Édito
Marcher…
Marcher pour le plaisir, comme ces randonneurs au pied du fort de Giromagny,
Marcher pour mourir ou pour tuer, comme les poilus de 14,
Marcher pour fuir la barbarie, comme les migrants syriens,
Marcher !
Avec persévérance La Vôge continue de marcher sur le chemin des Anciens
qui furent des marcheurs, des poilus et pour beaucoup, des migrants !…
Bonne lecture.
Marie-Noëlle MARLINE, Présidente de l’AHPSV.
Table des matières
Édito |
Marie-Noëlle Marline-Grisez |
1 |
Il y a 100 ans ! – Revue de Presse |
Maurice Helle |
2 |
Les pupilles de la Nation |
Bernard Cuquemelle |
17 |
Grande guerre et concerts de bienfaisance – Deux concerts en 1917 à Belfort |
Claude Parietti |
20 |
Désiré Sic, soldat et photographe |
Francis Péroz |
24 |
Deux courtes destinées |
Roland Guillaume |
29 |
Giromagny et les camoufleurs : un rendez-vous manqué |
Éric Mansuy |
32 |
Le dessous des cartes |
François Sellier |
35 |
Émile Cuenat, instituteur, mort pour la France (1882-1916) |
Jean-Claude Cuenat |
38 |
1915 : Pégoud une destinée hors norme |
Maurice Helle |
43 |
Les charbonniers du Rosemont |
Jacques Marsot |
53 |
Les débuts difficiles et controversés d’une fabrique de produits chimiques à Chaux au début du XIXe siècle |
Bernard Perrez |
55 |
La tradition musicale dans le Territoire de Belfort |
Claude Parietti |
67 |
Drame au Ballon d’Alsace : Le crash du B-26 Marauder n° 41, le 02/12/1946 |
Stéphane Muret |
73 |
Marthe et Clarisse vont aux brimbelles |
M. Chassignet, B. Stadler, F. Bernardin |
81 |
Mobilité des travailleurs de l’industrie à Anjoutey vers la fin du XIXe |
Roland Guillaume |
84 |
Les vieilles familles du Territoire : Les Raffenne |
Gérard Jacquot |
89 |
Une « déclaration en reconnaissance » datée du 9 mars 1748 : Transcription |
Gérard Jacquot |
90 |
Le céquoidon |
|
91 |
MAGAZINE |
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92 |
Il y a 100 ans ! – Revue de Presse
Il ne faut pas compter sur la presse pour suivre le développement de la guerre. « Aux ordres », elle diffuse des informations déformées, incomplètes, voire mensongères, venues de l’Etat-major sous la forme « de communiqués-dépêches officielles ».
Il est vrai que les nouvelles en provenance du front en 1915 ne sont pas de nature à donner confiance à la population française : échec de l’offensive en Champagne, puis en Artois, combats meurtriers de l’Hartmannswillerkopf (Vieil Armand) d’ailleurs passés sous silence, échec de l’expédition franco-anglaise des Dardanelles destinée à contrôler les détroits commandant le passage de la Mer Noire à la Méditerranée et à ouvrir un deuxième front, débarquement de l’armée d’Orient à Salonique, échec de l’Armée des Vosges….
1915 : un désastre en terme de victimes.
En effet, la guerre s’installe de plus en plus meurtrière et prend des formes nouvelles :
- guerre aérienne : les Zeppelin (dirigeables allemands du nom de leur constructeur) bombardent Paris en particulier,
- première utilisation par les Allemands des gaz asphyxiants en Belgique dans le secteur d’Ypres,
- guerre sous-marine : un sous-marin allemand coule en mai au large des côtes d’Irlande le transatlantique Lusitania, navire anglais dont la plupart des passagers sont américains. Considéré aux USA comme une tragédie nationale, cet évènement soulève émotion et indignation, à l’origine de l’évolution de l’opinion publique quant à l’entrée en guerre aux côtés des Alliés.
Au cours de l’année 1915, le conflit s’ouvre à de nouveaux belligérants, élargissant ainsi le champ des opérations militaires :
- côté des Alliés : fin mai l’Italie puis la Grèce,
- côté des Empires centraux : en octobre, la Bulgarie.
À ce propos, pour la première fois, le journal l’Alsace, évoque dans ce qu’il appelle « la crise balkanique » le sort des Arméniens. Dans son édition du 14 octobre, il fait état du sauvetage par des marins français de 5000 de ceux-ci, échappés aux massacres turcs dans la région d’Antioche.
Avec retard, l’armée française s’adapte aux nouvelles contraintes de cette guerre totale, elle se dote progressivement à compter de juillet du casque Adrian – du nom de son concepteur – que les établissements Japy de Fesches-le-Châtel et Beaucourt, fabriqueront en grande partie sur la base de leur prototype. En même temps, la tenue plus discrète, dite « bleu-horizon » se généralise à partir d’août.
Sur le plan national, que retenir d’essentiel en dehors de la guerre ?
- le 16 mars 1915, Raymond Poincaré, Président de la République, promulgue la loi interdisant définitivement la fabrication, la vente et la circulation de l’absinthe. Ainsi, « la fée verte » ou « la bleue », ne sont-elles plus servies pour des considérations de santé publique !…
- le « Canard Enchaîné » naît courant septembre, en réaction à la censure et au« bourrage de crâne ».
- fin octobre, une crise ministérielle contraint le Président du Conseil, René Viviani, à donner sa démission. Aristide Briand lui succède, héritant en sus des Affaires étrangères, le nouveau ministre de la guerre étant le général Galliéni, celui de la justice, Viviani.
Les lecteurs de la presse belfortaine, généralement peu informés du conflit et de ses batailles sanglantes, peuvent néanmoins prendre la mesure de l’hécatombe à la lecture des listes de victimes ou de disparus qui affectent le moindre village.
De même, ils prennent conscience de l’organisation de la solidarité au profit des combattants, des réfugiés, des prisonniers de guerre (concerts, tombolas, vente d’insignes….).
Si Belfort n’est pas directement confrontée à la guerre terrestre, elle souffre par contre de la guerre aérienne. L’aviation, à ses balbutiements avant la guerre, trouve dans ce conflit une remarquable opportunité de développement, s’affirmant comme une nouvelle arme au potentiel et à l’efficacité indiscutables. La presse porte beaucoup d’intérêt à ces nouveaux héros que sont les pilotes. Elle va tantôt rapporter leurs exploits (Pégoud, Gilbert), tantôt leurs mésaventures (Gilbert) et malheureusement aussi leur fin tragique (Pégoud).
L’état de siège qui concerne Belfort depuis le 3 août 1914 est levé mi-août 1915, apportant un assouplissement tout relatif aux mesures et contraintes qui s’imposent à la population (comme le retour progressif des évacués – les bouches inutiles – la réouverture des cafés…). Les deux responsables de la mise en œuvre des dispositions prescrites au début de la guerre quittent Belfort courant 1915 : le général Thévenet commandant la place, ainsi que Georges Goublet faisant fonction de préfet, mobilisé et rappelé à son poste de lieutenant de vaisseau, départ que semble regretter Ludovic-Oscar Frossard dans l’édition du 4 décembre de son journal Germinal.
À propos de ce dernier, lui, l’instituteur jadis révoqué, retrouve un poste d’enseignant au cours complémentaire de la rue de Châteaudun (L’Alsace du 22 mars qui dresse le compte-rendu du conseil municipal de Belfort, relève la suite favorable donnée à sa demande d’indemnité de logement et résidence). Pour ce qui concerne le pays sous-vosgien, la presse censurée (L’Alsace et La Frontière essentiellement) publie les informations autorisées et fournies par les autorités militaires : listes des victimes, citations diverses. Quasiment rien sur les efforts demandés à la population civile (réquisitions notamment), les problèmes de ravitaillement, de main-d’œuvre, les difficultés budgétaires des communes… Par contre, de nombreux articles rendent hommage aux personnes, collectivités, qui d’une façon ou d’une autre, viennent en aide aux innombrables victimes frappées par la guerre.
À l’origine d’une abondante iconographie, plusieurs revues militaires ont marqué l’année 1915 :
- à Chaux, celle du général Lyautey le 28 juillet et celle du Président de la République le 13 septembre. En effet, la division marocaine, après les combats d’Artois, passe deux mois de repos dans la région de Giromagny. Pour « exalter le moral de la troupe et surexciter sa fierté » diverses cérémonies militaires sont organisées ; ainsi le 28 juillet, le général Lyautey passe-t-il en revue lesdites troupes, suivi le 13 septembre par le Président de la République, escorté notamment du ministre de la guerre A. Millerand. A cette occasion, R. Poincaré remet les drapeaux ornés de la Croix de guerre aux unités composant la division marocaine (en particulier, le 2e régiment de marche du 1er Etranger et le 7e Tirailleurs de marche). Ce dernier, fort de plus de 3000 hommes quitte le 14 septembre ses cantonnements de repos pour gagner la Champagne (d’après « L’historique du régiment » librairie militaire Chapelot).
- à Giromagny, le 14 novembre sur l’actuelle place des Mineurs, le général Joffre alors commandant en chef des armées françaises, décore de la Croix de guerre, les drapeaux des régiments qui se sont battus glorieusement en Champagne, ainsi que des officiers et sous-officiers (La Vôge n° 22, article de J. Demenus et F. Sellier).
Journal : L’Alsace
25 janvier 1915 : Les enfants s’amusent
Du « Cri de Paris »
À l’heure actuelle, beaucoup de régiments sont suivis par un ou deux enfants de treize à quinze ans. Les officiers ont cherché à se débarrasser d’eux. Ils leur ont distribué copieusement taloches et coups de pied où vous savez. Mais les gaillards sont endiablés. Ils se faufilent au milieu des soldats. Ils se rendent invisibles. Ils se fourrent sous les banquettes des wagons. Impossible de…
(La suite dans : Il y a 100 ans ! Revue de Presse, par Maurice Helle, page 2)
Les pupilles de la Nation
Trois ans après le début de la première guerre, l’État après avoir le 2 juillet 1915, défini la loi qui attribue la mention « Mort pour la France », va s’occuper en 1917 d’une loi concernant les enfants victimes indirectes du conflit et inventer le terme de Pupilles de la Nation. Pour l’ensemble du pays, à la fin de la guerre, un million d’enfants orphelins ou fils de blessés de guerre seront concernés.
Dans le Territoire de Belfort ce sont 1 978 enfants nés dans le département qui ont été déclarés pupilles, et 673 nés hors du département ; un certain nombre d’entre eux étant nés dans les familles exilées dans l’Ain, le Jura et l’Isère au titre des « bouches inutiles » et d’autres étant nés de parents ayant résidé dans le département. Le titre de Pupilles de la Nation concernera les enfants dont la naissance s’étale de 1899 à 1935.
Pour le pays-sous-vosgien le nombre est de 430.
Que dit la Loi ?
La loi du 21 juillet 1917, articles 1 et 2, modifiée par les lois du 26 octobre 1922 et 29 avril 1927 indique :
« Sont assimilés aux orphelins, les enfants nés avant la fin des hostilités ou dans les 300 jours après leur cessation, dont le père, la mère ou le soutien de famille se trouve à raison de blessures reçues ou des maladies contractées ou aggravées par un fait de guerre dans l’incapacité de pourvoir à leurs obligations et à leurs charges de chef de famille. »
Cela concerne donc :
Un enfant dont le père, la mère ou le soutien a été tué au cours de la guerre de 1914, victime civile ou militaire.
Un enfant né ou conçu avant la fin des hostilités dont le père, la mère ou le soutien est dans l’incapacité de gagner sa vie en raison de blessures ou de maladies contractées ou aggravées par suite de la guerre.
Un enfant dont le père, la mère ou le soutien est mort de blessures ou de maladies contractées ou aggravées du fait de la guerre.
C’est enfin par une loi du 25 Juin 1919, que l’on règle le cas des disparus et des marins qui avaient été oubliés par la loi de 1917.
