Table des matières
« Toute cette canaille se révolte… » Problèmes forestiers au XVllle siècle |
Philippe DATTLER |
2 |
Le cahier de doléances de Grosmagny |
Michel ESTIENNE |
6 |
« Vive l’Etat Civil ! » |
Danie| CHARGUERAUD |
9 |
La maison de la négritude et les droits de l’Homme de Champagney |
André OLIVIER |
11 |
Il y a 100 ans ! Le centenaire de la Révolution |
François SELLIER |
13 |
La fontaine Louis XV de Giromagny |
François LIEBELIN |
16 |
La citerne du château |
Pierre WALTER |
23 |
La toponymie |
François SELLIER |
26 |
Les sources de l’histoire de la zone sous-vosgienne – Les archives judiciaires |
Olivier BILLOT et Michel ESTIENNE |
29 |
Une caserne autrichienne à Rougemont |
Etienne KELLER |
32 |
MAGAZINE |
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34 |
André Chabiel de Morière |
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Ouverture d’une école maternelle à Grosmagny |
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Le puits de la brasserie de Lachapelle à Petite-Fontaine |
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Anjoutey rend hommage à un démineur |
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La métallurgie au musée d’Etueffont |
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Partie de boules macabre à Rougemont |
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À lire sur la région sous-vosgienne |
« Toute cette canaille se révolte… »
Problèmes forestiers au XVIlle siècle
Au XVIIIe siècle, la forêt alsacienne couvre environ 280 000 ha : 125 000 ha appartiennent aux communautés villageoises et aux villages,autant aux différents seigneurs, et 30 000 ha sont forêts royales. Ces étendues boisées sont vastes mais soumises à de fortes pressions économiques et sociales. Dans la région sous-vosgienne, seigneurs et habitants luttent longuement et âprement pour le contrôle ou l’usage des forêts (1).
Au XVlle siècle, la guerre de Trente Ans a été favorable à l’extension des forêts. L’exploitation était irrégulière, le bétail en diminution, la chasse peu pratiquée et les hommes moins nombreux, tous facteurs qui ont contribué à l’essor des boisements même si les armées en campagne ont largement puisé dans les bois pour satisfaire leurs besoins. Avec le retour de la paix, la situation va être modifiée. Les besoins pour la reconstruction sont grands et la police des forêts est à peu près inexistante. Paradoxalement, les besoins militaires grandissent avec le stationnement de garnisons nombreuses et importantes et le développement des travaux de fortifications. La réforme des forêts françaises, amorcée par l’ordonnance de 1669, a peu d’effets immédiats en Alsace. Une Maîtrise des eaux et forêts est bien créée à Ensisheim pour la Haute-Alsace mais les forêts seigneuriales échappent à sa compétence.
Les efforts de l’administration ne permettent pas d’enrayer la crise forestière qui se développe au XVllle siècle. Une ordonnance royale de 1723 soumet à autorisation la création de nouvelles « usines » (forges, verreries …) grosses consommatrices de bois. En Alsace, en 1722, l’intendant interdit les exportations de bois ; décision peu efficace puisque l’interdiction doit être renouvelée en 1763. L’intendant montre d’ailleurs le mauvais exemple en autorisant la duchesse de Mazarin, seigneur de Belfort, à exporter à partir de 1771 et, chaque année, 2 000 cordes (2), 200 bannes (3) de charbon et 500 arbres de sciage et de charpente venant de ses forêts du comté de Ferrette.
Une forêt vaste et très convoitée
La Trouée de Belfort est une région très boisée. Des plans dressés pour chaque village au début des années 1760 à l’initiative de l’intendant d’Alsace, et conservés aujourd’hui aux Archives Départementales du Haut-Rhin (4), donnent une idée précise de l’importance des forêts. Dans le Rosemont (partie sous-vosgienne du comté de Belfort), la propriété villageoise et privée est marginale avec 1261 arpents (5) alors que les bois seigneuriaux, principalement aux Mazarin, couvrent 11721 arpents soit plus de 90 % du total.
La population exerce une forte pression sur ces bois seigneuriaux, elle possède en effet des droits d’usage aussi étendus qu’anciens. Pour les villageois, l’espace sylvicole est un prolongement naturel du finage cultivé. Il permet aux habitants de se procurer le chauffage, le bois d’oeuvre, le bois nécessaire à l’outillage, il fournit une part de la nourriture des porcs et, bien souvent, sert au pâturage du gros bétail. Certains vendent jusqu’à Bâle des écorces de chênes pour les tanneries. Un peu partout des paysans prennent en location du bétail qu’ils envoient paître dans les forêts du seigneur.
Par ailleurs, la forêt doit fournir en priorité bois et combustible aux forges et aux mines d’argent des Mazarin. Les besoins pour les installations métallurgiques sont particulièrement en expansion aux XVlle et XVllle siècles. En 1655, 55 ha sont chaque année affectés aux forges et aucun dans la zone sous-vosgienne. En 1783, c’est 233 ha qui sont exploités annuellement dont 166 ha dans le Rosemont.
L’accroissement des difficultés d’approvisionnements contraint la seigneurie à exploiter des forêts éloignées des établissements métallurgiques et d’accès difficile. Les besoins sont en hausse alors que les dégradations des villageois et l’exploitation anarchique et intensive de la seigneurie réduisent les rendements. La forêt ne pouvant plus satisfaire les besoins, le seigneur et les communautés doivent, soit réduire leurs besoins, soit engager un conflit qui permettrait à l’une des parties d’évincer l’autre. La seigneurie prend l’initiative des opérations dès la fin du XVlle siècle. Elle met en place une administration forestière et s’emploie vigoureusement à réduire les droits d’usage. Le droit de glandage (6) est limité à cinq ou six porcs selon les ménages, le pâturage est interdit dans les jeunes coupes et il est interdit partout aux bêtes de location, le droit de chauffage est réduit au ramassage du bois mort ou cassé naturellement et l’attribution de bois d’oeuvre devient une grâce accordée parcimonieusement aux victimes d’incendies. Les paysans refusent ces limitations. Les délits forestiers augmentent, leur répression également. Un agent ducal écrit « les brigands font des délits pour leurs besoins ».
Toute cette canaille se révolte
Au début du XVllle siècle, les procès se multiplient, mettant aux prises des particuliers ou des communautés et la seigneurie à propos des usages. Le 26 septembre 1 738, les communautés du Rosemont obtiennent un arrêt du Conseil souverain d’Alsace qui interdit les coupes préjudiciables aux usages communautaires. La cour de Colmar met ainsi le feu aux poudres en touchant la seigneurie dans ses intérêts vitaux. Le conseil de la duchesse hésite plus d’un an sur la conduite à tenir puis, début mars 1739, introduit une requête au Conseil du roi pour demander le cantonnement des forêts du Rosemont (voir encadré). En s’adressant au Conseil d’Etat à Versailles de préférence au Conseil souverain à Colmar les hommes d’affaires de la jeune duchesse (elle a cinq ans) pensent jouer de toute l’influence de la famille Mazarin. Le grand maître des eaux et forêts de Bourgogne, Comté et Alsace sera consulté, or, résidant à Besançon, il sera accessible aux pressions du grand-père de la duchesse gouverneur de Franche-Comté. A Versailles, la grand-mère intervient auprès du contrôleur général (7) qui doit rapporter l’affaire au Conseil.
Les communautés tentent de ramener le procès à Colmar où le Conseil souverain a la réputation d’être hostile aux Mazarin. Elles sont déboutées de leur demande en décembre 1739. Les villages du Rosemont, pour faire face à la situation, désignent des représentants : Joseph Travers de Giromagny et Georges Belot de Lachapelle et lèvent 6 000 livres pour couvrir leurs frais de procédure. Mais c’est sur le terrain que s’exprime le plus facilement l’opposition des communautés. Les délits forestiers se multiplient à tel point qu’un agent de la duchesse écrit « toute cette canaille se révolte ». Le phénomène le plus étonnant est sans conteste l’attitude collective des habitants. Leur détermination se manifeste de façon spectaculaire lors d’une enquête dans le Rosemont, ordonnée par le Conseil du roi et entreprise par Nansé, maître des eaux et forêts d’Ensisheim. A la suite de sa visite, Nansé rédige un rapport figurant dans les papiers de famille Mazarin conservés aux Archives du Palais de Monaco (8). Ce document est transcrit à la suite de cet article dans son intégralité. Toutefois, pour la commodité du lecteur, l’orthographe et la ponctuation ont été « modernisées,, ainsi que quelques tournures de phrases un peu désuètes.
