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Table des matières

Les crues catastrophiques de 1740-1741

François Liebelin

4

L’affouage à Auxelles-Bas    

Jean Tritter

13

L’ancienne église de St-Germain-le-Châtelet

Bernard Groboillot

15

Mémoires de taupier    

Pierre Walter

19

Prénoms donnés à Leval 1793-1962

Jean de Zutter

22

Il y a 100 ans

François Sellier

28

Le cimetière des Prussiens à Giromagny

Jean Demenus

31

Rodolphe Sommer (roman) 6 – En campagne électorale

Pierre Haas

34

L’O.R.T.F. sur la place de Rougemont

François Sellier

40

MAGAZINE

 

 

Histoire d’une rénovation

Bernard Groboillot

43

Échos de Rougemont

Pierre Walter

44

Le monument des démineurs

Philippe Dattler

45

Une époque formidable – un testament alcoolisé

 

46

Les crues catastrophiques de 1740-1741

Depuis la crue du 15 février 1990, taxée de « crue du siècle, » quoique celle du 24 décembre 1919 l’ait très probablement surpassée, il est apparu évident que l’aspect catastrophique de cette inondation exceptionnelle n’était pas imputable à la crue elle même mais, comme en 1919, aux conditions particulières qui ont fait que les conséquences de cette crue ont été catastrophiques.

Remémorons-nous ce que rapportaient les journaux au lendemain du désastre de février 1990.

Le Pays de Franche Comté :

« …Jamais peut-être le Territoire de Belfort n’avait enregistré une crue aussi soudaine et aussi violente…A Valdoie, les crues conjuguées de la Rosemontoise et de la Savoureuse ont envahi les rues dès les premières heures de la matinée. Une eau qui s’est infiltrée partout et dont la hauteur dépassait un mètre dans le centre de la commune, près de l’église »..Valdoie,
probablement la commune la plus touchée. D’aucun n’ont plus vu que leur antenne de voiture… »

L’Est Républicain :

« La crue du siècle à Belfort…le pont du Magasin recouvert par les eaux, et une hauteur de 2,30 m au niveau de la place Corbis;on avait rarement vu cela, de mémoire de Belfortains…La crue du 15 février 1990 restera dans les annales comme celles du siècle avec son homologue de 1910…La montée des eaux a été fulgurante : en 16 heures, cote de la Savoureuse au pont Corbis est passée de 1,35 m mercredi soir, à 2,30 m jeudi…Dernière heure, le pont du magasin s’écroule ! « 

Le Pays-17 février-Ballon d’Alsace :

« À deux endroits les eaux ont raviné le dessus de la route. Premier point : à deux kilomètres environ du Saut de la Truite. Ici, la circulation ne s’effectuera plus que sur une seule voie… A deux pas du sommet, les dégâts sont encore plus impressionnants. Des mètres cubes de terre et de graviers ont dévalé la pente, et la route est à moitié dans le vide sur une bonne dizaine de mètres… »

