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Table des matières

Prénoms donnés aux enfants de Leval entre 1793 et 1962

Jean de Zutter

4

L’affaire de Lepuix – L’inventaire de l’église de Lepuix le 6 mars 1906

Philippe Dattler

10

Complainte à Pierre Jaminet

Yves Grisez

14

Richard III d’Auxelles – Un chevalier dans la guerre de Cent Ans

Jules-Paul Sarazin

17

Rodolphe Sommer (roman) 8 – Les amours clandestines

Pierre Haas

21

Un certain 19 novembre 1959

François Sellier

26

Il y a 100 ans

François Sellier

31

Une époque formidable – La belle et le papi…

François Sellier

34

MAGAZINE

 

 

Devoirs de mémoire

 

35

Humeur

 

36

La scierie Demouge à Lepuix

 

37

Maréchaux ferrants : le retour

 

38

Prénoms donnés aux enfants de Leval entre 1793 et 1962

Avec ce second volet (le premier est paru dans La Vôge n°16) se termine l’étude menée sur les prénoms des enfants nés à Leval entre 1793 et 1962. Témoins des relations hommes-femmes, des relations avec leur temps et avec Dieu, les prénoms des enfants sont des traces écrites riches d’inconscient. L’étude, plus que de résoudre les problèmes, précise l’état des lieux, Trop de facteurs entrent en compte pour que les explications données soient suffisamment nettes et précises.

Du général au particulier

Sur la période étudiée (90 ans et sept mois sur 190 ans et sept mois), alors que les 290 filles utilisaient 518 prénoms (1,9 prénom en moyenne par enfant), les garçons n’utilisaient que 514 prénoms (1,6 par enfant).
Filles et garçons n’ont pas le même nombre de prénoms – surtout au XIX siècle – mais les fréquences d’emploi des prénoms masculins et féminins les plus utilisés sont aussi très
différentes. Les quinze prénoms les plus employés chez les filles sont Marie ( 149 utilisations), Marguerite (38), Anne (33), Françoise (31), Catherine (23), Madeleine (16), Louise (15),
Julie (12), Amélie et Justine (11), Célestine (10), Cécile, Eugénie et Jeanne (9) et Joséphine (B), tandis que les quinze prénoms les plus employés chez les garçons sont François (68),
Pierre (53), Jean (48), Joseph (38), Jacques (31), Célestin (25), Nicolas (22) , Emile (20), Louis (19), Justin (11), Albert (10), Jules et Paul (9), Claude et Georges (8).
Les dix prénoms les  plus utilisés chez les filles représentent 339 prénoms et 63 % des prénoms féminins, les dix prénoms les plus employés chez les garçons totalisent également 339 prénoms mais 66 % des prénoms masculins. Cette apparente similitude – que l’on retrouverait en faisant les calculs sur les quinze prénoms féminins (384 prénoms ou 71%) et les quinze prénoms masculins (386 prénoms ou 75 %) masque en fait des répartitions complètement dissemblables.
Chez les filles le prénom Marie écrase tout et à rang de classement égal, les prénoms féminins sont systématiquement moins utilisés que les prénoms masculins. D’autant que s’ajoute à cette prépondérance du prénom Marie, la plus grande variété des prénoms féminins qui accentue encore le phénomène.

Ces listes présentent à la fois beaucoup d’analogies et beaucoup de différences. Sur les dix prénoms féminins les plus utilisés, quatre sont des prénoms communs aux garçons et aux filles : François – Françoise, Louise – Louis (ou Louisette utilisé une fois), Jules – Julie (et Juliette, une fois), Justin – Justine et cinq sont des prénoms spécifiquement féminins : Marguerite, Anne, Catherine, Madeleine et Amélie. Le dernier prénom féminin, Marie, constituant un cas original puisque, bien que prénom essentiellement féminin, il se retrouve néanmoins associé à trois garçons, et à trois décennies différentes, preuve aussi de la permanence du phénomène et de son  a-temporalité. Cette originalité des prénoms féminins se retrouve dans le fait qu’à I’inverse, tous les prénoms masculins sont utilisés comme prénoms féminins : Jean (troisième emploi chez les garçons), entraîne Jeanne (douzième emploi chez les filles) et Jeanine (deux emplois), Joseph (quatrième emploi chez les garçons) entraîne Joséphine (quinzième emploi chez les filles) mais aussi Josèphe et Josée (un emploi chacun), Auguste (dixième emploi) entraîne Augustine (dix neuvième fréquence chez les filles avec six cas), et Augusta (un cas). Les liaisons entre Pierre et Pierrette (un cas) entre Jacques et Jacqueline (un cas), entre Emile et Emilie (un cas), entre Nicolas, Nicole (un cas) et Colette, aphérèse de Nicolette (trois cas) sont moins probants, néanmoins ils existent.
À quelles époques ont donc été donné les prénoms spécifiquement féminins et peut-on en tirer des conclusions ? Si la question vaut d’être posée, la réponse est bien partielle.
Marguerite et Madeleine n’ont plus été donnés depuis 1902, Anne donné entre 1793 et 1852 d’une part et entre 1923 et 1932 a été remplacé par Annie (1953 – 1962), Amélie n’a été donné qu’entre 1843 et 1932. A ce stade, l’étude ne nous apporte donc pas la preuve d’une espèce d’âge d’or de la condition féminine dans le passé, âge d’or que symboliserait l’usage de prépondérant par les filles de prénoms spécifiquement féminins. Mais elle ne nous apporte pas non plus la preuve inverse. Il faut vérifier l’hypothèse décennie par décennie. On peut discuter des relations entre Nicolas, Nicole (utilisée seulement entre 1923 et 1932) et Colette (utilisé depuis 1923) car c’est au moment où I’usage de Nicolas se perd chez les hommes que l’utilisation de Nicole et de Colette se fait chez les femmes. Ainsi le fait de se prénommer Colette quand les garçons ne se prénomment plus Nicolas est peut-être un signe d’émancipation féminine.

En étudiant globalement les prénoms les plus utilisés, on sacrifie le présent au passé. Les quarante années du XXè siècle étudiée (209 naissances) dépassent à peine les décennies du début du XIXè siècle (191 naissances entre 1823 et 1832).

Premiers prénoms

Un premier essai de correction pourrait être de ne travailler qu’avec les premiers prénoms. Si le premier prénom est, la plupart du temps, un choix, les autres prénoms sont souvent
des…

(La suite dans : Prénoms donnés aux enfants de Leval entre 1793 et 1962, par Jean de Zutter, page 4)

L’affaire de Lepuix

L’inventaire de l’église de Lepuix Ie 6 mars 1906

Le 9 décembre 1905, les Chambres adoptent la loi de séparation des Eglises et de l’Etat. Le texte indique que « la République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes… et elle ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte ».