Le procès verbal montre la détermination et la discipline dont font preuve les habitants dans leur opposition pour la défense de droits séculaires qui ne leurs sont pas moins vitaux qu’à la seigneurie. Celle-ci a le droit pour elle, elle a les moyens de le faire valoir et la possibilité d’utiliser la force publique. Face à elle, la population utilise la violence verbale, la force d’inertie et un défaut de violence physique. Force reste aux hommes mandatés par la justice royale mais leur visite du Rosemont est un échec.
L’affaire du cantonnement se poursuit néanmoins. Après bien des péripéties, qui sont hors de propos, le Conseil du roi rend un arrêt le 27 avril 1762 qui donne satisfaction à la duchesse. Les communautés reçoivent en pleine propriété 3500 arpents environ, soit près du tiers du total des forêts seigneurales. En échange de ces forêts, les moins bonnes, elles perdent tous leurs droits sur le reste des bois du seigneur. Cet épisode illustre la réaction seigneuriale qui se développe à la fin de l’Ancien Régime dans la région de Belfort. Dans le même temps grandit l’hostilité des habitants. Elle a pour point d’appui le problème forestier, la forêt jouant un rôle essentiel dans la vie quotidienne des populations. 1789, dans la région sous vosgienne, signifiera d’abord la fin du cantonnement et les paysans se précipiteront dans les forêts seigneuriales où le pillage sera parfois plus l’expression d’une…
(La suite dans : « Toute cette canaille se révolte… » Problèmes forestiers au XVIlle siècle par Philippe DATTLER, page 2)
Le cahier de doléances de Grosmagny
La majeure partie des régions de France ont conservé la presque totalité de leurs cahiers de doléances, rédigés à l’occasion des Etats généraux de 1789. L’Alsace fait exception à cette règle. En effet, l’intendance n’assura pas la récupération de l’ensemble des cahiers rédigés dans les paroisses, Ies « cahiers primaires », et leur conservation fut laissée à la charge des communautés. Bien peu s’acquittèrent de cette tâche, et les pertes furent considérables. Seu/s deux de ces cahiers ont pour l’heure été retrouvés pour Ie Territoire de Beltort : ceux de Faverois et de Grosmagny.
La rédaction de cahiers
Ce fut le 24 janvier 1789 que parut le règlement portant convocation des Etats généraux. Le cas de l’Alsace était un peu particulier, car c’était la première lois que ses représentants participaient à une réunion des Etats, les précédents ayant eu lieu avant le rattachement de l’Alsace au royaume. Il n’était pas question pour chaque paroisse d’envoyer à Versailles des députés et un cahier de doléances. Le système fut à plusieurs degrés : chaque paroisse (1) devait rédiger un cahier de doléances particulier, et élire deux députés pour le porter au siège du bailliage, ici Belfort, bailliage créé pour l’occasion par la réunion des deux districts de Belfort et Huningue. Les délais impartis étaient brefs, puisque les communautés ne disposaient que de huit jours pour effectuer ces opérations après publication des ordres du roi. Cette publication était effectuée lors de la grand messe, comme toutes les publications importantes alors. Au siège du bailliage devait être rédigé un cahier de synthèse, que porteraient les députés du tiers (trois pour Belfort-Huningue). Ce fut aux alentours du 20 mars 1789 que se réunirent les habitants de Grosmagny pour rédiger leur cahier, certainement en présence d’un représentant de l’autorité seigneuriale (2). Avaient le droit de participer à cette cérémonie tous les habitants de sexe masculin, français, âgés de vingt-cinq ans et inscrits au rôle des impositions, donc un représentant en théorie par feu au plus. Il ne s’agit pas encore du suffrage universel, mais aucune restriction n’existe liée à la fortune, et les opérations répondent pour l’essentiel aux critères de la démocratie tels qu’ils furent admis en France jusqu’à la dernière guerre. La tenue de cette assemblée avait été annoncée le dimanche précédent à la messe, où avaient été lues les lettres de convocation. Elles furent relues aux habitants assemblés et affichées à la porte de l’église dans toutes les paroisses. La première opération fut la réalisation du cahier, puis furent élus les députés qui devaient le porter à Belfort.
Le cahier de Grosmagny
Beaucoup des cahiers de doléances rédigés en 1789 se ressemblent. Des modèles circulèrent, dont les habitants s’inspirèrent très largement, pour un exercice qui ne leur était guère familier. Le plus connu de ces modèles lut certainement celui répandu par les agents du duc d’Orléans, Philippe Egalité. Toutefois, il ne semble pas que les habitants de Grosmagny se soient servis d’un modèle, ou du moins pas dans l’immédiat. En effet, la forme de ce document est assez originale, dans la mesure où la majeure partie du cahier n’est pas consacrée à l’énumération des doléances, mais à un long préambule décrivant la situation du village, et passant en revue les principales réformes à accomplir pour le bien du pays, demandes reprises plus bas dans des articles de forme plus classique.
Quatre plaintes sont formulées dans ce préambule avec vigueur. La première a trait aux innovations introduites par les seigneurs ; la seconde à l’administration de la justice par les seigneurs, et en particulier à la vénalité des offices ; la troisième aux problèmes de l’irrigation.
Si les deux premiers problèmes auraient pu être évoqués partout en France, les suivants sont locaux, et l’ensemble est illustré d’exemples du cru, ce qui ne laisse planer aucun doute sur l’authenticité de ces doléances.
Les innovations
Sous ce terme générique sont dénoncées toutes les nouvelles impositions mises en place par l’administration seigneuriale depuis la donation du comté du Rosemont par Louis XIV à la famille de Mazarin. Il est bien mis en opposition dans le texte l’opposition entre l’acharnement des seigneurs à exiger leurs redevances et leur peu d’empressement à remplir leurs devoirs, à savoir la défense du royaume. La principale innovation dénoncée est le droit de gerberie établi en
faveur du bailli de Rosemont. Il s’agit là d’une coutume locale, probablement établie pour permettre aux baillis de compléter leurs revenus alors que les offices étaient vendus de plus en plus cher, et qui consistait à prélever une gerbe sur la récolte de chaque feu. Le prélèvement devait d’ailleurs être plus vexatoire que lourd.
Plus gênante était la dîme portant sur les nouvelles cultures. Etablie par les premiers Carolingiens pour offrir au clergé les moyens de subsister, la dîme ne portait alors naturellement que sur les cultures existantes, et pas sur les légumes. La paysannerie chercha naturellement par la suite à ranger dans le camp des légumes toutes les nouvelles cultures introduites peu à peu, et en particulier la pomme de terre.
Une légende solide fait de Parmentier l’introducteur en France du précieux tubercule, et dans l’Histoire d’un paysan, Erckmann-Chatrian a placé son introduction en Alsace à la veille de la Révolution. En fait, la pomme de terre était déjà cultivée à grande échelle dans le sud-ouest dès le XVIIème siècle, et elle fut introduite en Alsace au début du siècle suivant, comme en témoignent les procès pour dîmes sur les pommes de terre que nous avons conservés. Arthur Young la décrit comme fort cultivée en Alsace en 1789, y compris dans la région de Belfort. La dîme prélevée sur cette plante pouvait dans ces conditions représenter une lourde charge.
