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Table des matières

Les derniers seigneurs d’Auxelles 3 – La fin d’une lignée

Jules-Paul Sarazin

5

Une lettre anonyme sous l’Empire

Jean Tritter, Philippe Dattler

10

Dernier voyage

François Sellier

13

Évolution de la saisonnalité des mariages à Leval au XIXème et XXème siècles

Jean de Zutter            

16

Il y a 100 ans    

François Sellier

22

La dame blanche de Rougemont (conte)

Gaby Sarazin-Heidet

25

Rodolphe Sommer (roman) 10 – Retour à la normale

Pierre Haas

29

MAGAZINE

 

 

L’archive dans tous ses états

Dominique Dattler

31

Chantier du Vieux-château de Rougemont et de la Sainte-Catherine

Pierre Walter

34

Les épouvantails d’Auxelles-Haut

 

36

Histoire de frontière

François Sellier

37

Une lettre anonyme sous l’Empire

La lettre anonyme est de tous les temps et de tous les lieux. Son but n’est pas forcément l’effïcacité mais de porter atteinte à I’honneur ou à la réputation de la personne dénoncée et par là à sa position sociale. Quand elle n’est pas expédiée en période troublée elle y fait plus souvent référence. Ainsi celle que nous évoquons ici, non pas en présentant son texte qui est inconnu mais la réponse à celui-ci.

1809 – Le général Antoine-Xavier Mengaud, sous-Préfet de Belfort, reçoit une lettre anonyme. Elle dénonce le maire d’Auxelles-Bas, Pierre-François Girardey. Le sous-préfet, vingt ans plus tôt, a participé activement aux débuts de la Révolution à Belfort. Fils de notables, il a commandé la Garde Nationale et milité au sein de la Société des Amis de la Constitution. En 1791, il a rejoint l’armée. Réformé en I803 avec le grade de général de division, il devient sous-préfet de Belfort en 1804 et le restera jusqu’en 1814. Rallié à I’Empire, de santé fragile, I’homme est bien assagi.
La dénonciation ne peut que le laisser perplexe. Le maire d’Auxelles-Bas Pierre-François Girardey est accusé d’avoir émigré sous la Révolution mais aussi d’irrégularité dans la gestion de sa commune. Le sous-préfet, avant toute décision va donc consulter le Conseil municipal de la commune qui se réunit hors la présence de son maire, puisque c’est de lui qu’il va débattre.

« Le 29 septembre 1809, réunion du Conseil municipal sous la présidence de l’adjoint en vertu de la lettre de Monsieur le général, chevalier de l’Empire, à l’effet de donner des renseignements et remettre son avis sur une lettre anonyme adressée à Monsieur le Préfet dans laquelle le Sieur Girardey, maire, est inculpé de plusieurs faits relatifs à son administration. »

La première accusation fait resurgir des séquelles d’un passé encore récent mais que la majorité de la population souhaite oublier. Le maire Girardey est accusé d’avoir émigré pendant la Révolution. L’accusation était grave et il était facile d’être couché sur une liste des émigrés ; l’absence qu’elle qu’en soit le motif, une dénonciation, et la machine
révolutionnaire se mettait en marche. L’émigré perdait ses biens, risquait sa vie, au mieux la prison, en cas de retour. Après la Terreur, des radiations seront opérées, mais les intéressés devront faire de nombreuse, difficiles et lentes démarches. Girardey sera rayé de la liste des émigrés en I’an IX (1801). L’accusation portée anonymement contre lui est donc sans fondement.

« Après avoir pris communication de cette lettre, le Conseil municipal déclare avoir parfaite connaissance que longtemps avant la Révolution, Pierre-François Girardey a quitté Ia commune d’Auxelles-Bas et la France pour aller en pays étranqer travailler à ses propres affaires. Sous le règne de Robespierre, des malveillants profitèrent de cette absence pour Ie faire porter sur la liste des émigrés. Le règne de la Terreur ayant cessé, le Sieur Girardey fit des démarches près du gouvernement pour obtenir la radiation. Il y réussit le 13 germinal an IX. Il rentra de suite dans la commune d’Auxelles-Bas où il n’a cessé de tenir la conduite d’un parfait homme donnant à ses concitoyens l’exemple de toutes les vertus sociales. Le Conseil municipal peut attester… »

Qu’elles que soient les raisons de l’absence de Girardey pendant la Révolution, il faut bien convenir qu’il a dû donner des gages de ralliement au nouveau régime qui contrôle étroitement l’administration des communes. Pour le sous-préfet, l’accusation d’émigration importe moins que la docilité et l’efficacité de Girardey.

Le deuxième type d’accusations porte sur l’activité présente du maire. Nous ne connaissons pas avec précision le contenu de la lettre anonyme mais seulement ce que le Conseil municipal veut bien en retenir. Girardey est accusé d’avoir fait conduire à son profit du bois à Belfort et d’irrégularités dans l’abattage du bois. Le Conseil, lui, s’attarde sur une accusation mineure : une sombre affaire de chasse.