Le titre de pupille est attribué dans les départements par les tribunaux de première instance, à la demande de la famille ou du tuteur de l’enfant. Chaque département possède son Office. Le Territoire de Belfort compte cinq sections cantonales et un correspondant par commune. Un médecin et des infirmières visiteuses sont chargés de veiller au « bon état sanitaire » des pupilles.
Pour que les structures se mettent en place, il faudra attendre la fin de l’année 1918, comme en témoignent ces deux comptes rendus du journal l’Alsace d’octobre 1918, qui concernent Rougemont-le-Château et Giromagny.
ROUGEMONT-LE-CHATEAU – PUPILLES DE LA NATION –
Le dimanche 29 septembre, il a été procédé à l’installation de la section cantonale des Pupilles de la Nation, à la mairie de Rougemont-le-Château, sous la présidence de M. Ernest Boigeol, président de la section permanente de l’Office. Ont été nommés : Président: M. Émile Winckler, maire de Rougemont ; Vice-Président : Mme Gaston Ehrard ; Secrétaire : Mlle Chrétien. Indépendamment des membres de droit ou d’office, la section cantonale de Rougemont-le-Château se trouve composée de : Ville de Rougemont : Mme Émile Winckler, Mme Gaston Ehrard, M. Schmerber ; Mlle Chrétien, directrice d’école ; M. Tritter, directeur d’école ; M. le Curé.
Communes : Leval : Mlle Augustine Hozotte – Petitefontaine : M. Mathieu, maire.
GIROMAGNY. – PUPILLES DE LA NATION –
Les membres du Comité Cantonal se sont réunis Dimanche 29 Septembre à 10 heures du matin à l’Hôtel-de-Ville pour former leur bureau. L’Assemblée était présidée par M. Ernest Boigeol, membre du Conseil d’Administration de l’Office départemental, assisté de Monsieur Seiler, secrétaire général. Messieurs Boigeol et Seiler ont fait un exposé et des
commentaires de la Loi. Ils ont expliqué son but, son utilité, son large esprit de tolérance ; son souci de respecter toutes les confessions, les croyances et les opinions. Ce nom de Pupille de la Nation est un titre de noblesse, un brevet d’honneur et de réputation pour tous ces orphelins qui, à d’autres époques n’auraient pas connu l’amertume et les déchirements de l’abandon et de l’adieu suprême.
Étaient présents à la réunion. Membres de droit : MM. Pourchot, Conseiller général. Vautrin, Juge de Paix, membres d’office M. P. Warnod, Fleury. Messieurs Edmond Guenot,
Camille Morte, Édouard Lhomme.
Communes : Mesdames René Zeller, Marcotte. MM. Chapuis Casimir, Chapuis Jean-Baptiste, Marconnot Alexandre, Petitzon François, Perrot Hippolyte. Monsieur Ed. Guenot a été choisi comme Président, Madame Marcotte comme Vice-Présidente et Monsieur Édouard Lhomme comme Secrétaire.
Qu’apporte le titre de pupille ?
Le titre de pupille ouvre de nombreux avantages, le premier est une pension qui s’ajoute à la pension de veuve de la mère, ou à la pension d’invalidité du père, une aide à la scolarité et à l’emploi, et une aide médicale. Le tout est géré par l’Office départemental. On comprend donc le nombre de demandes d’adoption examinées par le tribunal. Si certains cas sont
vite tranchés, père tué au combat, enfant légitime, d’autres sont plus délicats. Par exemple, si le père a été déclaré « réformé N° 2 » (donc pour une maladie ou…
(La suite dans : Les pupilles de la Nation, par Bernard Cuquemelle, page 17)
Grande guerre et concerts de bienfaisance – Deux concerts en 1917 à Belfort
Le présent article complète celui intitulé « La musique dans le Territoire de Belfort durant la première guerre mondiale » paru dans La Vôge n° 42 de 2014. Deux rappels :
- Les premières manifestations musicales de la Grande Guerre. Elles ont commencé début 1915 avec les musiques militaires. De nombreux régiments de garnison, possédant des ensembles musicaux, se produisaient en concert sur les places publiques des villes et villages.
- Les concerts de bienfaisance. La perception des conséquences de la guerre sur les populations et les soldats a incité la société civile à organiser des actions afin de leur porter secours et assistance. Apparus dès le début 1916, les concerts de bienfaisance ont ainsi participé à l’élan de solidarité en associant spectacles de divertissements musicaux et émotions.
Les deux concerts de bienfaisance de 1917
Avant la première guerre, les concerts de gala des sociétés de musique sont très appréciés par le public. Ils comprennent la musique d’ensemble et les interprétations d instrumentistes solistes. Ils sont complétés par des séquences avec airs de concerts, chansons, monologues, bouffonneries, comédies vaudevilles, gymnastique.
En janvier et mai 1917, deux concerts de bienfaisance ont été organisés à Belfort. Ils ont la forme des concerts d’avant-guerre, mais de plus, une séquence met en scène la production de guerre à la SACM : c’est le Triomphe des Munitions. Le journal l’Alsace a publié en détail le compte-rendu des deux concerts, et les citations ci-après sont extraites de ce journal.
Le concert du 7 janvier
Ce concert-tombola est organisé par la municipalité de Belfort, à la salle des fêtes. « Dimanche après-midi, salle bien garnie au concert-matinée organisé au profit des prisonniers de guerre du Territoire de Belfort avec un décor approprié. On remarquait en effet, de chaque côté, sur le devant de la scène, un faisceau de drapeaux tricolores formant cadre avec une série de projectiles, authentiques et flambant neufs, allant du 75 au 400. C’est là, au milieu de ces produits de nos usines de guerre que les auditeurs jouirent du programme élaboré.
La partie musicale a été assurée par l’Orchestre Symphonique des Travailleurs Militaires de la SACM, sous la direction de Jules Cabrol « un maître dans son art ». L’orchestre a interprété des œuvres de Lecoq, Verdi, Boieldieu ainsi qu’une valse composée par son directeur : Sous le ciel bleu.
Les couplets de la Marseillaise, ont été chantés par les élèves l’école primaire supérieure de jeunes filles et les élèves de l’école normale d’instituteurs : « un tonnerre d’applaudissements couvrit le dernier mot de notre hymne national ».
Le spectacle s’est également déroulé en plusieurs phases avec :
- des instruments solistes mis en valeur : la clarinette, le violoncelle, le violon et le piano, dans des œuvres de Paganini, Fauré, St-Saëns, et Vieuxtemps,
- l’interprétation par le chœur mixte de deux chants : la Chanson d’Alsace de Th. Botrel et le Chant Républicain, « ces deux morceaux ont été particulièrement appréciés de l’auditoire dans lequel ils firent passer un frisson patriotique »,
- des interventions amusantes d’un comédien et d’un conférencier humoriste,
- une diction patriotique par une demoiselle, costumée en alsacienne.
Puis « les spectateurs émerveillés virent alors le rideau se lever sur l’apothéose Le Triomphe des Munitions qui nous transporta dans un de ces vastes halls de la SACM où nous pûmes voir ouvriers et ouvrières à leur poste, poursuivant inlassablement la production de 75, 150, jusqu’au 400. Le tout dominé par la France triomphante drapée dans les plis d’un drapeau tricolore, tandis qu’à ses pieds la Germanie à grosses lunettes et casque à pique, râle, écrasée sur une inscription Deutschland unter alles. C’est bien cela l’avenir prochain où le triomphe des munitions nous donnera le triomphe sur le Deutschland tombé à bas définitivement.
La Marseillaise là-dessus, retentit, enlevée par l’orchestre, dont les échos firent vibrer à l’unisson les cœurs de tous ; et ce fut sur cette impression de réconfort et d’espérance patriotique que chacun quitta la salle des fêtes, laissant un fort appoint à la caisse de la Société de Secours aux Soldats. Nos compliments aux dévoués artistes et musiciens amateurs qui ont prêté à celle-ci leur concours.
Tombola : le tirage a été effectué dimanche 21 janvier à la mairie de Belfort. Il y a eu 512 lots, qui avaient été exposés dans la vitrine du magasin Gillet-Lafond.
1er prix : une peinture de Daniel Koecklin, 2e prix : une machine à coudre, 3e prix : une bicyclette.
Le concert du 20 mai
Il a été organisé par l’Orchestre Symphonique des Travailleurs Militaires de la SACM, au profit de l’Œuvre d’assistance aux soldats tuberculeux renvoyés dans leurs foyers. « La salle des fêtes avait revêtu à cette occasion sa parure de drapeaux aux couleurs des nations alliées, auxquels était venu se joindre le drapeau étoilé des États-Unis. Sur le devant de la scène, le décor avait été enrichi de monstrueux obus de 400 voisinant avec de plus petits ».
Les autorités étaient représentées par M. Dusevel, secrétaire général de la préfecture, le commandant Schwob du bureau de la Place et par M. Houbre adjoint faisant fonction de maire. Ils ont été accueillis par Ch. Nippert « qui se multipliait à son devoir de grand ordonnateur de la séance récréative ».
L’Orchestre Symphonique a interprété des œuvres de Adam, Donizetti, Verdi et de nouveau la composition de son directeur Sous le ciel bleu.
Différents artistes ont complété la matinée : une cantatrice et un baryton dans des airs de concerts, des solos de violon et de clarinette, un comédien et ses sketchs Kolossal et Le foyache à Venize avec l’accent allemand, un gymnaste avec des tours et des rétablissements à la barre fixe. Un conférencier humoriste fit l’apologie de « la touchante institution des “marraines et filleuls de guerre“ en partant depuis l’évocation de la tendresse primitive et allant jusqu’au suprême réconfort que celle-ci procure à nos braves poilus au fond des tranchées… ». Puis comme lors du concert du 7 janvier, le rideau se leva, et Le Triomphe des munitions apparut aux spectateurs enthousiasmés, avec les drapeaux, la représentation de la Germanie et le « Deutschland unter alles », les obus, les ouvrières et les ouvriers.
La cantatrice, « s’avançant en avant de l’apothéose, entonna la Marseillaise dont les munitionnettes reprirent le refrain accompagnées par l’orchestre, tandis que l’assistance l’écoutait debout ». Les spectateurs purent ensuite se procurer un souvenir du…
(La suite dans : Grande guerre et concerts de bienfaisance – Deux concerts en 1917 à Belfort, par Claude Parietti, page 20)
Désiré Sic, soldat et photographe
Un haut-alpin
Désiré Sic voit le jour en 1883 à Entrevaux, une commune de la haute vallée du Var, dans le département des Alpes de Haute-Provence. Son père est un modeste perruquier et le jeune Désiré ne fait pas de longues études. Dès l’âge de quinze ans, il apprend le métier de menuisier. L’année 1904 marque son passage sous les drapeaux au 7e régiment du Génie, stationné à Nice, trois années que Désiré Sic effectue en demeurant sapeur mineur. Rendu à la vie civile en 1907, il dédaigne l’atelier de menuisier pour un poste de contremaître au sein de la centrale électrique d’Entrevaux. En 1909, notre homme décide de rejoindre les rangs de l’armée au sein du 7e régiment de génie à Avignon. Une carrière militaire modeste s’ouvre à lui : caporal en janvier 1910 puis sergent onze mois plus tard.
La guerre du Maroc
Après avoir fait de l’Algérie un prolongement de son territoire, la France cherche à étendre sa domination au Maghreb. Mais elle se heurte bien vite à l’Allemagne de l’empereur Guillaume II. Conformément aux objectifs de sa Weltpolitik, le Kaiser se dit prêt à entrer en guerre si la France ne renonce pas à ses ambitions marocaines. Cette initiative allemande précipite la mainmise de la France sur l’Empire chérifien.