La vénalité des offices
La vénalité des offices débuta dans le Territoire de Belfort en 1692, date à laquelle les ducs de Mazarin obtinrent du roi le droit de vendre les charges de leurs justices. Il pouvait donc exister dans les terres du comté de Belfort un souvenir de l’époque antérieure, souvenir qui avait disparu dans le reste de la France où la vénalité était de règle depuis le XVIème siècle. Le principe était que les détenteurs de charges, et en particulier les juges, devaient acheter ces charges, quitte après pour eux à se payer sur la bête, donc sur le justiciable. Celui-ci payait donc deux fois la justice, une au seigneur sous forme de taxes et de prélèvements réguliers, une autre aux personnels de justice à l’occasion de chaque procès. Payés aux actes, les officiers avaient de plus tout intérêt à laisser traîner les procès en longueur afin de gagner le plus possible d’argent. Surtout, le problème rencontré à Grosmagny était celui des justices d’appel. Le seul appel concevable devait se faire devant le conseil souverain d’Alsace, donc à Colmar.
Le déplacement à effectuer, les frais à assumer pour plaider devant une telle juridiction étaient autant de freins à l’exercice du droit d’appel, ce qui rendait les officiers seigneuriaux d’autant plus sûrs d’eux et leur conférait l’impunité. La principale revendication était donc la création d’une juridiction d’appel à Belfort, et d’une juridiction souveraine pour les procès de peu d’importance, afin de limiter les cas, ruineux pour les paysans, d’appels au conseil souverain d’Alsace.
Les problèmes forestiers
Le Rosemont avait vu au cours du XVIIIème siècle la fermeture des mines d’argent, ce qui avait entraîné un retour à la terre des familles de mineurs demeurées sur place, et donc une augmentation de la pression, dans un pays aux terres rares et de maigre qualité. Les forêts pouvaient donc offrir une ressource précieuse. Surexploitées le plus souvent, elles étaient assez claires et permettaient donc à l’herbe de pousser, ce qui permettait d’y amener des troupeaux qui, mangeant les jeunes pousses, contribuaient à l’éclaircir encore ; de plus, elles procuraient le bois de chauffage, mais aussi le bois d’oeuvre pour la construction des maisons et la fabrication des outils.
Les ducs de Mazarin, seigneurs du Rosemont, voyaient d’un très mauvais oeil cette utilisation intensive des forêts par les paysans. En effet, ils étaient de très gros consommateurs de bois en raison de leurs forges installées à Belfort, et qui ne pouvaient produire du fer qu’à partir du charbon de bois, dont la consommation annuelle se chiffrait en centaines de tonnes. Il fallait donc assurer une rotation régulière des coupes de bois, et pour cela assurer le recépage dans des conditions satisfaisantes, ce qui excluait le parcours des troupeaux.
Le 27 avril 1762, un arrêt royal ordonna le cantonnement des forêts du Rosemont, et assura le triomphe des Mazarin. Ils abandonnaient leurs forêts (environ un huitième à Grosmagny à en croire le cahier de doléances, probablement un tiers dans la réalité), mais leur interdisaient en revanche l’accès au reste. Bien gérée, la part de la paysannerie aurait pu lui apporter des compléments de ressources importants, en particulier par l’exploitation du bois d’oeuvre, mais dans l’immédiat, les communautés perdaient une de leurs principales ressources. Les gardes forestiers surveillaient par ailleurs attentivement le lot seigneurial, et n’hésitaient pas à infliger des amendes ruineuses.
La mise en place du cantonnement fut accompagnée de nombreuses rixes, qui dégénérèrent souvent, et une procédure longue et coûteuse fut entamée quant au choix du tiers devant revenir aux communautés, qui semblent avoir alors hérité des forêts les plus misérables.
Le problème de l’eau
Enfin, le dernier gros problème évoqué était celui de l’usage de l’eau. Celle-ci était, sur des terres de faible superficie et pauvres, le seul moyen d’obtenir d’une part des légumes, d’autre part du regain. On pourrait penser que le massif du ballon pouvait produire largement assez d’eau pour satisfaire tout le monde. En fait, l’accès à l’eau avait toujours été restreint pour les paysans.
Dans un premier temps, l’exploitation minière exigea des quantités d’eau toujours plus importantes afin d’alimenter les machines d’épuisement de l’eau. On en vint à détourner complètement certains ruisseaux à cet usage. Mais surtout, l’irrigation faisait diminuer le débit, à hauteur de Belfort, de la Savoureuse. Or, son eau était là encore indispensable pour les marteaux des forges. Les forges de Belfort étaient donc le cauchemar des habitants de Grosmagny. Il était difficile de demander leur suppression pure et simple. Il fut préféré de biaiser, et donc de dénoncer l’exportation dans des pays parfois en guerre contre la France de la majeure partie de ce fer, et par voie de conséquence on demanda l’interdiction des exportations de fer, dans l’espoir de retrouver forêts et eau…
Autres revendications
Les 27 articles des doléances comportent naturellement d’autres revendications, qui portent essentiellement sur les impositions, mais aussi sur les corvées. L’égalité devant l’impôt est naturellement demandée, mais sans grande conviction : le Rosemont est un pays sans nobles, le duc de Mazarin réside fort loin, et il n’existe pas de haut clergé : l’inégalité devant l’impôt est donc moins fortement ressentie par les habitants du lieu. En revanche, on s’accorde pour demander la suppression de certaines charges, et en particulier celle des épis du Rhin. Afin de fixer le cours du fleuve, et par là la frontière, et d’en faire un obstacle plus profond, donc moins facile à traverser pour des troupes étrangères, de vastes travaux furent entrepris au XVIIIème siècle afin de canaliser le Rhin par l’établissement d’épis dans son cours. Le coût des travaux fut mis à la charge de la seule province d’Alsace, mais également du Rosemont, appartenant pourtant au bassin du Doubs.
Les deux manifestations du pouvoir royal les plus détestées étaient la milice et les corvées. Les corvées avaient pour objet l’entretien des routes royales, et la région de Belfort souffrait à cet égard de son rôle de point de passage. Les habitants du Rosemont se voyaient imposer la réfection d’une part de la route de Belfort à Mulhouse, mais aussi de celle du Ballon. Quant à la milice, elle était destinée, par voie de tirage au sort, à fournir des renforts en cas de crise aux armées royales.
Destin d’un cahier
Une fois rédigé, le cahier aurait dû rester intact. En fait, il fut modifié peu après. La première de ces mentions apocryphes, qui sont probablement le fait du maire, Girardey, du moins à en juger d’après l’écriture, fut sans doute ajoutée après l’arrivée d’un des cahiers modèles. En effet, nulle part les habitants de Grosmagny n’avaient demandé le vote par tête lors des Etats généraux, ce qui était pourtant un préalable indispensable pour obtenir des réformes. Qu’à cela ne tienne, le maire rajouta cette demande, de façon maladroite, à la fin de l’article sur la milice. Surtout, il ajouta un vingt-septième article à la fin du cahier, au sens énigmatique : « Que pendant trois quart de saison les neiges couvrent la surface de la terre ». On peut y voir une plainte contre la rigueur du climat, mais les habitants devaient y être habitués, et surtout n’avaient que peu de connaissance d’autres climats que le leur. Il faut bien plutôt y voir une prière pour que la neige couvre bel et bien le sol pendant deux à trois mois : en effet, elle seule peut empêcher les blés de geler lors d’un hiver rigoureux, comme ce fut le cas lors de l’hiver 1788-1789. Le roi, représentant de Dieu sur terre, auquel étaient adressés les cahiers, était donc supposé, sinon faire la pluie et le beau temps, du moins pouvoir intercéder efficacement auprès de son mandataire.
Les députés revenus de l’élection de Belfort, le cahier, auquel s’ajouta un exemplaire imprimé du cahier du bailliage, fut ramené aux archives de la communauté. Une copie en fut faite peu après afin d’en assurer la conservation quoi qu’il advienne. L’importance de l’acte n’avait en effet pas échappé au maire de Grosmagny, qui inscrivit au dos cette mention : « à conserver pour la postérité », ce qui fut fait.
Et la Révolution ?