« Le maire n’a jamais eu de chien de chasse, il ne va pas à Ia chasse, ni ceux désignés dans Ia lettre. Dans le courant de l’été, des loups voraces et affamés ont dévoré des bergers.
L’on a reçu l’ordre de Monsieur l’lnspecteur des Forêts de chercher à déconstruire le gîte de ces animaux. Personne ne sortait sans être armé tant on était en épouvante… »

Ainsi, l’accusation est retournée à l’avantage de l’accusé qui a oeuvré conformément aux ordres de l’Administration et dans le souci de maintenir la sécurité publique. Tout juste peut-on remarquer que l’été n’est pas la « saison des loups ». C’est en hiver qu’ils s’approchent des habitations et c’est cette période de l’année qui est choisie pour les traques. (en Haute-Saône, notamment, le phénomène a été bien étudié).

Pour défendre le Maire, la meilleure tactique est d’attaquer le dénonciateur. Son anonymat a été percé au jour, trahi par son écriture…

(La suite dans : Une lettre anonyme sous l’Empire, par Jean Tritter et Philippe Dattler, page 10)

Les Seigneurs d’Auxelles 3 – La fin d’une lignée

Richard, seigneur d’Auxelles, passe le plus clair de son existence sur les champs de batailles de la guerre de Cent Ans, combattant aussi bien les Anglais que les « routiers » mercenaires au chômage entre deux campagnes. Avec lui s’éteint la famille d’Auxelles. A sa mort, la petite seigneurie devient I’une des possessions d’un ‘grand féodal de l’époque : I’amiral de France, Jehan de Vienne.

Richard III : sa vie privée, sa succession

Richard, en raison de la vie aventureuse qu’il menait, ne pouvait s’occuper convenablement de son château et de ses biens d’Auxelles. Ce problème dut préoccuper son suzerain,
Léopold III d’Autriche qui, le 2 décembre 1374 (Richard se trouvait alors en Normandie), donna l’investiture du château d’Auxelles aux frères Erard et Audoin d’Aucelle, de la branche
de Sainte-Marie-en-Chaux, qui ainsi, étaient chargés de I’administration et de la sauvegarde des biens de Richard.

En 1379, après la prise de Pont-Audemer, il avait été armé chevalier. Il contracta alors mariage – probablement par l’entremise de son oncle – avec Alix de Granson, fille de Jacques et Elisabeth de Vergy (commune de Gevrey-Chambertin), seigneurs de Pesmes. Les circonstances de ce mariage méritent d’être rapportées. En 1365, Pesmes était à nouveau tombé aux mains d’un routier anglais, le capitaine Tanton. Jacques de Granson, fait prisonnier, ne pouvant payer sa rançon, Tanton avait pris possession du château et des biens dont il perçut les revenus durant trois ans. Le seigneur de Pesmes, privé de ressources, désespérait de pouvoir rétablir Ia situation, quand une proposition inattendue lui fut faite par Jacques de Vienne (oncle de l’amiral et Gardien du Comté) : Antoine, le fils aîné des Granson épouserait sa fille Jeanne qui apporterait à Pesmes une dot de 7000 florins d’or… mais à la condition expresse que le jeune couple hériterait seul des titres et domaines de Pesmes. Les six frères et soeurs d’Antoine seraient mis « en état de Sainte Eglise ». Cet arrangement fut solennellement conclu à la chancellerie de Notre-Dame de Dijon le 17 février 1368.
Jacques de Granson entreprit aussitôt le voyage d’Angleterre pour payer sa rançon et récupérer ses domaines. Moins d’un an plus tard, toute cette belle combinaison s’écroula : Antoine mourut sans postérité et Jacques de Granson s’estima libéré de ses obligations. C’est ainsi qu’Alix, alors âgée d’environ sept ans, échappa au cloître et put épouser plus tard Richard d’Aucelle.

Elle lui apportait en dot les seigneuries de Saulçois et de Petit-Noir (canton de Chemin-Jura actuel), ainsi qu’une somme de 1000 florins d’or. Richard se trouvait alors à son apogée, pouvant se prévaloir des titres suivants : chevalier, seigneur d’Auxelles, de Sainte-Marie-en-Chaux, de Montby, de Viétorey (en partie), de Saulçois et de Petit-Noir. Sa situation financière ne devait pas être brillante, car il obtint encore de ses beaux-parents une somme de 2 000 florins dont il leur donna quittance « au prouffit de Jehan de Vienne, seigneur de Rolans, admirar de France « .
Alix ne dut pas être très satisfaite de voir sa dot disparaître de cette façon. En tout cas les historiens disent de ce mariage qu’il ne fut pas heureux : ils n’eurent pas d’enfant. Le mariage n’avait pas assagi Richard qui, comme antérieurement, avait repris sa vie aventureuse avec son oncle.

Sans doute pour se faire pardonner son absence et ses insuffisances de mari, il consentit à son épouse les avantages suivants :

  • en 1380, il lui fit donation de la seigneurie de Montby, qui lui venait de sa mère,
  • en 1389, il lui permit de se constituer en douaire les seigneuries de Saulçois et de Petit-Noir qu’elle Iui avait apportées en dot et qui devenaient ainsi sa propriété personnelle.

Enfin, le 30 avril 1390, Richard d’Aucelle, malade, envisageant d’entreprendre le pèlerinage de Terre Sainte, probablement pour y mourir, rédigea son testament ainsi intitulé : « testament de Messire Richard d’Auzelle, chevalier, par lequel il fait son héritier Messire Jehan de Vienne, admirand de France, son oncle ». Dernière manifestation d’amitié ou peut-être simplement paiement pour solde de tout compte !

