émigration plus durable de jeunes couples à la fin du XIXe et au début du XXe siècle.

Le recensement de 1906

On identifie d’autres familles aux origines corréziennes à Giromagny au recensement de 1906. Ainsi habite rue des Planches Marie Chaumeil, née à Saint Julien-des-Bois, petit village du Sud de la Corrèze à la lisière du Cantal. Elle a 45 ans, est journalière et vit là avec sa fille Eugénie  Besse âgée de 18 ans, son fils Gustave Besse âgé de 12 ans, né comme Eugénie à Pleaux dans le Cantal. Un autre fils âgé de 7 ans, Paul et un petit-fils Bertin, âgé de 8 ans, tous deux nés à Plancher-Bas (70), complètent la famille. Marie Chaumeil vivra à Giromagny encore très  longtemps. Par contre on ne trouve pas trace dans les recensements de son époux Michel Besse, né dix ans avant elle à Rochele- Peyroux d’une famille de colporteurs. Ses pérégrinations ont dû le conduire dans le Cantal, les premiers enfants y étant nés. Puis il serait venu dans le secteur de Champagney en Haute-Saône où sont nés les plus jeunes enfants et où la fille aînée Maria a mis au monde le petit Bertin. Les grands enfants – dont Eugénie, Maria et Jean, que l’on retrouvera à Giromagny plus tard – ont, avec leur père, participé à la préparation des pierres destinées au barrage de Champagney construit à la fin du XIXe siècle. Est-ce la recherche de travail qui amena Marie Chaumeil et ses enfants à Giromagny ?
En 1906 apparaissent aussi Michel Lamoure et Anna Besse, un jeune couple de 29 et 25 ans, avec leur fils Ernest, né à Giromagny la même année et le frère de Michel, Jean-Baptiste. Ils logent rue Thiers. Les deux frères Lamoure sont cordonniers et sont nés à Roche-le-Peyroux.  Anna Besse est née dans un autre hameau du même village. On peut s’interroger sur la présence à Giromagny d’hommes nés dans un même village ou canton. Portant le même nom, comme Antoine Besse, Michel Besse ou Anna Besse, s’ils étaient apparentés c’était d’assez loin, mais la solidarité villageoise, dans une région où le développement socio-économique obligeait à envisager de plus en plus l’émigration, favorisait certainement le choix du lieu. La situation n’est pas sans rappeler des immigrations plus tardives, comme celles encore récentes d’Afrique du Nord par exemple : on vient seul dans telle ville de France ou du Canada parce qu’il y a là un premier émigré de votre village qui vous a fait un signe.
On retrouve aussi en 1906, comme mentionné plus haut, Pierre Gauthier, cordonnier à Giromagny en lieu et place d’Antoine Besse. Il a maintenant une épouse, Philomène Monteil, née 23 ans plus tôt à Roche-le-Peyroux comme lui-même. La tradition reste entière : vivent avec eux  deux ouvriers, Antoine Marche, 14 ans, de Roche-le-Peyroux et Jean-Baptiste Besse, 19 ans, né à Margerides, un village proche de Roche. Il faudrait s’interroger de façon plus approfondie sur cette singulière attirance des Corréziens devenus Giromagniens pour…

(La suite dans : Des Corréziens à Giromagny  par Colette THOMAS, page 99)

Il y a 450 ans, la naissance du village d’Auxelles-Haut

Par acte du 14 janvier 1569, l’archiduc Ferdinand II de Habsbourg confirme l’investiture de Philippe Henri de Ferrette et de ses héritiers en leur fief d’Auxelles (Auxelles-Bas de l’époque). Mais, dans le même acte, Ferdinand II se réserve « les forêts noires et bois de  hautes futaies », autrement dit les hauts d’Auxelles. Le village d’Auxelles-Haut était enfin né ! 1569-2019, cet anniversaire est l’occasion de revenir sur l’histoire des deux villages d’Auxelles.