Le cahier achevé, il restait à attendre le résultat des états généraux. Les habitants de Grosmagny en tirèrent de nombreux profits, puisque la majeure partie de leurs doléances aboutirent. La vénalité des offices fut abolie, la dîme et tous les prélèvements seigneuriaux furent supprimés, les forges de Belfort périclitèrent, et le code civil reconnut les droits d’eau sur les rivières. En revanche, en matière de forêts, les résultats ne furent pas ceux escomptés. Dans un premier temps, les paysans crurent que les forêts leur seraient rendues. En fait, il n’en fut rien. Dès 1789, l’assemblée nationale interdit aux communautés d’exploiter les forêts seigneuriales et les plaça sous la sauvegarde de la nation. Après le rattachement au domaine des forêts mazarines (3), I’Etat, qui reprit à son compte jusqu’aux agents forestiers des Mazarin, se montra tout aussi attentif au respect de ces forêts par les communautés, ce qui entraîna de nombreuses difficultés jusque tard dans le XIXème siècle et dut laisser une certaine amertume chez nombre de paysans de Grosmagny qui y avaient vu leur revendication principale.
« Vive I’Etat Civil ! »
L’attachement convaincu de certains citoyens à célébrer le bicentenaire des évènements de 1789, malgré les ombres évidentes et les excès indéniables ayant eu lieu, se comprend souvent à partir de faits locaux. L’anecdote que « la Vôge » a choisi de vous raconter se veut une illustration des inégalités juridiques existant à la veille de la Révolution entre les diverses catégories de sujets du roi, en l’occurence, ici, entre protestants et catholiques.
Les amours contrariées de Marie Ursule et Georges Frederic
À Giromagny naissait le 24 mai 1756, Anne Marie Ursule Janenot, fille de Joseph Janenot de Saint Daniel, mineur de profession, décédé le 18 avril 1770 à l’âge de 49 ans et de Marie Barbe Perroz, décédée le 1er lévrier 1781 à l’âge de 53 ans. Anne Marie Ursule était catholique. Hélas ! Son coeur fut enflammé pour Georges Frédéric Ferdinand Broleman, né le 11 septembre 1747 à Gimborn-Neustadt en Wesphalie… et il était protestant. Pas de mariage reconnu par la loi possible ! Mais le fruit de leurs amours, Jean Georges, était né le 22 juin 1780 à Giromagny, baptisé par le prêtre vicaire Bresson… en raison de sa filiation reconnue uniquement par sa mère. Anne Marie et Georges Frédéric n’ont pas choisi, comme certains le font de nos jours, la vie commune sans mariage reconnu : la situation d’union libre ou de concubinage (comme on le voudra), leur fut imposée. Certes, dès novembre 1787,l’Edit de tolérance de Louis XVI permettait aux protestants de faire reconnaître leur mariage. Anne Marie Ursule et Georges Frédéric Ferdinand attendirent cependant la fin de l’année 1790 pour faire reconnaître leur mariage : après la déclaration des droits de l’homme, incluant la liberté religieuse. Entre temps, Georges Frédéric Ferdinand était directeur des mines de Bretagne et de Basse Navarre et dirigeait les exploitations argentifères de Pellaouen en Bretagne…
(La suite dans : « Vive l’Etat-civil ! » par Danie| CHARGUERAUD, page 9)
La maison de la négritude et des droits de l’homme de Champagney
« Que de tels foyers se multiplient dans le monde entier et permettent à l’homme d’être effectivement Homme » (Mr Gatera, représentant l’U.N.E.S.C.O.)
La Vôge vue de Champagney
Avant d’évoquer la raison d’être de cette Maison, il semble bon de rappeler que la Vôge – si chère au coeur des lecteurs de cette revue – constitue la majeure partie de ce paysage d’une rare beauté que la RN 19 nous fait découvrir lors de sa traversée du Ban de Champagney. Notre regard est irrésistiblement attiré de la chapelle de Ronchamp au sommet du Salbert. Il s’arrête sur la Planche des Belles Filles, annonciatrice de la première neige dans la vallée, dès l’instant où son sommet paré d’un blanc éclatant, se révèle première sentinelle de l’hiver. Puis I’on découvre le charmant petit village d’Auxelles-Haut. Rêverie d’un instant et c’est l’imposant Ordon Verrier qui prend un malin plaisir à nous cacher le Ballon d’Alsace. Plus loin et plus à l’est, on devine la belle province d’Alsace, derrière une douce ondulation de petits sommets boisés. C’est cet horizon admirable, et admiré de tous, que les Champanerots de toujours se plaisent à contempler.
Rarement l’occasion avait été donnée à nos ancêtres de 1789 de le traverser, si ce n’est pour livrer – à meilleur prix – leurs imposants charrois d’écorce de jeunes chênes dans les tanneries alsaciennes ou de Suisse. Il est vrai que ces rudes paysans cultivaient un sol pauvre, et que leur pain quotidien était dur, très dur à gagner. Peiner, lutter, travailler, souffrir, ils connaissent !
Rédaction du cahier de doléances
Et ce sont ces mêmes hommes qui, le 19 mars 1789, réunis devant la mairie pour établir leur cahier de doléances, découvrent l’existence de l’esclavage, puis le coeur rempli d’une vive douleur, apprennent le sort affreux réservé à ces hommes, à ces femmes, à ces enfants pour la seule raison qu’ils ont la peau noire. Spontanément, ils adhérent alors à la suggestion d’Antoine Priqueler, cet officier de la Garde du roi alors en congé de semestre dans la maison familiale toute proche et qui vient de leur révéler cet horrible fléau esclavagiste que plus tard on appellera « crime contre l’humanité ». Cette suggestion est d’alerter Sa Majesté afin que ces esclaves soient traités en hommes et non comme des bêtes de somme.
Ainsi allait naître ce fameux article 29, fleuron de leur cahier de doléances et baptisé tout simplement « voeu de Champagney ». Cet article sera alors cité en exemple sur tous les continents grâce à l’U.N.E.S.C.O. Pour elle, ce solennel appel à la dignité fait partie du patrimoine de l’humanité.
Qui était Antoine Priqueler ?
Né à Champagney, le 26 mars 1698, Jean Baptiste Priqueler (le père d’Antoine l’inspirateur du voeu), avait embrassé la carrière des armes et tenait garnison en 1747 à Colmar. Il exerçait alors son commandement au régiment capitulé de Rosen-cavalerie. Et c’est à Colmar qu’il connut Marie-Thérèse Gobel, fille du secrétaire du Parlement siégeant en cette ville. Leur mariage fut célébré le 30 octobre 1747. Il était alors âgé de quarante neuf ans, elle de dix sept. Le mariage ne dura que cinq ans, J-B. Priqueler devant décéder le 14 novembre 1752 à Champagney où il fut enterré dans l’église. Mais ce fut un mariage fécond. Six enfants dont deux jumelles et un dernier posthume en naquirent.
C’est ce sixième enfant qui va porter le prénom d’Antoine. Il devient officier de la Garde du roi, fréquente les milieux avancés de la capitale, fait probablement partie de la Société des amis des noirs. Animé de vifs sentiments anti-esclavagistes, il les fait aisément adopter par les rédacteurs du cahierde doléances, car ces sentiments répondaient à une notion profondément chrétienne partagée par nos ancêtres, à savoir qu’un être humain en soi, a une valeur absolue, et de plus, à une nolion très française qui pense que, sans distinction de couleur on peut vivre ensemble dans une même patrie.
Les braves gens !
« Puisse seulement la mémoire de ces simples paysans comtois au coeur si chrétien rester au coeur de leurs descendants » concluait M. Simonin, fondateur de…
(La suite dans : « La maison de la négritude et des droits de l’homme de Champagney » par André Olivier, page 11)
Il y a 100 ans !
Le centenaire de la révolution
« Le gouvernement de la République a décidé d’ouvrir, le 5 mai prochain, les fêtes du centenaire de 1789 par une commémoration solennelle de la première séance des Etats Généraux convoqués par la monarchie de l’ancien régime et qui, par la fermeté et la sagesse des élus de la Nation soutenus par l’opinion, devinrent l’Assemblée Nationale Constituante. »
C’est ainsi qu’en ce début 1889, l’Administrateur du Territoire de Belfort, agissant sur ordre du ministre de l’lntérieur, convie les maires du département à fêter le premier centenaire de la révolution.
