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Édito

À l’instar du hêtre de la couverture, luttant contre le vent mais toujours debout parce que profondément et solidement enraciné,  l’AHPSV poursuit son travail de surveillance et de préservation du patrimoine local.

Hélas ! à l’heure où les bulldozers et les hommes d’aujourd’hui effacent, ici et là, les traces d’hier, la Vôge demeure bien souvent un ultime témoignage et prend ainsi toute sa dimension. Faute de sauver des murs, puisse-t-elle au moins entretenir leur souvenir et celui des hommes qui les avaient construits.

C’est donc sans pédanterie ni prétention, mais avec  toujours  le même souci de rigueur et d’authenticité que les auteurs et le comité de rédaction se sont attachés à vous  livrer  les nouvelles pages de  tout un patrimoine d’événements, de coutumes, de vie…
Bonne lecture et grand merci pour votre fidélité.

Marie-Noëlle Marline, Présidente de l’AHPSV.

Table des matières

Édito    

Marie-Noëlle Marline-Grisez      

1

L’aménagement du Ballon d’Alsace de 1945 à 1981, un bilan contrasté

Jean-Christian Pereira

2

Quand Bourg-sous-Châtelet vivait de l’industrie cotonnière

Roland Guillaume

12

Louis Morcely 16 ans en 1940, témoigne

Marie-Noëlle Marline-Grisez

19

1913 : La construction des casernes de Giromagny (1re partie)

Maurice Helle

22

La tradition musicale dans le Territoire de Belfort

Claude Parietti

29

Le ski-club a eu cent ans (3e partie)

Hubert Lehmann

36

La navette

Claude Canard

45

Au hasard des chroniques judiciaires

Jacques Marsot

52

Il y a 100 ans ! Revue de presse

Maurice Helle

54

Il y a 100 ans ! La goutte de lait

Maurice Helle

70

Il y a 100 ans ! Vescemont : les relations difficiles entre la municipalité et l’instituteur

Maurice Helle

72

Céquoidon

Claude Canard

74

Les vieilles familles du Territoire : les Sauvageot

Gérard Jacquot

77

Une lettre retrouvée d’Arsène Zeller

Claude Canard

78

Une tombe, une histoire

Maurice Helle et Roland Guillaume

82

Bannières en tête

Dominique Dattler

88

Le Coin des poètes…

Maurice Helle

92

1870 – 1871 : quand l’actuel canton de Rougemont eut à subir l’occupation prussienne

François Sellier

95

MAGAZINE         

 

100

L’aménagement du Ballon d’Alsace de 1945 à 1981, un bilan contrasté

Le  troisième  volet  de  l’histoire  du  Ski-club paraît  dans  ce  numéro  41  de  la  Vôge  sous la  plume  de  son  président  actuel  Hubert   Lehmann. Dans les pages qui suivent, nous vous proposons  l’histoire plus générale de  l’aménagement de ce Ballon d’Alsace si cher aux Terrifortains, aux Alsaciens, aux Vosgiens, aux amoureux de la nature et des sports d’hiver et d’été. Un aménagement qui connaîtra beaucoup d’aléas, de projets avortés, d’hésitations et de riches idées.

De nombreuses cartes postales d’avant 1914 montrent des manifestations de ski  de  descente sur les pentes du fort de Giromagny ou de Malvaux, au nord de Lepuix. Quant aux images de ski au Ballon, elles concernent essentiellement des courses de fond comme, par exemple, celles de 1910. Ce n’est qu’à l’entre-deux-guerres que se développe le ski de descente sur les pentes du massif.
Peu avant la deuxième guerre mondiale, en décembre 1938, une société anonyme « Monte  pente du Ballon d’Alsace » est créée. Elle se compose de 83 membres qui investissent 33  000 francs. Parmi ces souscripteurs, citons quelques personnalités locales : le libraire Fernand Koël (pour 3 000 F), le photographe Drouin (1000 F), MM. Gauthier, Blum et Didion de Belfort, les Éts André de Masevaux ou Boigeol de Giromagny. Paul Drouin, est fondateur de la société dont le siège se trouve d’ailleurs à son domicile au 15 boulevard Carnot à Belfort.
L’objectif de la société est la création d’un remonte-pente près du Grand Langenberg sur la commune de Sewen. Le capital de 75 000 F est divisé en 150 actions nominatives. Les  travaux sont lancés et le remonte-pente doit fonctionner pour le 1er janvier 1939, si le temps le permet… Le prix des tickets est fixé à 2,50 F. Comme le montre une photographie, ce  remonte-pente ressemble plutôt à un traîneau remorqué par câble le long de la pente.

La reprise d’après-guerre et le développement des infrastructures de ski alpin

L’installation d’un vrai « monte-pente » au Grand Langenberg est mouvementée. L’opération est en réflexion depuis fin 1949 par la Société de Ski et de Tourisme en Montagne, section de Belfort. Cette association de près de 700 membres, fondée en 1908, compte à son actif la construction du Plain de la Gentiane et la création et l’entretien des pistes Mannheimer, du Trou de la Chaudière, du Grand Langenberg (avec une piste olympique et une piste touristique).
La gare de départ est située à 850 mètres d’altitude et le point d’arrivée à 1035 mètres ; la longueur de la montée est de 650 mètres (le tracé passe par le chalet de Beaucourt et la Tête des Redoutes). Ce remonte-pente doit desservir  la piste olympique de 800 mètres, la piste touristique de 1 600 mètres et enfn celle du Trou de la chaumière longue de 1 000 mètres.
La SSTM sollicite un emprunt qui est refusé. Le Conseil Général du Territoire de Belfort subventionne alors l’opération en 1953. Le remonte-pente doit être opérationnel à l’hiver de cette même année. Grâce à un bon enneigement, l’hiver 1952-1953 voit des records d’affluence, de l’ordre de 1500 à 2000 personnes certains dimanches. L’association voit plus loin : les deux remonte-pentes du Grand Langenberg seront complétés par un troisième appareil qui prendrait les skieurs au Plain de la Gentiane pour les monter à la Tête des Redoutes.
Un  rapport  de  1954  récapitule  la  situation. Pour la pratique du ski il existe deux remontées : l’une sur la piste de concours du Langenberg (donc inaccessible à la majorité des skieurs) et l’autre à la Tête des Redoutes.
Le Ballon d’Alsace connaît alors une clientèle essentiellement régionale. Cependant et malgré son accessibilité diffcile, le Ballon reçoit chaque dimanche des milliers de skieurs. Les installations apparaissent insuffisantes : des queues de 80 à 100 skieurs s’étendent devant les engins, provoquant des attentes de 30 à 40 minutes.
Un rapport de l’ingénieur des TPE, en avril 1954, confirme que les conditions d’enneigement du Ballon d’Alsace sont trop aléatoires pour espérer une grande station de sports d’hiver. Par contre, il est utilisable par les nombreux sportifs locaux. La proximité de Belfort, Montbéliard, Mulhouse et de la Suisse assure un recrutement important de skieurs.

La situation de l’hébergement en 1954

Les besoins d’hébergement sont considérables au Ballon d’Alsace. Il existe au sommet une ferme qui n’a que peu de chambres et un seul hôtel, alors qu’il en existait deux avant guerre. Celui qui reste, endommagé par la guerre, n’est pas encore remis en état par le service de la reconstruction à cette date. Les remonte-pentes construits par l’Association de ski de
Belfort sont déjà insuffisants. Il existe un petit tremplin de saut à La Tête des Redoutes et un plus grand au col du Stalon.

L’auberge de Jeunesse (ex-hôtel Lalloz)

L’association départementale des Auberges de jeunesse, dès 1947, envisage une  installation au Ballon d’Alsace. Le but est double :

  • créer une Auberge de  jeunesse permanente pour héberger des passagers de passage et des groupes de jeunes scolaires,
  • réaliser un centre de  ski et de plein air pouvant accueillir des groupes de jeunes, scolaires ou non, en stages de ski, sous la responsabilité de moniteurs, et héberger en été des groupes d’adolescents en colonies de vacances.

L’opportunité se présente en 1952  lors de  l’acquisition par  l’Office HLM de Belfort de l’ancien hôtel Lalloz, sinistré par la guerre. Cet hôtel d’une superficie de 400 m² , peut héberger de 150 à 200 personnes dans les dortoirs et en accueillir 150 dans les réfectoires. En 1954 les travaux commencent par la mise hors d’eau du bâtiment et par la rénovation des fermetures. Cette première tranche est réalisée grâce aux subventions de la ville de Belfort et du Conseil général.

Les hôtels

Avant 1914, le Ballon est connu pour ses deux hôtels de luxe Martzloff-Lalloz et Stauffer qui comptent une chambre noire pour les photographes, un chauffage central ou des courts de  tennis. Hélas, ce n’est plus le cas en 1950. n’existe après-guerre que l’hôtel du Sommet et celui de la Jumenterie (où les prix sont élevés). Selon l’ingénieur de la DDE, ces deux hôtels ne  fonctionnent pas à plein régime et il appartient aux tenanciers d’améliorer le service. Les restaurants ont une capacité insuffisante. Bref, l’offre hôtelière est dérisoire et bloque la fréquentation. Une étude de 1954, montre qu’il faudrait un hôtel de 50 chambres avec une capacité de restauration de 200 à 300 couverts.

Les chalets associatifs

Les clubs de ski sont  jaloux de leur autonomie, et refusent un grand chalet inter-clubs. Il y a compétition entre  les clubs dans la construction des refuges comme il y a compétition sur les pistes. « Les Amis de la Nature », association qui gère un chalet au Plain de la Gentiane, regrettent aussi ce  manque d’hébergement. Sa « misérable cabane en bois » d’une capacité de 18 personnes, a reçu en 1953,  5800 personnes pour au moins…

(La suite dans : L’aménagement du Ballon d’Alsace de 1945 à 1981, un bilan contrasté, par Jean-Christian Pereira, page 2)

Quand Bourg-sous-Châtelet vivait de l’industrie cotonnière

Internet est un outil formidable mais qui nous fait délaisser livres et encyclopédies, dit-on. C’est vrai jusqu’à un certain point mais, quand on ne trouve pas réponse à une question sur Internet, il faut bien plonger à nouveau dans les papiers. En voici un petit exemple.

Bourg-sous-Châtelet, combien d’habitants ?