Toutes les inondations doivent être considérées comme des phénomènes naturels, inévitables et cycliques. Ernest Girardet dans son « Etude morphologique, climatologique et hydrologique du Bassin supérieur de la Savoureuse » (1) écrivait : « La Savoureuse est une rivière capricieuse, aux aspects très changeants. En temps ordinaire, ses eaux claires occupent à peine le fond d’un lit sans profondeur et d’une extrême irrégularité de contours. Mais que des averses sérieuses, ou des pluies d’orage surviennent à de courts intervalles, elle coule alors à pleins bords, pendant quelques heures ou quelques jours, des eaux jaunes et rapides qui font croire à une rivière importante…Le fait caractéristique des crues de Ia Savoureuse est leur extrême rapidité d’évolution. Pour toutes les crues d’hiver, le maximum de la crue a lieu à Belfort exactement le même jour que le maximum des pluies. La hauteur d’eau augmente tant que la pluie augmente et sensiblement dans les mêmes proportions ; cela dure un jour ou deux, rarement davantage et chose frappante, dès que la pluie diminue d’intensité, la rivière baisse selon un rythme sensiblement analogue pour revenir quelques jours après au niveau d’avant la crue…On avait attribué l’ampleur, jusqu’alors inconnue de la crue du 24 décembre 1919, au déboisement du Ballon d’Alsace à Ia fin de Ia guerre, mais l’examen des renseignements donnés par les stations pluviométriques prouve qu’il y avait eu ces jours là des pluies tout à fait exceptionnelles sur les Vosges, et que c’est la vraie cause de Ia crue… »
Le Journal La Frontière du 27 décembre 19I9 relatait ainsi la catastrophe. « Ce que nous redoutions est arrivé. La Savoureuse, grossie comme jamais on ne le vit, Par les pluies persistantes et la fonte des neiges, a débordé de toutes parts, roulant des flots jaunes et tumultueux avec d’énormes vagues qui venaient se heurter violemment contre tous les ponts et toutes les passerelles, de Valdoie à Danjoutin.
L’eau passait Par dessus le pont du Magasin et atteignait, mercredi à 2 h 30, 2,20 m au pont de la gendarmerie, sous lequel toute la masse d’eau ne pouvait plus passer entièrement.
Les rives furent rongées et emportées en de nombreux endroits. Les riverains, de Valdoie à Danjoutin eurent leurs caves et leurs rez-de-chaussée inondés complètement.
Les gens du quartier du Fourneau, rue de l’Abattoir, avaient 50 cm d’eau dans le bas de leurs appartements. La Savoureuse allait atteindre mercredi matin le niveau du champ de foire.
Entre Belfort et Danjoutin c’était comme un grand lac.
Les dégâts sont considérables. Il serait temps d’arrêter le déboisement des montagnes et de reboiser tous les endroits où l’on s’est Iivré imprudemment à des coupes sombres, autrement nous aurons toujours à redouter les effets dévastateurs des crues.
À Valdoie, confluent de la Rosemontoise et de la Savoureuse tout le village a été inondé. La circulation était interrompue. Il a fallu transporter les ouvriers des usines Schwartz et Dreyfus (2) en voiture ; un grand nombre ne purent se rendre à leur travail »
L’eau dans certaines maisons arrivait aux premiers étages (3). Les mobiliers furent détériorés. Beaucoup de lapins et de poules périrent comme à Belfort.
Il fallut procéder au sauvetage de nombreuses personnes.
Une équipe de soldats fut envoyée sur les lieux.
À Danjoutin, la masse d’eau qui arriva occasionna des dégâts considérables. Un peu partout des pylônes électriques furent arrachés et emportés à la dérive. Les eaux charriaient des débris de toutes sortes. »
Notre curiosité nous a incité à en savoir plus sur les inondations catastrophiques des siècles passés. Les plus anciens documents retrouvés, concernant les crues de la Savoureuse et de la Madeleine et les moyens mis en oeuvre pour rectifier et désensabler Ieur lit remontent à peine au début du XVIIIème siècle, époque où le pouvoir royal créa le corps des ingénieurs des Ponts et Chaussées. Nous découvrîmes dans les fonds d’archives provenant de l’ancienne subdélégation de Belfort de nombreuses pièces concernant les deux grandes crues de 1740 et 1741 (4). La première, la plus spectaculaire, avait duré pas moins de cinq jours, du 17 au 22 décembre 1740. Les principaux villages sinistrés :
Giromagny, Chaux, Sermamagny, Valdoie exigèrent une reconnaissance de l’état des lieux après la catastrophe. L’enquête menée avec diligence s’étendit sur quatre journées. Nous la reproduisons ci-après dans son intégralité.