« C’est à la République, gouvernement nécessaire et définitif de la démocratie, fille des principes de 1789, que devait échoir cet honneur : elle ne négligera rien pour donner aux diverses manifestations du sentiment national, dans le cours de cette année, tout l’éclat désirable. «
L’Administrateur déclare également approuver toute dépense que les conseils municipaux auront prévues pour organiser les réjouissances publiques de ce dimanche 5 mai. Le lundi 6 mai est décrété jour férié pour les fonctionnaires et employés de l’état (sauf le personnel des caisses publiques) et par conséquent pour les enfants des écoles. Mais le Directeur départemental de l’enseignement primaire veut éviter que le souvenir de la révolution se traduise uniquement par un jour de congé.
Aussi demande-t-il aux instituteurs de consacrer l’après-midi de classe du samedi 4 mai à une grande leçon sur la convocation des Etats Généraux et ses conséquences. Il les engage de même à tenir des conférences publiques sur le sujet, le dimanche après-midi.
L’Exposition Universelle controversée
À Paris, on n’a d’yeux que pour l’Exposition Universelle qui doit être inaugurée le 5 mai par le Président Sadi Carnot dans la Galerie des glaces du Château de Versailles… un lieu suffisamment éloigné de l’esplanade des Invalides. Et pour cause… Dès le départ en effet, l’Exposition ne fait pas l’unanimité au sein des…
(La suite dans : « Il y a 100 ans ! » par François SELLIER, page 13)
La fontaine Louis XV de Giromagny
Située en face de l’Hôtel de Ville, à l’intersection des routes d’Auxelles et de Lepuix-Gy, la fontaine de Giromagny se compose d’un bassin octogonal à l’arrière duquel s’élève une colonne en forme d’obélisque terminée par une fleur de lys. Au milieu de la face principale de l’obélisque taillé dans le grès vosgien, s’épanouit un écusson décoré d’une grosse rose avec, au dessous, un lys renversé, et cette inscription latine qui laisse perplexe le néophyte :
In salubri rosa nupserunt lilia fonte
Annuit huic Lodox preside luce toro
Lilia dunc vivent, gratum diffundet odorem
Rosa et gens alacri plaudet amica manu.
et dont voici la traduction :
Dans cette fontaine salutaire
Les lys se sont unis aux roses
Louis consent et le soleil
Préside à leur hymen
Tant que les lys vivront
La rose répandra son doux partum
Et une population amie
Applaudira des deux mains (1)
Aucune date ne figure sur la fontaine. Le touriste quelque peu averti constatera néanmoins son appartenance au style Louis XV. Aussi nous efforcerons-nous, dans les pages qui vont suivre, d’expliquer le pourquoi de cette construction.
La première fontaine
Giromagny, à partir de 1561 , se démarque nettement des autres villages de la seigneurie dite du Rosemont, en devenant le siège de la justice des mines de cuivre et plomb argentifère, mines nouvellement remises en exploitation. Les travaux alors à leur apogée drainent une population laborieuse vers Giromagny et sa proche banlieue.
Le « bourg neuf », édifié à l’ouest de l’ancien village, prend une expansion telle qu’il faut très vite faire face à d’importants problèmes d’urbanisme et aussi d’alimentation en eau potable (2). Deux commissaires venus en 1566 spécialement d’Innsbruck pour expertiser les mines et s’enquérir des conditions spirituelles et matérielles de la population , demandent l’édification de deux fontaines publiques à Giromagny, l’une devant la maison du Bergrichter (Juge des Mines) (3), l’autre dans le haut de l’agglomération à proximité des quartiers ouvriers.
La puissante famille Heyd de Heydenbourg, dont plusieurs des membres s’étaient spécialisés dans les affaires minières, avait, juste entre les deux bourgs, construit un hôtel particulier avec toutes ses aisances. (4) La distribution en eau potable y était assurée par une fontaine placée dans la cour intérieure de la propriété.
En 1580, une transaction intervient entre Christophe Heyd et la communauté de Giromagny, représentée par son maire Blaise Jean-Pierre. Il est alors prévu d’utiliser le surplus de l’eau de la fontaine des Heyd pour alimenter un nouveau bassin qui sera édifié à l’intersection de la nouvelle route d’Auxelles et de la grande rue conduisant à Lepuix. (5) De cette fontaine primitive nous ne connaissons pas grand chose, son existence est attestée en 1602 et pour la dernière fois en 1732 (6).
Giromagny, siège du baillage du Rosemont
Constituée au milieu du XIIe siècle par le Comte Louis de Mousson-Montbéliard, la seigneurie du Rosemont conserva fort longtemps ses coutumes particulières, codifiées dans un recueil dont nous ne possédons que des copies non collationnées (7) :
« (…) il doit y avoir une justice établie en Rosemont au village de Chaux, laquelle justice composée d’un lieutenant et neuf juges ayant pouvoir de juger des causes tant civiles que criminelles (…) ».Initialement cette justice relevait de la « Roche » château de Belfort. Après 1523, le siège de la « Roche » perd son omnipotence judiciaire au profit d’une « Cour Souveraine » établie par l’archiduc d’Autriche à Ensisheim.
La réunion de l’Alsace à la France (traité de Munster de 1648) bouscule l’ordre établi en substituant à l’ancienne « régence » un « Conseil provincial, (1657) ayant pour siège Brisach puis Colmar, où l’on connaît, décide et juge désormais en dernier ressort toutes les causes civiles et criminelles de l’Alsace. (8)
Cette cour, prendra le titre définitif de « Conseil Souverain d’Alsace » et sera jusqu’en 1790, en premier lieu, l’organe auquel tous les Alsaciens et habitants du Territoire de Belfort actuel, pour lors sujets du roi de France, pourront s’adresser afin d’obtenir justice. Dès 1675 le Conseil Souverain émet la prétention de réunir au « grand baillage » de Bellort les trois juridictions secondaires de Rosemont, Assise et Angeot, ce qu’entérine d’ailleurs un arrêt du Conseil d’Etat du 28 janvier 1678.
Cette grave modification des anciens usages n’est acceptée ni par le seigneur ni par ses sujets, mais pour des motifs différents. Le duc de Mazarin tient, dans un intérêt d’autorité, à avoir des juges de « ressort » . Et ses vassaux, habitués à trouver un magistrat sous leur main, se résignent difficilement à l’aller chercher à Belfort avec un déplacement onéreux. De ce double mécontentement sortent des attaques contre l’arrêt du Conseil Souverain (9). Pourtant les choses en restent là jusqu’à l’arrivée en 1737 d’un nouveau bailli. Il s’agit de François Nicolas Noblat, issu d’une vieille famille de notables belfortains ayant…
(La suite dans : « La fontaine Louis XV de Giromagny » par François LIEBELIN, page 16)
La citerne du château
Quelque soit l’époque ou le lieu, la vie de l’ homme est impossible sans un point d’eau. Au Moyen-Age, dans les châteaux de montagne, l’alimentation en eau restait la préoccupation primordiale des occupants. Une occupation sédentaire n’était possible que lorsque ce problème était résolu mais il fallait aussi se prémunir contre des assaillants éventuels. Pour des questions de commodité mais aussi de sécurité, il était préférable de disposer d’au moins un point d’eau dans le château. Pour cela, les solutions n’étaient guère nombreuses et se limitaient à deux possibilités : construire un puits ou une citerne.
Les châteaux étaient pour des raisons évidentes de défense construits en altitude, la plupart du temps sur des éperons rocheux. La construction d’un puits posait de très gros problèmes techniques. Pour capter l’eau, il fallait creuser sur une grande profondeur (plusieurs dizaines de mètres). Le puits du château de Joux en Franche-Comté est certainement le plus illustre avec ses 120 mètres de profondeur ! On faisait souvent appel aux mineurs qui connaissaient bien les techniques à mettre en oeuvre mais l’opération était très longue, donc coûteuse et le résultat aléatoire. Aussi adoptait-on très souvent une autre solution :
La citerne réservoir
On taillait dans la roche ou plus simplement on construisait une cavité qui permettait de recueillir l’eau de pluie qui tombait sur les toits des bâtiments du château. L’eau stockée par ce moyen n’était pas très pure et devenait vite saumâtre. Aussi on trouva une autre solution… LA CITERNE A FILTRATION.