Auxelles, au commencement…

L’existence du village1 d’Auxelles est attestée, pour la première fois, dans quelques textes citant  un certain Ugo de Ascella. Ce Hugues d’Auxelles participe à une croisade en 1096 au côté de son suzerain et est signataire, dans les années 1130-1140, de divers actes de donation à des institutions ecclésiastiques locales.
Avant le XIe siècle, comme pour beaucoup de localités, nous n’avons que très peu de traces archéologiques ou historiographiques pour satisfaire notre curiosité..Dans notre région nous retrouvons des vestiges de la préhistoire à l’époque romaine plutôt en plaine, à Chaux, Essert, Offemont et plus encore au sud du Territoire de Belfort et au Pays de Montbéliard. Localement, le fort Dorsner est sur un lieu-dit « les monts romains ». Les restes archéologiques sur le mont Fayé datent d’environ 350 ans apr. J.-C. et interrogent encore. La voie romaine entre Langres et la plaine d’Alsace, passant par Luxeuil, Lure, Ronchamp, Frahier, Belfort, Offemont, est bien connue. Elle rejoint d’autres grandes voies nord-sud comme Besançon-Mandeure-Colmar et Augst près de Bâle. Des voies secondaires passent par le piémont des Vosges, par Plancher-Bas, Auxelles, Lachapelle-sous-Chaux, Offemont, Roppe, Cernay, Soultz, etc. Elles permettent de couper court vers la plaine d’Alsace, la Suisse et l’Allemagne de l’époque, et contribuent à la desserte des vallées.
Auxelles est un point de passage entre les Vosges du Sud, les zones marécageuses de Lachapelle-sous-Chaux, Errevet et le mont du Salbert. La région – entre Rhin et Océan – a été colonisée par les Celtes. Plusieurs vagues d’immigrations venant de l’est sont connues. Alamans et Burgondes, poussés par les Huns, passeront puis repasseront et se mélangeront aux populations autochtones. Par suite de la division de la Gaule celtique en l’an 89 apr. J.-C., nous sommes dans la VIIe province gallo-romaine, en Germanie supérieure, et nous sommes Séquanes. Avec Vesuntio (Besançon) pour capitale, Haute-Alsace et Territoire de Belfort forment la Séquanie extérieure. À l’est, nos voisins sont les Rauraques et les Hélvètes. À l’ouest, côté Saône et Langres, nous trouvons les Lingons. Au sud, nous avons les Eduens. Au nord, Vosges et Lorraine sont le territoire des Leuques. Notre Auxelles de l’époque est donc sur un lieu de passage, probablement un banal petit village à vocation agricole orienté vers la plaine avec une forêt d’altitude peu fréquentée. Certains historiens y auraient bien vu une activité minière aurifère très ancienne mais aucun document ne l’atteste.