Wikipédia nous renseigne immédiatement : « En 2010, la commune comptait 128 habitants ». Ah très bien, et autrefois ? Le  tableau a la bonne réponse  : 22 habitants en 1946… Rien de bien étonnant, le village est tout petit : 90 hectares dont la moitié de forêt, une dizaine de maisons au total.
Un peu plus bas, un tableau. Tiens, 159 habitants en 1831 et en 1836 ! De quoi pouvaient-ils vivre, à 176 habitants au kilomètre-carré, en rase campagne ? Pas du commerce en tout cas, le village est à l’écart de la grande route ; pas uniquement de l’agriculture, la terre est pauvre et le terroir trop exigu. De l’artisanat, alors ? Mais on peut se demander ce qu’ils pouvaient bien fabriquer à cette époque…
Autre raison de s’étonner : à partir de ce maximum, le nombre d’habitants n’a cessé ensuite de décroître au fil des décennies. Qu’est-ce qui a pu bien les faire fuir après les avoir attirés ?
Juillet 2013, je traverse à pied le village sous la canicule. Une vieille ferme est là, intacte à l’entrée d’un virage, ce doit être la seule qui reste à retaper. Elle date des temps anciens, du milieu du XIXe  siècle peut-être, et si elle pouvait parler elle pourrait sans doute m’expliquer ce qui s’est passé.
Mais voici Jean-Claude qui arrose ses fleurs. Je lui fais part de mes interrogations.
– Tu as été voir aux Archives, me demande t-il ?
Non, je ne suis pas allé aux Archives. Je ne suis pas historien et je me vois mal aller déranger les gens qui y travaillent pour leur demander de chercher dans leurs vieux papiers poussiéreux pourquoi il y avait 159 habitants à Bourg en 1836. – C’est sûr qu’ils n’ont pas le temps de chercher pour toi mais ils peuvent te donner des pistes pour savoir dans quels genres de documents tu peux regarder. Tu peux aussi jeter un coup d’œil sur leur site Internet, on m’a dit que les registres d’État-civil sont déjà en ligne.
Avant d’aller chercher dans l’État-civil, il me faut d’abord regarder de plus près l’évolution de la population sur une large période. Un point isolé est bien moins bavard que toute la courbe à laquelle il appartient. Et puis il me faut d’abord vérifier les chiffres de Wikipédia en remontant à leur source.
Leur source, elle est claire, c’est le site Cassini de l’EHESS,  l’École des hautes études en sciences sociales. Par la fonction « Rechercher un lieu » on peut faire s’afficher la carte de Cassini, ce qui est la moindre des choses pour un site qui porte un tel nom, mais aussi le tableau de l’évolution de la population d’une commune. À partir des données de Bourg-sous-  Châtelet, je peux tracer une belle courbe sur laquelle le pic culminant entre 1830 et 1840 est très net. On la regardera de plus près un peu plus tard, avant il faut que je jette un coup d’œil sur les documents anciens qui ont servi à établir le tableau que j’ai récupéré : les recensements.
Va-t-il me falloir aller à Belfort ? Pas encore car Internet va me permettre de travailler à la maison pendant quelque temps grâce au site des Archives départementales du Territoire de Belfort abrité par celui de son Conseil général
Il n’est pas toujours évident de trouver ce qu’on cherche sur un site Internet mais en insistant un peu, on finit par y arriver. Le site des Archives est clair et son fonctionnement presque évident. La fonction « Recherche thématique » propose l’accès aux recensements. J’y trouve l’« État nominatif des habitants » intitulé « Liste nominative de recensement de population » de Bourg-sous-Châtelet ; par chance, le document de 1836 a été numérisé et peut être consulté depuis la maison. La première page me confirme que le nombre total d’habitants est bien de 159, c’est un premier point, mais il y a mieux : je découvre la liste complète de la population de Bourg avec âge et profession.
À première vue le métier le plus courant est, si l’on peut dire, celui de tisserand. Mais une analyse approfondie est indispensable avant d’avancer la moindre hypothèse. Transcrire  manuellement les informations des 159 lignes de l’état dans un tableau Excel est fastidieux mais facilite ensuite les recherches, les tris et les calculs tout en réduisant le risque d’erreurs.
Les 159 habitants sont regroupés dans 32 ménages, ce qui nous fait une moyenne de 5,0 individus par ménage. À titre de comparaison : en 2006 pour Bourg : 129 habitants, 44 ménages,  2,9 personnes par ménage..
La population est jeune, avec une moyenne de 26 ans. Le doyen n’a que 68 ans. Les personnes en âge de travailler, c’est-à-dire celles de 12 ans et plus, sont 116 sur 159 mais seulement 93 lignes du tableau comportent un métier identifié. Une des raisons est que, dans une  famille d’agriculteurs, seul le chef de famille a le privilège de voir sa profession clairement indiquée, la maîtresse de maison et les enfants travaillant régulièrement sur l’exploitation ne sont pas identifiés comme cultivateurs.
Les tisserands représentent une forte proportion des actifs : 67 sur 116, un pourcentage de 58% ! Ils ne doivent pas faire que tisser le chanvre et le lin pour les besoins locaux.
En dehors des familles de cultivateurs qui trouvent un complément de revenu en poussant la navette à la morte saison, 12 familles (56 personnes) ont leur destin directement lié à cette activité puisque aucun de leurs membres ne travaille dans un autre domaine que le tissage.
Voilà sans doute l’explication de l’accroissement de la population : des étrangers à la commune sont venus travailler au village comme tisserands. Pourtant, il ne coule pas assez d’eau dans le ruisseau de Bourg pour faire tourner un moulin, et de toute façon les tissages mécaniques ne se sont vraiment développés que beaucoup plus tard. Alors, des tissages à bras ?
Où chercher ? François me conseille : « va voir dans la base Mérimée, chapitre Architecture et patrimoine industriel ». Une très bonne voie mais qui se termine par un heurtoir car la base ne concerne que les bâtiments dont il reste des traces et à Bourg il ne reste rien qui fasse encore penser à un établissement industriel.
Le tuyau a quand même du bon car il débouche à Anjoutey, rue du Moulin, où il subsiste des bâtiments du XIXe siècle. Intéressant mais insuffisant, je vois bien qu’il me faut aller faire un tour aux Archives départementales pour remuer du papier.

Aux Archives départementales

Quand on n’a jamais mis les pieds dans un dépôt d’archives, on a intérêt à se faire accompagner. Pour une première séance, Maurice me guide, m’indique l’emplacement des registres où je pourrai trouver la cote (la référence) des documents, m’explique la procédure pour en demander la communication. Bien sûr le personnel est là pour me conseiller et j’en obtiendrai plus tard de précieuses indications.
Pour commencer,  j’ouvre le registre énumérant les archives déposées par la commune de Bourg dans la sous-série 16Ed. C’est plus que maigre mais puisque je suis là, je vais jeter un coup d’œil dans les délibérations du conseil municipal des années 1820-1830.
L’immersion dans la vie communale sous Charles X et Louis Philippe est passionnante mais à part les problèmes de chemins et de coupe affouagère, je n’aurais pas avancé beaucoup si je n’étais tombé sur le procès-verbal de la réunion extraordinaire du conseil municipal en date du 10 septembre 1834. Elle était consacrée à l’« Imposition en Revenu des Établissements industriels à dater de 1835 ». J’y apprends que « Vu la matrice cadastrale de la Commune de Bourg, de laquelle il résulte qu’au folio 12 du cadastre, sur lequel est inscrit le sieur Bègue Pierre, propriétaire de deux petits ateliers de tissage imposés ensemble au revenu de 40 et au folio 9 sur lequel est inscrit le sieur Bruant Jean-Claude, propriétaire d’un petit atelier de tissage, imposé au revenu de 16… »
Et bien voilà une piste solide, il me reste à savoir si ces trois ateliers de tissage sont seuls responsables de l’afflux de main-d’œuvre dans les années 1810-1820…

(La suite dans : Quand Bourg-sous-Châtelet vivait de l’industrie cotonnière, par Roland Guillaume, page 12)

Louis Morcely 16 ans en 1940, témoigne

Louis Morcely a bien voulu confier ses souvenirs des années 1939 à 1945 vécues au village de Chaux (90). Marie-Odile Hugelé-Beck, Pascal Faivre et Yannick Monnier ont recueilli et enregistré ce témoignage en 2010. M. Morcely avait donné son accord pour la publication de son récit dans La Vôge. L’enregistrement m’a servi de support pour écrire cet article. Reporter la conversation textuellement aurait rendu la lecture diffcile. J’ai donc transcrit le témoignage de Louis Morcely, non pas au mot à mot mais avec une mise en forme de ses propos, dans le plus grand respect.

Louis Morcely, décédé le 27 février dernier, a vu le jour le 22 octobre 1924 à Chaux (90). Il travaille à l’exploitation agricole de ses parents située route de Rougegoutte à Chaux. Durant l’occupation, et suite à l’Appel du 18 juin, il se tient prêt pour la Libération et rejoint en 1943 les Forces Françaises de l’Intérieur (FFI) du Territoire de Belfort. À ce titre, il participe à des récupérations d’armes et à des missions de renseignement.
À la libération du secteur sous-vosgien, le 25 novembre 1944, Louis Morcely s’engage au 21e bataillon de marche de la 1re Division Française Libre.
C’est en allant prendre position devant Royan qu’il est blessé une première fois. Le camion qui transporte la troupe saute sur une mine. Janvier 1945, sa compagnie revenue en Alsace, il participe à de nombreux combats jusqu’à atteindre le Rhin. La 1re DFL est ensuite transférée sur le front des Alpes.
suite transférée sur le front des Alpes.
Louis Morcely gravement blessé au bras est fait prisonnier le 18 avril 1945. Il est libéré lors de la capitulation du 8 mai 1945. De retour à la ferme familiale, il reprend l’exploitation agricole avec l’aide de sa mère et de ses frères et sœur. Son père Paul Morcely est décédé à Dachau le 15 mars 1945.
Il sera décoré de la Médaille Militaire et de la Croix du Combattant Volontaire.

M. Morcely,  pouvez-vous nous raconter  comment s’est déroulée la débâcle de juin 1940 au village de Chaux ?

Lors de la débâcle des troupes françaises, un régiment d’artillerie se trouvait dans le chemin au milieu de la Vaivre, il y avait peut être mille hommes. Ils ont tout abandonné sur place, les véhicules, les armes… et ont quitté les lieux. Sur la route de Rougegoutte, j’ai vu aussi une compagnie d’infanterie, probablement complète qui cherchait à se rendre aux Allemands,  un gars portait une chemise au bout d’un fusil. Au village, un ancien de 14, voyant la scène, voulait « descendre »  l’officier français car il n’acceptait pas cette situation.
Tout a été abandonné. Les gens de Chaux d’un côté et ceux d’Éloie dans l’autre bout ont tout pillé. Ils ont pris les chevaux, même s’ils n’en avaient pas besoin, ramassé les sacs de riz et tout ce qu’on peut imaginer, même des chaussons pour mettre dans les bottes, certains en ont pris des piles. Il y avait aussi un camion rempli de poules. Après cela, les gens qui en ont eu moins que d’autres ont dénoncé ce pillage aux Allemands, tout juste arrivés à Chaux. Ceux-ci ont exigé que l’on rapporte ce qui a été volé. La kommandantur était installée au château Marcotte.
Mon père, qui était maire, avait fait battre le tambour par le garde champêtre pour qu’à l’heure dite la population rapporte ce qu’elle avait emmené. Il y avait une procession terrible. Chez nous, nous avons rapporté deux chevaux car ce n’était guère possible de les cacher : ils étaient marqués.
Nous avons quand même gardé des boites de singe. Nous avions réussi à les cacher dans des roches de la Savoureuse.
Grâce à l’offcier Allemand qui logeait à la maison, mon père a su qui avait dénoncé. C’était une femme. Mais mon père n’a rien dit et je ne veux pas le dire non plus. Autre exemple de dénonciation, Ernest Chassignet, qui avait gardé un fusil, a été signalé. Les Allemands voulaient l’emmener, ils sont venus trouver mon père, le maire, qui s’est alors porté garant des  actions de cet homme. S’il y avait eu quelque chose, mon père partait à sa place en Allemagne. Il était comme ça mon père.
Avec les officiers de la Wehrmacht, les relations étaient correctes. Mais il y a eu des dénonciations à tout moment dans le village.

Pour vous, comment s’est déroulé le premier contact avec l’occupant ?

Très simplement ! Les Allemands sont arrivés à la mi-juin, ils se sont servis dans la propriété familiale. Nous n’avions rien eu à dire : ils ont pris la génisse et le œuf qui étaient en pâture dans le verger et immédiatement les ont dépouillés et mis dans la roulante. Ensuite, l’offcier nous a donné un bon d’ordre de réquisition qui nous permettrait d’être payé par le gouvernement français.