La mise en oeuvre de la loi passe par l’établissement d’inventaires des biens des églises, temples et synagogues en vue de leur remise à des associations cultuelles qui en assureront la gestion.
Les opérations d’inventaires commencent dès le 2 février 1906 à Paris. Immédiatement se produisent des incidents. La tension très grande qui règne entre I’Eglise et le gouvernement du « Bloc des Gauches » est encore accrue par la parution d’une encyclique papale publiée dans le journal « La Croix » le 18 février. Ajoutons que cette affaire se déroule en période électorale puisque les élections législatives doivent avoir lieu le 6 mai, chaque camp politique essayant d’exploiter à son profit les sentiments pro ou anti religieux. Pour calmer les esprits le ministre de l’Intérieur, Georges Clémenceau, décide le 16 mars de suspendre les inventaires.
Trente cinq inventaires sont dressés dans le Territoire de Belfort. Des incidents se produisent dans de nombreuses communes, notamment à Grosmagny et Rougemont pour ne citer que le secteur sous-vosgien. Mais c’est à Lepuix que se produisent les incidents les plus graves puisque le percepteur, chargé de procéder aux opérations d’inventaire, doit effectuer son travail avec l’aide et sous la protection de la troupe.
La commune de Lepuix est un des bastions locaux du catholicisme populaire. La municipalité conservatrice a adopté une attitude favorable à l’Eglise notamment en matière scolaire. Aux élections législatives de 1902, le candidat conservateur Armand Viellard a nettement devancé le radical Charles Schneider, comme dans tout le canton de Giromagny d’ailleurs (c’est toutefois Charles Schneider qui est finalement élu).
Le 26 février, une première tentative d’inventaire échoue. Dans son numéro du 3 mars, le journal (modéré) Le Ralliement relate ainsi l’événement : « L’inventaire des biens de l’église de cette paroisse n’a pu avoir lieu. La population s’était massée devant et dans l’intérieur de l’église et a empêché le receveur de l’Enregistrement d’opérer l’inventaire. M. le curé a donné lecture d’une énergique protestation qui a été accueillie par les applaudissements des fidèles. Les jeunes gens du cercle et du patronage ont parcouru les rues du village avec un drapeau tricolore orné d’un crêpe. Le receveur de I’Enregistrement a été accompagné par eux jusqu’à l’extrémité du village. »
L’administration n’entend pas rester sur cet échec et organise pour le 6 mars une nouvelle tentative. Cette fois de gros moyens sont mis en oeuvre. Le receveur de I’Enregistrement se présente à Lepuix avec le préfet Schmitt, accompagné de deux commissaires de police, un capitaine de gendarmerie, un escadron du 11è régiment de Dragons, une escouade de sapeurs du Génie, des gendarmes des brigades de Belfort, Valdoie et Giromagny.
Le Haut Rhin Républicain, journal favorable au Bloc des Gauches rapporte ainsi l’événement dans son édition du 8 mars :
« D’accord avec l’ administration préfectorale, M. Maire, receveur de I’Enregistrement, avait décidé de se représenter hier mardi 6 mars ; mais cette fois, en prévision des troubles qui pourraient se produire, des troupes avaient été réquisitionnées : un escadron du 11è dragons, commandé par le capitaine Le Tourneur, plusieurs brigades de gendarmerie, dirigées par M. le capitaine Bonnet, une escouade de sapeurs du génie, qu’accompagnait une voiture de compagnie chargée d’outils, et – il faut tout prévoir – un médecin aide-major avec deux infirmiers.

Vers 9 heures, M. l’administrateur quittait Belfort, en voiture, accompagné de M. Hiriart, commissaire spécial de police à Belfort, et d’un serrurier au service de M. Goffinet, M. Paul Rossé. Trois quarts d’heures après la voiture arrive devant la mairie de Giromagny, où, en outre des troupes dont nous avons parlé, attendent MM Maire, receveur de l’Enregistrement, et Rouot, commissaire de Police de Belfort, qui, au préalable, avaient été reconnaître les lieux.
À 9h55, le cortège en tête duquel se trouvent les gendarmes et les dragons, se met en marche sur Lepuix ; on rencontre sur la route de nombreuses personnes, qui se hâtent pour assister à l’opération.
Vers Lepuix, dès que les gendarmes sont signalés, les cloches sonnent à toute volée, appelant les fidèles et donnant le signal de la résistance. Mais c’est une mesure superflue, car celle-ci est déjà organisée : devant l’église, en effet, se trouvent environ 400 personnes, hommes et jeunes filles ; en tête des manifestants se tiennent le curé avec une protestation à la main, et le Conseil de fabrique, dont M. Julien Marsot est le président.
La foule s’est protégée elle-même par une chaîne de voitures à échelles, renversées, rattachées les unes aux autres, et dont quelques-unes sont veuves d’une ou de deux roues.
M. le Préfet, dont l’arrivée est saluée par les cris de  » Vive l’armée ! Vive la liberté ! « , demande le maire de Lepuix-Gy, M. Tournier;comme par hasard, celui-ci est absent. On va alors chercher l’adjoint, M. Emile Demouge ; mais celui-ci, pris sans doute au dépourvu, est long, très long à venir, si long même, qu’après plusieurs tentatives infructueuses il faut Ie faire chercher par les gendarmes.
Pendant ce temps M. le curé a fait faire silence et, au milieu d’une profonde attention, il donne lecture de sa protestation. Fidèle serviteur du pape, M. le curé déclare qu’il se conforme à ses ordres : puisque le chef suprême de l’église condamne et flétrit la loi de séparation, oeuvre des francs-maçons, eux-mêmes fidèles serviteurs de Guillaume (!), M. le curé, à son tour, réprouve la violation de la liberté et des droits de l’église et dit qu’il ne peut ni ne veut coopérer à la besogne dont est chargé le receveur de l’Enregistrement.
D’ailleurs, il n’y a rien à inventorier puisque les cloches, l’orgue, les chaises, etc… sont des dons des fidèles ; ces dons prouvent l’amour, Ia fidélité et la générosité des chrétiens de Lepuix-Gy. M. le curé, en terminant, prie M. le receveur de l’Enregistrement de vouloir accepter sa protestation, s’il désire passer outre.
Aussitôt après la lecture de ce beau morceau d’éloquence, un jeune vicaire, qui est certainement l’organisateur de cette manifestation, à en juger par son entrain, un jeune vicaire, disons-nous, perché sur une voiture, donne le signal des « marques d’approbation ». C’est aussitôt un vacarme assourdissant et de nombreux cris, poussés principalement par les jeunes filles, retentissent de tous côtés. On crie « Vive Môssieu le curé ! Vive l’Eglise ! Vive l’Armée ! A bas les sectaires ! A bas les juifs ! Enlevez-les, Ies vendus ! A bas les serviteurs de Guillaume ! Vive la liberté ! A bas les francs-maçons !  » et autres exclamations tout aussi distinguées.
Puis le curé demande de nouveau le silence : il a soit disant reçu un appel dont l’auteur l’a prié de donner lecture. Le dit auteur l’a prié de donner Iecture. Ledit auteur recommande à tous Ie silence, car nous sommes à la frontière ; les Prussiens suivent avec intérêt, de l’autre côté, la guerre civile qui éclate en France ; ils sont heureux, car ils pensent que c’est la ruine et  l’anéantissement, Ia fin de la France. Au contraire, ce sera sa résurrection !!! Car un jour viendra où les catholiques, poussés à bout, ne voudront plus du gouvernement de francs-maçons et de juifs qui les dirige actuellement.
« Nos chers amis, nos chers fidèles » ont déjà protesté il y a huit jours ; c’est très bien ; mais qu’ils protestent encore aujourd’hui. Protestons tous contre l’emploi des soldats à la violation des églises, travail auquel ils ne sont pas habitués. Et crions bien fort :  » Vive la France ! Vive la liberté ! « . Ces cris sont répétés par l’auditoire, qui les entremêle de chants, tandis que là-haut, les cloches sonnent. Et l’adjoint n’arrive toujours pas !
Mais les autorités s’impatientent : 10h20, M. le Préfet donne l’ordre aux gendarmes et aux sapeurs du génie d’enlever les voitures et les barricades ; puis, une fois l’accès de l’église rendu plus facile, Ies gendarmes et les dragons font circuler les manifestants. Cette opération ne s’accomplit pas sans quelque difficulté : les « apaches pieux » protestent, d’aucuns, même, distribuent çà et là coups de poing et coups de pied, ou encore piquent les chevaux, qui se cabrent. Enfin , tant, en bien que mal, la place est déblayée, au milieu de coups de sifflet stridents (ces agréables petits instruments ayant été distribués à la cure, parait-il, huit jours auparavant).
Puis M. Schmitt, préfet, dont il faut souligner le calme tranquille, se dirige vers une porte latérale, accompagné des fonctionnaires. Il prie courtoisement le curé d’intervenir pour que les fidèles, massés à l’intérieur, se décident à ouvrir l’huis. Mais ces derniers ne veulent rien entendre. Le président du Conseil de fabrique, intervenant à son tour, n’est pas plus écouté.
Alors, M. Ie Préfet, élevant la voix, dit  » Au nom de la loi, ouvrez ! « 
– Non, crie-t-on de l’intérieur.
– Sapeurs, enfoncez cette porte, riposte M. le Préfet, s’adressant aux soldats du génie.