Richard mourut certainement cette même année, car, dès 1391, sa veuve Alix contractait un nouveau et brillant mariage avec Jacques, fils de Guy de Pontailler (Côte d’Or actuelle), maréchal de Bourgogne, à qui elle donna une descendance. Le long et minutieux contrat souscrit à cette occasion est un modèle du genre, tout y étant prévu dans le moindre détail, selon les circonstances pouvant se présenter. En somme, après la solitude et la précarité d’Auxelles, Alix avait retrouvé un monde et un mode de vie conformes à ses nobles origines.

Jean de Vienne, seigneur d’Auxelles

Avec Richard III s’éteignit la branche directe des seigneurs d’Auxelles. Jean de Vienne put ajouter à ses titres de chevalier, amiral de France, seigneur de Roulans, Clairvaux (les-Lacs dans le Jura), Listenois, Velley, ceux de seigneur d’Auxelles et de Sainte-Marie-en-Chaux. Il ne résida certainement pas à Auxelles où il dut être remplacé par un châtelain issu peut-être d’une branche collatérale de la famille ou de celle de son épouse, dame de Bellencontre, de la famille d’Oiselay, qu’on a déjà vu apparaître à Sainte-Marie-en-Chaux dès 1382.

On connaît par contre bien les détails de la fin glorieuse du nouveau seigneur d’Auxelles. A la demande de Sigismond de Luxembourg, roi de Hongrie et sur les instances du pape
Boniface IX, le roi de France, Charles VI, avait décidé d’envoyer une croisade pour aider les Hongrois menacés par les Turcs de Bajazet, qui se vantait de faire manger son cheval avant un an, sur l’autel de Saint-pierre à Rome (d’après le chroniqueur Froissart).

Le duc de Bourgogne, Philippe II le Hardi, revendiqua pour son fils, le duc de Nevers (futur Jean sans Peur), âgé de vingt deux ans, le commandement de I’expédition. En raison de son jeune âge on lui adjoignit un conseil dirigé par Jean de Vienne qui, en qualité de représentant personnel du roi, était porteur de la bannière de France.

Mais, dès l’origine, cette croisade fut une affaire essentiellement bourguignonne. Le duc Philippe donna à son fils un trousseau et des équipages d’un luxe et d’une richesse inouïs. Avec les Allemands et les chevaliers de Rhodes la croisade pouvait aligner plus de 60 000 cavaliers sans compter la piétaille. Mais il fallut trouver le financement nécessaire : le Comté fut imposé de 15 000 livres, la Flandre de 45 000, la Bourgogne de 40 000. En outre une taille spéciale fut instaurée, qui, pour la première fois, f rappait également la noblesse. Il fallut de plus contracter un lourd emprunt auprès des Vénitiens qui rejoindraient la croisade par mer et en remontant le Danube.

Partie début avril 1396, I’expédition arriva en Hongrie fin mai, en suivant le cour du Danube. Malheureusement, dès le départ, la plus grande licence régnait dans le camp des Croisés: débauche, rivalités, rixes…

Après quelques succès, le duc de Nevers établit son camp à Nicopolis sur le Danube. Un beau matin, sur les collines dominant le camp, se manifestèrent les avant-gardes turques. Sans écouter les conseils de prudence de Jean de Vienne et des Hongrois habitués aux ruses des Infidèles, le duc de Nevers décida d’attaquer. Aussitôt 60 000 cavaliers se ruent à I’assaut et font un véritable carnage parmi les Turcs (la chronique parle de 10 000 tués). Mais pendant ce temps, de chaque côté du champ de bataille, débouchait une innombrable cavalerie ennemie (200 000 selon le même chroniqueur). L’armée des croisés était perdue, Voyant le danger, Jean de Vienne, au lieu de reculer et de tenter de rompre I’encerclement, engagea les Croisés à combattre jusqu’à la mort aux côtés du jeune duc. Seuls les contingents hongrois et allemands, moins engagés, purent échapper au désastre.
Bajazet aurait fait égorger 10 000 prisonniers, ne réservant que vingt quatre…

(La suite dans : Les derniers seigneurs d’Auxelles 3 – La fin d’une lignée, par Jules-Paul Sarazin, page 5)

Dernier Voyage…

Le 22 mars 1997, le corbillard de Rougemont-le-Château effectuait son dernier voyage. Il repose désormais à la Maison des Arts et Traditions populaires de Brebotte, digne sépulture pour ce convoyeur de morts au passé chargé d’émotion et de chagrin.

Avant lui, les brancards

Le corbillard est apparu en France au début du XIXème siècle. Pourtant c’est seulement en novembre 1936 que le Conseil municipal de Rougemont, sur la demande du maire M.Victor Donzé, décide l’achat d’un corbillard qui sera également utilisé par les communes de Leval et de Romagny.
Jusqu’alors, le cercueil était placé sur un brancard. Six porteurs supportaient la charge, à hauteur de taille (1). Ils devaient pour cela être de grandeur sensiblement égale, le plus difficile pour eux étant de synchroniser leur pas. Gare à celui qui ne portait pas sa charge convenablement : les « engueulades » étaient fréquentes entre porteurs.
Un brancard plus petit, porté par quatre adolescents seulement (ou adolescentes s’il s’agissait d’un enterrement de fille) servait aux enterrements d’enfants.