Le terrain d’aviation a été mis en culture, c’est étonnant

Oui, c’est exact. Un capitaine allemand, ingénieur agronome, est arrivé au village ainsi que des condamnés aux travaux forcés polonais : deux femmes, deux hommes, un jeune et une  gamine. Ils ont charrué le terrain d’aviation pour y planter des…

(La suite dans : Louis Morcely 16 ans en 1940, témoigne, par Marie-Noëlle Marline-Grisez, page 19)

1913 : La construction des casernes de Giromagny (1ère partie)

Il y a exactement un siècle, la ville de Giromagny connaissait une activité inhabituelle : la construction des casernes et la réalisation des travaux de viabilité nécessaires.
Sous le titre « Giromagny, ville de garnison » dans La Vôge n°13 de juin 1994, Jean Demenus fait revivre le passé militaire de notre chef-lieu de canton, de 1913 donc à 1949, date à laquelle l’État se sépare des casernes au profit de la ville de Giromagny.
Notre propos se limitera donc à évoquer plus spécifiquement, en première partie, la phase des travaux d’aménagement (égout, alimentation en eau potable….) et, en deuxième partie,  l’édification des bâtiments qui se déroulent pour l’essentiel en 1913 et leur perception par les différents journaux.

La loi des trois ans impose la réalisation de nouvelles casernes. Comme déjà rappelé en rubrique « Il y a 100 ans : revue de presse », la loi dite des « trois ans » allonge d’une année la
durée du service actif fixée à deux ans depuis 1905 et grossit en conséquence, les effectifs qu’il faudra héberger.
La construction de nouveaux bâtiments s’impose donc…mais oublié le caractère monumental des réalisations passées ! Les nouvelles casernes seront des bâtiments maçonnés à simple rez-de-chaussée sans aucune recherche architecturale ; seule fantaisie : la couleur rouge « sang de bœuf » des encadrements en briques des baies qui rythment ainsi les  façades. Le caractère répétitif de ces casernements explique sans doute la rapidité avec laquelle ils sortiront de terre. Mais n’anticipons pas, revenons à Giromagny.

L’arrivée de troupes et l’espoir de retombées économiques.

Persuadé que l’arrivée de militaires aurait des effets bénéfiques sur les activités commerciales de la commune, à l’instar d’autres petites villes comme Lure et Héricourt où la présence de la troupe pèse d’un poids important sur l’économie locale, le maire de Giromagny Paul Warnod, convoque son conseil municipal pour une séance extraordinaire le 19 mars 1913. À son ordre du jour, un point essentiel : « La demande de troupes ». C’est l’adjoint Emile Lardier qui présente un rapport, comparant les charges occasionnées à la commune aux bénéfices qu’en retirerait le commerce local. Arguant également d’un soutien majoritaire de la population, le conseil municipal charge le maire d’adresser à monsieur le Ministre de la Guerre, une demande en vue d’obtenir un bataillon complet, en contrepartie d’une participation de la commune aux frais d’installation, à couvrir par un emprunt.

Forte de l’appui du député et du sénateur, la ville de Giromagny obtient satisfaction et se trouve désignée pour recevoir un bataillon d’infanterie.
Dès la fin avril 1913, dans la perspective de la signature d’une convention, le représentant local du général commandant le 7e corps d’armée, signife au maire de Giromagny les principales charges afférentes à l’installation d’une garnison :

  • la mise à disposition d’un terrain nécessaire à la construction (6ha pour un bataillon de 900  hommes)
  • le versement au Trésor, à titre de fonds de concours, d’une partie des sommes nécessaires à l’édification des bâtiments (la construction est évaluée à 1 400 000 F)
  • la fourniture d’eau, soit 90m3/jour
  • l’exécution des égouts
  • la présence jusqu’au mur de clôture des canalisations urbaines de gaz et d’électricité
  • la mise à disposition gratuite de l’autorité militaire dans l’hospice civil – sauf entente avec la commission administrative pour la fxation du prix de la journée de malade – du nombre de salles nécessaires au traitement des malades militaires de la garnison (35 à 40 places).

La contribution de la ville est fixée par convention

La convention défnitive entre le Département de la Guerre et la ville est signée le 10 mai 1913. Elle complète les propositions initiales par les précisions suivantes :

  • si le prix de vente des terrains (par voie amiable ou par expropriation) dépasse 60 000 F, l’excédent sera prélevé sur la subvention de 400 000 F à verser au Trésor (fonds de concours)
  • la ville doit tenir, constamment, en bon état d’entretien et à éclairer convenablement les voies de communication desservant le casernement
  • la ville autorise l’utilisation du pâturage communal à usage de champ de manœuvres
  • la ville doit recevoir dans ses égouts sans épuration préalable, les eaux usées provenant de la caserne et en assurer l’évacuation à ses frais, à partir de l’enceinte de cette dernière
  • la ville doit amener en prenant les dépenses correspondantes à sa charge, les canalisations urbaines d’eau, de gaz et d’électricité jusqu’à la limite du terrain militaire

La convention stipule que le versement du fonds de concours dû par la ville se fera en un terme avant le 31 décembre 1913, sauf si les formalités relatives à l’emprunt qu’elle doit contracter n’ont pu être menées à terme à cette échéance.
Quant au Département de la Guerre, il s’engage… à construire les bâtiments !… C’est bien le moins.
L’État se réserve toutefois le droit de modifier les effectifs des unités, voire de les supprimer, si l’intérêt supérieur l’exige (article 9). La ville de Giromagny n’a peut-être pas mesuré l’importance de cette clause !
Il appartient maintenant à la commune de tout mettre en œuvre pour tenir ses engagements.

Les modalités de l’achat des terrains d’emprise

Pour l’achat des terrains de l’emprise du futur casernement au lieu-dit « Champ au bas de St-Pierre » ou « Au bas de St Pierre », elle charge le notaire local maître Schofft de prendre contact avec  les propriétaires concernés pour recueillir le plus grand nombre de promesses de vente.
Ainsi, parmi ceux-ci, Auguste Gacon maçon, Joseph Hantzberg, Charles Fréchin, Ferdinand Démeusy acceptent-ils la procédure de vente à l’amiable, ainsi que  le maire  Paul Warnod  dont le terrain cédé est le plus important : une surface close de 3ha environ (prix principal de 100 F l’are plus indemnité de 26 000 F pour ses écuries, ses serres, ses arbres) – son château ayant été détruit par un incendie en 1912 – Aucun terrain d’entente n’ayant été trouvé avec les autres propriétaires, notamment Victor Migliérina qui  possède un pré servant  d’entrepôt de pavés et « cassage » de 32 ares environ, la procédure d’expropriation est retenue à son encontre, tout comme pour Marie Besançon religieuse à Giromagny, et la veuve de Philippe Berger née Boigeol. La ville de Giromagny rencontre donc des difficultés pour fournir en toute propriété le terrain d’assiette, d’autant que le chef du Génie de la direction
de Belfort porte à la connaissance du maire que, par dépêche du 30 mai 1913 du ministre de la Guerre, la construction du casernement sera entreprise immédiatement avec prise de  possession du terrain le 2 juin suivant et arpentage le 5 juin… alors que les terrains ne sont pas encore achetés !
Un décret du 18  juin 1913 déclare d’utilité publique l’acquisition des terrains en cause et le tribunal civil de Belfort en prononce l’expropriation par jugement rendu le 22 juillet : le prix de l’are atteint presque le double de celui retenu pour les terrains cédés par voie amiable et les indemnités versées à ces expropriés se révèlent substantielles : Marie Besançon, religieuse, reçoit 2 004.75 Fpour 26 a 73 d’emprise totale, Victor Migliérina,  1 886 F pour 18a86 et veuve Philippe Berger, 20 907 F pour 209a 07.
À titre d’anecdote, la proposition de Victor Migliérina qui proposait une indemnité de 1200 F pour déménagement de son entrepôt fut écartée par le conseil municipal car jugée exagérée…
Cette situation ne manque pas d’interpeler élus et propriétaires qui ont traité amiablement avec la ville de Giromagny ; en effet, les actes de ceux-ci ne sont pas régularisés alors que pour les autres, les ventes sont mandatées par le Génie !
Alors, compte tenu de cet état de fait et de l’occupation des terrains par le Génie, la ville de Giromagny lui demande de se substituer à elle et d’acquérir les terrains concernés.

Pour financer les travaux, la ville doit emprunter

Pour se libérer des sommes dues, la ville doit recourir à un emprunt  ;  le conseil municipal se prononce donc dans sa séance du 5 juillet 1913, pour contracter un emprunt de 506 200 F auprès du Crédit Foncier de France au taux avantageux – paraît-il – de 4.10 %, remboursable en 50 annuités et gagé par 50 centimes additionnels. La somme de 506 200 F correspond aux sommes citées dans  la convention  : 60 000 F (part à l’acquisition des terrains), plus 400 000 F (la subvention à verser) augmentés de 46 200 F, montant du devis estimatif des travaux d’adduction d’eau, du réseau d’égout et de la déviation du chemin communal « St Pierre » qui traverse l’emprise des casernes.
Les modalités de cet emprunt seront modifiées : le taux retenu par l’organisme prêteur est porté à 4.25 % et la durée de remboursement ramenée à 40 ans. En conséquence, le conseil municipal, courant 1914, est contraint de reconsidérer sa position initiale (une imposition extraordinaire de 50 centimes additionnels pendant 50 ans et un prélèvement sur recettes d’oc-
troi et d’abattoir ) ; la ville devant s’acquitter dorénavant de 40 annuités de 26 428.28 F,  l’imposition grimpe à 91 centimes.
L’emprunt bien qu’autorisé par décret du 6 janvier 1915, ne sera en définitive pas…

(La suite dans :  1913 : La construction des casernes de Giromagny (1ère  partie), par Maurice Helle, page 22)

La tradition musicale dans le Territoire de Belfort

Panorama de la musique amateur de l’entre-deux-guerres (1918 à 1939)
Les fanfares et les harmonies

Le présent sujet est La continuité de L’article publié dans La Vôge n°39 de 2011, article qui listait les sociétés de musique amateur (fanfares et harmonies) du Territoire de Belfort, de-
puis leur création jusqu’en 1914.
Il couvre la période dite entre-deux-guerres, de 1918 à 1939, période de nouveau riche musicalement. Comme toutes les sociétés musicales, les fanfares et harmonies du Territoire de Belfort, présentes en 1914, ont cessé leurs activités durant la première guerre mondiale (on notera toutefois quelques exceptions).
Après la guerre, malgré les conséquences dramatiques du confit (les morts et les disparus, les mutilés et les blessés, la disparition d’instruments),  les sociétés d’avant 1914 se reconstituent assez vite : elles reprennent leurs activités et participent rapidement aux cérémonies.
Parallèlement, et dès 1919, la Fédération Musicale de France (organisme créé en 1905 qui deviendra Confédération Musicale de France en 1946) appelle les sociétés de musique à se réorganiser sans délai, en respect pour les musiciens victimes du confit.

Les sociétés de musique présentes durant la guerre 1914–1918

Durant le confit, des sociétés de musique participent à des concerts de bienfaisance, donnés au proft des blessés et orphelins, des réfugiés, des prisonniers, des soldats tuberculeux, des caisses de secours, etc.
Ce sont les musiques de Beaucourt, Delle et Valdoie, le groupe symphonique de la SACM, et également les musiques militaires.
De plus, des concerts publiques sont donnés par les musiques militaires, présentes dans les diverses cités du Territoire de Belfort.

Les sociétés de musique présentes de 1918 à 1939

Les sociétés listées ci-après sont celles ayant eu une activité musicale dont les journaux ont rendu compte : en particuliers concerts publics, participation aux cérémonies patriotiques  et aux concours et festivals de musique.

Beaucourt
La société de Musique de Beaucourt est probablement une des premières sociétés de musique amateur dans le Territoire de Belfort puisque, en 1840 déjà, une fanfare civile accueillait  le  roi Louis-Philippe à Beaucourt.
Elle est présente dès 1918 et participe au concours de musique de Sélestat en 1927. Chef : François Kohler à partir de 1913.
Existe en 1939.