Auxelles, entre royaumes et empire, duchés et comtés

Le haut Moyen Âge (450-1000) nous intéresse indirectement puisque c’est une période où se constituent à la fois des grandes entités géopolitiques– royaume de France, royaume de Bourgogne, Empire romain germanique – et des puissances régionales et locales nombreuses – duchés, comtés, seigneuries… Rois mérovingiens et carolingiens se succèdent avec de grands unificateurs et organisateurs comme Clovis, Charlemagne. Mais les successions sont difficiles et nous assistons à un éclatement  es terres. Le développement du système féodal permet néanmoins une recomposition des territoires et des pouvoirs. Les traités de Verdun en 843, de Meersen en 870 et de Ribemont en 880, entérinent le partage entre Louis, roi de Germanie et son frère, Charles le Chauve, roi de France. Ces quelques dates relatives aux grandes puissances « européennes » de l’époque vont se décliner localement. Notre région passe d’une domination lorraine – Lotharingie de l’époque – à une influence germanique. La Bourgogne devient un royaume indépendant et puissant. Autour d’Auxelles, quelles sont les puissances
locales ou régionales ?
Au nord, l’actuelle limite entre départements des Vosges, Haute-Saône et Territoire de Belfort – peu ou prou les crêtes du ballon d’Alsace, ballon de Servance, col des Croix /Château-Lambert et col du Mont Fourchu etc.- était la frontière entre la Lotharingie qui donnera la Lorraine, le puissant royaume de Bourgogne et la Germanie qui donnera au XIVe siècle le Saint-Empire romain germanique.
Auxelles est… en Bourgogne, à la croisée de ces puissances ! À l’ouest et au sud, invasion alamane et contre invasion burgonde se concluent par l’implantation dominante des Burgondes. Cela donnera la Burgondie ou Bourgogne avec deux entités territoriales, parfois réunies, qui donneront le comté de Bourgogne (pays jurassien, la « Comté ») et le duché de Bourgogne (pays de Saône). À la mort du dernier roi de Bourgogne, en 1032, et du fait de l’affaiblissement de la Lotharingie, le royaume passe dans la mouvance impériale germanique, mais les ducs et comtes de Bourgogne gardent une large indépendance et une grande autorité n substitution à un pouvoir impérial très éloigné, siègeant en Autriche, à Vienne et Innsbruck. À l’est et au sud, à partir des années 427-432, la rive gauche du Rhin est transformée en duché d’Alsace, duché lui-même divisé en Nordgau et Sundgau. À ce duché furent aussi adjointes d’autres parties de l’ancienne VIIe province galloromaine, entre autre l’Elsgau ou Ajoie (de Baume-les-Dames au sud, à Luxeuil au nord et Porrentruy à l’est). En 1033, le comté d’Elsgau comprend Ferrette et Montbéliard soit déjà une partie relevant de la Francie orientale (la Germanie), et l’autre partie du royaume de Bourgogne.
De l’ancienne grande Lotharingie, notre région « héritera » d’une lignée de Lorraine, les Mousson. Louis Ier de Montbéliard prend pour épouse Sophie de Bar, fille du duc de Haute Lorraine. Il est seigneur d’Altkirch et de Ferrette, comte de Bar, seigneur de Mousson et sera le premier comte de Montbéliard de 1042 à 1073. Il autonomisera quelque peu Montbéliard du comté de Bourgogne en un comté particulier. Le comté de Ferrette reviendra à Fréderic de Mousson, un des petits-fils de Louis Ier de Mousson et sera développé en une Maison puissante.
Au début du XIIe siècle (1125), les comtés de Bar-Mousson, Ferrette et Montbéliard sont partagés mais resteront toujours liés à la fois par la famille et par la concurrence. Au XIVe siècle, en 1324, Jeanne de Ferrette, fille de Jeanne de Montbéliard et d’Ulrich II de Ferrette, épouse Albert II d’Autriche de la maison Habsbourg. Pour les Habsbourg, fidèles à leur devise « Que d’autres fassent la guerre, toi heureuse Autriche, marie-toi », c’est un moyen de contrer la puissance des princes-évêques de Bâle. Plus tard, en 1392 et 1477, les mariages Habsbourg et Bourgogne se feront également dans cet esprit. Ainsi, au gré de l’évolution des territoires et des alliances, nous retrouvons les quatre puissances qui joueront un rôle dans la vie de nos deux villages d’Auxelles : les Bourgogne, les Ferrette, les Montbéliard et les Habsbourg. Auxelles-Bas connaîtra les quatre puissances, Auxelles-Haut sera, dès sa création, sous suzeraineté de la maison Habsbourg.
Ce n’est qu’en 1648, par le traité de Westphalie, que Haute Alsace, Sundgau et Elsgau passent définitivement au Royaume de France.

Le fief d’Auxelles (-Bas), marche de Bourgogne

Aux Xe, XIe et XIIe siècles, les pouvoirs centraux sont souvent lointains, affaiblis et vivent des successions difficiles. Dans le même temps, les invasions des IXe et Xe siècles laissent les domaines royaux ou impériaux éclatés, les terres des églises et les abbayes dévastées.
Le système féodal va être un mode d’organisation permettant aux suzerains, petits ou grands, de maîtriser un tant soit peu leur territoire et, accessoirement, de profiter du désordre ambiant pour bâtir duchés, comtés, petites ou grandes seigneuries. Les territoires sont peu ou prou en déshérence ou alors organisés en fiefs locaux avec un système d’investiture de fief, de droits plus ou moins étendus en matière d’impôts de justice, de possessions (hommes et terres), en échange de foi et hommage rendu et à rendre. Sarrazins au sud (731), Normands à l’ouest (886) puis Hongrois à l’est (868-869 et 916-947) écument la région pendant près de deux siècles. Les grands royaumes issus du partage de l’empire de Charlemagne sont mal défendus et seuls les seigneurs locaux qui se protègent en leur château résistent. Les autres, châtelains, moines, abbés et paysans sont massacrés. Villages et récoltes sont pillés ou détruits. Comme partout en France dans la même période, notre région s’est fortifiée. Le château de Montbéliard (édifié entre 1150 et 1200, détruit en 1365 et 1375) est l’un des plus anciens encore debout. Il remplacera le castrum romain de Mandeure. Le comté de Montbéliard aura aussi ses maisons-fortes et petits châteaux (Etobon, Blamont…). Dans le Territoire de Belfort, côté est, une véritable ceinture de protection – aujourd’hui disparue – est édifiée par les seigneurs locaux de Chèvremont, Montreux, Brebotte, Grandvillars, Chatenois, Suarce, Réchésy, Florimont, Dasle, Delle. L’ennemi est à l’est avec, d’une part, les invasions étrangères passant par la vallée du Rhin et, d’autre part, le puissant…