Le Maroc cesse politiquement d’exister après la signature de la convention de Fès, conclue en 1912 avec le sultan Moulay Hafid. Cet acte établit un protectorat qui allait durer un peu plus de quarante ans. C’est ainsi que Désiré Sic quitte les rivages de la Méditerranée pour les grandes étendues marocaines où la France a déployé de multiples postes échelonnés entre Rabat, Fès et les confins algéro-marocains considérés comme base arrière de l’avancée des troupes coloniales. Au cours de ces mois passés loin de sa famille et de son arrière-pays-provençal natal, Désiré Sic a le bonheur de faire la connaissance de sa future épouse. Il reste au Maroc jusqu’au mois d’août 1914.
Premiers mois de guerre
Dès l’ordre de mobilisation connu, le 7e régiment du génie est incorporé dans la compagnie 19/2 au sein de la Division de Marche d’infanterie coloniale du Maroc qui vient d’être créée. Cette unité prend à partir du milieu du mois d’août l’appellation plus simple de division marocaine placée sous les ordres du général Humbert, puis du général Blondlat. Composée de tirailleurs algériens et tunisiens, de zouaves, de légionnaires et de sapeurs du génie, la division marocaine s’illustre lors de la bataille de la Marne en septembre 1914. Les soldats combattent vaillamment dans les marais de Saint-Gond, non loin du château de Mondement (Marne). Après la stabilisation du front, Désiré Sic et ses compagnons partent à l’est de Reims pour y réaliser des travaux de protection du fort de la Pompelle, du bois des Zouaves et de la ferme de l’Espérance. Désiré Sic prend une part active à la guerre des mines, un dangereux travail de sape des lignes ennemies. Devenu adjudant dans les premiers mois de la guerre et décoré de la médaille militaire, Désiré Sic est promu officier en février 1915.
Repos à Chaux
Au cours du mois de juillet 1915, la compagnie 19/2 est retirée du front de Champagne et à pied et par étapes, elle arrive à Chaux dans le Territoire de Belfort. La situation de Désiré Sic est alors identique à celle longuement décrite par Alan Seghers. Depuis Chaux, les militaires s’adonnent à de longues marches d’entraînement qui les conduisent jusqu’aux sommets vosgiens du Ballon d’Alsace et de la Planche des belles filles. Jusqu’au milieu du mois de septembre, Désiré Sic et ses compagnons logent chez l’habitant. Le 26 août, il note qu’il loge chez la pharmacienne de Belfort. Cette vie plus tranquille permet aux militaires d’avoir des contacts fréquents avec les civils. Désiré Sic ne s’en plaint aucunement. Le 8 juillet 1915, il écrit à son épouse :
« Ici à Montbéliard, nous sommes très bien. Cette ville frontière qui a souffert de la guerre de 1870 et qui a vécu dans des transes perpétuelles accueille le soldat avec joie. Nous sommes traités comme des princes russes ! La ville est superbe et les femmes…
(La suite dans : Désiré Sic, soldat et photographe, par Francis Péroz, page 24)
Deux courtes destinées
30 août 1910. Paul Gable, instituteur, et Marthe Michaud, institutrice, se marient. C’est la fête, il fait beau, et ils sont entourés de parents et d’amis venus de partout. C’est l’heure de la photographie, l’homme de l’art a planté son trépied et a fait la mise au point avant de glisser une plaque de verre sensibilisée dans son appareil à soufflet. Il sort de dessous son drap noir et avant de presser sur la poire qui commande l’obturateur, déclame la formule magique : « attention, on ne bouge plus, le petit oiseau va sortir ! ». Clic ! Clac ! C’est fait. Dans 70 ans, Reine Schmitt de Rougemont-le-Château collera une épreuve de ce cliché dans le cahier d’écolier où elle a recopié toute la correspondance échangée par ses frères et ses sœurs entre 1911 et 1915. Au dos de la photo qui illustre la page relatant le décès de sa sœur Marie, elle écrira, très simplement :
« Mariage de Paul Gable et de Marthe Michaud. A droite de la mariée : le frère de la mariée, cavalier de Marie, Henri Fortunat, cavalier de Berthe. Celui-ci, saint-cyrien en permission a, comme premier pèlerinage, été sur la tombe de Berthe où il a poussé ce cri de douleur : “Pourquoi Dieu me l’a-t-il ravie ?“ Il a lui-même été tué. »
Trois longues années de fiançailles
Non, Berthe et Henri n’étaient pas fiancés. En ce temps-là, on n’envisageait pas le mariage avant d’avoir une situation. Ils se fréquentaient, se voyaient de temps en temps et s’écrivaient sans doute de longues et tendres lettres. Berthe allait parfois passer quelques jours chez les Gable, à Danjoutin ; les Schmitt étaient amis avec cette famille car le père, instituteur public, avait enseigné plusieurs années vers 1895 à Rougemont. D’ailleurs Marcel, le petit frère de Paul était né au pied des Vosges.
Quand ils s’étaient rencontrés à ce fameux mariage en 1910, Berthe venait de fêter ses 18 ans et Henri allait en avoir 17, une bonne semaine plus tard.
Berthe
À Rougemont, les Schmitt forment une famille respectée et relativement aisée. Le père, aidé par ses trois fils les plus âgés, Henri, Gustave et Eugène, dirige une entreprise de
maçonnerie prospère. Maria aide la maman dans son travail, Marie est modiste et Berthe est couturière à la maison. En 1911 Germaine a 13 ans, elle est en Alsace chez des cousins pour apprendre l’allemand et Émile, qui en a 14, est au petit séminaire à Luxeuil. Car la famille est très pratiquante et fréquente le cercle catholique ; les deux petites dernières, Jeanne et Reine, feront une partie de leurs études dans une école privée de jeunes filles, à Athesans en Haute-Saône. En plus de son travail, Berthe est chargée de la correspondance, elle écrit à ceux qui sont loin, envoie les commandes aux magasins de vente par correspondance… Elle a la plume facile et s’exprime bien, nul doute qu’elle aurait pu devenir institutrice comme sa petite sœur Reine le sera un jour. Berthe est pieuse, mais avec une grande sincérité, et on ne trouvera pas dans ses lettres la moindre méchanceté, la plus petite critique à l’encontre d’un absent, même à mots couverts. Les lettres qu’elle adresse à Émile témoignent de sa bonté, de son amour pour son petit frère et pour le reste de la famille. En voici un échantillon.
14 janvier 1913, Berthe à Émile :
« …Nous ne t’oublions pas dans nos prières et ne te réservons pas un grain de chapelet mais le chapelet entier. Aie confiance en Dieu, cher Émile, il t’aidera dans tes études et avec l’aide de Dieu tu seras sûr d’arriver. Prie donc, nous de notre côté en ferons de même et je pense que nous arriverons à un bon résultat. Quant à l’huile de foie de morue que tu nous as demandée…
… Écris nous bientôt comment va ta santé et surtout si ces maux de tête ne sont point passés. Jeanne t’attend avec impatience pour que tu puisses lui faire réciter son catéchisme. Reçois de toute la famille des millions de baisers, quant à moi, plus prodigue, je ne t’en envoie qu’un seul mais celui là est le meilleur de mon cœur.
Berthe »
Sa correspondance, comme celle des autres membres de la famille : Émile, Marie, Gustave, Germaine… est une sorte de chronique authentique de la vie d’une famille et même du village de Rougemont. À une époque où le téléphone est quasi inexistant, on raconte sa vie – et la vie des autres – dans une lettre : banalités ou confidences, reproches ou encouragements, opinions et craintes…
Le samedi 14 mars 1914 à 13 h, Berthe écrit encore à Émile.
« Cher Émile, Il faut pourtant me décider à t’écrire sans cela tu pourrais nous croire morts. Il n’en est rien, heureusement. Quant à être malade… s’il y avait eu quelqu’un de gravement malade, c’est justement que nous t’aurions déjà écrit. Maria a été un peu souffrante, elle va bien pour le moment si ce n’était cette toux. Elle est assez enrhumée, espérons que
ce ne sera rien… »
Ce sera sa dernière lettre. Onze jours plus tard, le 25 mars, Berthe mourait d’une…
(La suite dans : Deux courtes destinées, par Roland Guillaume, page 29)
Giromagny et les camoufleurs : un rendez-vous manqué
L’Histoire est si diverse et variée que son étude et son enseignement se sont peu à peu enrichis de nouvelles thématiques, parmi lesquelles l’histoire culturelle et religieuse, économique, militaire, politique, sociale… Ce qui s’est produit – ou plus exactement, ne s’est pas produit – à Giromagny au début de l’année 1917 a eu lieu au confluent des histoires économique et militaire. Ces histoires, et la petite histoire venue nourrir la grande, concernent un rendez-vous manqué entre des hommes et un lieu, à savoir une équipe de camoufleurs et les locaux de l’usine Ernest Boigeol.
Et étrangement, comme nous le verrons, des archives militaires permettent ici d’en savoir plus sur l’histoire économique de Giromagny que sur un fait de guerre…
Revenons tout d’abord aux sources de cette affaire. La spécialiste du camouflage durant la Première Guerre mondiale, Cécile Coutin, a donné de cette pratique, cette définition : « Le camouflage est une technique de dissimulation et de protection qui a été utilisée très tôt par l’homme. Ce n’est pas une arme qui tue, c’est une arme qui trompe ». En outre, cette
« arme qui trompe » est aussi un art, qui se développe dans les mois qui suivent le début du conflit, grâce à ceux qui sont le plus à même d’y apporter leur technique et leur savoir-faire : des décorateurs et techniciens du théâtre (tels Renain et Mouveau, décorateurs à l’Opéra), des sculpteurs (dont Landowski et Bouchard) et des artistes-peintres et illustrateurs (Forain, Guirand de Scevola, Dunoyer de Segonzac, Camoin, Pinchon…). Mettant à profit l’aide inestimable que peuvent fournir ces hommes, le ministre de la Guerre décide de constituer une première équipe de camoufleurs le 12 février 1915, « pour organiser sur le terrain des masques pour dérober les travailleurs aux vues aériennes et maquiller le matériel qui pourrait être repéré par l’ennemi ». Ces pionniers rassemblent les maréchaux des logis Guirand de Scevola (qui en prend le commandement), Roncin, Corbin, et les soldats Royer, Pinchon, Mouveau, auxquels se joindra « un certain nombre de peintres, décorateurs non mobilisés » ; l’équipe est mise en subsistance au 13e régiment d’artillerie de campagne, à Vincennes, et travaillera au magasin de décors de l’Opéra. L’aventure des camoufleurs est lancée.
Un atelier de camouflage à proximité de Belfort
Le 14 août 1915, le général Joffre donne un cadre au fonctionnement de la pratique du camouflage, à présent répartie entre un atelier de préparation situé à Paris, et trois ateliers secondaires, avec une équipe à Amiens (pour le Groupe d’Armées du Nord), une à Châlons-sur-Marne (Groupe d’Armées du Centre), et une à Nancy (Groupe d’Armées de l’Est). Fin 1916 et début 1917, c’est le Territoire de Belfort qui est mis en lumière par une série de décisions. Le 15 décembre 1916, le général Franchet d’Esperey, commandant le Groupe d’Armées de l’Est, a décidé d’ouvrir un atelier de camouflage à proximité de Belfort ; pourtant, le 30 janvier 1917, le général Debeney, à la tête de la VIIe Armée, informe le général Foch (qui a été placé à la tête d’un groupement des VIIe et VIIIe Armées le 19 janvier 1917) que « jusqu’ici, aucune solution n’a été donnée à cette décision, » et ajoute :« J’ai fait procéder, dans ce but, à des reconnaissances dans la région de Giromagny : l’usine de Monsieur Ernest Boigeol, située à la sortie Nord de Giromagny sur la route de Lepuix, convient parfaitement à l’installation de cet atelier. Tous les locaux nécessaires sont utilisables sans qu’il y ait à procéder à des aménagements spéciaux. » Enfin, le général Debeney demande l’envoi dans les meilleurs délais « d’une équipe spéciale de camoufleurs dont le chef recevra, à son passage à l’état-major de la VIIe Armée, toutes les indications utiles ».