L’opération est longue, car la porte résiste et derrière elle s’étagent de nombreux matériaux, poutres, pierres et fagots. Enfin une brèche est ouverte. Une deuxième porte cède plus facilement.
Il est onze heures quand, enjambant les débris, M. le préfet, résolu mais conservant son sang froid, pénètre le premier dans l’église. M.Schmitt n’a pas voulu céder le privilège – et le risque – d’entrer avant tout le monde en contact avec les manifestants.
Mais ceux-ci ont aperçu derrière M. le Préfet les soldats  de la maréchaussée. Et pour eux aussi la crainte du gendarme est le commencement de la sagesse. Après avoir bondi en avant, ils reculent et, tout à coup, entonnent des psaumes.
C’est fini. MM Bonnet, capitaine de gendarmerie, Maire, receveur de I’Enregistrement, Hiriart et Rouot, commissaires, les membres du Conseil de fabrique suivant en queue avec le reporter du Haut-Rhin, pénètrent à leur tour dans l’église.
Très sagement, le curé se prête à l’opération d’inventaire. Celle-ci est rapidement menée et un quart d’heure après, les…

(La suite dans : L’affaire de Lepuix – L’inventaire de l’église de Lepuix le 6 mars 1906, par Philippe Dattler, page 10)

Complainte à Pierre Jaminet

Selon la définition du « Larousse » une « complainte » est une « chanson populaire racontant les malheurs d’un personnage légendaire qui prend son origine dans les chansons narratives et les chansons de toile du XIIè siècle et s’apparente à la romance larmoyante du XVIIIè siècle « . Le dictionnaire précise encore qu’une complainte est « un chant fait de lamentations « .

La complainte ci-dessous rapportée, a été écrite après les élections partielles au Conseil général du Territoire de Belfort, qui se sont déroulées le dimanche 4 mai 1930 dans les vingt et une communes qui formaient alors le canton de Fontaine, afin de remplacer le docteur Bouvier, décédé le 11 mars précédent.    
Ces élections opposèrent Georges Helminger (1873-1964) à Pierre Jaminet (1887- 1945). Qui étaient les deux protagonistes ?
Georges Helminger est candidat de l’Union des Gauches. Il est alors maire de Montreux-Château, entrepreneur de transport, président du conseil d’administration de la Banque Populaire, chevalier du Mérite agricole, officier de l’lnstruction publique. Pierre Jaminet est candidat de l’Union des Républicains. Il est codirecteur de la brasserie de Lachapelle–sous-Rougemont, ingénieur des Arts et Manufactures, chevalier de la Légion d’honneur, Croix de guerre 1914-1918 (quatre citations).
Les deux candidats à cette élection cantonale ne manquent pas d’atouts, chacun en ce qui le concerne. C’est ainsi que Georges Helminger est activement soutenu par les personnalités suivantes : l’ancien sénateur Laurent Thiéry, le député Edmond Miellet, Christophe Klopfenstein, président du Conseil général, treize maires du canton de Fontaine sur vingt et un. De son côté, Pierre Jaminet, encore peu connu dans le secteur où il s’est installé en 1923, peut se prévaloir de I’appui total d’André Tardieu, alors député du Territoire de Belfort et surtout homme politique national, puisqu’il avait été président du Conseil et ministre de I’lntérieur.
Au soir du 4 mai 1930, les résultats de l’élection cantonale sont les suivants :

  • inscrits : 1577 électeurs
  • votants : 1387 électeurs
  • blancs ou nuls : 33 bulletins
  • Georges Helminger : 696 voix
  • Pierre Jaminet : 651 voix

La majorité absolue étant atteinte, il n’y aura pas de second tour de scrutin. Avec 45 voix d’avance, Georges Helminger est élu conseiller général du canton de Fontaine. Il est majoritaire dans douze communes, Pierre Jaminet I’est dans six, tandis que dans trois communes les deux candidats sont à égalité.
Pierre Jaminet n’attendra pas bien longtemps sa revanche. Il sera en effet élu le dimanche 18 octobre 1931, aux élections cantonales générales, obtenant alors 816 voix, tandis que Georges Helminger n’en recueillera que 734.
La complainte dont le texte est intégralement reproduit ici est intéressante à plus d’un titre. Si l’auteur de cette chanson est inconnu, il y a tout lieu de penser qu’il appartenait au clan soutenant…

(La suite dans : Complainte à Pierre Jaminet, par Yves Grisez, page 14)

Richard III d’Auxelles

Un chevalier dans la guerre de cent ans

La petite seigneurie d’Auxelles donne son nom, au XIIème siècle, à une famille de la petite noblesse comtoise. Deux siècles plus tard, par mariage, Jacques d’Auxelles entre dans la parentèle de la famille de Vienne, une des plus importante lignée féodale comtoise. La famille d’Auxelles s’éteint avec son fils Richard.