Première et deuxième classe

Le corbillard de Rougemont fut donc acquis à la fin de l’année l936, pour la somme de 3 500 francs. Le 18 janvier 1937, le Conseil municipal fixe ainsi le prix d’utilisation de ce corbillard :

  • 1ère classe avec plumets et grand drap mortuaire : 50 francs.
  • 2ème classe avec simple tenture d’encadrement : 40 francs.

Pour le service des communes de Leval et Romagny, ces sommes sont majorées de 10f pour la première classe et de 5f pour la seconde.
Il semble que ces deux classes d’enterrement n’aient pas subsisté très longtemps. En 1945, les comptes communaux ne font plus apparaître qu’un tarif unique par sortie, soit 150 francs (100 francs pour le propriétaire du cheval et 50 francs pour la location du corbillard)

Des chevaux parfois nerveux

D’après les mêmes comptes communaux, il apparaît que la « location » du cheval était versée directement à son propriétaire. Ceci explique notre difficulté à savoir quels furent
les chevaux qui eurent l’insigne honneur d’accomplir la noble tâche de tirer le corbillard rougemontois.
La mémoire collective cite dans un ordre qui reste à définir :

  • le cheval de Mr Meuret rue de Leval, le plus « célèbre » car il était blanc
  • le cheval -noir, celui-là de Mr Eugène Mang, rue d’Etueffont (ce cheval fut réquisitionné par les troupes allemandes en 1942).
  • les chevaux de Mr Noblat, rue de Masevaux et de Mr Ducroz, grand rue
  • le cheval de Mr Chevillot, rue de Belfort. Ce cheval connu pour son « gros genou  » était conduit par Mr Louis Mang de Romagny.

Certains de ces chevaux ont parfois troublé la sérénité des convois funèbres. A deux reprises au moins, le cheval s’est emballé semant la panique dans le cortège. Une fois, c’est le
plancher vieillissant du corbillard qui lâcha dans le dernier virage avant l’église, il parait qu’il y avait eu deux enterrements ce jour-là….

Au corps de garde !

Les chevaux se font rares, le corbillard a vieilli… On le remisera dans I’ancien corps de garde situé dans les sous-sols de la mairie.
En 1949, un des menuisiers du village, Mr André Sellier qui fabriquait la plupart des cercueils avec son père Emile, se rendit aux obsèques de son parrain à Compiègne. Il vit là un brancard à deux roues et à pieds escamotables dont il mémorisa le dessin. Il en fabriquera un semblable. A partir de 1952 la « charrette des morts du Dédé » conduira les défunts jusqu’en 1973 où le « break » de Mr Grenouillet ouvrira l’ère du corbillard automobile.

L’espace de la mort

Cette brève rétrospective des services du corbillard de Rougemont nous conduit à rappeler en quelques mots « l’ambiance funéraire » qui régnait dans notre région il n’y a pas si longtemps encore. Certaines de ces coutumes demeurent d’ailleurs aujourd’hui encore.

Les miroirs retournés

Le défunt était presque toujours enseveli dans sa demeure. On fermait alors les volets de la chambre mortuaire et on plaçait des bougies près du corps ainsi qu’une coupelle d’eau bénite avec un rameau de buis pour bénir le défunt. Les proches cessaient toute activité productive. Dans la maison, la vie elle aussi, semblait s’être arrêtée, d’ailleurs on bloquait le balancier de la pendule. Les tableaux et les photos étaient retournés face au mur ou couverts de draps. Les miroirs étaient également retournés ou masqués « pour éviter que l’âme du défunt ne s’y mire ». Avant l’apparition de I’eau au robinet, on vidait les seaux et les brocs car « l’âme du défunt aurait pu souiller l’eau en s’y lavant ».
Si le défunt possédait des ruches, on les couvrait d’une étoffe noire ou on disait aux abeilles « le maître est mort » sinon elles risquaient de mourir dans l’année.
Pendant ce temps, le défunt n’était jamais seul. Il était veillé jour et nuit par la famille, les amis et aussi les conscrits.
Cette veille n’était pas toujours triste : à la cuisine on buvait « la goutte » en parlant du mort, de ses habitudes, de ses bons mots, des derniers moments agréables passés en
sa compagnie. On parlait aussi de tout, du temps, du travail, on se racontait les derniers ragots du village.
La mise en bière avait lieu généralement la veille de l’enterrement en présence des proches.

En cortège jusqu’à l’église

À Rougemont, le prêtre accompagné des enfants de choeur venait à la maison du défunt pour la levée du corps. Pour Leval et Romagny, les porteurs officiaient seuls ; le curé attendait alors le cortège au carrefour des deux routes « devant chez Bernette » (sauf pour les gens vraiment importants…).
Les Anciens se souviennent encore de l’enterrement de cet habitant de Romagny où « Djeuza la Béte » un personnage haut en couleur du village…

(La suite dans : Dernier voyage, par François Sellier, page 13)

Évolution de la Saisonnalité des Mariages à Leval aux XIXème et XXème Siècles (1795-1994)

Si l’homme n’est pas maître de son décès, il l’est déjà un peu plus de sa naissance et l’est totalement de son mariage, ou tout au moins le croit-il. Le mariage, c’est un contrat civil mais c’est aussi un fait social qui obéit à des règles et à des habitudes. La société change, l’économie paysanne de la fin da XVIIlè siècle est bien éloignée des activités des rurbains
(habitants de la campagne -ruraux- dont le mode de vie, le travail et les habitudes intellectuelles et culturelles sont semblables à ceux des habitants des villes -urbains-) de la société post-industrielle de cette fin du XXè siècle, Mais constater des évolutions implique t-il le fait de modifications sociologiques quant au mariage ?