(La suite dans : Des Corréziens à Giromagny par Colette THOMAS, page 99)

La petite histoire en patois

Texte traduit « en patois de chez nous » par José Lambert et validé par le groupe « Djoza potois » de la Haute Savoureuse. Illustrations de François Bernardin.

Lo loitchou – Le lécheur

L’Armand di Tiu Bochon a peu sa fonne la
Mélie avint eu dou afants, dou boubes.

Armand du Curtil Buisson et sa femme
Amélie avaient eu deux enfants, deux
garçons.

Lo pu veye s’appela men son pare, Armand.
A peu lo djune, c’éta Gustave, min to
l’monde l’appela Tatave.

L’ aîné s’appelait comme son père,
Armand et le jeune, c’ était Gustave,
mais tout le monde l’appelait Tatave.

(La suite dans : Lo loitchou, par François Bernardin et le groupe « Djoza potois », page 119)

Magazine

La vie de l’association par Marie-Noëlle MARLINE-GRISEZ

Le nouveau conseil d’administration

Lors de l’assemblée générale du 16 mars 2019, les postes de Claude Parietti, Bernard Perrez et François Sellier étaient à pourvoir. Ces fidèles de l’association ont été réélus à l’unanimité. Le conseil d’administration est alors composé de : Marie-Louise Cheviron, Jacques Colin, Martine Demouge, Roland Guillaume, Marie-Noëlle Marline, Guy Miclo, Claude Parietti, Marthe Peltier, Bernard Perrez, François Sellier. Le 25 avril, Roland Guillaume a démissionné de ses fonctions d’administrateur et de secrétaire. Marthe Peltier de Riervescemont accepte la fonction de secrétaire, François Sellier de Rougemont-le-Château reste vice-président, Bernard Perrez de Rougegoutte est toujours trésorier et Marie-Noëlle Marline de Giromagny conserve la présidence.

Journée « D’ici et d’ailleurs » du 2 juin 2019

L’AHPSV a participé à la 2e édition de la manifestation « D’ici et d’ailleurs » organisée par la commune de Giromagny. Cette journée interculturelle a permis à des particuliers (ou des associations) de présenter leurs pays d’origine à travers des objets, des jeux et des spécialités culinaires. Après le thème de l’immigration à Giromagny, Lepuix et Auxelles au XVIe siècle présenté en 2018, Bernard Perrez a préparé une exposition sur la carrière de Vescemont exploitée entre 1918 et 1923 par des travailleurs émigrés. Concernant la dégustation culinaire,
nous avons offert à nos visiteurs du cugnu façonné par le boulanger de Rougegoutte. Une spécialité locale faite de pâte levée et de fruits secs macérés dans de l’eau-de-vie. (Voir recette page 129)

Les visites guidées en partenariat avec la maison du Tourisme, antenne des Vosges du Sud

Les membres dirigeants de l’association ont répondu favorablement au souhait de la Maison du Tourisme des Vosges du Sud de proposer trois visites guidées sur le secteur de Giromagny. Ainsi, pour la 1re visite choisie, c’est avec plaisir que Marie-Noëlle Marline a mené une douzaine de Terrifortains et touristes à la (re) découverte des quartiers les plus anciens de Giromagny. Quelques jours plus tard, Christine et Bernard Perrez (qui a assuré les commentaires), Thierry Marline (le photographe) et Marie-Noëlle Marline ont guidé un groupe de 20 personnes sur le sentier minier. Après chaque visite, les participants ont été reçus à l’antenne de la maison du Tourisme où une dégustation de produits locaux leur était proposée. Pour la 3e visite, l’AHPSV avait réservé un créneau pour les «clients» de la maison du Tourisme lors d’une journée « porte ouverte » de la galerie de la mine Saint-Daniel à Lepuix. Les autres créneaux horaires étaient réservés aux adhérents de l’association et aux riverains de la galerie. Rappelons que les visites de la mine Saint-Daniel sont programmées sur trois journées entre avril et octobre et sont accompagnées des guides de l’association Les Trolls.