Par sa mère, Catherine de Vienne, Richard III, était le neveu de Jean de Vienne, chef de guerre et futur amiral des rois Charles V et Charles VI. Comme subjugué par la forte personnalité de ce grand homme, Richard lia son sort au sien, le suivit dans toutes ses expéditions, au point de négliger les plus élémentaires de ses intérêts matériels et familiaux.

La compagnie comtoise de Jean de Vienne

Le premier fait de guerre auquel participe Richard d’Auxelles date de 1357. Jean de Vienne, qui était né au château de Roulans (sur le Doubs, au nord de Besançon) en 1341, avait alors seize ans. On peut donc conclure que le neveu était sensiblement plus âgé que l’oncle. Ils furent certainement dès l’enfance animés d’une amitié réciproque.
Ils arrivaient tous deux à l’âge adulte à une des époques les plus troublées de l’histoire de France. La peste sévissait, l’insécurité était partout, surtout après le traité de Brétigny (1360) qui livrait le tiers de la France en toute propriété au roi d’Angleterre et qui, prévoyant une trêve de neuf ans, avait provoqué le licenciement d’une multitude de mercenaires. Partout les campagnes étaient la proie de bandes de pillards, souvent imités par de petits seigneurs locaux, que l’impunité et l’appât du butin facile, avaient d’après une miniature du XIVème siècle dévoyés. Mais le danger venait surtout de ces colonnes de mercenaires, parfaitement organisées et commandées, fortes parfois de plusieurs milliers d’hommes, au service des ennemis de la France : l’Angleterre d’abord, qui profitait de la trêve pour pousser ses avantages, mais aussi Charles le Mauvais, roi de Navarre, qui ne pardonnait pas aux Valois d’avoir, sur le trône de France, pris la place de sa mère, Jeanne de France (fille de Louis X et de Marguerite de Bourgogne, compromise dans le scandale de la tour de Nesle) évincée grâce à une interprétation élargie d’un vieux texte, baptisé « loi salique ». Du fait de sa mère également, à la mort sans héritier du duc de Bourgogne, Philippe de Rouvres, emporté par la peste à l’âge de quinze ans (1361), il se portait prétendant du duché. Enfin, ayant épousé la fille du roi de France, Jean II le Bon, il voyait renaître ses espoirs de reconquérir un jour le trône de France.
C’est pour son compte que cinq cents routiers (Navarrais et Lorrains), commandés par Thiébaud de Chauffour, s’étaient emparés du château de Grattedos (commune de Villiers les Aprey, Haute-Marne). Par mandement du 29 septembre 1357, Philippe de Rouvres, ordonnait au bailli du Comté de réunir une troupe de seigneurs comtois pour reprendre Grattedos. Richard d’Aucelle participa à l’expédition avec « II (2) chevalx ». A I’approche de la coalition, les routiers déguerpirent pour s’établir à quelque distance de là, au château de Montsaugeon, d’où ils continuèrent leurs exactions, image même de cette guerre interminable qui connut peu de batailles rangées, toute faite de chevauchées, de harcèlements, d’embuscades.
D’autres bandes sévissaient dans le Comté, avaient pris Vesoul, Pesmes, assiégeaient Dole, Gray et avaient même essayé d’emporter Besançon par surprise. Une coalition de seigneurs des deux Bourgogne avait été écrasée à Charriez près de Vesoul (1362). La même année, une autre armée commandée par le connétable de Bourgogne, Jacques de Bourbon, voulant empêcher une troupe de routiers de remonter la Saône pour se répandre en Bourgogne, était tombée dans une embuscade à Brignars et avait été décimée.
Parmi les victimes figuraient le connétable et plusieurs membres de la famille de Vienne. C’est au lendemain de cette journée que Jean de Vienne, âgé de vingt et un ans, fut armé chevalier.
Alors, malgré son jeune âge et le fait qu’il appartenait à une branche mineure de la maison de Vienne, il décida de prendre les choses en mains. Il réunit autour de lui un contingent de Comtois, dont le noyau était constitué par une quinzaine de seigneurs, tous de sa parenté. Dès l’origine, Richard d’Aucelle fit partie de cette troupe qui s’est illustrée, pendant trente ans, sous le nom de « compagnie comtoise de Jean de Vienne ».
Son premier objectif fut de purger le Comté des bandes qui l’infestaient. Harcelant sans cesse Ies routiers, il apprit un jour qu’une importante colonne de mercenaires, de retour du siège de Besançon, s’apprêtait à repasser la rivière I’Ognon, près de Chambornay (Les Pins) (en Haute-Saône), sur une étroite passerelle où un seul homme pouvait se présenter de front. Malgré le renfort de quelques seigneurs de la région, la compagnie représentait « au demeurant bien peu de gens qui s’en allèrent rencontrer la troupe (des routiers) qui était grosse et grande, dont ledit Jehan de Vienne et les siens furent moult esbaiïs ». Ayant dressé des embuscades de part et d’autre de la rivière, il laissa la moitié de la colonne traverser la passerelle et fondit sur elle des deux côtés à la fois. Les mercenaires, complètement surpris et alourdis par le butin, furent anéantis tant par les amis de Jean de Vienne que par les paysans des alentours qu’il avait alertés et qui se chargèrent des fuyards . « Les circonvoisins furent tout incontinent avertis et prindirent cueur de telle sorte qu’ils allaient tuantz de tout coustez druz que mouches. Au moyen de quoi on décombra tantost le pays de ces méchant gens ». C’est, en effet cette affaire qui amena les routiers à négocier leur départ.
Le 2 décembre 1365, ils signèrent Ie traité de Corcondray (Doubs), s’engageant à quitter la région moyennant un viatique de vingt et un mille florins d’or. Une telle somme n’ayant pu être réunie en entier, ce fut… un routier, Arnaud de Cervole dit I’Archiprêtre (il percevait les bénéfices d’une importante église en Périgord) qui en avança une bonne partie recevant en gage du duc de Bourgogne les châteaux de Pesmes et d’Etrabonne (Haute-Saône actuelle). L’Archiprêtre était alors au service du duc. Mais que faire de ces mercenaires ? On pensa d’abord utiliser leurs bandes qui représentaient plusieurs dizaines de milliers de combattants, contre les Turcs qui menaçaient les frontières de la Hongrie, mais les états voisins de la France refusèrent de leur accorder libre passage. On réussit enfin à les joindre à ceux de leurs semblables que Du Guesclin emmenait en Espagne pour soutenir Henri de Transtamare,
roi de Castille, fidèle ami de la France, dont le trône était menacé par son frère, Pierre le Cruel, soutenu par les Anglais.
A la suite de la bataille de Chambornay, où Jean de Vienne s’était personnellement distingué en abattant d’un coup de lance le chef des routiers, Guichard Monnot,  » vinrent nouvelles au roi de France de sa vaillance, lequel lui manda qu’il se dut trouver par devant lui, ce qu’il fit incontinent et, étant en France, le créa son connétable… Ceci se passait le dimanche de Quasimodo de l’an 1364 « . En réalité, Jean de Vienne reçut du roi la seigneurie de Villey (Jura actuel) et fut nommé maréchal de ses armées pour combattre en Beauce.
C’est en cette qualité, qu’avec sa compagnie, il se trouvait aux côtés du futur connétable du Guesclin à Cocherel (Eure actuelle) où les troupes de Charles le Mauvais subirent un échec définitif (mai 1364). Le Mauvais dut s’engager par le traité d’Avignon (1365) à…