Mode de construction
À proximité des bâtiments principaux on creusait une cuvette dans le substrat et on la rehaussait sur une hauteur moyenne de 1 m, par une structure maçonnée assez grossière constituée de parpaings moyens. On assurait l’étanchéité vers l’extérieur, en tapissant d’une épaisse couche d’argile (10 à 15 cm) toute la surface intérieure. Au centre de cette cuvette, sur un bloc rapporté en grès ou en bois, on construisait un puisard circulaire qui était lui aussi tapissé d’argile mais sur son pourtour extérieur. Pour maintenir l’argile on disposait encore des pierres plates sur toute la surface interne puis, on remplissait l’espace compris entre la cuvette et le puisard avec du sable et des fragments de pierres. L’eau de pluie recueillie sur les toits « canalisée » puis introduite dans la partie supérieure de ce dispositif était obligée de traverser toutes les couches du remplissage ce qui la « filtrait » et la « minéralisait ». Elle pénétrait ensuite dans le puisard par quelques orifices aménagés à sa base puis remontait dans celui-ci. Construction facile, moins onéreuse, d’une mise en oeuvre rapide, cette solution fut souvent adoptée notamment dans plusieurs châteaux alsaciens : Girbaden – Haut-Barr – Bilstein – Ochsenstein – Bernstein et Alt-Warburg chez nos voisins suisses.
La citerne mise au jour en 1987 devant la tour du Vieux-Château de Rougemont a été construite exactement selon la technique décrite (voir photo). Cependant sa situation, l’étude du mobilier archéologique contenu dans le puisard ainsi que la datation par dendrochronologie (1) d’un morceau du tambour du treuil qui servait à monter l’eau, prouvent que cette citerne n’a servi que pendant une trentaine d’année, de 1343 à 1375, (dernière période d’occupation permanente de notre château). Il faut donc admettre qu’avant cette date, il existait un…
(La suite dans : « La citerne du château » par Pierre WALTER, page 23)
La toponymie
La Toponymie est un aspect délicat de la linguistique, qui fait tout à la fois référence à la filiation des mots, à la connaissance historique, géographique et géologique des lieux, mais aussi parfois à une interprétation quelque peu subjective. Nous ne nous risquerons donc pas ici à une nouvelle étude de toponymes qui nous sont familiers, les études successives de M.M. Paiot, Arnold et Schmittlein étant suffisamment sérieuses (même si elles demeurent perfectibles) pour nous permettre de donner quelques précisions étymologiques sur le nom des villes et villages sous-vosgiens.
Nous ouvrons cette rubrique avec les « magny ». Ils sont nombreux : GIROMAGNY, GROSMAGNY, PETITMAGNY, ROMAGNY, SERMAMAGNY.
Le suffixe MAGNY, commun à tous ces noms de lieux, est une forme altérée du mot MESNIL, venant lui-même de MANSIONILE qui, en bas latin, désignait une demeure avec un lot de terre. On trouve une autre forme de ce même suffixe dans MAGNIACUM, qui a la même signification. Le préfixe quant à lui, semble marquer la qualification ou le nom de celui qui possédait le « mesnil » à l’origine.
Giromagny
Cette ville apparaît successivement sous le nom de GYRAM EIGIN en 1347 (1) – SCHIRANMENIN (forme autrichienne de 1394) – GlRARDMAIGNY en 1426 – GIRARDMENGNJ en 1533 – SCHIRAMENGNY en 1571 (2) – GIRAMAIGNY en 1655 (3) et enfin GIROMAGNY en 1775 (4). Compte tenu de l’explication du « magny » vue précédemment, il semble donc que Giromagny soit le magniacum ou le mesnil d’un dénommé Giraud ou plus vraisemblablement Girard.
Grosmagny
TERRAM de AGGRUM MASNIL (1145) puis GRANGIAM de AGRO MASNILE (1182), deux appellations dans lesquelles Raymond Schmittlein voit une évidence : « c’est le champ des Mang », nom
encore très répandu dans le Territoire de Belfort. Cette affirmation semble cependant peu convaincante, tout comme celle de F. Pajot qui voit un AGIRULPHUS fondateur de GROSMAGNY.
Autre explication, Aggrum masnil pourrait être une déformation de Aggromis masnil (le magny d’un Germain Aggro). Aggro est en effet un appellatif créé à partir de la racine germanique « hager » : maigre, décharné. La chute du H peut alors permettre de penser que GROSMAGNY aurait été, à l’origine, la propriété d’un homme maigre (5).
Les appellations successives du village sont GRUMEIGIN (1) – GRUMATGNT (1427) – GRUMATNGNT (1570) – GRUMETNGNY (1581) – GRUMAIGNY (XVlle) pour apparaîlre sous la forme Gros MAGNY en 1775 (3).
(La suite dans : « La toponymie » par François SELLIER, page 26)
Les sources de l’histoire de la zone sous-vosgienne
Les archives judiciaires
L’une des sources les plus riches de l’histoire sociale et économique des siècles passés est constituée par les archives judiciaires. L’Ancien Régime fut de tous temps extrêmement procédurier, et les procès s’accumulaient sous des prétextes souvent futiles.
L’exercice de la justice fut toujours l’une des prérogatives fondamentales de l’Etat, et toute société évoluée se dote d’un ensemble de règles qu’un corps particulier est chargé de faire respecter, la professionnalisation de ce corps intervevant dès que la masse des justiciables dépasse un certain seuil. Ce droit judiciaire, intimement lié au pouvoir de législation et de police, fut reconnu très tôt comme régalien. Dans la France de Charlemagne, la justice était rendue, au nom de l’Empereur, source unique de justice, par les comtes, dans des assemblées auxquelles pouvaient participer tous les hommes libres.
La décomposition de l’Etat carolingien fit tomber ce pouvoir entre les mains des comtes ou des évêques, et devant le recul du pouvoir de ces derniers lors de l’installation de la société féodale », le pouvoir de justice tomba entre les mains des seigneurs, qui en firent l’un des instruments de leur contrôle des populations, et ce jusqu’en 1789. Le découpage des circonscriptions judiciaires suivait donc celui des seigneuries.
Le pouvoir royal tenta très tôt de récupérer tout ou partie de l’exercice de la justice, et développa en France le droit d’appel devant les juridictions royales. De la justice seigneuriale, il devint au Xllle siècle possible de faire appel au tribunal du bailli, et de celui-ci directement à la cour du roi, dont une section se spécialisa sous Saint Louis dans I’exercice de la justice et devint le Parlement de Paris. Une évolution analogue eut lieu dans l’ensemble de l’Europe occidentale, et en Alsace, où à partir du XVlle siècle, fonctionna comme organe suprême le Conseil Souverain, qui avait les mêmes pouvoirs que le Parlement de Paris dans son ressort.
Le problème du maintien des décisions de justice se posa très tôt : il fallait pouvoir faire appliquer la chose jugée, et pour ce en garder mémoire. Dès le Haut Moyen Age, on rédigea des notices reprenant les décisions du tribunal, conservées par les parties. Mais le tribunal se devait de conserver lui aussi des traces de son activité, et d’enregistrer ses décisions pour d’une part leur donner valeur permanente et d’autre part réunir sa jurisprudence en pays de droit coutumier. Le Parlement de Paris a pour sa part des registres remontant au Xllle siècle. La conservation des registres des juridictions inférieures connut quant à elle de nombreuses vicissitudes, et les séries ne deviennent guère complètes avant le seizième siècle.