Visite du site du Vieux château de Rougemont-le-Château

François Sellier, vice-président de l’association, a proposé une visite guidée qui s’adressait aux adhérents de l’AHPSV. Il va sans dire que cette visite du site du Vieux château fut de qualité. François nous a livré toutes les découvertes mises au jour par les archéologues amateurs lors des fouilles auxquelles il a participé.

Et du côté des associations conservatrices du patrimoine

La renaissance de l’orgue de Giromagny. Créée en novembre 2001, l’association des Amis de l’orgue de Giromagny, présidée par Jean-Jacques Griesser, s’était fixé comme objectif la restauration de l’orgue de l’église Saint-Jean- Baptiste. Cet instrument remarquable, à trois claviers, construit en 1874 par les facteurs Verschneider et Krempf, a déjà fait l’objet de plusieurs restaurations durant le XXe siècle. Le dimanche 1er septembre 2019 était très attendu par tous les acteurs de cette restauration qui ont oeuvré pour ce projet durant 18 années. La journée a débuté par la messe d’inauguration présidée par Mgr Dominique Blanchet, évêque du diocèse de Belfort-Montbéliard, qui a béni l’instrument. Puis le concert d’inauguration a suivi. Eric Lebrun et Marie-Ange Leurent, organistes à Paris, étaient aux claviers pour interpréter des oeuvres jouées sur ce type d’instrument du XIXe siècle. Devenu bien communal en 2013, l’orgue est inscrit à l’inventaire des monuments historiques depuis 2015. En novembre 2017, l’instrument a été entièrement démonté par le maître facteur d’orgues Hubert Brayé et son équipe. Les travaux ont duré seize mois. L’instrument est revenu à son état d’origine (Verschneider, avec 27 jeux sur 3 claviers/pédaliers) et a été réinstallé à la tribune de l’église. Souhaitons longue vie à cet instrument d’exception qui saura surprendre ses auditeurs lors des futurs concerts.

Le fort Dorsner reçoit sa plaque « Monument historique »

Devenu monument historique par arrêté du 13 décembre 1995, le fort n’affichait pas encore sa plaque distinctive. C’est maintenant chose faite. À l’occasion des Journées du Patrimoine, la plaque a été dévoilée en présence de Mme Elise Dabouis, sous-préfète du Territoire de
Belfort, de quelques élus, des membres de l’Association du Fort et de son président Jérome Roffi. Ce logo « MH » s’inspire du labyrinthe reproduit sur le dallage de la nef de la cathédrale de Reims qui, au XVIIIe siècle, a volontairement été effacé par le clergé sous prétexte que les enfants s’amusaient durant les offices. Rappelons que, outre le fort Dorsner et l’orgue Verschneider, la ville de Giromagny compte un autre édifice classé : la fontaine dite «Louis XV» datant du XVIIIe siècle et située en face de la mairie.

Après Saint-Daniel, la galerie dite « des Lorrains »

Après avoir sécurisé l’entrée de la galerie Saint-Daniel de Lepuix, les membres de l’association Les Trolls, dirigés par Bernard Bohly, se sont attaqués à une autre entrée de galerie située sur le sentier minier au lieu-dit « tête des Planches». Une autorisation de sondage a été signée par les services de l’État. Cette galerie, dont l’entrée était totalement obstruée, a été rouverte et sera probablement visitable accompagnée de guides en 2020.