(La suite dans : Richard III d’Auxelles – Un chevalier dans la guerre de Cent Ans, par Jules-Paul Sarazin, page 17)

Rodolphe Sommer (roman) 8 – Les amours clandestines

Malgré ses gros moyens financiers, l’industriel Sommer a connu un échec cuisant aux élections législatives. Blessé dans sa vanité, il cherche d’autres conquêtes.

Durant quinze jours nul n’aperçut Rodolphe Sommer. Son courrier lui était apporté au château, ainsi que la correspondance à signer. S’occuper de ses affaires était pour lui un dérivatif et un moyen d’occuper son esprit. Il voulait être réaliste. Il s’était toujours défendu de se battre contre les moulins à vent, à la manière de Don Quichotte. Il avait en outre la prétention d’être un homme sensé. Ce n’est pas un échec électoral qui le ferait changer d’avis sur ce point. Déjà il songeait à un nouveau plan de bataille, qui lui vaudrait de prendre sa revanche.
Il était enfin persuadé que le préfet lui avait dit vrai. Il était imprudent de se présenter à la députation, sans s’être assuré au préalable d’une assise politique. L’année prochaine auraient lieu les élections municipales. Déjà les premières mesures étaient prises. Ses ouvriers percevraient l’augmentation de salaire qu’il leur avait promise. ll avait calculé qu’un accroissement général de quinze pour cent de la main-d’œuvre, lui vaudrait une perte de trois centimes par mètre de calicot fabriqué. Ces trois centimes il les retrouverait ailleurs. En attendant, outre que les tisserands bénéficieraient d’une prime supplémentaire de cinq pour cent, les employés à la préparation percevraient vingt sept francs par quinzaine au lieu de vingt quatre et les manœuvres et divers journaliers, trente francs au lieu de vingt sept.
C’était certes un beau salaire estimait-il ! Car il n’avait pas voulu tricher. Ses concessions correspondaient approximativement aux aménagements prévus avant les « événements ». Il ne reviendrait donc pas, ainsi qu’il y avait songé, sur les promesses faites. Ces résolutions prises, la paix revint bientôt à son esprit. Il n’éprouvait plus à présent qu’une certaine gêne à paraître en public, c’est à dire un reste d’amour propre froissé.
Madame Sommer était I’une des deux personnes qui connaissait une partie de ses projets. L’autre était Odile Kubler, la jolie fille de Jean Kubler, le militant syndicaliste que, en d’autres temps, il avait voulu licencier. Il I’avait distinguée en parcourant le bobinage, où elle était employée. Aussitôt, il avait éprouvé pour elle plus qu’un désir, un amour véritable. Il le lui avait dit, elle avait fini par le croire. Mais il s’agissait bien sûr d’un secret dont elle éprouvait plus de honte que de satisfaction. Deux fois par semaine, à la nuit close, Odile avait un rendez-vous galant avec son patron.
Odile avait donc, mais non sans trouble intérieur, ni long débat avec sa conscience, accepté de voir en secret M. Rodolphe. A I’extrémité du parc entourant le château, I’industriel avait jadis fait édifier un pavillon, qui servait à présent de résidence au directeur de l’usine. Or, ce poste était momentanément vacant et I’immeuble demeurait vide. Sommer en avait fait le lieu de ses rendez-vous clandestins. Il lui suffisait, lorsque le temps le permettait, de prendre place sur un banc de ce parc. Le pavillon qui s’éclairait soudain, indiquait que I’heure du rendez-vous était venue.
Le secret devait être découvert par le fils du forgeron, un solide gaillard, un peu fruste, qui avait le tort de se croire aimé et prétendait à la main de la jeune fille. Elle ne lui avait rien promis, s’était même efforcée de le tenir à distance. Il lui rendait néanmoins visite chez elle, en présence de ses parents, qui accueillaient favorablement I’idée de I’union entre le fils d’un artisan considéré et qui, de plus, jouissait d’une certaine aisance.
Or, un jour qu’il se rendait plus tôt que de coutume au domicile des Kubler, le garçon voulut faire quelques pas au parc municipal. Il n’avait pas fait cinquante mètres, qu’il aperçut la jeune fille marchant rapidement dans sa direction, dans I’intention évidente de regagner son domicile. Elle ne l’avait point vu. Pris de soupçon, il s’arrêta et s’interrogea sur Ia conduite à
tenir. Ce qui l’amena à se dissimuler derrière un arbre pour la laisser passer. Rêveur, jaloux peut-être, il reprit lentement la direction de la maison Kubler.
La famille était déjà à table, chacun ayant devant soi un bol de café au lait, dans lequel flottaient quelques fragments d’un morceau de pain. Chacun puisait alternativement dans sa tasse et dans un plat de pommes de terre placé au centre de la petite table. C’était le menu habituel du soir. Les pommes de terre, cuites en robe de chambre pour accompagner le bœuf servi à midi, puis pelées et grillées à I’huile, dégageaient une odeur appétissante.
– À ton service, mon gars, dit Kubler.
– Non merci, ce n’est pas encore mon heure.
– En ce cas, tu boiras bien un verre de vin ?
Et le bonhomme se leva, pour prendre dans le buffet la bouteille de rouge entamée.
Odile réfléchissait, gardait le silence. Apparemment mal à l’aise, elle acheva sa tasse de café, plaça une chaise à côté de la sienne et invita d’un geste le jeune homme à y prendre place. Celui-ci s’y assit.
– Je suis venu un peu plus tôt ce soir, dit-il , parce que nous aurons deux chevaux à ferrer tout à I’heure. Je ne pourrai donc pas m’arrêter longtemps. Il ajouta, s’adressant à la jeune fille :
– Mais tu es parfumée ce soir !
– Oui, avec le reste d’un petit flacon d’eau de Cologne, dit-elle.
– Quelle eau de Cologne ? interrogea le père.
– Oh ! un petit reste qui datait de la fête foraine.
– De mon temps, les jeunes filles ne se parfumaient pas ainsi, observa-t-il encore.
C’était vrai. Sentant sa fille en danger, la mère intervint .
– Que tu dis ! Je me parfumais bien des fois, quand tu venais me voir, avant notre mariage.
– Je ne m’en souviens plus.
Et puis cela n’a aucune importance, conclut Jean Kubler d’un ton conciliant.
Et choquant son verre contre celui du forgeron, il ajouta : « À ta santé, mon gars ».
Le gars n’était pas loquace ce soir là. Il s’en rendit compte lui-même. N’étant pas disposé à soutenir la conversation, il but d’un trait le reste de son verre et se leva.
– Je m’en vas, le travail m’attend, Bonsoir à tous.
Odile se leva pour l’accompagner jusqu’à la porte.
– Tu es tout chose ce soir, souffla-t-elle.
– Oui, bonsoir, fit-il en approchant sa bouche de la sienne.
Et il partit sans ajouter un mot.