Dans la foulée, voire dans la précipitation, le Grand Quartier Général, à Beauvais, est saisi par le Groupe d’Armées de l’Est de la demande d’ouverture d’un atelier annexe, à Giromagny, de la section de camouflage de Nancy, et ce dès le 2 février. Cette démarche est rapidement balayée : le 19 courant, le général Nivelle, commandant en chef, adresse au général Foch un rapport daté du 8 février, qui met un terme à la demande précitée, et précise que « l’installation d’un atelier à Giromagny présente de grosses difficultés, tant au point de vue exiguïté des locaux qu’au point de vue ravitaillement.[…] Des recherches ont été effectuées dans le même secteur, et le Centre de Montreux-Vieux présente toutes les qualités requises pour l’installation d’un atelier de camouflage ».
Des locaux qui ne répondent pas aux besoins
Ce rapport du 8 février 1917, qui marque le rendez-vous manqué entre Giromagny et les camoufleurs, adressé par le chef d’équipe du Groupe d’Armées de l’Est au capitaine Guirand de Scevola, commandant la section de camouflage, en voici le contenu : « J’ai l’honneur de vous rendre compte que je me suis rendu le 5 février à Giromagny pour examiner le local qui nous avait été indiqué par l’État-Major de Mirecourt comme pouvant servir à l’installation d’un atelier de camouflage destiné au 34e C.A. Le local en question est constitué par la partie disponible des ateliers de l’usine de tissage Ernest Boigeol. La dite usine qui avait été …
(La suite dans : Giromagny et les camoufleurs : un rendez-vous manqué, par Éric Mansuy, page 32)
Le dessous des cartes
Poursuivons notre « lecture d’images » de la Grande guerre avec deux nouveaux thèmes. L’un nous parle d’un médecin militaire et d’un chien, l’autre d’une opération avortée de début de conflit.
L’Homme et le chien
Médecin auxiliaire de la 10e D.C. Just Mériadec Lucas-Championnière, photographié au centre de Rougemont-le-Château, est alors médecin auxiliaire à l’ambulance de la 10e Division de cavalerie, arrivée au village le 11 décembre 1914.
C’est par trains entiers, jusqu’à vingt par jour (Rougemont est desservie par le « Tram » depuis 1913), que cette division se répand dans le chef-lieu de canton et les villages adjacents, pour « souffler » un peu. Car elle a déjà durement combattu : bataille de Sarrebourg, bataille de la Marne avec les terribles combats de Château-Thierry, première bataille de Picardie,
première bataille d’Artois puis des Flandres et première bataille d’Ypres…
Pourtant, cette zone de l’arrière que représentent Rougemont et ses environs n’est pas vraiment une sinécure pour la 10e D.C. Chaque jour, des opérations délicates sont menées sur Cernay, Burnhaupt, Aspach-le-Bas, avec aussi des pertes en hommes. C’est également la division qui creuse les tranchées du côté de Guewenheim et du Pont d’Aspach. C’est elle aussi qui établit les vastes réseaux de barbelés, sur trois niveaux, qui, partant du nord-est de Rougemont, vont s’étendre sur Leval, Romagny, Felon, Les Errues, Bethonvilliers.
De Rougemont à la Roumanie
Le Docteur Lucas-Championnière est né le 15 septembre 1886 à Saint-Léonard dans l’Oise. Son père, prénommé Just lui aussi, est un des plus prestigieux chirurgiens français, membre de l’Institut et de l’Académie de médecine.
Le médecin auxiliaire quitte Rougemont en juin 1915 pour une ambulance aux Islettes (Argonne). Puis il se distingue « en opérant pendant 8 mois dans un poste chirurgical avancé pris sous le feu de l’ennemi » (toujours en Argonne). Il codirige ensuite l’hôpital de Valedaincourt, situé au centre de la défense de Verdun et qui joue un rôle capital dans la chaîne de secours de la Place. Enfin, le major Lucas-Championnière quitte Verdun pour la Roumanie où il termine la guerre. Décoré de la Croix de guerre française avec une palme et un
e étoile de bronze, il reçoit aussi la Croix de guerre roumaine. Promu Chevalier de la Légion d’honneur en 1927, Just Mériadec Lucas-Championnière décède le 4 décembre 1933 à Hanoï où il sert en tant que médecin des troupes coloniales.
Polo, chien sanitaire
Au pied du médecin Lucas-Championnière se tient le chien sanitaire, Polo. Au début du conflit, l’armée française ne comptait que 250 chiens sanitaires. Leur formation est assurée à Fontainebleau à partir de mars 1911, quand le ministère de la guerre admet (enfin) la nécessité de créer un chenil militaire pour chiens sanitaires.
Sous le collier de Polo, on remarque un pendentif muni de la croix sanitaire. Au combat, ce pendentif appelé témoin est beaucoup plus gros. Quand le chien revient vers son maître avec ce témoin dans la gueule, cela veut dire qu’il a découvert un blessé. Il suffit alors de se faire conduire à la victime par le chien tenu en laisse.
Le chien est aussi équipé d’un harnais, la chabraque, fait de tissu blanc portant une croix (rouge) afin qu’il soit bien identifié par le brancardier ou par l’ennemi. Polo est un chien sanitaire de notoriété. Il figure sur une carte postale louant ses services sur le front d’Alsace (voir illustration) et mieux encore, il est glorifié dans un texte de la romancière Colette : «Polo, bouvier des Flandres , l’œil en or, fougueux et jeune…. » intitulé « La paix chez les bêtes » dans lequel elle consacre un chapitre aux chiens sanitaires et met en scène Polo et Nelly, autre chien sanitaire célèbre qui était, elle, une berger allemand déjà âgée.
Pour terminer cette lecture d’image, on remarquera derrière le médecin et son chien, une guérite avec une sentinelle. Il s’agit de la garde du poste de police de la 10e Division de cavalerie, établie dès son arrivée à Rougemont-le-Château dans la grande maison Gully. Ce poste de police demeurera à cet endroit pendant la durée de la guerre et quelles que soient les troupes en cantonnement au village.
Des barques pour traverser le Rhin
Dès les premiers jours d’août 1914, le général Joffre donne l’ordre de marcher sur Mulhouse puis jusqu’au Rhin. Le 8 août, la 14e Division française (dite Division des As) commandée par le général Bonneau, entre dans Mulhouse avec une facilité déconcertante. Mais le 9 août, une contre-attaque allemande repousse les troupes françaises. Cet échec conduit Joffre à limoger le général Bonneau. Le 11 août, il créé l’armée d’Alsace dont le commandement est confié au général Pau. La ligne de front est alors située au sud du territoire de Belfort, de Foussemagne à Bretagne.
De très violents combats ont lieu le 13 août au moulin de la Caille et à Montreux-Jeune, ils resteront inscrits dans l’Histoire comme « la seule offensive sérieuse contre la Place de Belfort » selon le général Thévenet. Ultime répit, les 17 et 18 août sont utilisés par le général Pau pour rassembler les forces nouvellement arrivées. C’est alors que les habitants des communes allant de Giromagny à Lachapelle-sous-Rougemont et au-delà voient, passer des barques et des…
(La suite dans : Le dessous des cartes, par François Sellier, page 35)
Émile Cuenat, instituteur, mort pour la France (1882-1916)
Au cours de la première guerre mondiale, plus de 1 300 000 militaires sont morts pour la France, parmi lesquels de nombreux instituteurs. À l’occasion du centenaire du déclenchement de ce conflit, les petits enfants d’Émile Cuenat ont sélectionné des extraits de la correspondance échangée avec son épouse ainsi qu’un témoignage de son fils
aîné Lucien Cuenat, pour évoquer cette douloureuse période.
Pierre, Célestin, Émile Cuenat est né à Reppe (canton de Fontaine) le 1er avril 1882. Fils aîné de cinq enfants dont deux « morts pour la France » d’une famille de modestes paysans, implantée dans cette commune avant même l’apparition des premiers registres paroissiaux, c’est-à-dire avant 1650.
Son prénom usuel était Émile mais dans les papiers militaires et sur le monument aux morts de Menoncourt (ainsi que dans l’église de Phaffans), c’est le premier prénom qui est mentionné. Par contre, sur le monument aux morts de Reppe, c’est bien celui d’Émile.
En novembre 1896, il entre à l’École Primaire Supérieure de Giromagny puis, en octobre 1898, à l’École Normale Supérieure de Belfort. Le 1er octobre 1901, il est nommé instituteur stagiaire à Rougemont-le-Château puis instituteur à Menoncourt, où il obtient rapidement l’estime de la population.
Il a épousé, en octobre 1904, une amie d’enfance Athalie Hartemann avec laquelle il a eu deux fils, Lucien né en 1905 et Pierre en 1910. Il a fait son service militaire au 35e régiment d’infanterie et a été mobilisé au 171e régiment d’infanterie 6e compagnie comme sous-officier (sergent fourrier, c’est-à-dire chargé de l’intendance). Lucien Cuenat a relaté de façon très précise la façon dont sa famille a réagi au tout début du conflit.
Samedi 1er août 1914. La séparation.
Nos grands-parents maternels ont demandé avec insistance que nous venions tous les trois, les rejoindre à Reppe. Angoissant débat pour nos parents : la maison de nos grands-parents, à 350 mètres de la frontière franco-allemande, ne sera-t-elle pas « prise entre deux feux » dès les premières minutes de la guerre qui vient ? Il est vrai que Menoncourt, à six kilomètres, ne serait guère moins exposé. D’ailleurs, peut-on prévoir ? Et puis, mieux vaut se grouper, et eux avec leur bétail, leur basse-cour ne peuvent quitter leur maison…
Donc, le samedi 1er août, en fin de matinée, notre père nous accompagne jusqu’à la sortie de Menoncourt, en direction de Reppe. La séparation… Il sera à Belfort, quelques heures plus tard. Nous lui écrirons, de Reppe, une première lettre.
Le dimanche 2 août, vers 12 heures 30, un détachement allemand à cheval franchit la frontière ; notre grand-père qui l’a aperçu, court prévenir les douaniers postés un peu plus bas. Le détachement passe devant la maison. Maman nous a éloignés des fenêtres. Quelques coups de feu. Les Allemands « repoussés » par les douaniers, s’en vont par une autre route.
Mais une arrivée en force paraît imminente. Aussi, abandonnant tout, partons nous (tous les cinq) pour Fontaine (à deux kilomètres) où nous serons accueillis dans la famille Rossé. Nous y resterons quelques jours. Incertitude. Inquiétudes. Hésitations. Troisième « cantonnement » dans la famille Frossard. Épisodes de ce séjour : une visite très rapide de notre père dont la compagnie manœuvre à quelques kilomètres ; l’arrestation par les gendarmes, d’un étranger suspect ; la lecture quotidienne des communiqués officiels affichés à la porte de la mairie.
Et puis, avant la rentrée scolaire, le retour à Menoncourt. Nous ne sommes pas dans la zone des vraies batailles. Notre père non plus, pour quelques mois. Nous sommes allés le voir à Montreux-Vieux, où sa compagnie resta quelques jours. Nous le verrons ensuite, parfois à Belfort, parfois à Menoncourt. Rencontres toujours très courtes. Mélange de joie et d’anxiété, avec l’obligation de se séparer à nouveau. Sa dernière visite à Menoncourt, avant son départ de Belfort pour le front de Lorraine : le dimanche 31 janvier 1915.
Sur le front
Durant les premiers mois de guerre, dans les lettres qu’il adresse chaque jour, à sa femme, Émile Cuenat ne mentionne guère les dangers encourus. Mais, le 25 mai 1915, il est cité à l’Ordre du régiment pour avoir accompli son service sous le feu de l’ennemi et pansé son lieutenant blessé. Dans sa lettre du 27 mai 1915, il en relate les circonstances :
« … Voilà donc le fourrier de la 6e compagnie refaisant à quatre pattes, de trou en trou, le chemin où il était facile aux boches de tirer. Ils étaient à moins de 200 mètres à gauche de moi et ils me voyaient quand ils levaient…
(La suite dans : Émile Cuenat, instituteur, mort pour la France (1882-1916) , par Jean-Claude Cuenat, page 38)
1915 : Pégoud une destinée hors norme
Comment parcourir l’année 1915 sans évoquer la vie exceptionnelle et la destinée tragique de Pégoud ?