Temps long et temps court

Appréhender deux cents ans d’histoire n’est pas possible globalement. Chaque époque à sa spécificité propre. Entre 1845 et 1869, les mois où l’on se marie le plus sont avril et novembre (plus d’un mariage sur six pour chacun des deux mois : 19,7 %), juin ( l2,l 2 %) et mai (I0,6I %). Entre 1970 et 1994, avril (0 %), novembre et mai (6,67 %) sont avec février (0 %), janvier et octobre (3,33 %), les mois où I’on se marie le moins. Ne faire qu’une période pour deux cents ans, c’est écraser les trente mariages de la période 1970-1994 par les soixante six de la période 1845-1869. Il faut donc envisager des périodes plus courtes, périodes qui devraient permettre de cerner au plus près les évolutions démographiques. Mais alors, deux obstacles se présentent. Si nous choisissons un temps trop bref, les événements ne sont pas assez nombreux pour être significatifs. Leval est une trop petite communauté pour qu’aucune année puisse, isolément, être représentative d’une époque. Certaines années, aucun mariage n’est enregistré. Le cas est rarissime au XIXè siècle (une seule année sans mariage : 1804), mais il touche près d’une année sur quatre au XXè siècle (vingt trois sur quatre vingt quatorze). Les années les plus riches en mariages sont 1825 et 1863 (huit mariages chacune) et 1900 (six mariages) : des valeurs largement insuffisantes pour être représentatives. Il faut travailler sur des périodes plus longues. Mais durant la quasi-totalité des décennies, les événements recensés sont encore trop peu nombreux. Entre 1985 et 1994, sept mariages sont célébrés. Les périodes de guerre venant encore perturber les statistiques. Entre le 31 décembre 1940 et le 31 décembre 1945, en cinq ans, deux mariages. Il faut donc tenter de lisser ces résultats par trop inhabituels et il faut travailler sur des périodes encore plus longues. Nous avons donc choisi des périodes de vingt cinq ans – une génération – pour le temps court et de cent ans pour le temps long.
Les vingt cinq ans qui en connaissent le moins sont les années 1970-1994 avec trente. Alors que 268 mariages se produisent au cours du premier siècle étudié, ils ne sont plus que 154 entre 1895 et 1994.

Le traitement de I’information

L’évolution de la nuptialité, à Leval, interdit de travailler sur les chiffres bruts. Entre 1795 et 1819, le mois de juin voit six mariages se produire. Le même nombre de mariages se produit durant le mois de juillet des années 1970 et 1994. Mais alors que les mariages de juin 1795-1819 ne représentaient que 8,7 % des mariages de la période, les mariages de juillet 1970-1994 représentent 20 % des mariages de la période. Pour gommer I’effet de masse, il faut travailler en pourcentages (les pourcentages masquant ainsi la baisse de la nuptialité sur une longue période). Pourtant, cette première appréhension de la réalité est encore insuffisante…

(La suite dans : Évolution de la saisonnalité des mariages à Leval, par Jean de Zutter, page 17)

Il y a 100 Ans

« Accueillons-la avec émotion et reconnaissance cette année 1897 dont l’aube se Iève sur nos fronts ; saluons-la ; courbons nous sous Ia main qui nous la distribue et souhaitons, non d’en recevoir Ia fin – c’est un souhait dont la réalisation nous échappe – souhaitons seulement d’employer, comme iI convient jour à jour ce qu’elle nous accorde de forces et de vie »
La Croix de Belfort 3 janvier 1897

Alors que la France « palpite encore des sentiments que fit naître en elle la venue des souverains russes sur le sol de France en 1896 » (1) le premier semestre de la nouvelle année est hélas marqué par un événement tragique. Le 4 mai, un gigantesque incendie ravage le hangar ou se tient une fête de bienfaisance organisée par le Bazar de la Charité à Paris (2), causant la mort de plus de 150 personnes.
Chez nous, l’actualité est également marquée par des faits divers plus ou moins tragiques relatés par la presse locale toujours empreinte à une résignation certaine… « courbons-nous sous la main qui nous la distribue » dit la Croix de Belfort en présentant l’année 1897…