Les cicatrices du terrain : voies et chemins

Les chemins abandonnés

Un long bosquet, du côté de Leval. Il est constitué de deux rangées d’arbres bordant un buisson impénétrable. Les épines ont poussé sur un long terre-plein prolongeant un chemin agricole. Personne ne l’empruntait plus, le chemin est retourné à l’état sauvage, le terre-plein reste.
Ailleurs, c’est un chemin creux, très creux même parfois, à l’image de celui de la (Fig.1). Celui-là est encore utilisé,  il permet de monter au Fayé depuis Rougegoutte et en voyant sa profondeur (plus de trois mètres) on imagine qu’il a été creusé par des roues de chariots (et les eaux de ruissellement, il est vrai) depuis des temps immémoriaux. Dans un rayon d’un kilomètre ce sont des dizaines de chemins semblables totalement inutilisés qui sillonnent la montagne. Les relevés aériens effectués avec le LiDAR par le département du Haut-Rhin a permis d’établir une vue  en relief qui déborde sur le Territoire de Belfort jusqu’à la limite de l’agglomération de Rougemont-le-Château (Fig. 2). Il n’est pas très facile de localiser la photo, mais avec quelques repères et un peu d’imagination, on peut reconnaître : – La rue de la Bavière qui aboutit au réservoir (Rep.  1). – La rue du Chaînois qui mène aux deux relais GSM (Rep. 2). – La rue de Masevaux (Rep. 3). La côte boisée qui se trouve au-dessus des repères 1 et 2 est, comme on peut le voir, griffée dans tous les sens par des chemins creux qui ne sont, pour la plupart, utilisés que quelques  semaines tous les 25 ou 30 ans, au moment d’une coupe de bois. Une telle densité de chemins s’explique par la proximité du village et le nombre plus important des allées et venues. Plus haut, vers le Montori, par exemple, la forêt était bien moins fréquentée.

Les traces du tacot

Il n’y a pas que les routes, chemins agricoles et pistes forestières qui creusent le terrain ou y laissent des remblais. Les voies ferrées, même si elles sont moins nombreuses – et presque rares aujourd’hui – nécessitent d’importants travaux de terrassement. En effet, pour gommer
les creux et les bosses naturelles, on leur substitue des remblais et des tranchées qui sont encore visibles des décennies après le démontage de la voie et le seront sans doute encore dans plusieurs siècles s’ils ne gênent pas l’agriculture où l’urbanisation. Dans le Pays sous-vosgien on
peut encore voir plusieurs traces de remblais dont l’une, la plus accessible, est située entre la gare de Bethonvillers et les Errues (Fig. 3). Toujours sur la ligne du chemin de fer local entre Belfort et Rougemont, juste à la sortie de Saint-Germain-le-Châtelet, à droite en direction de Romagny, on peut encore voir…

(La suite dans : Les cicatrices du terrain : voies et chemins, par Roland GUILLAUME, page 126)

Recherches et témoignages

Né en 1847, Adolphe HANTZPERGUE quittera Giromagny au début des années 1890 pour aller travailler dans les mines au Chili. Il cessera rapidement d’envoyer de ses nouvelles, laissant sa femme Julie MERLET originaire d’Anjoutey et ses deux fils dans l’ignorance de son destin. D’autres natifs de la région de Giromagny traverseront eux aussi l’Atlantique, à la même époque, pour travailler comme mineurs de fond au Chili. La plupart en reviendront quelques années plus tard. Aujourd’hui, près de 130 ans après le départ d’Adolphe HANTZPERGUE vers une vie qu’il  espérait meilleure et pensait sans doute trouver ailleurs, son arrière-petit-fils entreprend des recherches afin de connaître l’itinéraire qu’il a parcouru, les lieux où il a vécu, les conditions de travail qu’il a endurées… Lectrices et lecteurs de La Vôge, peut-être connaissez-vous dans votre famille l’histoire d’un aïeul originaire du Pays sous-vosgien, parti au Chili vers 1892-1893 ? Vos témoignages ou tout autre élément pouvant aider à orienter les recherches seront les bienvenus.