Jaloux, sentant qu’on lui cachait quelque chose, il décida d’exercer une étroite surveillance autour de la jeune fille.
Deux jours consécutifs, il se rendit au parc municipal entre quatre et six heures du soir. Il s’attendait à y rencontrer Odile en galante compagnie. « Pour sûr, le galant passera un mauvais quart d’heure, avait-il décidé. Quant à elle, cela dépendra des circonstances. Mais je ne serai pas dupe plus longtemps ».
Il en était là de ses réflexions, lorsqu’il eut un choc au coeur. Odile entrait dans le parc, les épaules enveloppées dans la mante de laine qu’il connaissait. Il se dissimula aussitôt, le souffle court. La jeune fille, avançant rapidement dans sa direction, arriva à hauteur de I’arbre qui le dissimulait à son regard et poursuivit son chemin, sans se douter de sa présence. « Cette fois, je saurai, se dit-il ». Il suivait des yeux la silhouette qui s’éloignait.
Arrivée à la grille qui entourait la propriété Sommer, Odile Kubler se retourna, scruta les alentours. L’amoureux s’était aplati sur le gazon d’une pelouse. La nuit tombait, le parc municipal semblait désert. Prenant résolument son parti, elle poussa le portique qui s’ouvrit devant elle, courut vers la villa qui venait de s’éclairer. L’amoureux comprit aussitôt.
« Ah ! c’est bien ainsi. Eh bien I Je les prendrai sur le fait et gare à eux. »
Il attendit quelques minutes, franchit à son tour le portique et s’engagea en droite ligne vers la villa. Le silence et la paix semblaient y régner. Arrivé sur le perron, le jeune homme mit la main sur la poignée de la porte et poussa. Il se trouva à I’entrée d’un vestibule, fit un pas en avant, referma sans précaution.
– Qui va là ? fit une voix.

(La suite dans : Rodolphe Sommer (roman) 8 – Les amours clandestines, par Pierre Haas, page 21)

Un certain 19 novembre 1959…

Le jeudi 19 novembre 1959, la Nationale 83 entrée dans I’Histoire lors de la libération en novembre 7944, accueille le héros de la France libre, maintenant Président de la République.

Du 18 au 22 novembre 1959, le Général de Gaulle effectue un voyage officiel dans le Territoire de Belfort et en Alsace. Arrivé à Belfort le mercredi 18, le Général doit se rendre le lendemain à Dannemarie, Altkirch et Mulhouse. Le jeudi 19 novembre, la matinée du Président avait été entièrement consacrée à la ville de Belfort: visite de I’Alsthom, bain de foule (plus de 30000 personnes dans les rues ! ), réception des personnalités et des corps constitués en Préfecture, repas écourté pour arriver avant la nuit à Mulhouse.
 À 13 heures, le Général de Gaulle et sa suite s’engagent sur la route nationale 83 pour se rendre en Alsace…par le « chemin des écoliers » en somme. M. Raymond Schmittlein, député du Territoire de Belfort, ancien ministre, illustre habitant du moulin de Felon, a beaucoup œuvré pour que le Président emprunte cet itinéraire. Les petites communes traversées se sont coupées en quatre pour accueillir comme il se doit le Chef de I’Etat.

Roppe en premier

Il est 13h30 quand la « DS » présidentielle stoppe devant la mairie de Roppe. Le Général est accueilli par le maire M. Seigeot. Sont également présents M. Courbot maire de Denney, M. Michoux maire d’Eguenigue, leurs conseils municipaux respectifs. Dans la foule, un monsieur n’aurait pour rien au monde voulut manquer cet instant: M. Raymond Le Bris, un ancien du bataillon de fusiliers-marins de la 1ère D.F.L.

Un soleil radieux brille comme aux plus beaux jours de l’été. La fête de la RN83 vient de commencer. Dès lors, les cloches des communes traversées commencent à sonner, les unes après les autres, pour annoncer l’arrivée imminente de l’illustre visiteur.

Dix minutes à Saint-Germain-le-Châtelet

Le Général fait ensuite une courte halte à Saint-Germain-le-Châtelet. Une bonne centaine de villageois sont venus acclamer le Président qui s’arrête sur la place de l’église toute auréolée de fanions tricolores frappés de la croix de Lorraine. Le maire M. Henry Bailly prononce alors le discours certainement le plus émouvant de sa carrière: « Conscients et généreux, à votre exemple, nous vous répondons « présents ! « mon général pour le meilleur comme pour le pire. » M. Oriat adjoint au maire, les conseillers municipaux, M. Mallaret instituteur, l’abbé Muller curé de la paroisse ont droit à la chaleureuse poignée de main du Président.
A Saint-Germain, le héros de la France libre retrouve un de ses compagnons de la première heure : Léon Bailly, frère du maire de la commune. Léon Bailly a servi au 507è sous de Gaulle. Il est allé en Norvège avec Koenig. Dès le 18 juin 1940 il se rallie à la France libre. Puis ce sera Dakar, la Syrie, Bir-Hakeim et enfin les campagnes de France et d’Allemagne.
Aujourd’hui ce sont les retrouvailles ; instant émouvant s’il en est.
Mais le temps presse, le Général est attendu à Felon, fief d’un autre libérateur, Raymond Schmittlein. Le cortège présidentiel parcourt quelques centaines de mètres vers la sortie du village. L’étang Werlé miroite de toutes ses ondes. Un peu plus loin, le toit du moulin de Felon apparaît derrière un bouquet d’arbres. A côté, sur un long mât blanc, flottent le drapeau tricolore et la flamme de guerre de la France libre terminée de la croix de Lorraine.