Belfort
La Lyre Belfortaine,  société municipale, est créée en 1869.
Présente dès 1918, elle participe aux concours de musique de Montrouge (1927) et Nancy (1928).
Chefs successifs : Alfred Moraweck depuis 1912, puis René Ciapolino en 1935 (1er prix hautbois et clarinette).
Existe en 1939.
La Fanfare des Usines est fondée en 1885 au sein de la Société Alsacienne de Construction Mécanique, entreprise venant de Mulhouse et installée à Belfort en 1879. Harmonie des Usines en 1897, elle devient après la guerre Harmonie de la Société Alsacienne en 1918, puis Harmonie Alsthom en 1928 lors de la création de la société Alsthom. Elle participe au concours international de musique de Pontarlier en 1932.
Chefs successifs : Jules Cabrol depuis 1912, puis Philippe Paquot, Emile Dornier (ancien chef de musique des 35e et 42e RI), Pierre Choinard, Paul Houser et Pierre Pardoël (également chef de musique du 35e RI).
Existe en 1939.

La société de Trompettes l’Union est créée en 1930, et est composée d’instruments en cuivre. Son chef est Eugène Grodwohl. Elle est issue de la réunion de deux sociétés de trompettes :
– la fanfare les Trompettes la Lorraine, créée en 1898, et qui reprend ses activités dès 1920. Chefs : Cortaix  (également chef de musique du 107e RA), Émile Robin et Boehlen,
– l’Étendard de Salbert et Valdoie, créé en 1911 à Salbert, et reprenant ses activités en 1920. Chef depuis 1911 : Eugène Grodwohl.
Existe en 1939.

Danjoutin
La Musique de Danjoutin, société municipale fondée en 1880, reconstituée en 1907, devient fanfare de Danjoutin en 1911. Après la guerre, elle est reconstituée en 1926 sous  le nom de Société Musicale de Danjoutin. Chefs : Heydaker en 1926 puis Louis Grange en 1935.
Existe en 1939.

Delle
Avant 1914, plusieurs sociétés de musique existaient : une Société Musicale en 1865, l’Harmonie municipale de la ville de Delle (de 1897 à 1911), la fanfare des Pères Bénédictins (de 1877 à 1894).
La musique  l’Union Delloise est créée en 1897, à partir de la chorale l’Union Delloise et réorganisée en 1908. Elle reprend ses activités en 1923.
Chefs : Victor Farine dès 1923, puis  Constant Cordier et Henri Koenig.
Existe en 1939.

Etueffont
La Lyre d’Etueffont, créée par les tissages Zeller en 1896, est reconstituée après la guerre en 1923 et a une activité jusqu’en 1931, date de l’arrêt des activités de la société Zeller.
Chef : Henri Heiny.

Faverois
Une Société de Musique est créée en 1935 et a une activité connue jusqu’en 1939.
Premier chef : Hubert Marx.

Giromagny
La Fanfare de Giromagny, créée en 1875, reconstituée en 1880 par les tissages flatures Boigeol Warnod, municipalisée en 1881, reconstituée à nouveau en 1883, devient Harmonie Municipale  de Giromagny en 1906. Elle reprend ses activités en 1920.
Chefs : Jules Viron depuis 1893, puis Joseph Glangine à partir de 1930.
Existe en 1939.

Grandvillars
Les usines Viellard Migeon créent en 1896 la Fanfare des Usines qui s’appellera ensuite la Renaissance.
Existe en 1939.

Lepuix-Gy
Création en 1922 de la fanfare de Trompettes la Jeanne d’Arc, dépendante de la paroisse, avec 20 exécutants. Premier chef : Théodore Batt (ancien sous-chef de la fanfare de Lepuix-Gy, fanfare disparue en 1912), suivi par Émile Roy.
Existe en 1939.

Rougemont le Château
La fanfare Union musicale de Rougemont est créée par…

(La suite dans :  La tradition musicale dans le Territoire de Belfort, par Claude Parietti, page 29)

Le ski-club a eu cent ans (3e partie)

L’année 1908 fût sans nul doute intense en émotions voire peut-être euphorique. Les différentes démarches, consultations, rencontres, réunions et la validation des statuts prononcent la création du ski-club le 16 décembre 1908. La parution offcielle des statuts le 22 janvier 1909 entérine cette création. Elle provoqua vraisemblablement une certaine réaction dans  les  courants de pensées populaires. L’année suivante, en juillet 1910, naissait la Société des Sports Réunis de Giromagny avec une  section Ski qui a priori, ne fit pas « long feu ». Mais nous n’avons pas poussé les investigations dans ce sens là. Aujourd’hui ne subsiste que le Ski-club qui dorénavant se dénomme Ski-club de La Haute Savoureuse 90, depuis 1989, et affiche donc fièrement ses 104 ans.

Nous terminons avec ce troisième article, le déroulement des cent ans de vie du Ski-club.
Les 18 et 19 avril 2009 nous organisions une exposition relative à ce siècle d’activité de notre société. L’AHPSV nous avait fait l’honneur de sa présence et était représentée par plusieurs des rédacteurs de La Vôge. François Lieblin, en particulier nous sollicita pour écrire une petite « bafouille » sur cet événement historique et peu courant dans le milieu associatif. Je pense que nous n’avons pas trahi sa mémoire et bien au contraire nous avons été plutôt prolifiques. Malgré tout une ombre subsiste, des archives croupissent dans des greniers ! Ne les jetez pas, c’est notre histoire.
Ne brûlez pas votre mémoire ! D’ailleurs nous avons été récemment contactés par  le service des Archives départementales qui s’étonne de l’absence d’un fonds Ski-club dans ses travées.

Les concours internes

Par définition concourir est une action d’entrer en concurrence avec d’autres, pour prétendre à quelque chose qui tend au même but (dixit Le petit Larousse illustré). De tout temps des  concours furent organisés. Les sports de glisse sur neige (fond, alpin, luge, bobsleigh) ont été les plus nombreux, ils sont notre raison d’être. Mais la neige n’a pas toujours été présente. Souvent l’alternative à  la neige était le froid qui figeait l’eau des étangs, nombreux dans la région. Le restant de l’année nous avions d’autres sollicitations, de la part de municipalités ou d’autres clubs sportifs qui nous invitaient à organiser une compétition ou simplement à y participer en tant que concurrents. Ce fut le cas du patinage, de  la natation, du cyclisme ou de la course à pied jusqu’au confit de 1939-1945. Plus près de nous, le tir sportif ft une percée juste après guerre et trouva des adeptes. Des concours furent organisés à l’usine « du Brûlé » jusqu’en 1951, date de l’arrêt de la section. Dans les années 1970, alors que nous ne connaissions pas encore le « mountain bike » nous allions innover, une fois encore. Entre le Ballon et La Haute Planche, nous avons organisé plusieurs années de suite, une course de vélos sur les chemins et sentiers de crête. Les « biclous » tout-terrain ressemblaient à des cadres de mobylettes désossées ou de solex bricolés. Pour les plus ingénieux, deux fourches et une série de ressorts à boudins assouplissaient la roue avant. Tous les autres étaient des vélos ordinaires. Quelle franche rigolade !…

Les deux dernières décennies virent apparaître les disciplines comme le VTT et le ski à roulettes sur herbe. Bon nombre de nos compétiteurs adoptèrent ces nouveautés avec un  enthousiasme débordant et obtinrent de bons résultats. Tout près de nous le cyclathlon et la pétanque complétèrent le tableau. Avec cette « foultitude » de disciplines pratiquées et les nombreux concours qui en découlent, il est bien difficile de faire le distinguo entre course amicale et championnat. Néanmoins une règle peut être établie sur le principe suivant  : un concours peut être compris comme une organisation locale et amicale, sans sollicitation d’autres clubs et avec participation de tout public, licencié ou non. A contrario, un championnat fait appel à un certain niveau de compétitivité, à des concurrents initiés, entraînés et appartenant à une fédération reconnue et gestionnaire des règlements, des
licences, du calendrier de courses et manifestations. Ces deux façons de procéder sont toujours actives au sein du Ski-club. La compétition est très encadrée et régie par des textes et règles validés par la Fédération Française de Ski, relayée par  les comités régionaux. La descente de La Haute Planche,  le mémorial Babette Bonnet, la coupe de la Haute Savoureuse ainsi que le mémorial Samuel Ruggeri sont à mettre au compte de ces courses très sérieuses inscrites au calendrier régional.

Quant au concours, il est par principe moins strict et réservé aux adhérents du club. Il est aussi appelé concours amical. La convivialité et la bonne humeur sont de circonstances pour ces retrouvailles annuelles souvent accompagnées de déguisements et d’excentricités. Malgré le côté bon enfant de ces journées festives, les rivalités subsistent.
Pour pallier toute contestation, un règlement intérieur a même été instauré pour départager les compétiteurs-cadres de tous les autres adhérents. Le chronomètre restant toujours le juge de paix ! Souvenons-nous de la Coupe Galmiche. À mettre au compte de notre concours amical, elle fut crée en 1953, à la mémoire de Jacques Galmiche, prématurément enlevé à  l’affection des siens. Il était le fls de René alors président du Ski-club.

De nos débuts au Ballon d’Alsace… à aujourd’hui !

Ils coïncident probablement avec la création du Ski-club. Dès 1910, nous co-organisons cette fameuse journée de ski avec le Touring-club de France et la Société de ski de Belfort renforcée par de nombreux militaires. Elle fait toujours référence.
Plus haut sommet des Vosges du Sud, le Ballon d’Alsace culmine à 1 247 mètres. Il affichait 1 253 mètres il y a un siècle ! Erreur ou usure ? Ni l’une ni l’autre, les mesures actuelles  sont simplement plus précises. Mais le massif rayonne sur trois régions et quatre départements. De ses flancs naissent trois rivières : la Doller, la Savoureuse et la Moselle. Il faut interpréter cette pratique du ski sur les pentes et au pied, en ce qui nous concerne, du côté de la vallée de la Savoureuse. La partie sommitale, certes d’un attrait touristique indéniable, n’est pas d’un intérêt principal. Trois raisons à cet état de fait. Tout d’abord la présence de la frontière et de ses douaniers qui pouvait dissuader. Secundo, la pratique du ski de fond ne nécessitait pas de grandes pentes mais plutôt des chemins. Tertio, l’éloignement et la difficulté de transporter du matériel par des moyens de locomotion rares et peu équipés, signaient l’abandon du site. L’accès au Ballon en hiver nécessitait de gros moyens matériels et financiers. Le déneigement était assuré par celui qui s’y rendait, donc à ses frais.
Comprenez donc que notre présence là-haut, au début du XXe  siècle, n’était qu’épisodique et rare. Néanmoins nous entretenions de bonnes relations avec les propriétaires du Grand Hôtel du Ballon Lalloz-Martzloff qui nous louaient un petit local dans leurs dépendances ; abri inconfortable qui servait au stockage de notre matériel et éventuellement à attendre que la  tempête cesse. Il fut détruit par un incendie en novembre 1940. Notre présence dans cet abri se justifiait soit par le report impératif d’une course soit parce que nous étions invités par la Société de Ski qui organisait ses concours devant leur refuge, entre le Plain de la Gentiane et le Plain de La Grange.