Procés Verbal de visite des 26-27-28-29 décembre 1740

Chaux
L’an mil sept cent quarante, le vingt six décembre, nous François Noblat, bailli du comté de Belfort, à la requête des habitants et communauté de Chaux et en exécution de notre ordonnance du vingt-quatre de ce mois au bas de la requête, nous sommes transportés au dit lieu et sur la finage de Chaux à l’effet de reconnaître le dommage causé par les inondations et débordement d’eaux survenu le 17 de ce mois et qui ont duré jusqu’au 22, soit dans les vergers, maisons, prairies soit par l’enlèvement des ponts qui leur sont nécessaires pour leur commerce avec les autres communautés et même dans le village (de Chaux) que la rivière partage.
Et étant accompagnés des maires, jurés et majeure partie de la communauté, avons commencé notre visite sur les prairies où finit le ban de Sermamagny et en remontant contre la rivière jusqu’au village de Chaux et tout le long, toujours au septentrion, jusqu’au finage de Giromagny avons trouvé la rivière totalement hors de son cours naturel, I’ancien lit rempli d’arbres, racines et graviers de façon qu’il en est presque impossible de lui faire reprendre son lit ancien, à moins que de vider et faire des épis de part et d’autres pour le former et contenir, les saules et racines qui le bordaient étant tous partis, ce qui fait un travail considérable.
D’un autre côté, il est à craindre que, laissant la rivière couler au travers des prairies où il s’est formé de nouveaux cours, elle ne mange à la suite les prés et terres qui sont sablonneuses et ne les emporte.
Cette rivière descendant du Ballon (d’Alsace) est extrêmement rapide et froide et, par conséquent, sujette à manger dans les terres sablonneuses comme elle a fait en dernier lieu. Avons reconnu que ces eaux avaient totalement emporté les terres d’environ cinquante fauchées (5) de prés le long de la rivière depuis un jusqu’à quatre pieds (environ 1,30 m ) de profondeur, de façon qu’il n’y peut croître aucune herbe pendant l’espace de dix ans au moins, lesquels prés pouvaient annuellement produire la quantité de deux milliers de foin, plus Ia quantité de trente fauchées (9,90 ha) qui sont couvertes de gros cailloux et graviers d’un demi pied jusqu’à deux (environ 0,64 m) au delà de hauteur qui ne pourront être remis en état qu’avec beaucoup de travail et avant cinq ou six ans, la rivière étant actuellement répandue dans toutes les prairies.
Ensuite, étant entré dans le village de Chaux, avons observé qu’il y avait des eaux dans beaucoup de maisons, mais qu’elles s’étaient retirées sans avoir rien endommagé (6) que cinq ou six jardins, desquels les palissades ont été emportées, le terreau emporté et couvert de sable. Le chemin de Giromagny et traversant le finage est entièrement bouleversé, il s’est formé des trous, de manière que l’on n’y peut passer que très difficilement avec les voitures et, finalement, avons reconnu que les…

(La suite dans : Les crues catastrophiques de 1740-1741, par François Liebelin, page 4)

L’affouage à Auxelles-bas

Dans La Vôge n°14, à propos de l’écorçage du bois, j’ai fait allusion à l’affouage.  Cette institution très ancienne, abolie à Auxelles-Bas après la Deuxième Guerre Mondiale, donnait lieu à des rites qui comptaient dans la vie du village. C’est pourquoi j’ai pensé qu’il serait intéressant de consigner, pour ne pas les oublier, quelques souvenirs relatifs à cette coutume.