Le 31 août 1915, à l’issue d’un duel avec un avion ennemi, le sous-lieutenant Célestin Adolphe Pégoud trouve une fin dramatique à Petit-Croix et entre ainsi dans l’Histoire. Mais qui est-il ?
Pégoud trouve sa voie : il sera pilote d’avion
Cadet d’une fratrie de 4 enfants (dont l’un n’a toutefois pas survécu), il naît le 13 juin 1889 à Montferrat, commune de l’Isère à 15 km au nord de Voiron, dans le foyer d’Etienne, âgé de 46 ans, propriétaire agriculteur, et de Edant Marie 39 ans, ménagère.
Pour échapper au travail de la terre et se forger un autre avenir, Célestin Adolphe ne résiste pas à l’attrait de Paris où il fait la connaissance d’un couple (M. et Mme Albert Crémot) auprès duquel il trouve plus qu’un refuge, un deuxième foyer. Dès que son âge le lui permet, il embrasse la carrière militaire en s’engageant dans la cavalerie. Algérie, Maroc, Gray en Haute-Saône (12e régiment de Hussards) jalonnent son parcours. Un évènement survenu en 1911 décide de sa vocation : à l’occasion d’un baptême de l’air, sa décision est prise, il sera pilote. Doté de son brevet de pilote civil, il continue à parfaire ses connaissances en matière de pilotage à Buc (département actuel des Yvelines) auprès du célèbre Louis Blériot. Là, pilote d’essai d’une grande témérité, il fait montre déjà de dispositions exceptionnelles, mais en même temps il s’attache à améliorer par tous les moyens, la sécurité des pilotes. C’est dans cet esprit qu’il fait la démonstration le 19 août 1913, à Châteaufort (Yvelines) de l’utilité du parachute. Après avoir sauté de son « Blériot », il remarque que celui-ci, avant de s’écraser, exécute sous les yeux d’une foule stupéfaite, différentes figures.
Fort de ce constat, l’audacieux Pégoud n’aura de cesse de développer et faire connaître l’acrobatie aérienne dont il est ainsi à l’origine (dès le 2 septembre : vol renversé, tête en bas ; le 21, le premier looping…).
Ses exploits valent à cette nouvelle idole des foules, une renommée et une gloire en France comme dans l’Europe entière : l’aviation naissante suscite la fascination, l’admiration des foules. Ce dont il profite en excellent « communicant » qu’il se révèle, multipliant les déclarations à la presse, les conférences, la signature d’autographes et les démonstrations à l’étranger (Angleterre, Allemagne, Hongrie, Roumanie, PaysBas…). Pégoud, une star dirait-on maintenant !…
À la déclaration de guerre, Pégoud rejoint l’aviation
Après un dernier meeting à Buc le 5 juillet 1914 et alors qu’il s’apprête à quitter la France pour rejoindre les Etats-Unis, la déclaration de guerre du 3 août le contraint à abandonner tout désir de voyage et l’amène à rejoindre les rangs des combattants en s’engageant comme volontaire réserviste. Naturellement, il trouve sa
place dans cette arme nouvelle qu’est l’aviation ; si ses missions premières consistent à observer, photographier, espionner les lignes ennemies, régler les tirs d’artillerie, elles prendront bien vite pour répondre aux nécessités de la guerre, d’autres formes comme la « chasse » aux avions ennemis et les opérations de bombardement.
Aux commandes de son monoplan « Blériot » ou de son « Morane », Pégoud se fait vite remarquer par son audace et ses talents indéniables, que ce soit pour des missions d’observation, de bombardements à l’aide de fléchettes, ou de chasse des avions ennemis (Verdun, escadrilles MF 7, MF 25)
Ndr : MF : initiales des avions qui équipent l’escadrille, à savoir Maurice Farman.
Ses succès favorisent ses promotions : nommé sergent, puis adjudant début 1915, il a déjà fait l’objet d’une première citation à l’ordre de l’Armée en octobre 1914, et reçoit la Médaille militaire en février 1915. Après une courte affectation à l’escadrille MS 37 (Morane Saulnier), Pégoud arrive à Fontaine via Lure, fin avril 1915 avec l’escadrille MS 49 nouvellement constituée.
Sous l’autorité du capitaine Zarapoff, cette unité compte en son sein, deux pilotes dont la presse relaiera les exploits ou les mésaventures… Il s’agit de l’adjudant Pégoud et du sergent Gilbert. Ce dernier se signale en effet par ses déconvenues avec les autorités suisses, suivies avec compassion par l’opinion publique. Déjà titulaire de plusieurs victoires (5 au 7 juin 1915), excellent pilote, le sergent Gilbert effectue également des missions de bombardement. Le 27 juin, c’est au retour de l’une d’elles – les usines Zeppelin à Friedrichshafen – que, contraint par une panne à atterrir en Suisse dans la région de Rheinfelden, il est fait prisonnier par les autorités suisses.
Mais l’inaction lui pèse ; il s’évade alors, rejoint la France, mais il doit retourner en captivité ainsi que le rapporte le journal L’Alsace du 30 août 1915 : Paris, 29 août – Par ordre du Gouvernement, Gilbert regagne la Suisse ce soir. Hier à 10 heures, le sous-lieutenant aviateur Gilbert reçut l’ordre de quitter Paris le soir à 21 heures. Le matin, le Conseil des ministres avait délibéré sur la note envoyée par le Gouvernement suisse relativement à l’évasion de l’officier français et on avait décidé de le renvoyer à Genève, le soir même (…) La décision du Gouvernement français, on le sait, a été prise parce que le Gouvernement suisse se plaint d’avoir reçu trop tard la lettre de Gilbert par laquelle l’aviateur reprenait sa parole.
En effet, le Français avait donné sa parole qu’il ne s’évaderait pas.
À son nouveau poste, Pégoud déploie une activité inlassable : vols de reconnaissance aux commandes d’un nouvel appareil biplan Nieuport, photographies, patrouilles, missions de chasse lorsqu’un avion ennemi est signalé… C’est au cours d’un tel vol qu’il abat un Aviatik le 11 juillet dans la région d’Altkirch, peaufinant sa stratégie d’attaque. Une promotion à sous-lieutenant (de cavalerie) et une 3e citation à l’ordre de l’Armée, récompensent Pégoud dont l’audace, l’habileté, les coups d’éclat concourent à sa renommée auprès des troupes alliées…et des belligérants. Mais ses succès comme cette supériorité démontrée dans les airs, ne sont-ils pas de nature à lui faire croire que rien ne peut lui arriver ?.. alors même que les Allemands disposent d’avions de plus en plus efficaces.
Le 31 août 1915 : la fin tragique de Pégoud
Le 28 août, Pégoud échappe de peu à la catastrophe : un Aviatik le mitraille et perce le réservoir de son avion…. Un signe du destin. Le mardi 31 août, Pégoud décolle pour se porter à la rencontre d’un Taube allemand venant sur Belfort. A 26 ans, aux commandes de son Nieuport XI monoplace n° 210, équipé d’une mitrailleuse Hotchkiss, il prend l’air pour la dernière fois.
Pour son édition du mercredi 1er septembre 1915, le journal La Frontière avait préparé un article traitant de la disparition tragique de Pégoud ; le texte sera censuré dans sa quasi-totalité :
…
(La suite dans : 1915 : Pégoud une destinée hors norme, par Maurice Helle, page 43)
Les charbonniers du Rosemont
Dans nos anciens registres paroissiaux, actes notariés, il n’est pas rare de relever : Untel « domicilié dans la forêt de tel village». Ces personnes ne s’apparentaient nullement au monde des exclus mais bien à la grande famille des charbonniers. Avec femmes et enfants, ils séjournaient dans des huttes sobrement aménagées au cœur de nos forêts. Autour de ces habitats, les piles de bois alignées par les « coupeurs de bois » étaient autant de clôtures providentielles ; ce peuple étrange cohabitant avec le loup, le renard et toute autre bête maléfique ne pouvait s’attirer que la défiance de la communauté des croyants. Ne disait-on pas « la foi du charbonnier » et plus encore « charbonnier est maître chez soi » ; cette phrase à l’éclat célèbre aurait été adressée au roi de France, François 1er, par un maître charbonnier.
Itinérants, en général
Jean de la Lune charbonnier dans les bois de Banvillars-Brevillers faisait baptiser ses enfants à l’église paroissiale et savait aussi que les maîtres de forges locaux avaient besoin de son charbon dans une entreprise de plus en plus dévoreuse de produits manufacturés. Gare à celui qui ne respectait pas le contrat passé avec M. Priegler directeur des forges de Belfort ! En 1708, Louis Voisinet d’Evette, mis en justice, paiera 96 livres aux forges « pour n’avoir pas voituré les 30 bennes de charbon attendues ».
Vivant en autarcie, d’humeur indépendante, les charbonniers étaient en général « itinérants » mais pouvaient parfois se sédentariser dans certaines forêts sur plusieurs générations. Comme dans d’autres corporations, ils étaient en droit d’accéder à la bourgeoisie, pouvaient enfin à titre exceptionnel, détenir certains droits sous la forme de franchises accordées ;
c’était le cas des Roy, charbonniers dans la forêt de Châtenois aux XVIe-XVIIe siècles. En 1699, Paul Grosjean, meunier de Châtenois poursuivait en justice Antoine Roy et consorts, charbonniers dans le même lieu ; il avait au préalable surpris les Roy au moulin de Botans et fait saisir grains et farine en leur possession. Face aux juges, le meunier rappelle que son
moulin est « banal » et que tout sujet de Châtenois a obligation de moudre au moulin de Châtenois. A. Roy n’est pas du tout de cet avis : « depuis plus de 40 ans que sa famille évolue dans les bois de Châtenois, c’est la première fois qu’elle est ainsi inquiétée, n’étant affiliée à aucune communauté, elle a la faculté de résider où bon lui semble ; enfin la famille est en possession de franchise à cet effet ».
Les charbonniers du Rosemont condamnés
Les vastes forêts de Mgr le duc de la Meilleray constituaient une mine intarissable pour…
(La suite dans : Les charbonniers du Rosemont, par Jacques Marsot, page 53)
Les débuts difficiles et controversés d’une fabrique de produits chimiques
à Chaux au début du XIXe siècle
L’essor de l’industrie chimique en France est récent, il date de la fin du XVIIIe siècle et du début du XIXe siècle. Jusqu’alors, l’acide se fabriquait avec un savoir-faire savant longtemps dévolu aux pharmaciens, et en petites quantités. La croissance de l’industrie textile, qui est à la base de la révolution industrielle, a entraîné le développement de l’industrie chimique ; celle-ci est vraiment liée techniquement et géographiquement aux industries textiles. Le défi était de taille pour cette industrie naissante, il fallait apprendre à fabriquer en grande quantité des substances nécessaires au traitement des tissus : agents de blanchiment, colorants, mordants… Il fallait assurer la substitution de produits artificiels aux produits naturels dans ces différentes opérations.
Passer du stade du laboratoire à la fabrication industrielle est souvent compliqué, surtout à cette époque où les détails des réactions chimiques n’étaient pas toujours compris. Au début du XIXe siècle, on a vraiment affaire à une industrie encore empirique, avec des dérives sanitaires et environnementales ; on ne parle pas d’industrie polluante mais d’industrie «insalubre ».
Pourquoi cette fabrique à Bellevue ?