La neige en deuil

Deux douaniers de Lepuix sont en mission de surveillance du côté de la Jumenterie, en cette fin d’après-midi du 26 janvier 1897. Une violente tourmente de neige s’abat sur le Ballon d’Alsace. La nuit tombe rapidement. Il faut vite rentrer. Mais le brigadier Lorchert et l’agent Pagnard sont en poste à Lepuix depuis peu, ils connaissent mal le terrain. Ils se dirigent malencontreusement vers I’Alsace, passent au dessus du « Trou de la Chaudière » et c’est le drame.
Le brigadier Lorchert chute d’une bonne quinzaine de mètres. Son compagnon le rejoint à grand peine, le dégage de la neige où il s’est profondément enfoncé. Hélas la jambe gauche du brigadier s’est brisée. Pagnard offre sa pèlerine à son chef, lui donne un peu de pain ainsi que sa fiole d’eau de vie et part chercher du secours.
Trompé par I’obscurité et par la neige qui tombe en rafales, le gabelou a tout juste parcouru 200 mètres qu’il chute à son tour, plus profondément encore. Le brigadier, lui, confiné dans son trou de neige passe la nuit à appeler.
Dès le lever du jour les douaniers de Lepuix, inquiets, partent à la recherche de leurs collègues. En compagnie de leurs homologues de Saint-Maurice et guidés par le garde-chasse de M. Boigeol, ils fouillent chaque endroit susceptible d’avoir été traversé par les deux hommes. Sans résultat. Vers 13 heures, sur le point d’abandonner les recherches, ils lancent un dernier coup de corne. Un gémissement leur répond…

(La suite dans : Il y a 100 ans, par François Sellier, page 22)

La Dame Blanche de Rougemont

« À mon cher et fidèle compagnon Jean, à mes grands-parents et aïeux qui vécurent dans la seigneurie »

Il y a longtemps, bien longtemps, au nord de Belfort, à Rougemont se dressaient trois châteaux-forts : le premier dans le village, à la Chapelotte, et les deux autres plus haut, chacun sur une colline, l’un au Mont des Boules et le dernier, le plus ancien, au Mont-Ori. C’étaient des forteresses solides avec des murs épais et des fenêtres étroites. Ils étaient entourés de murailles et de fossés plein d’eau. Les seigneurs y demeuraient avec leur famille. Quand ils avaient fait lever le pont-levis ils étaient à l’abri des ennemis qui les attaquaient. Du haut de la plus haute tour, le donjon, ils pouvaient observer, ainsi que leurs soldats, la campagne environnante et voyaient arriver de loin les assaillants.

En ce temps là, le comte de Rougemont qui habitait le château du Mont-Ori, avait une fille fort jolie, au teint clair, aux grands yeux bleus, aux longs cheveux blonds et bouclés. On vantait la beauté de la jeune demoiselle dans toute la région. Mais elle avait un grave défaut, elle était très dure et cruelle. Elle n’aimait pas les autres et n’était pas charitable.
Un jour elle fut odieuse avec un pauvre chevalier qui allait mourir, elle ne lui donna même pas un verre d’eau. Alors les fées décidèrent de la punir. Peu après la mort du chevalier, la jeune châtelaine tomba malade, atteinte d’un mal mystérieux, inconnu, et elle décéda à son tour.
« Pour réparer ta méchanceté, dirent les fées, tu seras condamnée à te promener ici et là, à errer près du château du Mont-Ori et de celui du Mont des Boules qui se trouve à un kilomètre en contrebas. Tu iras au hasard, comme un fantôme ou un revenant. »

Plus tard quand les châteaux furent détruits par des bandes de pillards, la dame blanche se promena dans leurs ruines, s’asseyant parfois parmi les éboulis des tours et des murailles. Les fées poursuivirent :
« Trois fois par mois les vendredis, tu pourras te montrer aux habitants du bourg passant près des vieux châteaux, la première fois comme belle jeune fille, la seconde fois comme crapaud géant, la troisième fois comme dragon. Si l’un ou l’autre arrive à briser le charme, tu seras à nouveau libre. »
Quand la dame blanche paraissait sous sa forme humaine, comme une ravissante princesse vêtue de blanc, elle demandait à ceux qu’elle rencontrait de la délivrer de son triste sort. Bien des jeunes gens l’avaient aperçue et dans le pays, l’on parlait à la ronde de la jolie demoiselle du seigneur de Rougemont transformée en dame blanche.

Le deuxième vendredi du mois, elle ne parlait pas et se présentait comme un crapaud géant. Le troisième et dernier vendredi, elle devenait un animal terrifiant, un monstre ou dragon serrant dans sa gueule enflammée une grande clé en or, un peu mystérieuse. Bien sûr, la dame blanche aurait préféré ne plus errer, ne plus se changer en énorme et vilain crapaud ni en dragon effrayant, mais les années passaient et personne n’avait pu réussir à la délivrer.
Or, longtemps après, plusieurs centaines d’années après, un vendredi après-midi de juillet, Jeannette, une jeune fille de Rougemont dont les parents étaient fermiers, s’en allait vers le Mont-Ori. Près du vieux château du Mont des Boules poussaient des fraisiers des bois et des framboisiers. Aussi, l’adolescente pensait remplir un petit seau de ces délicieux fruits sauvages. Elle ramènerait aussi un fagot de bois sec bien utile pour allumer le feu.

Jeannette marchait, légère, escaladant la pente en chantant, grappillant de temps en temps une baie sucrée et odorante qu’elle glissait avec plaisir dans son bidon. Les papillons multicolores voletaient alentour. Elle les suivait du regard et s’empressait de cueillir les fleurs sur lesquelles ils s’étaient posés. Il y en avait des jaunes nommés citrons. Elle  reconnaissait les machaons aux ailes tachetées de rouge, de bleu et de noir, les mauves bel argus qui aimaient les liserons, les vulcains aux bordures orangées et rouge, les paons du jour aux cercles vifs et veloutés… Jeannette était joyeuse et la légende de la dame blanche qu’elle connaissait, ne lui faisait pas peur. D’ailleurs toutes ces histoires que I’on racontait à la veillée étaient-elles vraies ?