L’affouage consistait à partager entre les habitants du village, le bois appartenant à la commune et susceptible d’être coupé chaque année. Certains villages attribuaient à chaque bénéficiaire des lots sur pied, à charge pour eux de le façonner et de l’évacuer. A Auxelles-Bas, c’étaient des bûcherons, des hommes du pays, engagés et rétribués par la commune, qui chaque hiver se chargeaient d’abattre, débiter les arbres, de scier, écarteler, mettre en tas les bûches, enfin de rassembler les branches pour en faire des fagots. Travail long et fastidieux surtout quand le temps ne s’y prêtait pas.
Le bois n’était pas distribué gratuitement mais cédé à un prix modéré. Toute cette préparation terminée, chaque tas était stéré et numéroté par un responsable de la municipalité.
On pouvait alors fixer le jour de distribution de l’affouage, considéré comme un événement par les habitants. Un samedi, en général, les ayant-droit étaient convoqués à la mairie. Le maire, le percepteur du secteur et le secrétaire de mairie prenaient place devant une corbeille contenant des feuillets numérotés qui correspondaient aux portions de bois. Tout le monde était là et attendait ; pour commencer la répartition, une lettre tirée au sort désignait ie nom du premier appelé.
Celui-ci se présentait devant le percepteur, payait son écot, passait devant la corbeille tirait un papier qu’il présentait au maire. Ce dernier lisait le numéro qui était enregistré soigneusement.
Commençait alors un long défilé vers la forêt d’hommes, femmes et enfants. Jamais celle-ci ne connaissait un tel remue-ménage. Chacun cherchait la portion qui lui revenait. Ce n’était pas toujours facile : les bois d’Auxelles-Bas sont pour la plupart situés dans des terrains accidentés et, par conséquent difficile d’accès.
Le plus chanceux pouvait trouver de beaux bois, formés de quartiers de hêtres. II s’empressait de leur laisser une marque distinctive pour empêcher toute tentative d’échange. Certains maudissaient le sort devant les stères composés de branches de chêne, ou placés loin du chemin. Il fallait alors envisager de porter le bois dans un endroit accessible aux attelages. Presque tous les ménages possédant leur attelage de vaches véhiculaient eux-mêmes leur affouage.
Le soir, la forêt se vidait : toutes Ies portions étaient reconnues. Le lendemain, ou le surlendemain, s’il n’y avait pas eu de réclamation (numéros échangés, bûches dérobées) l’autorisation d’enlever le bois était donnée.
L’attribution du bois soulevait parfois des litiges entre certains habitants et la commune. J’ai relaté dans La Vôge (n° 6) Ie cas d’une personne qui intenta un procès pour essayer de faire valoir des droits qu’elle pensait avoir. En 1837, un problème fut soulevé au Conseil municipal. Il est dit dans le compte-rendu : « Les nouveaux habitants de la commune voudraient bénéficier de tous les avantages des anciens habitants alors que ceux-ci ont supporté sacrifices…procès…Jadis Ie nouvel habitant voulant être reçu bourgeois devait verser 300 francs ». Il fut décidé de demander 200 francs.
En 1843, nouvelle délibération : « Etant donné que la part d’affouage de chacun a diminué à cause de l’affluence des étrangers dans la commune…affluence due à l’abolition du droit d’incolat (1) fixé précédemment à 300 francs pour un droit bourgeois entier, à 150 francs pour un demi droit…Les bois étant la propriété des anciens habitants qui les ont payé de leurs deniers propres… le rôle (2) de 1843 ne contiendra que les affouagistes dont la résidence dans la commune remonte à trente ans, plus ceux qui paieront le droit d’incolat de 300 francs ».

(1) – incolat : du latin incola, celui qui demeure dans un lieu, habitant
(2) – rôle : liste des ayant-droit

L’ancienne église de Saint-Germain-le-Châtelet

Le village de Saint-Germain, appelé « le châtelet » depuis 1934, dépendait de la paroisse de Phaffans au moins depuis 1573. A cette date, une église existait déjà dans ce village, Saint-Germain d’Auxerre, évêque, étant Ie patron du maître-autel. C’est Ie vicaire de Phaffans qui venait y célébrer les offices Ie dimanche et les jours de fête. Par exemple nous avons relevé dans les registres de Phaffans : reçu 10 livres de Jean Bailly, dont deux livres pour Ie vicaire qui a été dire la messe deux dimanches à Saint-Germain.

Nous ne savons pas exactement où était située cette ancienne église mais en 1729, les murs, la couverture et le clocher en bois menacent ruine.
Les habitants demandent sa démolition et la reconstruction d’un autre édifice dans le cimetière. A cette époque François Frossard était tabellion, secrétaire, notaire, comptable des seigneuries unies de Masevaux et Rougemont mais il habitait Saint-Germain. Sa maison était certainement la plus belle et la plus luxueuse du village. Ses descendants, notaires, maires, voire conseillers généraux ont habité cette maison jusqu’en 1988 ; elle se trouve en face de l’église actuelle. François Frossard était également comptable de la fabrique (conseil de laïcs administrant les biens d’une église). C’est pourquoi le 26 mars 1738 il donne, par devant messieurs Noblat, bailly des seigneuries, Delefils, curé-doyen de Phaffans et Saint-Germain, Gérard, procureur fiscal, Ies comptes des dépenses faites par la fabrique pour la bâtisse de l’église, laquelle a été commencée en 1733 et achevée en 1737.
Compte que rend François Frossard de la recette et dépense qu’il a faite des deniers de la fabrique pour Ia bâtisse de l’église de Saint-Germain.