L’histoire commence à Thann. Le 1er septembre 1808, Philippe-Charles Kestner signe avec un pharmacien de la ville, Joseph Willien, un acte d’association pour la fabrication de produits chimiques. Voilà l’origine du site chimique de Thann et Vieux-Thann, qui est aujourd’hui le plus ancien de France encore en activité. Sa création, en 1808, répondait aux besoins
en produits chimiques des industriels de l’impression sur tissus, industriels mulhousiens bien sûr, mais aussi ceux de l’ensemble du Haut-Rhin et de la Suisse. « Le foyer industriel mulhousien n’a pas été seulement un pôle de l’industrie textile, mais aussi un pôle européen de l’industrie chimique. Thann a abrité une des grandes entreprises chimiques de la première moitié du XIXe siècle ». Entreprise qui a longtemps joué un rôle pilote dans sa branche d’activité. C’est Édouard Kestner, le frère de Philippe-Charles, qui décide l’installation d’une deuxième fabrique à Chaux, plus exactement à Bellevue en 1818, en raison de la proximité des forêts du Rosemont, nous y reviendrons. L’industrie française, qui est en retard par rapport à l’Angleterre dans le textile, la métallurgie et la construction mécanique, fait figure de chef de file en Europe pour l’industrie chimique ; le bassin de la Haute Savoureuse, malgré un certain enclavement, participe au développement.
La famille Kestner
Avant de poursuivre et de relater l’installation difficile à Bellevue, comme l’industrie chimique ne fait rêver personne (et cette remarque est un doux euphémisme) je vais revenir sur la
famille des fondateurs et me permettre une petite rubrique « people ». Philippe-Charles Kestner est né en 1776 à Hanovre, son frère Edouard est né en 1784 dans la même ville. Ils sont les fils de Johann Christian Kestner (1741-1800) conservateur aux archives du duché de Hanovre et conseiller de cour, et de Charlotte Buff (1753-1828). Celle-ci n’est autre que la jeune femme qui a inspiré à Johann Wolfgang Goethe l’amour impossible qu’il a immortalisé dans Les souffrances du jeune Werther. Goethe, fils d’un riche bourgeois, avait une formation de juriste. Johann Christian Kestner parle de l’arrivée « d’un certain Goethe de Francfort »en 1772 à Wetzlar, Goethe est encore peu connu comme écrivain. Cette ville moyenâgeuse que Kestner décrit en 1767 comme « un trou aux ruelles étroites et montueuses encombrées d’immondices », était le siège de la Reichskammergericht, la Cour de Justice impériale, à ce titre elle intéressait Goethe. Mais c’est en profitant de la vie mondaine de Wetzlar que Goethe fit la connaissance de Charlotte Buff.
Il en tomba éperdument amoureux. Las, la belle était fiancée depuis l’âge de quinze ans à Johann Christian Kestner. Les relations entre les trois jeunes gens étaient amicales, mais la situation ne pouvait durer et Charlotte dut faire comprendre à Goethe qu’il n’avait pas le droit d’espérer. Dépité, Goethe quitta Wetzlar le 11 septembre 1772 au matin, sans avoir pris congé. En 1774, Goethe écrira Werther, « une créature que, comme le pélican, j’ai nourrie du sang de mon propre cœur ». Ce roman épistolaire, précurseur du romantisme, est considéré comme un classique de la littérature mondiale. Plus prosaïquement, Charlotte épousa Kestner en 1773, vécut à Hanovre, eut huit fils et quatre filles. Pivot d’une famille dispersée, elle n’hésita pas à faire à plusieurs reprises un voyage de dix jours entre Hanovre et Thann, pour rendre visite à ses fils Philippe-Charles et Édouard associés pour les fabriques de Thann et de Bellevue. On ignore si elle est venue à Chaux.
L’installation à Bellevue
Pour comprendre la tension, l’agressivité qui va apparaître juste après la demande des frères Kestner pour installer une fabrique de produits chimiques dans le bassin de la Haute Savoureuse, il n’est pas inutile de revenir sur les difficultés de la France et bien sûr du Pays sous-vosgien en 1818. Après Waterloo, après la signature du deuxième traité de Paris le 20 novembre 1815, des contraintes redoutables sont imposées à la France. « Nous avons conquis la France, dit brutalement Canning à Madame de Staël, la France est notre conquête, et nous voulons l’épuiser tellement qu’elle ne bouge plus de dix ans ».
Le Pays sous-vosgien, comme l’ensemble du Nord-est de la France, après des années de guerre, deux invasions, doit faire face à l’occupation des Alliés. Ces Alliés-là ne sont pas des libérateurs : Anglais, Russes, Autrichiens, Prussiens se partagent la région en zones d’occupation. L’Alsace doit « héberger » 40 000 soldats autrichiens, sous le commandement
du général baron de Frimont, un aristocrate lorrain qui avait émigré en Autriche, l’état-major étant installé à Colmar. Pour loger et nourrir les troupes et leurs chevaux, la population locale doit supporter de lourdes réquisitions en nature et en argent : fourrage, vivres, bois de chauffage, chevaux, voitures… L’occupant demandait des hommes pour construire ou pour
rénover des casernements. Nous avons un exemple de caserne autrichienne construite à Rougemont-leChâteau et d’après Pierre-François-Férréol Zeller, maire de Giromagny de 1813 à 1816, un camp autrichien était « stationné en la Noye ». Aux excès des soldats s’est ajoutée la crise de 1816-1817 due à une récolte catastrophique. L’occupation, appelée «occupation de garantie » dans le second traité de Paris, prend fin le 30 novembre 1818, ce sont les classes populaires et les habitants des campagnes qui en ont le plus souffert. Les maires ont souvent rencontré de grandes difficultés pour gérer les rapports entre civils français et militaires étrangers. Jean-André Sers, préfet du Haut-Rhin, écrira à son départ en 1820 :
« la situation de ce département en 1820 était bien malheureuse, à l’issue de deux invasions et de l’occupation par le corps du général Frimont ; mais la misère s’oublie vite ». Oui, peut-être…
La fabrique de Thann traverse difficilement cette période troublée. Les frères Kestner n’ont pas une formation de chimistes, ce sont des hommes d’affaires. Philippe-Charles quitte son poste de commis de la banque strasbourgeoise Mennet pour s’associer à Willien à Thann en 1808. Il apporte 30 000 F dans l’affaire. Faisant preuve d’audace, il fonde même une fabrique à Marseille, fabrique qui fait faillite suite à la sévère crise de 1810-1811 née du blocus continental. L’usine de Thann est ébranlée. À la demande de Willien, la société « Kestner et Willien » est…
(La suite dans : Les débuts difficiles et controversés d’une fabrique de produits chimiques à Chaux au début du XIXe siècle, par Bernard Perrez, page 55)
La tradition musicale dans le Territoire de Belfort
Panorama de la musique amateur de l’entre-deux-guerres (1918 à 1939).
Les ensembles symphoniques, les chorales, les sociétés spécifiques (trompes et cors, mandolines, accordéons).
Rappelons que les sociétés de musique amateur ont été créées et se sont développées durant la première moitié du XIXe siècle. Depuis cette époque, la France est devenue une nation musicienne.
Toutefois, après la première guerre mondiale, on constate déjà une évolution significative du paysage musical, avec des modifications importantes et des changements dans les sociétés de musique. Même si, d’une façon générale, les sociétés musicales se sont reconstituées assez rapidement et ont repris leurs activités (concerts, commémorations patriotiques, fêtes et festivals), plusieurs ensembles ayant eu une activité régulière avant le conflit ont complétement disparu.
Bien sûr, cette évolution est liée aux drames humains de la guerre, mais également à l’évolution des modes (développement des activités sportives, cinéma), alors on chante moins, on joue moins de la trompe et de la mandoline ; par contre un nouvel instrument apparaît dans les groupes musicaux d’ensemble : l’accordéon.
Avant la première guerre, les concours et festivals de musique étaient organisés dans toute la France, le développement du ferroviaire ayant aidé à l’organisation des déplacements. Après la guerre, deux tendances pour les sociétés du Territoire : elles fréquentent plus rarement les concours de musique, et elles ne participent qu’aux festivals locaux ou régionaux.
Les revues La Vôge n° 39 et 40 ont décrit la vie musicale jusqu’en 1914 dans le Territoire de Belfort, et le n° 41 de 2013 a détaillé l’activité des harmonies et fanfares de 1918 à 1939. Le présent article poursuit la description du panorama musical, pour la période dite de l’entre-deux-guerres, avec les ensembles symphoniques, les sociétés chorales, les ensembles de
trompes et cors, mandolines et accordéons.
Les sociétés décrites ci-après sont celles qui ont déposé leurs statuts, qui ont participé aux festivals de musique, et celles dont la presse a publié des comptes rendus de leurs activités. Il est bien certain que d’autres ensembles ont existé, notamment les chorales liées aux paroisses.
Les ensembles symphoniques
Les grands orchestres symphoniques sont constitués d’instruments à cordes, complétés par la famille dite des bois, les cuivres et les percussions. Ils comptent souvent plus de 50 musiciens. C’est le cas de la Société Philharmonique Belfortaineet de l’Orchestre Symphonique de la SACM.
Les autres ensembles connus ont une taille plus modeste (moins de 10 musiciens) et sont composés essentiellement d’instruments à cordes.
Beaucourt
À Beaucourt, les deux orchestres symphoniques ont eu une existence éphémère (moins de 3 ans). Ce sont des orchestres à effectif réduit. Activités : concerts et participation lors d’évènements sportifs dans la localité.
Un orchestre symphonique est créé en 1925. Pas de statuts connus. 6 musiciens en 1927. Chef : Alphonse Bietry (ancien chef de musique militaire et chef de la Musique de Beaucourt).
Un orchestre à cordes Estudiantina est créé, avec statuts, en 1930. Chefs : Ernest Juncker, Édouard Monin (également chef de la chorale de Montbouton).
Belfort
La Société Philharmonique Belfortaine existe dès 1840 avec statuts. Elle réapparaît dès 1919 et a une activité jusqu’en 1928, date à laquelle elle disparaît (désaccord avec la municipalité concernant les subventions). Chefs après 1919: Camille Thiault, Jules Cabrol, Paul Saigne, Lucien Chevaillier. À partir de 1879, ses concerts sont appelés « concerts d’abonnement » (128e concert d’abonnement dès 1919, et 172e en 1928).
La Société Philharmonique a toujours eu l’habitude d’inviter des personnalités musicales pour ses concerts :
- avant 1914 : Franz Liszt, Pablo Casals, Camille Saint Saëns, Jacques Thibaud, Alfred Cortot, Georges Enesco, André Messager,
- après 1919 : Alfred Cortot, Georges Enesco, Jacques Thibaud, Maurice Ravel en 1925 et Darius Milhaud en 1926.
L’Orchestre Symphonique de la SACM dépose ses statuts en 1921. Il deviendra l’Orchestre Symphonique de la société Alsthom en 1928, lors de la création d’Alsthom. 55 musiciens en 1929. Chefs : Jules Cabrol, Jean Selb, Paul Wiedemann. L’orchestre existe en 1939.
L’origine de cet ensemble est l’Orchestre Symphonique des Travailleurs Militaires de la SACM, créé durant le conflit mondial, en 1915, dans le but de donner des concerts de bienfaisance. Ses musiciens étaient les ouvriers produisant l’armement de guerre dans les ateliers de la SACM.
En 1926, l’Académie de Musique de Belfort est créée. Elle a une activité connue durant 2 ans. Chef : Jean Murat.
L’Orchestre symphonique de l’École de musique de Belfort est créé, avec dépôt de statuts, en 1936. Directeur : André Collard. Cet orchestre a invité l’Orchestre des Concerts Colonneen 1939 dont le chef est Paul Paray.
En 1937, annonce de la création de l’Union Artistique Belfortaine, pour grouper dans un même ensemble le théâtre, la musique et la danse. Chef : Paul Wiedermann (également chef de l’Orchestre symphonique de la SACM). Pas d’activité connue.