Felon « capitale du gaullisme »

Le petit village ne compte que 110 habitants mais ils sont 500, peut-être 600 à attendre fébrilement le Président. Les maisons sont pavoisées, des banderoles tricolores surplombent la rue principale. Le Chef de I’Etat est accueilli conjointement par le maire M. Georges Chrétien et par M. Schmittlein accompagné de tout l’état-major local de I’U.N.R. conduit par M. Ernest Novier de Rougemont.
Après le discours de bienvenue prononcé par M. Chrétien (voir encadré) le Président signe le registre des délibérations où toute une page est réservée à l’événement. Puis il appose son paraphe sur un exemplaire du tome III de ses Mémoires que lui tend un habitant du village: M. Clochey.
Le Général salue ensuite les du conseil municipal et un certain nombre de personnes qui lui sont présentées dont M. Fermaux ingénieur des Ponts et Chaussées pour la circonscription de Fontaine et Mme Dupuy institutrice dont les élèves agitent joyeusement des petits drapeaux. Deux bambins très intimidés remettent une gerbe de roses au Président, ce sont les petits-enfants de M. Schmittlein : Raymond (troisième du nom) âgé de 5 ans et sa cousine Béatrice. Ils n’oublieront sans doute jamais la bise du Général.
Parmi I’assistance, nombreux sont les anciens combattants qui arborent leurs médailles ; le Président les a remarqués et leur lance un cordial « Merci les Anciens! ».
Puis il s’incline devant le drapeau de I’Amicale du « 18 juin 40 » porté par le député suppléant M. Grandvoinet de Valdoie et devant celui de la 2ème D.l.M. porté par M. Zarroug Abedia, un habitant de Felon.
Nous ne sommes pas en ville mais dans un petit village, le service d’ordre est moins strict, chacun essaie d’obtenir un sourire ou mieux, une poignée de main du Général. Le responsable du protocole a quelques difficultés à faire remarquer au Chef de I’Etat que…

(La suite dans : Un certain 19 novembre 1959…, par François Sellier, page 26)

Il y a 100 ans !

Pas d’élections au cours ce deuxième semestre de l’année 1896, pas de grosses perturbations atmosphériques non plus – si ce n’est quelques orages violents – pas de quoi donc alimenter de manière spectaculaire la chronique des journaux. Pourtant, en y regardant de plus près, certaines décisions du Conseil Général ne manquent pas de saveur…

Le ministère Bourgeois a fait long feu, Jules Méline constitue un nouveau ministère. Fidèle à son principe « ni révolution ni réaction », ménageant les catholiques, renonçant à I’impôt sur le revenu, Méline assoit un ministère sans relief. L’annexion de Madagascar ne semble pas déchaîner les passions, la presse locale paraissant bien plus intéressée par la visite des souverains russes à Paris. Tout juste si I’on parle encore de Dreyfus, l’affaire parait classée. Cependant, La Frontière – que l’on qualifierait aujourd’hui de journal de gauche – s’élève contre la publication d’une brochure écrite par Bernard Lazare (1) « qui prend la défense de l’ex-capitaine Dreyfus et essaie de faire croire à l’innocence du traître. Mais l’opinion publique ne s’en est pas émue et n’a vu là que le plaidoyer d’un coreligionnaire (.) Dreyfus a été justement condamné sur des pièces certaines et sa culpabilité a été démontrée. »
Bien sûr on serait surpris si les journaux ne continuaient pas à se détester ouvertement. Ainsi La Frontière, a-t-elle trouvé un nouveau nom à son concurrent La Croix de Belfort : « La Petite Tinette ». Titre ô combien poétique !…
En fait la seule actualité locale un peu digne d’intérêt émane du Conseil Général.

Suppression des abus et des sinécures

Lors de la séance du 17 août 1896, Mr Gaston Erhard est élu président du Conseil général. Au cours de cette séance, très préoccupé par la situation financière de la France, le Conseil, sur proposition de Mr Viellard croit devoir transmettre aux pouvoirs publics les observations suivantes :

  • Le Conseil général constate que Ie projet d’impôt sur le revenu est heureusement rejeté […].
  • La population demande avant tout la diminution des dépenses publiques, la réduction du nombre des fonctionnaires au fur et à mesure des vacances, la suppression des abus et des sinécures.
  • Le Conseil général, à I’unanimité, est partisan des réformes des impôts en vue de dégrever les contribuables peu aisés mais à condition que cette réforme soit opérée graduellement et sans troubler l’équilibre des budgets de I’Etat, des départements, des communes.
  • L’impôt sur l’alcool peut être augmenté dans une proportion modérée.
  • L’impôt sur Ies successions devrait être augmenté en ligne collatérale à partir du 4ème degré surtout pour les dispositions testamentaires faites à l’égard d’étrangers […].

Ces observations (qui semblent avoir été prononcées aujourd’hui et non pas il y a 100 ans ! ) sont adoptées à I’unanimité. Rappelons pour mémoire que le Conseil général de 1896 est composé de MM. Viellard et Erhard (Conservateurs) Berger (Républicain modéré) et Lesmann et Grisez (Radicaux socialistes).

Comme une foule de paysans russes…

La chasse et la pêche sont aussi à I’ordre du jour de I’Assemblée départementale.
En 1895, sur proposition de M. Erhard, le Conseil général décidait d’autoriser la chasse au gibier d’eau et à la bécasse seulement jusqu’au 31 mars. Un an plus tard, La Frontière commente ainsi les répercussions de cette décision: « On rapporte que depuis ce moment les canards, sarcelles, râles et dames au long bec, ayant appris que le Territoire de Belfort offrait à partir du 31 mars un refuge sùr, seraient arrivés a tir d’ailes des départements voisins pour s’abattre en nos étangs et marais. IIs vinrent parait-il, en si grande quantité qu’il y eut des poussées terribles dans leurs ranqs et que des écrasements se produisirent exactement comme dans la foule des paysans russes lors du couronnement du czar »…..