Les pentes du fort étaient notre lieu favori, de par sa proximité immédiate avec le chef-lieu de canton qu’est Giromagny. Et si les conditions ne le permettaient pas, toujours à pied, skis  sur l’épaule, nous nous dirigions vers les pentes de l’Ordon Verrier et de la Haute Planche. Un autre secteur très fréquenté parce que proche, fut la plaine de Malvaux depuis les Prés-Le-Saint jusqu’à la goutte des Forges et son tremplin. La  route du Ballon  (ou plutôt chemin du Ballon) non déneigée à l’époque, servait de piste, avec l’arrivée validée devant  l’ancien Hôtel Tourtet-Kolb ou aux roches du Cerf. De nombreuses cartes postales anciennes en témoignent encore.
Le développement galopant de l’automobile et l’amélioration des voies de circulation nous ouvriront…

(La suite dans :  Le ski-club a eu cent ans (3e  partie), par Hubert Lehmann, page 36)

La navette

La Marche du siècle poursuit sa fuite en avant, laissant retomber derrière elle dans l’oubli les industries qui faisaient la prospérité de notre région. Ces usines apportaient, malgré les durs labeurs et les bas salaires, une dignité de vie à chacune et chacun, même sans avoir au départ fait les grandes écoles pour se qualifier à un métier. Notre rubrique la navette revient pour montrer divers aspects des savoirs des hommes et des femmes du textile. Cette fois pour tenter de documenter un aspect méconnu, celui des fabricants-fournisseurs de pièces
de rechange.

Des équipementiers très diversifiés

Aujourd’hui que les filatures et tissages ne sont plus que souvenir et histoire, on a oublié et on ne soupçonne plus qu’il fallait pour faire fonctionner ces usines une quantité de pièces détachées. En arrière-plan des  industries textiles de notre région, à mesure des progrès et du développement de la mécanisation étaient apparus des équipementiers spécialisés. Ces  fournitures étaient très diverses ; navettes, cadres de lisses, lames, fouets, sabres et marteaux chasse-navette en cuir, en bois et en ficelle, casse trame, rouleaux d’ensouples, tubes de dévidage ou renvidage en carton, canettes de trames avec anneaux d’encliquetage type Northrop, cônes en bois pour bobines des canetières et ourdissoirs, ressorts plats et à boudin, vis, rondelles, chaînes Galle ou Vaucanson, poulies, courroies, templets, etc… Autant d’industries indispensables allant de l’entreprise artisanale familiale fournisseuse en direct ou sous-traitante à l’usine de taille petite ou moyenne, spécialisées dans ces fabrications essentielles, et autant d’emplois et de compétences en mécanique, forgeage, tannage, formage pour concevoir et fabriquer. Nous aurons encore l’occasion dans cette rubrique d’évoquer ce tissu industriel et artisanal, en particulier pour le pays sous-vosgien la belle fabrique Frick de Giromagny.

Un organe du métier à tisser : le templet

Les ondulations de l’étoffe dues au passage du fil de trame entre le croisement des fls de chaîne provoquent une tendance au rétrécissement dans la largeur de la pièce de tissu.
Le peigne en battant après ce passage de la trame, serre les fls croisés, et la largeur risque de devenir  irrégulière. En outre, les tensions dans l’étoffe s’exercent surtout sur les fils  latéraux des lisières qui deviennent fragiles. Pour contrarier ce phénomène et ses effets et permettre le maintien de la largeur régulière du tissu, on équipe les métiers à tisser d’un dispositif mécanique ; des tendeurs munis de picots ou de pinces qui assurent le maintien de la toile au moment du coup du peigne : les templets. Faute de quoi le coup de peigne pourrait rompre les fils aux lisières. Ce dispositif est indispensable pour presque toutes les étoffes, sauf certains articles en soie, en schappe ou les tissus à trame et chaîne claire genre mousseline ou tulle.
Sur les anciens métiers à bras, les templets étaient constitués par une paire de règles reliées par une ficelle ; armées aux extrémités de picots plantés dans les lisières ou de pinces. Dans ces deux cas, le tisserand était obligé de les déplacer à mesure de l’avancement du tissage. Sur les métiers mécaniques, les templets sont des mécanismes composites, un à chaque lisière du tissu, à droite et à gauche, en avant du battant du peigne. Les bords de l’étoffe passent sur des petits cylindres garnis de molettes à picots. Une plaque métallique
arrondie,  la  lunette, assure  le placage de  l’étoffe sur ces rouleaux piquants qui assurent la tension latérale du tissu. Le passage du tissu s’enroulant sur l’ensouple réceptrice suffit au  fonctionnement automatique des templets. Les bagues à picots, les molettes, tournant sur un excentrique à faces obliques s’effacent et viennent progressivement, au tour suivant, mordre l’étoffe pour la tendre obliquement vers l’extérieur.

(La suite dans :  La navette, par Claude Canard, page 45)

Au hasard des chroniques judiciaires

Us et coutumes dans les seigneuries belfortaines

Les bouchers

À Giromagny en 1699
Henry Dupont, boucher à Giromagny en 1699 « a donné un coup mortel à son chien » ; « C’était un animal malfaisant ; il mangeait ma viande, mordant les uns et les autres », se justife le commerçant. Il juge totalement abusive la publicité faite autour du chien par ses concurrents locaux Jean Isller et Guillaume Frossard, au point de demander « réparations d’honneur » à leur encontre. Devant les juges, les accusés se justifent : « Il n’y a rien d’injurieux à dire que Dupont a tué son chien puisque c’est la vérité ».
Ils insistent sur le respect d’une antique coutume : « Lorsqu’un boucher a tué un chien, il ne peut plus exercer qu’après avoir été purgé par les gens de la maîtrise ».
Les accusés sont relaxés.

À Grandvillars en 1708
Pierre de la Bassinière, seigneur de Grandvillars, fait citer les Nicollier–Rottviller, bouchers dans la seigneurie. Depuis la Toussaint dernière, ceux-ci refusent obstinément de lui livrer les  langues de bœuf « dépit d’un privilège qui a toujours existé localement ». Les bouchers ont le soutien du maître-bourgeois Pierre-Fr. Bruot. Suivant ce dernier, aucun paragraphe de la «  sentence arbitrale de 1626 » ne stipule pareil privilège.
Le tribunal décide : « Les bouchers sont condamnés à livrer les langues de bœuf au seigneur comme par le passé ».

À Essert en 1729
Le sieur Pierre Fr. Henry, coseigneur de la seigneurie d’Essert, et madame son épouse exigent d’Alexandre Jacquot, maire et boucher :« qu’il leur remette toutes les langues de bœufs et vaches abattus à Essert », ceci en vertu d’un droit pratiqué dans les seigneuries voisines. Jacquot refuse :« Ce privilège ne repose sur aucun droit fondamental, pas plus qu’il n’est en usage dans la seigneurie ».
Le sieur Pierre-Fr. Henry doit « faire preuve », déclarent les juges.

Les cabaretiers
Melchior Christophe Staidel, bailli du Rosemont, est en confit avec Robert Gautier, cabaretier à Giromagny. Il affrme : « Un droit de pot de vin m’est dû par tous les cabaretiers du Rosemont ». Simon Marteney, âgé de 100 ans, témoigne : « Lorsqu’un cabaretier de Giromagny amenait du vin nouveau, la première fois, il était débité sans être taxé ; mais en échange, le cabaretier invitait le bailli à venir le goûter. S’il ne pouvait se rendre à l’invitation, on lui faisait parvenir un pot de vin ». Le vieil homme ne sait pas s’il s’agit là d’un droit ou d’une coutume et poursuit : « Quand les marchants verriers étrangers venaient jour de marché à Giromagny vendre leurs verres, le sieur bailli du Rosemont avant droit à un verre de son choix ».

(La suite dans :  Au hasard des chroniques judiciaires, par Jacques Marsot, page 52)

Il y a 100 ans ! – Revue de Presse

Que retenir d’essentiel de l’année 1913 ?
Au niveau  international, ladite année présente les symptômes avant-coureurs de la conflagration de 1914 ; partout : montée des nationalismes, guerres qui se répètent dans les Balkans…
En France, le 17 janvier, les deux chambres réunies en congrès à Versailles portent Raymond Poincaré à la présidence de la République, remplaçant ainsi Armand Fallières. Signe de tension politique en cette IIIe République, trois présidents du Conseil se succèdent dans l’année : Aristide Briand occupe la fonction en  janvier suite à la démission de R. Poincaré, suivi deux mois plus tard par Louis Barthou, qui quittera les affaires début décembre laissant la place à Gaston Doumergue.
Compte tenu des crispations internationales et pour combler son retard sur l’Allemagne, notamment au regard des effectifs militaires, l’Assemblée nationale – comme le Sénat d’ailleurs – vote en juillet 1913 la loi dite « des trois ans », ainsi baptisée parce que portant de deux à trois ans la durée du service militaire actif et applicable pour la première fois à la classe 1913. On imagine aisément l’agitation qui gagne bon nombre de casernes françaises ! d’autant que, parmi les formations politiques et l’opinion publique, des divergences se font jour. Même à Belfort, la presse cite « les mutins du 35e de ligne » : en fait un groupe de militaires qui a entonné, en guise de protestation, le chant de l’Internationale dans la cour du quartier.
Assez pour être traduits en conseil de guerre, au motif de délit d’insulte envers le ministre de la Guerre… et des peines de prison, (3 mois, 1 et 2 ans) sont prononcées… Manifestations derrière lesquelles la presse voit la propagande antimilitariste des agents secrets de la C.G.T. !
Une autre loi de juillet, modifie de manière radicale les modalités du vote. Elle renforce en effet son secret et la liberté de l’électeur en introduisant l’usage de l’enveloppe et de l’isoloir. Autre nouveauté : c’est l’électeur lui-même qui glisse l’enveloppe dans l’urne. Autre thème développé par la presse en raison de l’engouement nouveau qu’il provoque auprès de la population française : il s’agit de la conquête de l’air, et 1913 se révèle riche en évènements aéronautiques :

  • Adolphe Pégoud qui trouvera une fin tragique au-dessus de Petit-Croix en 1915, exécute le premier saut en parachute puis se fait coutumier de diverses prouesses techniques et acrobatiques comme « renverser son appareil d’arrière en avant », « voler la tête en bas sans arrêter le moteur pendant 10 minutes ».
  • le 29 septembre, Roland Garros traverse pour la première fois la Méditerranée de Saint-Raphaël à Bizerte.

Intéressons-nous maintenant à des personnalités ou évènements qui ont marqué le Territoire de Belfort et la ville de Belfort.
Le Haut-Rhin Républicain annonce le décès de M. Alfred Engel survenu le 6 février dans le Var, loin de sa terre natale, où il passait la « mauvaise » saison. Dirigeant notamment des Éts Dollfus-Mieg et Cie de Mulhouse-Dornach et Belfort, il avait fait construire le domaine du Chênois à Bavilliers. Il constituait la providence de ce coin de pays, secourait les infortunes, favorisait d’innombrables œuvres, il multipliait les dons, grand cœur, patriote ardent, philanthrope. Il était le père de l’enseigne Engel mort à bord du Pluviôse. Au terme d’une cérémonie  religieuse au  temple protestant de Belfort, son cercueil est acheminé au cimetière de Bavilliers ; une immense haie de curieux se presse sur le parcours ; à Bavilliers, les lampes électriques brûlent, les rues ont été lavées à grande eau sur l’ordre du maire.
Deux inaugurations donnent l’occasion aux Belfortains de se réunir en grand nombre :

  • le jeudi 8 mai, jour de l’Ascension, la communauté catholique du populeux quartier des Forges est en fête, son église Ste Odile est inaugurée et bénie par Mgr l’archevêque de Besançon, bien que  loin d’être achevée ;
  • les 15, 16 et 17 août, pour les grandes fêtes de Belfort, avec le mercredi 15 août comme temps fort puisqu’il s’agit enfin de l’inauguration du monument des Trois Sièges. Au menu  de ces fêtes, divertissements populaires, fête foraine au Champ de foire, retraites aux fambeaux, réceptions offcielles, banquets, cérémonies du souvenir, concerts… et de nombreux
    discours.