Les orchestres symphoniques militaires (28e brigade – 14e division) ont participé à des soirées artistiques musicales de bienfaisance en 1919. Chefs : Robert Guilber, René Bergeon et Capedebosq.
Giromagny
L’orchestre à cordes Estudiantina (nouvelle société à cordes) créé à Giromagny en 1930 a une activité connue jusqu’en 1931 (concerts). Chef : Redersdorff. Pas de statuts connus.
Les sociétés chorales
Beaucourt
La chorale de Beaucourt (créée en 1886) se reconstitue en 1919 et a une activité jusqu’en 1939. Participe aux festivals de Luxeuil (1927) et Belfort (1929). 39 exécutants en 1929. Chefs: Émile Mettetal, Léon Devin.
La chorale chrétienne de Beaucourt, appelée également chœur mixte de Beaucourt,est créée en 1921 (statuts de 1922). Cette chorale mixte a une activité connue jusqu’en 1934. Chefs : Julien Andrade, madame Andrade, Alazard et Ernest Juncker.
Rappel : une chorale de l’église catholique existe en 1897, et une société Sainte-Cécile avec siège à la cure est créée en 1914.
Une chorale, appelée Chœur mixte protestant de Beaucourt apparaît en 1933. Pas de chefs ni de statuts connus.
Belfort
Créée en 1888, la Concordia, chorale de la société SACM puis Alsthom, était avant la première guerre, une chorale d’hommes. Elle reprend ses activités dès 1919 et devient une chorale mixte. Elle participe au concours de chant de Mulhouse (1922) et aux festivals de Gray (1921), Besançon (1922 et 1926), et Belfort (1929). 56 choristes en 1926. Chefs après 1918 : André Wiss, Maillard, Jean Lamielle et Joseph Groelly. Elle existe en 1939.
En 1923, la Concordia annonce…
(La suite dans : La tradition musicale dans le Territoire de Belfort, par Claude Parietti, page 67)
Drame au Ballon d’Alsace : Le crash du B-26 Marauder n° 41, le 02/12/1946
2 décembre 1946, sommet du Ballon d’Alsace, fin de la matinée. À l’intérieur de la ferme-auberge Brust, on attend que se calme la tempête de neige qui sévit sur le massif ce jour là. Ce n’est pas un phénomène inhabituel pour la région et ses habitants. Pluie, neige et vent se déchaînent. Soudain vers 11 heures 45, un bruit anormal se fait entendre… Comme une explosion assourdie à laquelle personne ne prend garde. Pourtant ce n’est pas le vent mais un avion qui vient de s’écraser à 400 mètres au sud de la ferme. La plus grande catastrophe aérienne du Ballon d’Alsace vient d’avoir lieu. Elle a causé la mort de 12 personnes en quelques secondes.
Préludes de la catastrophe
En ce froid matin de décembre, plusieurs appareils du Groupe de Transport 2/20 (que l’on dénommera par la suite GT 2/20) Bretagne stationnés à Mengen (Bade-Wurtemberg), au sud-est de l’Allemagne, doivent décoller pour la France. Le GT 2/20 est, à l’origine, un groupe de bombardement français prestigieux. Il est né d’un détachement français positionné
au Tchad avant la Seconde Guerre mondiale. Basé à Fort-Lamy, il a alors une vocation de liaison entre les postes français. Dès le ralliement de l’Afrique Équatoriale Française à la France Libre, il se joint aux nouvelles Forces Aériennes Françaises Libres. Il participe alors aux campagnes d’Afrique sous les ordres du général Leclerc. C’est une des unités qui obtiendra le statut de Compagnon de la Libération.
Il devient un groupe de bombardement moyen en 1943 et prend part à la campagne d’Italie. Transformé en 1944 sur Martin Marauder B-26, il prend la dénomination de GBM 2/20, rattaché à la 31e escadre de bombardement, elle-même dépendante du 42e Wing de l’USAAF.
Positionné en avril 1944 en Sardaigne, le Groupe effectue sa première mission sur l’Italie le 24. En août, les B-26 frappés de la croix de Lorraine s’attaquent à des objectifs dans le sud de la France. Ils participent ainsi à la préparation du débarquement en Provence. En septembre, l’unité gagne la France et s’installe en novembre à Lyon-Bron. En décembre, les équipages bombardent les objectifs allemands sur le Rhin et l’Allemagne. Ils appuient les forces terrestres jusqu’en mai 1945.
À la fin de la guerre, comme la plupart des groupes de bombardement, il a été reconverti en groupe de transport, tout en conservant, au prix de modifications mineures, ses appareils B-26 Marauder.
La mission du 2 décembre concerne un transport de personnels. Deux appareils doivent décoller pour Dijon à neuf heures, un troisième, le numéro 41 pour Paris, à la même heure. À Mengen, les conditions météorologiques sont très moyennes mais les vols restent possibles. Les départs des avions sont cependant retardés pour attendre un nouveau point météo.
Les B-26 sont des avions bimoteurs à ailes hautes d’une envergure respectable de plus de 21 mètres. Ils étaient motorisés par deux moteurs Pratt & Whitney rr-2800 développant 920 chevaux chacun. D’un poids maximal au décollage de 17 tonnes environ, ils pouvaient parcourir 1760 kilomètres. En temps de guerre, leurs équipages étaient composés de sept hommes mais en temps de paix, ce nombre était ramené à quatre. Malgré une mauvaise réputation due à un pilotage parfois délicat, ils étaient fiables et sûrs.
À 10 heures 03, le bulletin météo attendu est tombé. À Mengen, le temps est couvert et le plafond est limité à 1 500 mètres. Sur Bâle, la situation est encore moins bonne et le plafond n’excède pas 1 000 mètres. Les deux appareils en partance pour Dijon décollent. À 10 heures 20, le numéro 41 décolle à son tour pour Paris. Son équipage est expérimenté. Aux commandes de l’avion, le pilote, le sous-lieutenant René Gasperment. Né en 1917 à Sainte-Marie-aux-Mines, René Gasperment est déjà un ancien sur B-26. Sa vie est un roman. Orphelin très jeune, pupille de la nation, il a fait partie du premier contingent de pilotes français formés aux État-Unis en 1944 puis a rejoint le GB 2/20 Bretagne où il va accomplir 40 missions de guerre dont certaines ont failli mal se terminer. Il a acquis le surnom de « solide » avec près de 1300 heures de vol. Il est marié, il a un enfant de trois mois. À ses côtés, un copilote prestigieux : le commandant Jean Mahé. Pilote de renom, Compagnon de la Libération, ancien chef du Groupe Bretagne, il est théoriquement là en tant que passager mais il a pris place dans le poste de pilotage pour seconder son ancien subordonné. Nous reviendrons sur sa personnalité plus loin.
L’équipage est complété par le sous-lieutenant André Taïb, radio navigateur. Né à Constantine en 1918, engagé volontaire dans l’armée de l’air dès 1937, il a participé à la première bataille de France en 1939-1940 au sein du GB 2/22. Victime des lois raciales du régime de Vichy, il a été radié des cadres navigants en août 1941. Dès novembre 1944, il renouvelle son engagement dans l’armée de l’air et est affecté au GB 1/22 Maroc puis en 1946, lors de la dissolution de son unité, il est ré-affecté aux GT 2/20 Bretagne. Il est marié et a deux enfants. Le mécanicien de bord est le sergent-chef Ney. Originaire de Libourne où il est né en 1919, il s’est engagé en 1939, il a été breveté mécanicien de bord en avril 1940 mais n’a pas réellement participé aux combats de 1940. En 1942, il est affecté au GR 1/22. En 1944, il reprend du service au GB 1/22 Maroc et comme René Taïb, il rejoint le GT 2/20 Bretagne en 1946. Enfin, le poste de mécanicien de bord est attribué au jeune sergent René Paul Le Pironnec. Breton d’origine, il s’est engagé en décembre 1944. D’abord affecté au GBM 1/22 Maroc, il a rejoint en mai 1946 le GT 2/20. Né en 1925, il est à 21 ans, le benjamin du groupe.
Les derniers instants du 41
À 10 heures 27 et 10 heures 54, les deux appareils partis pour Dijon, ont rebroussé chemin et reviennent se poser à Mengen. Ils n’ont pu percer sur Bâle, le plafond étant encore plus bas que prévu. Obéissant aux consignes qui interdisent de voler sans visibilité, ils ont préféré renoncer. À 10 heures 50, les radios captent encore le B-26 Marauder 41. Il est en contact
avec le Bourget qui lui donne un point météo concernant la situation sur Paris : visibilité à 1 600 mètres, temps couvert, pluie. C’est le dernier lien de l’équipage avec le sol. À partir de ce moment là…
(La suite dans : Drame au Ballon d’Alsace : Le crash du B-26 Marauder n° 41, le 02/12/1946 , par Stéphane Muret, page 73)
Marthe et Clarisse vont aux brimbelles
Retrouvons pour la troisième fois Marthe et Clarisse qui nous parlent en patois….
(…)
Marthe : Je m’suis embrocnée dans les rassenotes. J’crois que
j’me suis fait un tour de reins.
Clarisse : Eh ben, vous v’là toute crobotte, j’veux vous chercher une crossotte. On veut pas manger un sac de sel ici. On n’a pu qu’à rentrer à l’hautô avant que vous tombiez faible.
Marthe : Oh oui, tant pis pour les totchès et le boclis. Si j’peux pu arquer, je s’rai bien ravancée !
Marthe : Je me suis pris les pieds dans les bruyères. Je crois que je me suis fait un lumbago.
Clarisse : Eh bien, vous voilà toute courbée, je vais vous chercher une canne. On ne va pas rester ici. On va rentrer à la maison avant que vous n’ayez un malaise.
Marthe : Oh oui, tant pis pour les gâteaux et le « boclis ». Si je ne peux plus marcher, je serai bien avancée !
(Le début et la fin de cette saprée histoire dans : Marthe et Clarisse vont aux brimbelles. Texte de Marcelle Chassignet et Bernadette Stalder, illustré par François Bernardin)
Mobilité des travailleurs de l’industrie à Anjoutey vers la fin du XIXe
L’examen dans un précédent article des livrets d’ouvriers qui ont été conservés dans les archives de la commune d’Anjoutey incite à croire que les salariés de l’industrie passaient leur temps sur les routes à chercher du travail. Le tisserand de 1890 était-il un intérimaire privé de carrière longue et courant après les petits boulots ?
Le livret d’ouvrier : rappel
Le livret d’ouvrier était une sorte de passeport imposé à l’ouvrier pendant une grande partie du XIXe siècle. Outre l’état-civil, le signalement détaillé et souvent le niveau de scolarisation de son titulaire, on y trouve un résumé de son parcours professionnel et la liste de ses employeurs successifs. On peut ainsi retracer sur une carte les déplacements qu’il a effectués pour trouver de l’ouvrage ou placer sur un calendrier les dates d’embauche et la durée des périodes de travail chez chacun de ses employeurs. On peut ainsi tenter d’évaluer le caractère de précarité de l’activité professionnelle dans l’industrie ou les services, à cette époque.
Mais les pages du livret ne contiennent pas seulement un alignement de dates et une collection de coups de tampons. En lisant entre les lignes on peut compléter et préciser l’idée que l’on se fait de la vie de son titulaire. C’est un document précieux et rare car, bien que largement utilisé, il n’a pas été archivé de façon systématique.
Les livrets d’ouvrier des archives d’Anjoutey
Ils sont au nombre de 8, ce qui est peu par rapport aux 86 livrets établis en 10 ans, de 1884 à 1893, comme nous le montre le registre tenu par la mairie. Cela tient au fait que les livrets conservés par la commune sont ceux, en partie du moins, que les titulaires ont rendu en échange d’un livret neuf. On peut s’en convaincre en lisant dans le registre à la date du 3 avril 1888 dans la colonne Pièces présentées pour Ernest MOUGIN :
« Sur la production de son livret rempli et hors d’usage délivré à Rupt le 23 8bre 1876 N° 95 » (Note : 8bre signifie octobre comme 9bre est employé pour novembre et Xbre pour décembre)
Ce livret hors d’usage qui a perdu sa couverture fait partie des huit documents archivés.