Historique

Au mois d’octobre de l’année 1729, Mondit Sieur Délefils, doyen, ayant été nommé commissaire de Monsieur le grand doyen et archidiacre de l’église cathédrale de Basle (1), pour faire la visite ordinaire, reconnu que I’église de Saint-Germain était trop petite et en mauvais état. Il en fit, à la réquisition des paroissiens, faire la visite par des maçons et charpentiers qui trouvèrent qu’effectivement elle était trop petite et que les murs et la charpente de la nef, aussi bien que le clocher de bois, étaient pourris. Et quoique les murs et la charpente du choeur se trouvaient encore en assez bon état, comme il était très petit et fort bas, il était nécessaire de le jeter à bas aussi bien que Ia nef pour faire une neuve église.
Le procès verbal de cette visite ayant été porté avec une requête à Monseigneur Jean-Baptiste, évêque de Messala, suffrageant et vicaire général de cet évêché, il permit par son décret du 30 août 1730, de démolir ladite église et de prendre pour en bâtir une nouvelle les extanses des comptes et une partie des nouveaux fonds pour payer la main d’oeuvre des ouvriers.
Avec le consentement des collateurs (2) et décimateurs (s), les paroissiens s’étant pour cet effet adressé à Monsieur l’abbé de Lucelle (4) qui est collateur et décimateur de la paroisse de Saint-Germain. II consentit à la démolition de l’ancien choeur et s’obligea conjointement avec les autres décimateurs à l’entretien du nouveau. Sa permission est au bas de la requête et datée du 27 avril 1731.
Les paroissiens pour être autorisés dans ce procédé présentèrent requête à Monseigneur l’lntendant qui par son décret du 22 avril 1732 leur accorda leur demande et commit Monsieur Noblat, son subdélégué en Haute Alsace, pour faire l’adjudication des marchés de la bâtisse de cette nouvelle église.
Mondit Sieur Noblat eut la bonté d’y procéder gratis et d’en faire l’adjudication le 29 janvier 1733 moyennant la sornme de trois mille livres pour la main d’oeuvre. Les paroissiens étant obligés à faire les corvées et à fournir les matériaux sur place.
Ce fut le 27 mars que la première pierre fut posée et bénite de même que les fondations par Monsieur Delefils, doyen. Cette nouvelle église (nonobstant la grêle qui survint le 16 juillet de la même année qui abattit et brisa entièrement tous les fruits de la terre) aurait été en état d’y célébrer la Sainte Messe à la fin du mois de septembre de la même année 1733 sans le retard causé par un mauvais vitrier de Masevaux qui avait fait marché pour la vitrerie. Il a reçu l’argent, pris le verre que l’entrepreneur avait destiné pour cela, mais il n’y travailla point et dont on n’a encore pu avoir raison de lui, malgré une sentence de condamnation rendue à Masevaux.
De sorte que la première messe n’y fut célébrée que le dimanche des Rameaux de l’année 1734.

Le financement

Pour le financement de cette bâtisse, Ies capitaux des obligations proviennent tous des reliquats de compte, comme il se justifie dans le registre de la fabrique lequel constate que vers l’année 1696 les capitaux dus à l’église ne se montaient qu’à environ 800 livres et aujourd’hui (nous sommes en 1737) que la dite église se trouve achevée et bien ornée de menuiseries, sculptures peintes et dorées, il reste encore plus de 1200 livres d’obligations et dettes actives (5) après tous frais payés suivant le décompte ou état que le comptable présente « qu’il affirme bien juste lequel sera paraphé pour sa décharge et pourra servir en temps et lieu ».
Henri Monnier ayant fait fonction de fabricien ou receveur de la fabrique pendant deux années rendit compte de sa gestion le 21 février 1728. Jean Pierre Pelletier de Bethonvilliers fut nommé en son lieu et place mais, la mort l’ayant enlevé avant qu’il pu « s’être immiscé dans cette charge, ledit Sieur Monnier continua d’avoir soins des besoins de ladite église. Les dépenses qu’il a faites pour cela sont bien spécifiées dans le mémoire et dont le montant lui a été déduit sur Ie reliquat de son compte ».
Ensuite et dans plusieurs chapitres c’est la longue énumération des paroissiens venus mettre leurs comptes à jour. Par exemple, Germain Sonet de Bethonvilliers paie 101 livres, reliquat d’un compte datant de 1712, Nicolas Septans de Saint-Germain paie 35 livres 18 sols reliquat d’un compte de 1720, etc. . .