À l’inauguration du monument des Trois Sièges, participent deux représentants du gouvernement de M. Barthou, en l’occurrence, MM. Anthony Ratier, garde des Sceaux, vice-président du Conseil et Paul Morel,  sous-secrétaire d’État à l’Intérieur et député de Haute-Saône. Une cérémonie au cimetière des Mobiles rassemble ensuite, anciens combattants, invités,
officiels dont M. Lecourbe du 56e de ligne à Châlon-sur-Saône, petit neveu du Général. Le journal l’Alsace, se plaît à cette occasion de rappeler que c’est Bartholdi qui avait conçu le monument des  trois Sièges dont il réalisa la maquette et qui fut exécuté après sa mort (survenue en octobre 1904) par ses disciples, en même temps ses admirateurs et amis, MM.  Louis Noël et Déchin, sculpteurs assistés de M. Denaud architecte diplômé du gouvernement. Belfort a la bonne fortune de posséder deux œuvres de Bartholdi, différentes par les  caractères, mais d’une remarquable beauté de style, d’harmonie et de symbolisme.
Pas de fêtes populaires à cette époque sans festival de musique ! Aussi, dimanche 17 août harmonies, chorales, fanfares, sociétés de trompettes, défilent-elles à partir de 10 h 1/2,  dans des rues noires de monde.

(La suite dans :  Il y a 100 ans ! Revue de Presse, par Maurice Helle, page 54)

Il y a 100 ans ! – La goutte de lait

Le Journal Officiel du 16 juillet 1913 fait état de la déclaration à la Préfecture de Belfort, le 8 courant, de l’association « La Goutte de Lait de Giromagny » ;
Objet : lutter contre la mortalité infantile ; siège : à Giromagny, à l’hôpital.
Cette annonce entérine la création d’une association dont le journal La Croix s’est déjà fait l’écho ; son article paru le 11 mai ne laisse planer aucun doute sur ses finalités :
L’œuvre de la Goutte de Lait informe toutes les femmes ayant des enfants au-dessous de deux ans qu’une distribution de lait préparé à cet effet dans des biberons, est faite
à partir du mardi 6 mai à l’hôpital, tous les matins entre 8 et 9 heures. Toutes les personnes qui voudront y chercher leur lait devront venir avec leur enfant lundi 5 mai à la consultation de M. le docteur Tauffieb.
L’œuvre ne fera payer le lait que 0.20 le litre. Il s’agit donc bien d’un mouvement qui s’inscrit dans la démarche des sociétés hygiénistes, des « bonnes œuvres » où des personnes peuvent se mettre au service des autres, au nom d’une bonne cause.
Dans sa déclaration d’existence à la Préfecture, la présidente confrme en effet, que l’œuvre s’assigne comme but, la lutte contre la mortalité infantile par l’encouragement à l’allaitement maternel, la consultation de nourrissons et la vente du lait bouilli à prix réduit.

Le comité

Quelles sont les personnes qui partagent ces nobles objectifs ? Des personnalités de Giromagny assurément :

la présidente est Mme Paul Warnod, rentière, dont le mari industriel est maire de Giromagny (Mme Warnod née Flach Gabrielle Marie en 1879, son père Geoffroy Jacques est professeur au Collège de France et à l’école des Sciences politiques, son mariage avec Paul Warnod date de 1897)

  • les responsabilités du secrétariat sont dévolues à Mme Tauffieb également rentière ;
  • celles afférentes à la trésorerie, par Mme Benoît rentière.

Mmes  Furrer, Romont, Lhomme, Zeller complètent le comité.
À signaler la présence parmi toutes ces dames, du seul homme de l’association : Mr Tauffieb, docteur de l’œuvre et très impliqué dans le fonctionnement de l’hôpital de Giromagny.
Natif de Barr où  il est né en 1855, Léon Tauffieb occupe avec son épouse Jeanne, originaire de Metz, une résidence faubourg de Belfort à Giromagny, qui requiert les services d’un couple de jardinier et d’une domestique.

Les statuts

La lecture des statuts confirme le caractère purement humanitaire de l’association fondée « par quelques personnes s’intéressant à la puériculture »… « à l’exclusion de toute idée confessionnelle, politique ou sociale ». Il est précisé en outre, que :

  • le siège de l’œuvre est installé provisoirement à l’hôpital de Giromagny dans l’attente de l’acquisition, dès rassemblement des  fonds nécessaires, d’un local spécifique pour la consultation des nourrissons, la cuisson et la distribution du lait ;
  • les membres du comité sont nommés à vie, pouvant être renouvelés toutefois, selon les besoins ;
  • le nombre des membres chargés d’épauler  le comité ne peut excéder 30 personnes ;
  • le docteur prend en charge gratuitement la consultation des nourrissons qui devront être impérativement âgés de moins de deux ans et demeurer à Giromagny ;
  • en dehors de ses missions habituelles, la présidente doit surveiller la cuisson du lait !..
  • les ressources de l’œuvre proviennent exclusivement de…

(La suite dans : Il y a 100 ans ! – La goutte de lait, par Maurice Helle, page 70)

Il y a 100 ans ! – Vescemont : les relations difficiles entre la municipalité et l’instituteur…

Dans des éditions antérieures, La Vôge s’est déjà fait l’écho de relations tendues entre la population du village de Vescemont et le corps enseignant.
Ainsi dans La Vôge n° 38, la revue de presse « Il y a 100 ans » rend-elle compte de l’absence remarquée des élus et élèves aux obsèques de M. Guillaumé, son instituteur décédé prématurément.
De même, dans La Vôge n°39, sous le titre « Vescemont : Rififi autour d’un crucifix  », Marie-Noëlle Marline-Grisez relate la crise née de l’enlèvement du crucifix à l’école de La Planche-le-Prêtre, et met en exergue le divorce qui en résulte entre le conseil municipal et la communauté éducatrice. Apparemment, si l’on en juge par l’épisode suivant, relaté par le journal La Croix dans son édition du 27 juillet 1913, le contentieux reste très présent.

Les faits selon la presse

27 juillet 1913
VESCEMONT – Mœurs laïques
Nous possédons un instituteur qui est appelé à devenir illustre, et méritera d’être statufié sur la plus belle place de notre commune, dès que les fonds nécessaires seront réunis. Qu’on en juge :
Comme il était précédé d’une popularité, à son arrivée dans notre commune, la municipalité s’opposait à son intrusion chez nous, mais blocard convaincu, soutenu en haut lieu, il nous fallut le subir et supporter ses défauts, dont le moindre est la brutalité. Nos enfants, parqués dans l’école, sont astreints à un silence absolu, aucune leçon, ni grammaire, ni histoire, ni géographie, rien, rien… Quelle belle génération d’illettrés nous est préparée. A la moindre incartade, des coups ! Mercredi notre superbe « éducateur » Fendeleur mit  le comble à son savoir-faire habituel. Une petite flle de 8 ans, Millot Angèle, ayant remué, fut odieusement brutalisée ; outré qu’elle ait fait du bruit, notre brutal, la saisissant par un bras, l’envoya la tête la première dans le corridor où elle fut affreusement blessée à une jambe et à la mâchoire. Ses blessures très douloureuses, pouvaient être graves, et ont nécessité l’intervention de M. le docteur Serbource, qui lui a prodigué des soins éclairés et ordonné un repos prolongé. Quand donc l’autorité compétente se décidera-t-elle à nous débarrasser de  cet être brutal et incapable que personne ne nous envie ?
Un père de famille indigné.

L’écolière, objet de la vindicte de l’instituteur a vu le jour à Vescemont en 1905, dans le foyer d’Eugène Millot d’origine alsacienne et de Zélie Oriez de Chaux.
L’instituteur ainsi mis en cause se dénomme François Fendeleur, originaire d’Auxelles-Bas, où il est né en 1866.
En charge de l’école de Vescemont-village à la suite du décès de François Guillaumé survenu à  la fin de l’année 1910 (à l’âge de 48 ans et en poste depuis le 1er  février 1908),  il y réside ainsi que son épouse et leurs trois enfants.
Rappelons qu’à cette époque, la commune de Vescemont compte deux écoles, l’une au « village », l’autre à La Planche-le-Prêtre, et qu’en 1911, sur une population totale dénombrée de 557 habitants, 300 vivent au « village » et 157 à La Planche. C’est une institutrice d’origine alsacienne, Mme Joséphine Wolff, qui s’occupe de l’éducation des enfants de La Planche.

Réactions du conseil municipal

Le conseil municipal alerté, ne tarde pas à réagir et de quelle manière !

(La suite dans :  Vescemont : les relations difficiles entre la municipalité et l’instituteur…, par Maurice Helle, page 72)

Céquoidon

Nous proposions deux devinettes, aucun de nos lecteurs n’a tenté sa chance. Ce n’était, il est vrai pas facile, les deux objets paraissent assez rares. Ils ressortent tous deux à des métiers proches qui d’ailleurs ne se distinguaient autrefois pas l’un de l’autre. Sous le vocable unique de charpentier se trouvaient réunis tous ceux qui « euvrent du tranchant en merrien » (œuvrent en tranchant les merrains) selon Le livre des métiers du prévôt de Paris sous Louis IX, Étienne Boileau. Traduit en langage actuel, tous les métiers des travailleurs du bois faisaient au début une unique corporation. Un dicton évocateur du Dauphiné : « Charpentier gai, charron fort, menuisier juste. »

Vrille de charpentier
Bernard Bardot de Chaux, qui a souvent remporté le challenge du céquoidon proposait un outil étrange qui faisait penser au bourrage d’un boyau pour faire de la saucisse ou à une douille de pâtissier pour déposer la crème. Mais il fallait penser au contenu caché de ce tube à bout conique. C’est une vrille, tarière de charpentier destinée au forage des trous de cheville. Longueur 15 cm, le tube se visse astucieusement pour servir de poignée.

Brochoir de charron
L’autre objet énigmatique est plutôt un instrument qu’un outil, il n’agit pas directement sur la matière. Les manuels d’outils et de métiers de charron n’en parlent même pas, car seuls  certains charrons artisans non mécanisés de village en avaient l’emploi.
Il était hors des produits manufacturés des catalogues, chaque artisan se fabriquant le sien. La seule mention trouvée est dans un des excellents livres de Jean-François Robert,  fondateur helvétique d’un très beau musée du bois à l’arboretum d’Aubonne non loin du lac Léman ( référence du livre : L’atelier imaginaire, objets de mémoire éditions Cabédita,  collection archives vivantes p.122 & 123.)
C’est un instrument de réglage du charron, complément d’un outil de coupe manuel pour façonner les tenons des rais ou rayons. Sur une roue en bois, il faut donner un léger angle aux  rais pour créer une jambe de force afin de résister aux contraintes centrifuges et centripètes qui casseraient la roue. Cet angle s’appelle l’écuage ou l’écuanteur.
L’emmanchement des rais impose de reproduire exactement cet angle lors de la confection des tenons. L’inclinaison correcte du rai est déterminée par le vé métallique qui pivote et se règle par l’appui d’une vis. L’extrémité du rai, côté jante, se termine par un tenon cylindrique. L’instrument permet de régler l’ajustement de l’angle, l’usinage du tenon se faisant avec un rabot spécial appelé brochoir, dont la position s’aligne sur la face du céquoidon.
De fait il s’agit d’une espèce très spécifque de fausse équerre. Le travail de charron, tout comme celui du tonnelier étonne et fascine par sa précision géométrique. Une perfection obtenue avec des outils simples et une parfaite maîtrise des gestes. Une fois encore nous vous renvoyons aux photos qui montrent les détails.