Les sept autres livrets appartenaient à :
- BEMMER Pierre né à Kirchberg (68)
- FERNEY Pierre de Rougemont (90)
- MARCONNOT Théodore de Grosmagny (90)
- MEUNIER Eugène de Mülhausen (68)
- MEUNIER Johannis de Mülhausen (68)
- ROETHINGER André de Günsbach (68)
- THIERRY Jean-Baptiste du Val d’Ajol (88)
On peut être surpris en voyant qu’aucun de ces huit travailleurs n’est né à Anjoutey. En outre, en feuilletant les pages de leurs livrets, on s’aperçoit qu’ils ont bourlingué dans toute la région, de Remiremont à Rougemont en passant par Luxeuil, de Pont d’Aspach au Val d’Ajol. Doit-on en conclure que les natifs d’Anjoutey ont tous émigré et sont tous allés faire refaire leurs livrets pleins de tampons à Fresse-sur- Moselle ou à Granges-sur-Vologne ? C’est peu probable.
Dans les listes de recensement
Deux questions viennent tout de suite à l’esprit :
- ces huit travailleurs ambulants ont-ils posé définitivement leur sac en arrivant à Anjoutey ?
- sont-ils une exception ou bien représentent-ils l’ensemble des ouvriers ?
Le balayage attentif des listes de recensement de 1872, 1876, 1881, 1886, 1891 et 1896 a permis de retrouver, encore présentes en 1891, trois seulement de ces huit personnes :
- FERNEY Pierre, tisseur, est pensionnaire chez le cultivateur Xavier FARINE
- MEUNIER Eugène, tisseur, est pensionnaire chez Louis JAEZ
- MEUNIER Jean-Baptiste, tisseur, est également pensionnaire chez Louis JAEZ
Pensionnaires et sans famille les accompagnant, cela signifie qu’ils ont leur baluchon comme seul mobilier et qu’ils sont donc libres de reprendre la route pour chercher meilleure fortune ailleurs. Il suffit qu’un soir, en mangeant une soupe à l’auberge de la mère Sauvageot, quelqu’un rapporte qu’à Rougegoutte, Hartmann cherchait du monde et voilà qu’Eugène, qui vient de se faire houspiller par son contremaître, décide de lui réclamer son compte et son livret dès la première heure du lendemain.
Lors du recensement de 1886, sur les 625 habitants d’Anjoutey, 179 personnes ont déclaré une profession industrielle (dans le tissage, bien entendu). Elles se répartissent ainsi :
- 116 ont 20 ans ou plus
- 63 ont entre 12 et 19 ans
- 5 (parmi les adultes) sont pensionnaires, les autres vivent en famille.
Il n’est pas absurde de penser qu’un père ou une mère de famille travaillant à l’usine et rapportant un salaire régulier, hésitera à charger ses meubles sur une charrette pour aller travailler vingt kilomètres plus loin. À plus forte raison si plusieurs membres de la famille sont salariés de la même entreprise, comme les WIOLAND dont, en 1886, le père (60 ans), gardien de nuit, croisait chaque matin cinq de ses sept enfants (25, 22, 21, 15 et 12 ans) se rendant à leur travail alors que lui même rentrait à la maison.
Pourtant, quelques années plus tard, toute la famille WIOLAND quitte le village pour Étueffont-Haut. Le fils aîné se marie et va vivre à Rougemont, sa sœur Appolline épouse un fils LENOT en 1890 avant de revenir vivre et travailler à Anjoutey.
Au passage, on notera que 36 % des ouvriers ont moins de vingt ans.
Mobilité des salariés
Comment a évolué l’emploi industriel dans le village au cours des cinq années suivantes ?
La liste nominative des habitants d’Anjoutey issue du dénombrement de 1891 nous donne des éléments de réponse :
- Nombre d’habitants : 641 (soient 26 en plus)
- Nombre d’ouvriers : 192, soient 30 % de la population, pourcentage stable.
- Nombre de pensionnaires : 28 (au lieu de 5 en 1886)
- Âge moyen des ouvriers : 30 ans (27 ans en 1886)
- Nombre d’ouvriers âgés de moins de 20 ans : 48 (63 en 1886)
Le pourcentage de mineurs dans les ateliers a nettement baissé, il est passé de 35 % à 25 % Des 179 tisseurs, ourdisseurs, pareurs et autres contre-maîtres recensés en 1886, combien travaillent encore à Anjoutey cinq ans plus tard, lors du recensement de 1891 ? On a vu que, des six WIOLAND il ne reste qu’Appolline, la jeune Mme LENOT. Pour les identifier tous, il n’y a qu’à les pointer un par un.
Malgré les changements fréquents de prénoms (Appolline est devenue Pauline en se mariant) la recherche n’est pas difficile, elle prend simplement un peu de temps. Mais ces heures passées en compagnie des gens de ces temps anciens sont bien agréables et utiles pour mieux comprendre leur façon de vivre et de travailler. Et le résultat est intéressant : sur les 192 personnes employées dans l’industrie en 1891, on ne retrouve que 67 des 179 salariés en poste en 1886 ! En cinq ans, 63 % des ouvriers ont été rayés des effectifs (et remplacés par autant d’autres).
Les raisons sont diverses :
- la personne travaille toujours dans l’industrie mais a changé d’employeur. Comme il n’y a qu’un tissage à Anjoutey, pour changer il est nécessaire de déménager à Rougemont, Étueffont, Lepuix…
- la cessation d’activité (limite d’âge, mère d’une famille devenant trop nombreuse, incapacité physique…). On peut alors retrouver le salarié dans la catégorie des journaliers.
- un changement d’activité, par exemple le fils mineur d’un cultivateur qui reprend l’exploitation familiale…
- un changement de résidence tout en travaillant à Anjoutey (déménagement à Bourg, par exemple)
Origine géographique des ouvriers
Le registre dans lequel sont inscrites toutes les demandes de livret d’ouvrier adulte concerne 192 demandes dont 176 comportent le lieu de naissance du demandeur (remarque : ces nombres sont similaires aux 192 ouvriers recensés en 1891 et 179 en 1886 mais c’est une pure coïncidence).
La période couverte s’étale de 1855 à 1893, soit pratiquement la seconde moitié du XIXe siècle.
La liste des lieux de naissance est longue : 46 origines différentes où Anjoutey tient la première place comme on peut le prévoir (63 % des cas). Les natifs des villages aujourd’hui catalogués dans le Territoire de Belfort (Anjoutey compris) représentent 77 % et ceux du Haut-Rhin actuel 13 % du total. Les Vosgiens arrivent en troisième position (5 %) suivis des Haut-Saônois (3 %) et des Suisses (2 %). La plus forte proportion des Alsaciens s’explique non seulement par la proximité de l’Alsace, mais aussi par…
(La suite dans : Mobilité des travailleurs de l’industrie à Anjoutey vers la fin du XIXe, par Roland GUILLAUME, page 84)
Les vieilles familles du Territoire : Les Raffenne
Ce patronyme comporte de nombreuses variantes : RÄPF-RAPHEN-RAFAINDRE-RAFENDRE-RAPHENE-RAPFENDRE-RAPHENDLER-RAFFENDLER-RAPHANDRE-RAFEINDRE-RAFFEN. Il a beaucoup varié d’une génération à l’autre et même à l’intérieur d’une fratrie. Aujourd’hui, RAFFENNE est celui que l’on rencontre le plus souvent.
RAFFENDLER, RAFFEN, RAPHENDLER signifierait : avare, cupide. Présents à Auxelles-Haut dès la fin du XVIe siècle, ils faisaient partie des mineurs venus de toute I’Europe (Tyrol, Saxe, Suisse, Alsace…) pour être employés dans les mines du pays sous vosgien.
Quelques RAFFENNE relevés à Auxelles :
- en 1590 : RAFAINDRE
- en 1638 : Antoine RAFENDRE, huttmann (surveillant de la mine).
- en 1644 : Antoine RAFEINDRE, employé de la mine.
- en 1664 : André RAPFENDRE, ouvrier extraordinaire (travaille pour les mines).
- en 1674 : Claude RAPFENDLER, mineur
- en 1698 : Antoine RAPFENDLER, mineur à la mine Saint-Jean, puis pompier ;
- Claude RAPHENDLER, charbonnier ;
- Jean RAPHENDLER, charbonnier.
- en 1702 : Jean Claude RAFFENDER, garçon à la ziurerie (regroupe les coureurs de chariots, manoeuvres, tourneurs de treuils) de Saint-Jean d’Auxelles.
- Antoine RAPFENDRE, valet d’engin (manœuvre à la machine hydraulique).
- Jean Claude RAPHFENDER, charbonnier.
- en 1714 : Jean Claude RAPHFENDER, mineur à Saint Jean.
- en 1716 : Antoine RAPHANDRE, maître valet d’engin (responsable de la machine hydraulique).
- Claude RAPHANDRE, garçon à la ziurerie de Saint Jean…
Plus de 80 % des RAFFENNE d’Auxelles-Haut, étaient mineurs ou avaient des activités en relation avec l’exploitation des mines, bûcheron, coupeur de bois, charpentier, charbonnier. Puis au fur et à mesure de la fermeture des mines et de l’ouverture des industries métallurgiques et de tissage, ils deviennent…
(La suite dans : Les vieilles familles du Territoire : Les Raffenne, par Gérard Jacquot, page 89)
Une « déclaration en reconnaissance » datée du 9 mars 1748 : Transcription
Aujourd’hui neuvième mars mil sept cents quarante huit, est comparu au greffe du Comté de rozemont, André SCHWALM demeurant Riervescemont. Lequel en présence des témoins cy après nommez, a déclaré que sestant marié en secondes noces avec Anne Catherine DUPONT sa femme sans avoir passé aucun Contrat de Mariage entre eux, n’y dressé aucun inventaire qui constate les apports dycelle pour prévenir les discussions qui pourraient naitre entre les parents et héritiers de luy, et la dite DUPONT ou les siens sy Dieu l’appelait de ce monde en I’autre,. Le dit SCHWALM reconnaît et déclare par ces présentes que sa dite femme luy a apporté et remis en considération de leur mariage ce qui suit. Savoir.
La somme de huit cents livres argent comptant et formant de bonnes espèces au cours de ce jour, qu’il a employée à la construction de la maison qu’il occupe à présent, et a I’acquit de trois cents livres qu’il devait au sieur Blaise PRÉVOT maitre chirurgien au dit Giromagny pour restant du prix des prez qu’il avait acquis de luy.
Secondement. Elle a apporté deux cents livres qu’il a employées à I’acquit de pareille somme qu’il devait au sieur Charles SIMONIN bourgeois de Giromagny aussi pour prez qu’il avait acquis de luy.
Troisiemement. Elle a encore apporté cent cinquante livres, qu’il a employée a I’acquit de pareille somme qu’il restait devoir encore à feu Monsieur DEMOUGE vivant prévôt des mines au dit Giromagny pour prix des prez qu’il avait acquis de luy.
En quatrième lieu elle a encore apporté la somme de cinquante livres, qu’il a employée au payement de pareille somme qu’il devait a feu Monsieur LAPOSTOLAT vivant caissier des forges pour avances qu’il luy avait faites pour sa nourriture ou entretien, ou de sa famille avant son mariage avec la dite DUPONT.
En cinquième lieu la dite DUPONT sa femme a apporté trente livres, qu’il a employée a l’acquit des tailles et rentes qu’il redevait a feu les sieurs Nicolas BESANÇON, et a Jean Claude NADY vivants fermiers de feu Monsieur de MAZARIN.
En sixième lieu, elle a encore apporté la somme de…
(La suite dans : Une « déclaration en reconnaissance » datée du 9 mars 1748 : Transcription, par Gérard Jacquot, page 90)
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