La jeune fille se trouvait maintenant parmi les ruines près de la tour du château. Elle cueillait toujours quelques fruits parfumés, fraises et framboises, mais aussi des fleurs, des  liserons roses et blancs, de délicates campanules aux clochettes violettes, de grandes marguerites jaunes ou salsifis des près, des bleuets et bien sûr toutes les marguerites  ordinaires avec leurs collerettes de pétales blancs. Il faisait beau, le soleil brillait dans le ciel sans nuage.
Tout à coup…

(La suite dans : La dame blanche de Rougemont (conte), par Gaby Sarazin-Heidet, page 25. illustrations de Jacqueline Duranton)

Rodolphe Sommer (roman) 10 – Retour à la normale

La diphtérie avec son cortège de décès s’est éloignée de Vaudrey, la vie reprend son cours. Les problèmes sont toujours là, les papotages et les médisances vont toujours bon train. Les luttes politiques reprennent.

Le temps ne travaillait pas pour I’industriel de Vaudrey, moins encore pour son personnel. Si la vie triomphait de la mort, les conditions de cette vie semblaient encore plus médiocres que précédemment. La population, traumatisée par la catastrophe qui s’était abattue sur elle, mal résignée à son sort, cherchait un responsable. EIle en trouva deux : en premier lieu, le député-maire Reverdon, qu’elle accusait de n’avoir pas pris, lors de son apparition, les mesures propres à enrayer l’extension du fléau. Il était bien vrai qu’il n’avait agi que tardivement et peu efficacement, sans grande conviction apparente.
Il reconnaissait lui-même son impuissance : « Devant de tels maux, disait-il,les hommes sont désarmés. Voyez les localités voisines. la situation y est pire encore. »

La population accusait aussi Rodolphe Sommer. Il avait pris en charge une entreprise qu’il avait dirigée en vue d’intérêts personnels égoistes, sans souci aucun du bien-être de son personnel. Ses ouvriers s’entassaient toujours dans des immeubles qui avaient été construits depuis plusieurs générations, dans des ruelles étroites et tortueuses, datant du  Moyen-Age. terrain de choix pour la propagation des maladies contagieuses.

À plusieurs reprises, on lui avait fait observer qu’il n’existait au pays aucune de ces cités où les ouvriers étaient décemment logés, à peu de frais, et qui faisaient l’orgueil d’autres employeurs. Ainsi en était-il à Beaumont par exemple.
Au centre de ces agglomérations nouvelles qui, au fil des ans avaient pris de l’extension, avaient surgi, depuis le milieu du XIXè siècle, des coopératives d’alimentation, des salles de réunion et de spectacle, parfois même un terrain de sport.

Tous ces nouveaux quartiers avaient été épargnés par l’épidémie qui avait sévi dans la région. Car le moindre Iogement y comportait, outre la cuisine, trois pièces d’habitation dans lesquelles il était possible, le cas échéant, d’isoler les contagieux.

– Il y aurait là un bel exemple à suivre, avait dit Mme Sommer à son mari.
– Nous avons une population trop instable pour cela, avait-il répondu.
– Ne serait-ce pas un moyen de la fixer ?
– Vous en parlez à votre aise, ma chère. Et pourquoi à cause du croup ? Je sais bien que cette épidémie a beaucoup secoué le pays. Vous semblez I’avoir été vous aussi. Est-ce là que vous voulez en venir ?
– Oui, et je n’éprouve aucune gêne à l’avouer. D’ailleurs, si j’ai eu peur, ce n’est pas pour
moi-même.
– Pour qui alors ?
Madame Sommer hésita, puis, prenant bravement son parti, aiguilla résolument la conversation sur la voie qu’elle avait choisie.
– Je me suis inquiétée du sort de la population. J’ai tremblé pour une enfant…
– Ah ! Nous y voilà. Mais précisez s’il vous plaît ?
– Vous savez fort bien à quelle enfant je fais allusion. Mais s’il faut préciser, je dirai que c’est la vôtre.
– Vous figurez-vous par hasard que cette petite Kubler était pucelle ?
Mme Sommer se troubla se leva dans l’intention de quitter la pièce, puis se ravisant, décida de faire face.
– Je ne veux pas le savoir ! répondit-elle. Elle était à l’époque, comment dire… elle n’avait à l’époque où vous l’avez connue, aucun amant.
D’ailleurs son enfant vous ressemble.
– Me ressemble ? Comment, quinze mois après la naissance, pourrait-elle me ressembler ?
– Elle a vos yeux, elle a le visage et les traits qui étaient les vôtres, lorsque vous étiez enfant. Elle pourrait être le modèle qui a posé pour le médaillon figurant à la première page de notre album de famille.
– Ah oui ? Est-ce pour cela que depuis deux mois vous vous promenez sans cesse au parc municipal, parmi les jeunes mères et les bonnes d’enfants ? Est-ce aussi ce qui explique cette débauche de layettes que vous avez répandues par la ville ?
– Oui, c’est cela. Que voulez-vous ? Ne pouvant en doter la seule Rosine Kubler sans faire renaître la médisance, j’en ai fait distribuer à tous les enfants pauvres qui m’étaient signalés. N’ai-je pas bien fait ?