« Grenouillards » contre éperviers

Toujours en 1895, le même Conseil général avait décrété permanente la pêche à la grenouille. En 1896, les conseillers « regrettant Ieur tolérance à l’égard des « grenouillards » se sont vengés sur les pêcheurs à I’épervier (2) » affirme La Frontière. Plus sérieusement les élus ont répondu favorablement à la demande du Préfet qui prétend que la pêche à l’épervier risque de piller totalement la population poissonneuse des cours d’eau. Une analyse qui agace les pêcheurs à I’épervier qui prétendent que leur pêche est de toute façon fort limitée dans le Territoire à cause des nombreux arbres, herbes, pierres ou autres trous qui encombrent les rivières. « Ce sont les pêcheurs à la ligne qui…

(La suite dans : Il y a 100 ans !, par François Sellier, page 31)

Devoirs de mémoire

Eloie

Depuis 1920, date à laquelle la commune de Grosmagny décidait d’ériger un monument aux morts, le nom des victimes de guerres des deux villages de Grosmagny et Eloie figurait sur cette même stèle. En effet, bien que distinctes, les deux communes appartiennent à la même paroisse, de plus Eloie était à l’époque un bien petit village. Aujourd’hui la commune a grandi et quoi de plus normal qu’elle possède elle aussi, son propre monument aux morts ? C’est aujourd’hui chose faite. La stèle en marbre gris, érigée devant la mairie d’Eloie est née de la volonté et de l’étroite collaboration entre la section des Anciens Combattants d’Eloie-Grosmagny, du Souvenir Français et des deux municipalités.

Auxelles-Bas

Le 1er septembre 1996, une stèle érigée en I’honneur d’André Baumann et de Salavador Séréna était inaugurée. Situé en bordure de la route reliant Auxelles-Bas à Plancher-Bas, ce monument nous rappelle que deux jeunes combattants, âgés respectivement de 30 et 20 ans ont payé de leur vie leur choix de la Liberté. Cette stèle dédiée jusqu’alors au seul Salvador Séréna était située de I’autre côté de la route, à I’extérieur d’un virage ce qui rendait son accès fort dangereux. Elle est désormais plus accessible et réunit les deux hommes dans le souvenir.
André Baumann était caporal. Il fût arrêté le 18 septembre 1944 alors qu’il fermait la marche de sa section de tirailleurs. Torturé puis tué, son corps fut retrouvé après la Libération.
Le jeune scout Salvador Séréna fut abatru le 29 septembre 1944 par des fantassins allemands alors qu’il venait « d’accrocher » un side-car ennemi en compagnie de son ami René Noebel.

Sermamagny

Changement de teinte pour le poilu du monument aux morts de Sermamagny. Revêtu jusqu’à présent de la légendaire tenue bleu-horizon, le poilu se voit désormais équipé d’un casque et d’une capote couleur sable. Il est à noter que le bleu-horizon fut adopté pour les troupes françaises à partir de 1915 et que seules la Légion Etrangère et certaines troupes coloniales portaient la tenue « couleur de poussière ».

 

Humeur

Depuis plusieurs années, le Vieux-château de Rougemont est devenu un but de promenade pour les randonneurs de tous âges, les amateurs de vieilles pierres et les passionnés d’architecture médiévale. Cette reconnaissance ne peut que flatter la fierté des bénévoles qui ont et qui continuent à mettre en valeur ce fleuron de notre patrimoine historique local.
Hélas, depuis quelques mois, des « chasseurs de trésor » croient bon de venir s’attaquer au site, creusant ici et là des trous, allant même jusqu’à desceller des pierres faisant ainsi s’écrouler des pans de murs entiers.

Que les maniaques de « la poêle à frire » sachent une fois pour toutes que le site a fait I’objet d’une fouille exhaustive ! Ce que les archéologues n’ont pas trouvé en douze ans d’une fouille méthodique et systématique à la truelle et au tamis, ce ne sont pas des hurluberlus qui le trouveront, leur détecteur de métaux fut-il des plus perfectionné. Tout au plus trouveront-ils des clous présents par milliers sur le site ou des capsules de canettes de bière abandonnées par les fouilleurs au cours des chauds étés de travail.
Que les obsédés des souterrains et des oubliettes retournent vite à leur télévision, le Vieux-Château de Rougemont n’est pas Fort Boyard !…
Ces casseurs de vieilles pierres ne se trouvent certainement pas parmi vous, lecteurs de la Vôge mais il nous a paru important de vous informer afin que vous soyez attentifs lors de vos visites au Vieux-château de Rougemont.
Si vous semblez déranger des individus en arrivant sur le site, c’est qu’ils ont certainement quelque chose à se reprocher; les archéologues rougemontois, eux, seront toujours heureux de vous accueillir et prêts à vous donner toutes les explications que vous désirez. Voilà une des manières de reconnaître les « clandestins » et les « autorisés ».
Si par hasard, vous connaissiez quelque incorrigible chasseur de trésor, rappelez-lui que ce type d’exaction est sévèrement puni par la loi. D’ailleurs trois de ces vandales ont déjà été condamnés par la justice, qu’on se le dise !!

La scierie Demouge à Lepuix

La Savoureuse et son affluent la Beucinière ont de tous temps fait vivre des activités différenciées utilisant l’énergie hydraulique. Au début du XIXè siècle une vingtaine de sites industriels utilisent l’eau de la rivière : moulins, métallurgie, textile, scieries. Un tiers des installions se situaient dans le secteur de Giromagny-Lepuix. À côté du textile, l’exploitation forestière avait bien naturellement une place de choix.

La scierie communale de Lepuix, implantée sur la Beucinière, au lieu dit Chauveroche, est reconstruite en 1878 sur le site d’une installation plus ancienne détruite par incendie. Pendant 115 ans quatre générations de scieurs, tous de la famille Demouge, se succèdent à Chauveroche.
Le mouvement du « haut-fer » est dû à une roue à augets de 4,50 m. de diamètre, utilisant l’eau de la rivière dérivée par un chenal de bois en partie aérien.
L’installation peut débiter des billes de bois de un mètre de diamètre et de 12,50 m. de longueur. Jusqu’en 1993, la scierie a débité madriers, planches, lattes, redosses… puis le bruit de va et vient du haut fer a cessé à Chauveroche, Hubert Demouge, le scieur ayant pris sa retraite.
La scierie est une installation archaïque sans avenir économique, mais elle conserve un grand intérêt pour la présentation des techniques traditionnelles et fait, à ce titre partie du patrimoine à conserver. La commune de Lepuix I’a compris et oeuvre avec le Parc des Ballons des Vosges et l’association « la scierie Demouge » pour sa conservation et sa mise en
valeur. Réfection du chenal, de la toiture ont déjà été réalisés . Cette année des journées portes-ouvertes ont permis d’accueillir de nombreux visiteurs observant avec curiosité ou nostalgie le scieur au travail, Hubert Demouge reprenant sa tâche pour ces occasions.

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