La conception de la justice
Le rôle des tribunaux est aujourd’hui strictement délimité en raison des nombreux développements connus par les administrations parallèles. Mais sous l’Ancien Régime, les tribunaux traitaient de questions beaucoup plus diverses. D’une part, chaque administrateur est également juge en ce qui concerne son domaine d’activité, ce qui multiplie les petites justices. Ainsi, un officier du fisc peut juger les délits commis au détriment de…
(La suite dans : « Les sources de l’histoire de la zone sous-vosgienne » par Olivier BILLOT et Michel ESTIENNE, page 29)
Une caserne autrichienne à Rougemont
À Rougemont, rue de Masevaux, joignant Ie presbytère, une longue bâtisse aligne deux rangées de onze fenêtres sous un grand toit alsacien. EIIe abrite aujourd’hui des salles de catéchisme, une entreprise de peinture, une boulangerie, un café et trois logements. A première vue, rien de remarquable, sauf un sympathique cachet d’ancienneté. Cependant, les archives communales nous dévoilent le secret d’une assez curieuse histoire.
Anciennes granges de la maison curiale
Datée du 9 mars 1818, une lettre de Nicolas Koechlin, fabricant à Masevaux, est adressée au Comte de Castéja, préfet du Haut-Rhin : « Dans le courant de 1816, il a été construit dans la commune de Rougemont un bâtiment destiné à une caserne, pour loger une compagnie de chasseurs autrichiens. Ce bâtiment ayant resté sans être occupé jusqu’à ce moment par les changements qui ont eu lieu dans les troupes d’occupation, cet état de non-occupation ne peut être que nuisible audit bâtiment, attendu que diverses réparations et constructions restent encore à y faire pour rendre ce bâtiment logeable… Les exposants, désirant établir dans ledit bâtiment un tissage de 60 à 80 métiers, ce qui donnerait de I’ouvrage à 80 personnes de Rougemont ; de prendre ledit bâtiment à titre de bail à loyer pour six années consécutives à partir du 1er avril prochain, moyennant un canon annuel de 400 F, déduction faite des frais de réparation… »
Le Préfet renvoie cette demande au Conseil Municipal de Rougemont qui donne son accord moyennant certaines conditions, dont celle-ci :
– …. 4. Le Conseil Municipal sera autorisé à employer telle somme qu’il jugera convenable de ce loyer pour procurer au curé desservant la paroisse une écurie et grange pour y loger ses denrées et bétail, attendu que la paroisse n’a point d’autre bâtiment et qu’autrefois, lesdites casernes étaient les granges et écuries de la maison curiale… »
Un peu d’histoire
ll faut situer ces modestes événements de I’histoire locale dans le grand branle-bas de l’histoire européenne :
- 1794 : la République nationalise le presbytère et sa grange qui deviennent biens communaux.
- 1807 : la paix religieuse revenue, les paroissiens rachètent le presbytère mais pas la grange.
- 1815 : Waterloo. Les Autrichiens occupent l’est de la France. Avec les Prussiens, ils réclament l’annexion de I’Alsace, de la Lorraine et de la Franche-Comté. Pour bien marquer leur volonté d’implantation définitive, sans perdre de temps, dès 1816, ils construisent une caserne pour leurs troupes, sur l’emplacement de l’ancienne grange du presbytère de Rougemont. Pourquoi ce choix de Rougemont ? Peut-être le souvenir de l’ancien château…
Par bonheur, au Congrès de Vienne, les Russes et les Anglais prennent la défense de la France qui doit rester assez forte pour assurer l’équilibre européen. Les Autrichiens doivent renoncer à leurs rêves ambitieux ; dès 1817 ils abandonnent, inachevée, la fière caserne de Rougemont. A la fin de 1818, ils auront évacué I’Alsace.
Le tissage devient l’école
La « fabrique Koechlin » s’établit donc à Rougemont dès 1818. Sans doute le premier établissement industriel un peu important de la commune. Elle n’y restera que douze ans. En 1831, on n’en parle plus.
Mais alors, le Comité d’lnstruction primaire du canton de Masevaux soumet au Préfet « des plans-devis pour établir dans le bâtiment des casernes de Rougemont, les écoles des enfants des deux sexes et les logements du maître et des institutrices pour les trois communes de Leval, Romagny et Rougemont… » On y prévoit aussi une salle pour les séances du Conseil Municipal. Mais cela ne paraît pas bien important. Beaucoup plus tard, en 1866, le Conseil rappelle que « en 1816, ce bâtiment a été converti en caserne pour y loger les troupes de l’invasion… que, plus tard, la caserne a été employée pour un tissage et qu’enfin, en 1831, menaçant ruine, il est devenu urgent de le réparer… ». Ajoutons qu’en 1857, la vieille église menaçant de s’écrouler, il fallut se réfugier, pour célébrer la messe, dans la grange du presbytère, sous la grande toiture : c’était le plus vaste local de la commune. »
Les enfants de l’école, de plus en plus nombreux, s’entassaient dans deux pauvres salles. Ce n’est qu’après la guerre de 1870, avec son afflux d’immigrants alsaciens, que furent mises en chantier la nouvelle école des garçons – l’actuelle mairie – puis celle des filles.
Magazine
André Chabiel de Morière
On peut voir à nouveau la plaque du lieutenant colonel André Chabiel de Morière dans l’église de Chaux.
Disparition et remise en place
Le magazine de novembre 1988 a relaté la réparation du clocher de l’église de Chaux. Au cours de ce même mois, la plaque qui évoque le souvenir du lieutenant colonel André Chabiel de Morière a été remise en place à l’intérieur de l’église. Décrochée au cours de travaux, garée dans la cure, la face portant les inscriptions tournée contre le sol, elle avait échappé aux recherches entreprises à la demande du dernier descendant de la famille de Morière. Venu en pélerinage sur la tombe de son ancêtre, il avait été surpris par cette disparition en 1971 et avait fait part de sa déception à M. l’abbé Robert Freund qui desservait la paroisse à cette époque. Après une entrevue avec l’entrepreneur, Monsieur le maire André Morcely a pu retrouver la plaque et l’a fait remettre à sa place.
Mais qui était André Chabiel de Morière et pourquoi repose t-il dans l’église de Chaux ?
Petit fils d’un commissaire de I’artillerie, fils d’un avocat, il choisit la carrière des armes
La famille est d’origine espagnole, le mot « chabiel » viendrait de « cabaliero ». Son grand-père, Rodrigue, se fixe en France en 1614 et acquiert la charge de commissaire provincial de l’artillerie en Poitou où il achète aussi des biens. Ses lettres de naturalisation sont signées par Louis Xlll. Son père, Charles, est avocat et épouse la fille du procureur du Roi au Présidial de Poitiers. C’est avec lui que le nom de famille devient Chabiel de Morière, probablement en application de l’édit de novembre 1696 instituant la Grande Maîtrise Générale et dépôt public des armes et blasons du royaume. L’adoption d’armes était obligatoire pour les personnes et les communautés désignées par l’administration : c’était un moyen d’améliorer les finances royales. ll fallait verser vingt livres par personne et le tarif variait suivant les communautés (Chaux, vingt ; Belfort, cinquante). Les armes des Chabiel de Morière sont « d’azur à trois pommes de pin d’or, deux et une ».
André Chabiel de Morière qui nous intéresse plus particulièrement ici, est né le 3 octobre 1667 à Poitiers. Après avoir été élève à la compagnie des cadets gentilshommes de Strasbourg, il est sous-lieutenant puis lieutenant dans le régiment d’infanterie de Boufflers, puis capitaine dans celui de Maisontiers (1702), major (1704) et lieutenant colonel (1 710).
Il tient garnison à Belfort après la guerre de la Succession d’Espagne. Il est fait chevalier de Saint Louis en 1723. Lors de la levée des milices en Alsace une lettre signée Louis XV lui confie le commandement de celle de Colmar. Il exerce ce commandement pendant deux années, jusqu’au renvoi des…
(La suite dans : « André Chabiel de Morière » par Georges SCHOULER, page 34)
Ouverture d’une école maternelle à Grosmagny
Depuis quelques années, les parents, qu’ils habitent la ville ou la campagne, ont pris conscience de l’importance de l’enseignement pré-élémentaire dans la scolarité de leurs enfants. Ainsi, la préscolarisation est-elle devenue un des problèmes que doivent affronter les élus des villages ruraux et c’est une tâche à laquelle a bien voulu s’atteler l’A.S.V.A.A. (Association sous-vosgienne d’aménagement et d’animation), en cette année 87, en proposant ce thème de réflexion à ses communes adhérentes.