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L’AHPSV se propose de publier un numéro hors-série de La Vôge, consacré à Germain Lambert. Ce génie inventif fut un constructeur automobile connu et reconnu, des années 1920 au milieu des années 1950. Installé à Giromagny de 1946 à 1953 dans l’ancienne propriété Warnod, il y a certainement laissé de nombreux souvenirs. Si vous possédez des photographies de l’usine, des voitures, des employés, si vous acceptez de transmettre vos souvenirs, vos témoignages : nous sommes preneurs ! Photo Cécile Pourchet Contact : Tout membre de l’équipe de rédaction (voir sous l’Edito)

Le cugnu ou cugneux ou encore ramai, ramin…

Servi par l’AHPSV lors de la journée « D’ici et d’ailleurs », le cugnu est un gâteau très local fait de pâte levée garnie de fruits secs. On le mange essentiellement pendant les fêtes de fin d’année. Voici la recette : Ingrédients : 500 g de farine, 125 g de beurre,  50 g de sucre, 2 oeufs,20 g de levure de boulanger, 1 verre de lait, 1 pincée de sel. 500 g de fruits secs : figues, pruneaux, raisins secs, poires séchées, abricots secs, noix…, au choix selon les goûts, à faire macérer dans de l’eau-de-vie toute la nuit. La veille, faire un levain en mélangeant la levure dans le lait tiède avec une bonne cuillère à soupe de farine et laisser lever dans un endroit tiède. Pendant ce temps verser la farine en puits dans un saladier. Incorporer les oeufs, le sel, le sucre et le beurre fondu, y ajouter le levain et battre énergiquement jusqu’à la formation de bulles d’air (environ un quart d’heure). Laisser reposer la pâte au frigo pour la nuit. Le lendemain, abaisser la pâte -comme pour une tarte- sur 1,5 cm d’épaisseur, y parsemer les fruits secs coupés qui auront préalablement macéré dans l’eau-de-vie. Former un rouleau avec cette pâte garnie. Retourner les deux extrémités. Faire lever dans un endroit chaud (sur l’étendoir à linge – les tneuyottes en patois – au-dessus de nos bonnes vieilles cuisinières à bois !) jusqu’à ce que cela double de volume. Badigeonner au pinceau de cuisine avec un jaune d’oeuf avant d’enfourner à four chaud pendant 30 à 45 mn.

Petite leçon de patois sous-vosgien n°3 par Louis MARLINE

Pour cette troisième « leçon », j’ai préféré vous rappeler une multitude de mots basiques tels que les nombres, les couleurs… afin de vous fournir de quoi « survivre » en territoire sous-vosgien, même si l’on peut imaginer le visage décomposé du boulanger auquel vous auriez dit «  Bondjoué ! I voreu bin un’ne vèque ». Apprenons les couleurs : bian (blanc) et bieu (bleu) en sont deux qui nous rappellent une différence quasi-automatique entre le français et notre patois : les « bl » français deviennent des « bi ». Noi (noir), roudje (rouge) et enfin djône (jaune) sont  facilement identifiables. Reste le surprenant oua (vert). La semaine s’articule de façon assez similaire au français lundi, madjie, métyédjie, djudi, vordi, sam’di, dimoène. Et voici comment compter en patois : un, dou, tro, tiatre, cinq, chè, sate, heute, niu, dèch. La désignation des saisons est, quant à elle, surprenante par l’utilisation majoritaire de périphrases. Si lo bétemps pour l’été est assez explicite (littéralement « le beau temps »), lo daritemps pour l’automne est plus intéressante : on parle du « dernier temps », période importante du cycle paysan qui précède le calme de l’hivé. Mais mon préféré reste le printemps, désigné par lo pâtchifû ». On peut ici, sans trop se mouiller, y voir la combinaison du verbe pâtchi (partir) et de fû (dehors) : c’est un temps où l’on peut enfin partir hors de la maison. Enfin, je vous laisse avec quelques tournures basiques et utiles ; menq so ? (ça va ?) – yeu,ça tchmène (oui, ça va) – so din là (c’est comme ça) – coch’tè (tais-toi) – binv’ni à Djromaigny ! (bienvenue à Giromagny !). Si vous pensez qu’il y a des modifications à apporter sur certains mots, n’hésitez pas à me contacter. Je serai ravi de recueillir vos histoires écrites, vos lexiques « faits maison »… Tout ce qui peut améliorer le glossaire du patois sousvosgien. louis.marline@lilo.org ou à l’adresse 2 rue de la Savoureuse, 90200 Giromagny. Astour, i vo dit à la r’voyotte… Pôtcha vô bïn

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