(La suite dans : Céquoidon, par Claude Canard, page 74)

Les vieilles familles du Territoire : les Sauvageot

Les Sauvageot descendent d’habitants des forêts du Rosemont au nord-est de Belfort.
Vraisemblablement les habitants de Belfort appelaient ces habitants : les Salvages, à l’instar de ce moine cité par le trouvère du XIIe  siècle dans sa chronique des ducs de Normandie, « l’ermite salvage, celui qui vit seul dans la forêt ».
Le mot « salvage », forme archaïque de sauvage, se rapporte à la sylve, la forêt dense de jadis, havre de sécurité, réserve d’eau et de nourriture, de chaleur et d’ombre. Provient du bas latin : salvaticum, adjectif issu du latin silvatius indiquant l’origine forestière du nom silva, la forêt.
Ce patronyme comporte plusieurs variantes : SALVAGE,  SALVAIGEAT,  SAVAIGEAT,  SALVAIGEOT, SAUVAIGEOT, SAULVAIGEOT…
Les SAVAIGEAT étaient présents dès le XIVe siècle dans l’Ajoie (Porrentruy).

  • Jéhan, dit Savaigeat, escuyer, bailli de Porrentruy, cité le 25 juin 1337, époux de Adatte, dont leurs enfants, Horry, Girer, Perrin, Jehannette, Adatte et Agnès.
  • Henri, dit Savaigeat, escuyer, cité dans un acte de vente de Porrentruy le 7 octobre 1342
  • Richard Savaigeat, curé de Grosne et Horry son frère sont témoins avec Jehan PLENJOUSE, escuyer prévôt de Porrentruy le 20 janvier 1328.

Leur présence dans le Rosemont est plus récente, au XVIe  siècle au hameau de Bourg dépendant d’Anjoutey pendant cinq siècles. La tige de cette branche fut composé par le couple Claude SAUVAGEOT et Pierrette  MERLET. Ils s’implantèrent également à Rougemont-le-Château, Etueffont, Lamadeleine.
Un rameau s’alliant à la famille KALT se fixa à Masevaux, puis à Mulhouse.
Une branche venant de Bourg émigra en 1912 au Canada.
Claude SALVAIGEOT le vieil (1500 – 1587), époux de Nn Sébille, est cité en 1577 par Jean CHEVIRON, maire d’Anjoutey, dans une lettre d’approbation d’une sentence.
En 1789, pour la rédaction des cahiers de doléances, sont cités : les frères Mathieu, Claude et François, fils du défunt Jean SAUVAGEOT.

(La suite dans :  Les vieilles familles du Territoire : les Sauvageot, par Gérard Jacquot, page 77)

Une lettre retrouvée d’Arsène Zeller

Au hasard de rencontres et d’échanges, un ami et correspondant de Mathay (25) amateur de vieux papiers en possession parmi une liasse de lettres diverses de celle dont la transcription suit, en a cédé une copie. Elle ne peut sans doute qu’intéresser les lecteurs de La Vôge au moins à deux titres :
Son signataire, Arsène Zeller  est un illustre Giromagnien, et il y a peu de risque à affirmer que ce texte est inédit, une seule version, celle du destinataire étant sans doute conservée et connue. La seconde cause de sa mise en colonnes dans La Vôge est le début très prochain des années commémoratives du centenaire de la Grande Guerre.
Or, ce précieux document, daté de septembre 1915 ne manque pas de fournir sous forme épistolaire, à la fois une vision de l’inquiétude sous-jacente pour ceux qui montent au front, une profession de foi patriotique et des indications sur des événements sous-vosgiens. Ainsi cette grande revue à Chaux de vingt mille hommes en présence du président de la République et
du ministre de la Guerre, fait important qui pourrait justifier dans une éventuelle prochaine édition de notre revue d’un article détaillé, si toutefois une documentation fiable, précise et inédite peut être trouvée.
Avis à vous amis lecteurs, si vos archives familiales permettent, pour ce fait ou pour d’autres de cette période de raconter faits ou anecdotes, vous pouvez bien entendu nous en faire part.
Après  la transcription de la lettre, nous proposons quelques lignes de notes pour situer le personnage d’Arsène Zeller, vous présenter l’auteur des deux illustrations peintes à l’époque et un bout d’historique du régiment représenté, sujet artistique à Frahier de la Division Marocaine.

« Giromagny, jeudi 23 Septembre 1915.
5, rue du tilleul

Mon cher Albert,
Avant de quitter Giromagny, pour rentrer à Delle, je viens causer un moment avec vous. Je vous vois aussi dans la montagne, vous et Paul Chomiat, en train de devenir de braves et solides alpins…
Nous avons eu pendant ce mois de septembre, un temps à souhait. Avec Georges – rentré de Suisse le 1er courant – et ses sœurs, nous avons fait de fréquentes sorties dans nos Vosges, si attrayantes en cette saison. Lundi dernier, nous étions au Baerenkopf ; aller par Rieverscemont, retour par La Madeleine. Nous avons vu, de là-haut, notre belle Alsace où le canon tonne et où sonneront joyeusement, un jour, les cloches, pour la libération du pays. Hier nous étions au saut de la truite où la forêt inspirait justement un vieux peintre que nous avons rencontré en face d’une roche moussue. Et ce spectacle était quelque chose de si inattendu, qu’il nous faisait  rêver. En ce moment toutes nos pensées vont vers l’action, sont avec nos défenseurs. Il semble que toute la vie soit concentrée à l’armée, dont la vaillance ne lasse pas notre admiration.
Nous avons vécu, il y a quelques semaines, avec la belle division marocaine que Giromagny et ses environs hébergeaient alors. C’était un mouvement qui  transformait notre paisible  vallée. À Chaux, nous avons assisté à une revue de vingt mille hommes, passée par M. le Président de la République et M. le Ministre de la guerre. Des drapeaux ont été remis aux zouaves et aux tirailleurs. C’est le  tableau le plus merveilleux que j’ai jamais eu sous les yeux. De ces tableaux-là, vous en verrez aussi, mon cher Albert, et vous éprouverez certainement, à les contempler, le même frisson de patriotique orgueil. En attendant, donnez-moi toujours des détails sur votre genre de vie. Elle ne doit pas être pour vous déplaire, cette existence bien remplie. Les beautés agrestes de la région où vous vous trouvez doivent aussi vous être connues. Si les hasards des manœuvres vous conduisaient à Grasse, j’ai là un cousin, que vous iriez saluer pour nous : M. Prosper Lamielle, il a perdu son gendre professeur au collège d’Antibes, tout au début de la guerre. Demain, nous rentrons à Delle. Je pense avoir M. Tritschler pour la nouvelle année scolaire. S’il n’est pas nommé à Paris, toutefois. J’aurai quelques changements parmi ces demoiselles qui remplacent nos maîtres mobilisés. L’essentiel est que le service soit assuré. Georges va partir au lycée de Lons-le-Saunier. Si sa classe est appelée au régiment l’an prochain (classe 18),  il est possible qu’il s’y rende sans avoir passé ses examens de baccalauréat. Mais c’est une… »

(La suite dans : Une lettre retrouvée d’Arsène Zeller , par Claude Canard, page 78)

…Une tombe, une histoire

Sous ce titre  sont réunies cette  fois, deux histoires. La première, celle d’un ancien grognard de Napoléon, peut paraître glorieuse. La seconde, celle d’un petit marchand de fourrage semble plus discrète. Pourtant la lecture de leur vie nous apprend que ces deux hommes ont vécu laborieusement, durement, pauvrement. Et nos cimetières renferment plein d’histoires comme celles-ci…

Georges Stalder, ancien soldat de l’Empire, enterré à Lepuix

La Vôge 2012, n°40, évoque la vie et le passé militaire du grognard Jean-Baptiste Jeanrichard, dont la tombe au cimetière de Rougegoutte attire et retient l’attention de tout visiteur.
Plus modeste est celle, à Lepuix, de Georges Stalder. A proximité d’une croix de mission, ce monument qui présente sur le côté la cocarde tricolore du Souvenir Français, rend hommage à la mémoire de celui-ci.
La stèle de section rectangulaire n’arbore aucun motif décoratif rappelant l’épopée napoléonienne du défunt, mais porte seulement l’inscription suivante :
ICI REPOSE STALDER GEORGE
DECEDEE (sic) LE 18 AOÛT 1878
A L’AGE DE 89 ANS. ANCIEN
SOLDAT DE L’EMPIRE
CAMPAGNE D’AUTRICHE 1809
WAGRAM 1810-11-12 ET 13
ESPAGNE, PORTUGAL,
ET FRANCE 1814
PRISONNIER A WATERLOO
EN 1815

La partie horizontale de la tombe supporte une dalle en granit de facture plus récente et de dimensions moindres sur laquelle figure la mention FAMILLE JEANNENOT-PERROS.

Le passé militaire de Georges Stalder

Ainsi, Georges Stalder a-t-il participé aux guerres de l’Empire, d’abord la campagne d’Autriche 1809, puis celles d’Espagne et du Portugal (1810 à 1813), de France en 1814, et enfin de Belgique à l’issue de laquelle il connaît les affres de la captivité après le désastre de Waterloo  (18 juin 1815) qui provoque la fin du régime impérial.
Revenu à la vie civile le 26 mars 1816, il aura servi la patrie, comme fusilier au 8° de ligne (un régiment d’infanterie), depuis le 22 mai 1809 date à laquelle il endosse l’uniforme.
Durant de laps de temps, que de souffrances endurées… que de kilomètres parcourus à pied !…
À ce titre, il se voit décerner en 1857, la médaille de Sainte Hélène instituée par un décret du 12 août 1857 de Napoléon III « pour honorer par une distinction spéciale, les militaires qui ont combattu sous les drapeaux de  la France dans les grandes guerres de 1792 à 1815 ».
Son épopée de grognard évoquée, intéressons-nous maintenant à sa biographie : une vie simple et laborieuse de paysan de montagne ou de journalier louant ses bras, s’échinant au travail de  la terre  ingrate du Mont-Jean de Lepuix où il passa l’essentiel de son existence ; existence assombrie d’ailleurs par de nombreux drames familiaux.

(La suite dans : Une tombe, une histoire, par Maurice Helle, page 82)

Le médaillon oublié du cimetière d’Anjoutey

Appuyés tous les deux sur la barrière qui séparent nos jardins, je discute avec Michel, mon voisin du bout de la rue de la Forêt. Nous parlons de l’histoire du village, de la date de construction des maisons les plus vieilles…
– Tiens, tu vois, même ici où on n’est pas sur un site archéologique, et bien à chaque fois que je creuse un trou, je trouve une pierre. Mais attention, pas un vulgaire morceau de caillou, non, une pierre qui a servi dans un mur !
Michel a raison, l’histoire est sous nos pieds, elle laisse traîner des indices partout et nous ne les remarquons pas toujours. Tiens, par exemple, l’autre jour, je me promenais dans  le  cimetière d’Anjoutey pour y faire des photos et, l’attention sans doute aiguisée par le fait de chercher le bon angle de prise de vue, je remarque un disque blanc dans le cadre d’une tombe délaissée.
Banal, me direz-vous. Oui, mais pourquoi ne l’avais-je jamais vu auparavant ? Je m’approche. Le disque est en fait un médaillon autrefois cloué au carrefour des deux bois d’une croix, depuis longtemps retournée en poussière.
L’émail a bien tenu et on peut y lire : « Ici repose en Dieu Jules COTLEUR né le 4 juin 1881 déc. le 24 avril 1929 ».
Le patronyme n’est pas courant à Anjoutey, d’où pouvait bien venir et que pouvait bien faire en 1929 ce Cotleur dont le chemin s’est arrêté ici ?
Vous me direz, mais que t’importe cet inconnu que tout le monde a oublié et dont plus personne n’entretient la tombe ? Justement, c’est peut-être parce que personne ne s’en occupe plus qu’il m’intéresse, le pauvre Jules. En retrouvant son histoire, je le ferai remonter un peu à la surface…
En 1926, Jules Cotleur et son épouse Marie-Louise Bentz habitaient avec leurs cinq enfants dans une belle maison de la rue de la Combe, actuellement rue de la Charme, à Anjoutey. Dans la « Liste nominative des habitants d’Anjoutey » dénombrés en 1926, le chef de famille était déclaré comme « patron cultivateur » mais la mention « néant » avait été portée dans la colonne « Profession » en face du nom de sa femme ; ce qui n’empêchait pas cette dernière de manier le râteau pendant la fenaison après avoir préparé la soupe pour toute la maisonnée. Car il semble bien que l’activité des Cotleur se soit plutôt concentrée sur la production de fourrage : en face de leur logis se trouvait une « grangerie », un hangar permettant de stocker du foin mais pas vraiment de pratiquer l’élevage. Cette hypothèse est confirmée par l’inscription « COTLEUR Jules, marchand de fourrages à Anjoutey », pour un chiffre d’affaire de 3000 francs en 1926 dans le « Rôle de l’impôt général » établi par la perception d’Etueffont-Haut. On note au passage que, en 1927, il aura été obligé de payer son impôt en deux fois, avec une majoration de 25% et que le solde n’a été réglé qu’au mois de juillet, à la fin de la fenaison. Les affaires n’étaient peut-être pas si brillantes que cela.
À 19 ans, Irêne, l’ainée, travaillait comme…