C’est ainsi que plusieurs réunions étaient organisées entre élus avec la participation des parents et de l’inspection académique. Ce travail devait permettre à la rentrée 88, d’offrir une place en école maternelle à tous les petits élèves du secteur sous-vosgien. Ceci, essentiellement grâce à I’aboutissement de trois dossiers :
- regroupement d’Auxelles-Bas, Auxelles-Haut et Lepuix-Gy, à Lepuix-Gy.
- création d’un regroupement pédagogique intercommunal entre les communes de Chaux, Lachapelle sous Chaux et Sermamagny avec ouverture d’une école maternelle, cantine et garderie à Sermamagny.
- création d’un regroupement pédagogique intercommunal entre les communes de Petitmagny et Grosmagny avec ouverture d’une école maternelle, cantine et garderie à Grosmagny.
À Grosmagny, précisément, la construction de cette école a donné l’occasion de sauver de la ruine une belle bâtisse de la fin du 18e siècle, maison de cure depuis 1820. Ferme à l’origine, on pouvait encore admirer son imposant corps de logis, l’arc plein cintre de sa porte de grange et de son hangar, ainsi que son impressionnante charpente toute de chêne constituée. C’est dans le corps de ferme que sont judicieusement aménagés les locaux scolaires, mais la conception de l’ouvrage laisse apparaître, de façon heureuse, de nombreux témoins de la destination primaire de l’édifice ; ainsi l’ossature de chêne est pratiquement partout apparente, il en est de même pour certaines pierres de grès rose (forme des fenêtres, corbeaux). A l’extérieur, la façade principale n’a pratiquement subi aucune transformation, les arcs plein cintre…
(La suite dans : « Ouverture d’une école maternelle à Grosmagny » par Maurice LEGUILLON, page 36)
Anjoutey rend hommage à un démineur
Le maréchal des logis Raymond Burais, originaire de l’lsère, marié, père de famille, a trouvé la mort le 24 avril 1945, à vingt neuf ans, alors qu’il travaillait au déminage d’Anjoutey. La commune lui a rendu hommage le 11 novembre 1988. Une stèle rappelle son sacrifice et une rue du lotissement, proche de la zone artisanale, porte désormais son nom.
À la Libération, les autorités doivent résoudre le problème posé par le déminage, problème important même s’il est mal connu. Plusieurs centaines de milliers d’hectares et d’innombrables immeubles sont inutilisables car ils ont été minés par les Allemands. Par ailleurs, des bombes, obus ou grenades constituent une menace permanente et d’autant plus grande qu’ils sont très nombreux dans les zones de combat ou de bombardement. En effet, on estime que dix pour cent des engins utilisés par les armées en présence n’ont pas explosé. Le danger tient au nombre mais aussi au fait que leur localisation est souvent mal, ou pas du tout, connue.
La reprise de l’activité économique, le travail des champs, le retour à la vie quotidienne du temps de paix nécessitent une action de déminage vigoureuse. Début 1945,
(La suite dans : « Anjoutey rend hommage à un démineur » par Philippe DATTLER, page 38)
La métallurgie au musée d’Etueffont
Les agrandissements effectués en 1987/1988 à la Forge-Musée d’Etueffont permettent de réaliser des animations et des expositions temporaires. Ils ont également rendu possible la présentation d’une exposition permanente sur I’ancienne activité métallurgique de la commune. Dans la région cette activité est bien connue à partir du XVlle siècle, après la guerre de Trente Ans. Elle se développe autour de Belfort à Châtenois grâce au minerai de fer qui se trouve en abondance, notamment à Roppe. Mais, c’est à Etueffont, en 1557, qu’apparaît avec certitude la production du fer.
Au XVle siècle les mines de cuivre argentifère du Rosemont acquièrent une grande renommée et sont classées parmi les plus prometteuses des Vosges du sud. ll faut aux ouvriers des outils en rapport avec le travail demandé. Quoi de plus naturel alors d’implanter une usine à mi-chemin des districts miniers de Giromagny et Masevaux, à proximité des forêts et des mines de fer dont cette usine serait tributaire. L’installation, qui comprend un haut fourneau et une forge où la fonte est transformée en outils de fer, devait être située à proximité de I’actuelle piscine. En effet, lors de la construction de celle-ci, dans les années 1970, la présence de scories (résidus de la fonte du minerai), fut constatée sur une étendue et une profondeur importante.
En 1560, l’usine d’Etueffont produit cent tonnes de fer environ, mais cette période de splendeur ne dure pas. A la fin du siècle les mines d’argent entrent dans une phase de déclin, la production du fer décroît parallèlement. Elle cesse probablement en 1635 lorsque les troupes du duc de Lorraine mettent la région au pillage.
Partie de boules macabre à Rougemont
Ce jourd’hui premier ventôse an douze de la République française, je soussigné adjoint au maire de la commune de Rougemont, certifie que sur le rapport à nous fait, que le nommé Jean Bernet, citoyen de ce lieu, ce seroit trouvé vers les neuf heures du soir de la nuit du 25 au 26 ventôse dernier au cabaret de François Montavon, de ce lieu, accompagné, dit-on, de plusieurs individus. Il auroit quitté sa compagnie et ce seroit transporté sur le cimetière de ce lieu où gisoit plusieurs têtes de mort des deffunts de cette paroisse au lieu réservé à cette fin. Il aurait eu l’audace d’en prendre une et l’auroit porté audit cabaret et, comme le dire le rapporte, fait un jouet d’icelle en la roulant par terre. Comme de pareil actions ne peuvent rester impuni, c’est pour le faire punir exemplairement par qui de droit que j’ai dressé le présent rapport pour servir et valoir les jours, mois et an susdits.
L. Reuillard adjoint
(document : Archives Départementales du Territoire de Belfort)
A lire sur la région sous-vosgienne
DATTLER (Dominique), La révolution dans la région de Bellort, 1ère partie – de 1789 à la guerre, Archives départementales du Territoire de Belfort, 1989.
Cet ouvrage réalisé par le service éducatif des Archives comprend une brochure et des documents. Il constitue la première partie d’un travail qui couvrira I’ensemble de la période révolutionnaire. Un des intérêts de cette publication est de mettre à la disposition des élèves des collèges et lycées et du public des textes conservés dans les Archives notamment à Colmar aux archives du Haut Rhin. Quelques uns des documents présentés concernent, dans la zone sous vosgienne, les communes de Valdoie, Grosmagny, Rougemont…
L’ouvrage est en vente aux Archives du Territoire de Belfort, rue de l’Ancien Théâtre à Belfort.
FELTRE (Daniel), La vallée de la Savoureuse, C.D.D.P., Belfort, 1988, 24 pages et 14 diapositives.
Ce dossier présente la vallée de la Savoureuse, de la source au Ballon d’Alsace au confluent avec I’Allan. Il fait la part belle au cours vosgien et sous-vosgien de la rivière puisque neuf des quatorze diapositives lui sont consacrées. L’auteur s’est attaché à faire une leçon de géographie physique surtout, mais aussi humaine, claire, documentée et attractive. Dans le fascicule, des croquis rendent plus « lisibles » certains paysages présentés en diapositives. Destiné essentiellement aux scolaires, l’ouvrage intéresse également tous les amoureux de la vallée de la Savoureuse.
L’ouvrage est disponible au C.D.D.P. à Belfort.
LIEBELIN (François), Centenaire de la Mairie-école de Rougegoutte 1888-1988. Rougegoutte, 1988,44 pages.
Cette brochure éditée par la municipalité retrace l’histoire des différentes écoles de Rougegoutte et plus particulièrement celle du bâtiment centenaire réservé aujourd’hui à la seule mairie. L’ouvrage
présente également l’histoire de I’enseignement primaire dans la commune depuis 1945 et donne la liste des maîtresses et maîtres ayant exercés depuis 1673…
(La suite page 42)
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