Pour la première fois agressive, elle regardait son mari bien en face. Elle ajouta :
– Eussiez-vous préféré que votre enfant manquât du nécessaire ?
– Poursuivez, reprit le mari un peu confus.
Elle prit son temps. Il était vrai qu’elle s’était efforcée de voir, puis de revoir, I’enfant de cette petite Kubler. Où était le mal ? Celle-ci n’avait-elle pas cruellement expié, et finalement payé de sa vie ses quelques instants d’égarement ! Car c’était une honnête fille, elle le savait.

Oui durant des mois, malgré ses efforts, elle n’avait pu voir I’enfant dont la grand-mère assurait le garde. Celle-ci aurait pu la mettre en pension, en nourrice comme on disait à tort. EIle avait préféré sacrifier son emploi et le mieux-être qu’il procurait. Le bébé ne sortait que dans son landau, poussé par elle. A présent, I’enfant l’accompagnait ainsi dans ses courses chez les commerçants du quartier. La boulangère, l’épicière et la bouchère avaient déclaré à l’envie, qu’elle était déjà, qu’elle serait plus tard fort jolie.

Survint cette terrible épidémie de diphtérie, durant laquelle le bébé n’avait pas quitté la demeure de ses grands-parents. Depuis, lorsque le temps le permettait, Marie Kubler l’amenait parfois au parc municipal, où la petite Rosine faisait ses premiers pas et ses premières chutes sur les pelouses gazonnées. Déjà, elle recherchait la compagnie des enfants de son âge. Le rapprochement de ce petit monde avait permis à l’aïeule de constater qu’elle en possédait le plus joli spécimen.

C’est alors que Mme Sommer avait franchi les limites de son propre parc, pour s’entretenir avec les jeunes mères qui, pour les ébats de leurs enfants, fréquentaient celui de la ville. elle avait cru sauvegarder les apparences, en s’arrêtant en premier lieu auprès des petits à qui elle ne portait aucun intérêt particulier. Puis elle s’était approchée du landau de Rosine et l’avait longuement regardée. Elle venait de se réveiller et jouait avec une balle qu’elle abandonna pour lui tendre les bras. Elle lui avait parlé et en avait obtenu maints sourires.
Elle était conquise, extasiée.

– Vous avez là une bien jolie petite-fille Madame, avait-elle dit à Marie Kubler.
– Oui, avait répondu celle-ci, jolie, intelligente et gracieuse. Chacun assure qu’elle ressemble à sa mère.
– À ce propos, permettez-moi, Madame, de vous dire toute ma sympathie. J’aurais tant voulu faire quelque chose pour vous. J’aime tant les enfants…
– Je vous remercie Madame, pour ce que vous vouliez faire et pour ce que vous avez fait. Mais nous ne demandons rien à personne.
– Je sais, je sais, vous êtes de braves gens. C’est égal, j’aurais tant voulu. La crainte de vous blesser dans votre amour-propre m’a retenue. Vous me permettrez bien de la prendre un instant dans mes bras, ajouta-t-elle en hésitant. Comment I’appelez-vous ?
– Rosine, Madame.

EIle avait posé deux questions. Connaissant la réponse à la seconde, elle n’attendit pas la réponse à la première. S’étant emparée de l’enfant, elle l’avait portée à hauteur de ses yeux, l’avait admirée puis …

(La suite dans : Rodolphe Sommer (roman) 10 – Retour à la normale, par Pierre Haas, page 29)

L’Archive Dans Tous Ses Etats

Du 3 au 18 octobre au Foyer Rural de Rougemont s’est déroulée une manifestation sur le thème des Archives organisée par la municipalité de Rougemont en collaboration avec les Archives Départementales et les communes de Felon, Leval, Romagny et Saint-Germain.

L’idée de départ : faire prendre conscience que les archives ne sont pas forcément constituées de documents très anciens et rares mais que tout le monde produit des archives et
que les supports peuvent être très divers (photos, articles, papiers administratifs, microfilms et maintenant disquettes…). De là a découlé la structure de la manifestation.
Tout d’abord une exposition comprenant deux parties principales : les panneaux des Archives Départementales ( 700 ans d’histoire, 70 ans d’Archives ) et une série de panneaux constitués à partir d’archives locales autour des deux thèmes suivants, l’utilité des archives et les producteurs d’archives.

Le 10 octobre était proposée une conférence sur la pratique des archives. François Sellier a expliqué ce qui pouvait conduire tout un chacun à entreprendre une recherche et indiqué les modalités de consultations des documents. Une présentation de documents d’état-civil sur microfilms et une projection d’un montage audiovisuel constitué de cartes postales anciennes de Rougemont ont complété sa démonstration.

Enfin les scolaires ont pu visiter l’exposition et travailler sur documents grâce à la présence de Mlle Siffert, documentaliste aux Archives Départementales et de Mlle Vacelet, professeur chargé du Service Educatif des Archives.

Le bilan est positif : 118 personnes et 10 classes, du CE1 à la 4ème ont visité l’exposition et une cinquantaine de personnes ont assisté à la conférence. Surtout, que ce soit au moment de la collecte des documents ou au cours de la manifestation, nous avons pu constater l’intérêt que beaucoup de gens portent aux témoignages du passé et la qualité des documents qu’ils conservent.

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