(La suite dans : Une tombe, une histoire, par Roland Guillaume, page 86)

Bannières en tête

Si les processions restent présentes dans la liturgie catholique, elles n’ont plus l’ampleur et le faste qui les caractérisaient jusqu’aux années soixante dans les villages en particulier. Fête-Dieu ou Rogations, fêtes de la sainte Jeanne d’Arc ou pèlerinage visant à obtenir la pluie ou le soleil, elles regroupaient une grosse partie de la population, et rythmaient l’année. Les bannières, sortes d’oriflammes chrétiens portées par trois jeunes filles ou jeunes femmes (l’une tenant le mât les deux autres les haubans qui permettaient de stabiliser la bannière)
étaient sorties pour l’occasion. Lorsque la circulation automobile et l’évolution de la liturgie ont eu raison des grandes processions, les bannières ont été remisées, roulées ou suspendues dans les placards des sacristies et elles ont plus ou moins bien vieilli selon le degré d’humidité et l’appétit des rongeurs ou autres parasites.
En 2012 certaines d’entre elles, avaient été présentées à l’église de Rougemont lors d’une exposition de vêtements sacerdotaux organisée par l’APPAC-VSN (Association pour la Préservation du Patrimoine Architectural et Culturel de la Vallée de la Saint-Nicolas) mais lorsque de nouvelles trouvailles ont été faites, l’association a souhaité faire découvrir l’ensemble des bannières collectées dans les églises de la paroisse Saint-Nicolas. On a pu les admirer du 15 au 23 juin 2013 dans l’église Saint-Vincent de Lachapelle.

Composition

À une exception près les bannières exposées sont fabriquées de la même façon : deux panneaux de velours ou de tissu damassé assemblés, de 1 m environ sur 1,30  ou 1,40 m. La  tenue est assurée par de la toile de jute insérée entre eux. Chaque rectangle est décoré. La partie supérieure forme un gousset dans lequel passe une traverse terminée aux deux extrémités par un embout de bois doré. Recto et verso sont décorés différemment.
La partie centrale de chaque panneau représente le Christ, la Vierge, un saint patron (saint Nicolas, Jeanne d’Arc, saint Louis de Gonzague…) ou un épisode de leur vie : la mort de  saint François Xavier ou saint Nicolas ressuscitant les trois enfants mis au saloir, sainte Anne enseignant la Vierge. La technique utilisée pour représenter cette partie permet de situer approximativement dans le temps l’exécution de la bannière. Première moitié du XIXe siècle lorsqu’il s’agit d’une toile peinte.
Fin XIXe  début XXe  s’il s’agit de l’application de motifs brodés selon une technique dite de peinture à l’aiguille, (passé empiétant réalisé avec des fils de soie très fins dont les nuances  se fondent entre elles) ou si le personnage central est en relief, visage et mains en carton peint et vêtements de soie ou de velours.
Le motif principal est entouré de broderies en fils métalliques souvent dorés, avec des applications de paillettes de lames et de perles de métal ou de verre coloré. Le plus souvent ce  sont des motifs floraux, roses, lys… Il y a parfois aussi des rinceaux (motif d’arabesque de feuillages, de feurs ou de fruits) ou des palmettes (motif décoratif en forme de feuille de palmier).
Enfin la partie inférieure, appelée lambrequin est découpée en festons réguliers nus ou bordés de franges en canetilles. Des pompons de passementerie sont suspendus dans les parties creuses. De part et d’autres des cordelières en passementerie permettent de stabiliser la bannière.

Les thèmes

La Vierge est la plus représentée. Onze des 24 panneaux présentés lui sont consacrés. En effet la dévotion mariale est très vive, portée par des associations comme les Enfants de Marie présentes lors des processions. Elle apparaît parfois en majesté, couronnée et écrasant du pied le serpent, symbole du Mal ou accueillant les âmes du Purgatoire, sur une bannière de deuil. On trouve aussi illustrés des épisodes de sa vie : enfant avec sa mère, ou rencontrant sa cousine Élisabeth lors de la Visitation.
Viennent ensuite les représentations des saints. Saints patrons des églises, saint Pierre, saint Nicolas pour Rougemont, saint Vincent pour Lachapelle, ou saints vénérés dans un contexte politique particulier. C’est le cas de Jeanne d’Arc qui, avant même sa canonisation (1921), connaît un regain de popularité entre 1870 et la Première Guerre mondiale, période de nationalisme exacerbé.
Plusieurs bannières mettent en scène un jeune prêtre en prière. Il peut s’agir de saint Louis de Gonzague patron de la jeunesse catholique ou de saint François Xavier,  jésuite missionnaire en Extrême-Orient. Les deux interprétations sont plausibles. Y a-t-il un lien avec la présence d’un séminaire puis d’un collège à Lachapelle ?
Des bannières spécifiques étaient portées dans les processions deuil organisées entre la maison du défunt et l’église, lors des enterrements des…

(La suite dans : Bannières en tête, par Dominique Dattler, page 88)

1870 – 1871 : quand l’actuel canton de Rougemont eut à subir l’occupation prussienne

Il a été souvent question du Pays sous-vosgien par les troupes allemandes entre juin 1940 et novembre 1944. Elle fut longue, pesante et demeure encore très présente dans beaucoup de mémoires. On a moins évoqué l’occupation prussienne entre novembre 1870 et mars 1871.
Pourtant, elle fut très éprouvante pour la population d’alors. Regardons, chiffres à l’appui, à quel point la présence ennemie dans nos villages fut rude. Cette occupation sera cependant d’une durée relativement courte car elle cessera peu après la reddition de la place forte de Belfort, le 17 février 1871, après 103 jours de siège…

À plate couture !

La France déclare la guerre au royaume de Prusse le 19 juillet 1870. L’Alsace est la première à subir les affres de la confrontation. L’insuffisance de l’organisation militaire française est vite une évidence. Bavarois et Prussiens sont dans Wissembourg dès le 4 août. Malgré la célèbre charge héroïque de ses cuirassiers, l’armée française est écrasée à Reichshoffen.
Strasbourg est attaquée le 12 août et se rend le 27 septembre. Mulhouse est occupée le 3 octobre, Colmar le 8, Sélestat le 24. Le 1er novembre 1870, 15 000 Prussiens marchent sur Belfort en deux corps distincts. L’un longe les contreforts du Jura, l’autre le pied des Vosges.
Ce dernier parvient à Sentheim, se scinde en deux et se dirige vers Lauw-Rougemont d’une part et vers Soppe-Lachapelle-sous-Rougemont d’autre part.

Lachapelle transformé en base arrière prussienne

Le 2 novembre 1870, les troupes prussiennes investissent Lachapelle-sous-Rougemont et se dirigent vers Belfort que le général von Tresckow veut investir au plus vite. Mais au hameau des Errues, les mobiles du Rhône ont dressé une barricade sur le pont de Lamadeleine dont les eaux ont débordé et envahi les prés avoisinants (un phénomène encore fréquent de nos jours). Une lutte sans merci s’engage et s’étend jusqu’à Roppe. Il s’avère d’ores et déjà que l’investissement de Belfort et de sa citadelle n’est pas encore pour tout de suite. Lachapelle-sous-Rougemont devient alors la base arrière de l’ennemi. Le quartier général prussien s’y installe. Les magasins d’approvisionnement y sont établis, notamment au collège catholique qui est également transformé en hôpital. Cet hôpital compte un lazaret qui accueille les nombreux combattants atteints de la variole hémorragique, véritable fléau de ce début de guerre. La commune est sommée de construire 9 fours à pain, 1 poudrière, des magasins de fourrage et 2 boucheries. Toutes les troupes stationnées aux alentours et devant attaquer Belfort viennent s’approvisionner au village. écrasé par la présence ennemie et ses exigences. Le 8 décembre 1870. la commune se voit contrainte de souscrire un emprunt de 4 000 francs destiné  » au paiement des charrois, perte de chevaux et de voitures, achat de boeufs et autres frais occasionnés jusqu’à ce jour par l’invasion « . C’est le brasseur local Jean-Baptiste Grisez et lui seul qui prête les 4 000 francs en numéraire.
À l’heure des bilans dressés en octobre 1871, la commune déplore les dégradations considérables constatées dans les appartements, les jardins, la cour du collège, à la maison commune et à la halle…

Saint-Germain croule sous le poids des réquisitions

Saint-Germain a le triste privilège d’être situé près des Errues et de fait, partage son sort avec Lachapelle-sous-Rougemont. Entre le 3 et le 4 novembre 1870, la commune doit fournir 1659 litres de vin aux Uhlans, au 14ème et au 21ème Landwehr, ainsi que 323 litres d’eau de vie. Les différents commandements de ces régiments demandent également 6 boeufs, 1 mouton et le général (Von Tresckow ?), stationné aux Errues, réclame pour sa part 2 cochons. En plus de tout cela, il a fallu livrer entre le 2 et le 16 novembre 1050kg de pain, 500 quintaux de foin, 420 stères de bois de chauffage et 380 kg de pommes de terre. Les réquisitions sont de tous ordres ; ainsi le 27 décembre et le 23 janvier faut-il trouver 20 paires de sabots pour les malades et les travailleurs se trouvant à Lachapelle, et de l’huile pour l’éclairage des corps de garde et du lazaret. Le 21 janvier 1871 ce sont 3 cercueils que réclame le commandant de la 5ème Cie du 26ème Landwehr afin d’enterrer des officiers à Bessoncourt. Le 9 janvier, le sous-intendant militaire prussien réclame en urgence un fourneau avec un tuyau destiné aux tranchées. Et les réquisitions ne sont pas les seules à éprouver la population, le 9 décembre 1870 par exemple, il faut héberger 200 hommes et 184 chevaux qui transportent des boulets.
Comme nous l’avons dit précédemment, la fin du siège de Belfort marque également la fin de l’occupation des villages, mais là encore Saint-Cermain subit le poids du passage des troupes ennemies qu’il faut héberger coûte que coûte pour une nuit de halte : le 3 mars, 250 artilleurs et 187 chevaux, le 9 mars 350 artilleurs et 350 chevaux, le 20 mars, 250 soldats badois, le 23 mars 1270 hommes du 70ème régiment d’active. Rappelons pour mémoire que Saint-Germain comptait à la veille de la guerre à peine 275 habitants, c’est dire combien la charge fut lourde…

(La suite dans : 1870 – 1871 : quand l’actuel canton de Rougemont eut à subir l’occupation prussienne, par François Sellier, page 95)

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