L’inauguration

Curieusement, l’inauguration de la nouvelle église n’a lieu que douze ans plus tard, en 1749, quand elle est érigée en vicariat perpétuel et devient pleinement autonome à la grande satisfaction des habitants qui réclamaient un prêtre depuis cinquante ans au moins. L’abbé François Chagué est nommé curé à Saint-Germain en 1751.
Voici le récit de cette inauguration extrait des registres paroissiaux de Phaffans. « Année de réparation pour le salut du monde, mille sept cent quarante neuf, le jour du seize août, lendemain de la fête de l’Assomption. Son altesse le révérendissime très noble Joseph Wilhelms, prince de Baldensteim, évêque de Bâle, selon le rite et solennité de la très haute Trinité, a fait la consécration de notre église filiale de Saint-Germain, ainsi que les trois autels ; le grand autel en honneur et aux invocations de Saint-Germain, évêque d’Auxerre, le deuxième autel, côté évangile, en honneur et aux invocations de Saint François-Xavier, apôtre en Inde, le troisième autel, côté épître, en honneur et aux invocations de Saint Guérin, évêque, ainsi que la dédicace de l’église qui est transférée au dimanche le plus proche de la fête de Saint Martin évêque.
Avant la fin de cette cérémonie de consécration de notre église filiale de Saint-Germain, Son Altesse a procédé à la consécration et onction de la cloche. Pesant environ mille livres elle a le.nom de Sainte Marguerite, son parrain est Noble Jean-Pierre Noblat, intendant, juge et avocat à Masevaux, sa marraine est Noble Dame Marie-Marguerite Delefils de Indevillers,  veuve de défunt Noble Joseph Boichot, de son vivant maire de Phaffans. Cette solennelle cérémonie a causé une grande joie et consolation aux fidèles habitants le village de Saint-Germain.
Signé : Charmillot, curé de Phaffans. »

Architecture et structure

Quand j’étais gamin, une très vieille dame de Bethonvilliers me parlait souvent de l’ancienne église. Née en 1848, elle y avait fait sa première communion et, à mes questions, elle répondait invariablement (en patois) :  » elle était comme celle de…

(La suite dans : L’ancienne église de Saint-Germain-le-Châtelet, par Bernard Groboillot, page 15)

Mémoires de taupier

 » La moindre taupinée était mont à ses yeux « 
Jean de La Fontaine

La taupe ! Qui se préoccupe encore de ce petit mammifère insectivore qui vit sous terre ?
Pourtant cet animal peuple encore largement les prés, les pâturages et même nos jardins. Si aujourd’hui la taupe n’intéresse plus personne, ce ne fût pas toujours le cas comme l’attestent certaines expressions familières et figuratives toujours présentes dans notre langage :

  • être myope comme une taupe,
  • être noir comme une taupe (avoir le teint très brun),
  • c’est une vraie taupe (quelqu’un de sournois, de dangereux, qui agit par des voies souterraines),
  • c’est une vieille taupe (femme désagréable ou acariâtre).

En argot d’autrefois, le « taupage » signifiait s’entêter à vouloir vivre seul, sans s’occuper des autres. Dans le sens péjoratif un « taupier » était un égoïste.
Si à une époque, on s’intéressait beaucoup aux taupes c’était pour des raisons économiques liées à la mode vestimentaire plus que pour des questions agraires. Cet intérêt remonte au début du siècle, époque où l’homme se mit à fabriquer des manteaux de luxe en peaux de taupes. Il fallait de six à huit cents peaux pour confectionner un seul manteau de fourrure. Comme toutes les élégantes en réclamaient, une formidable armée de piégeurs de taupes se leva dans toute l’Europe. On relate qu’un seul d’entre- eux pouvait en capturer jusqu’à 8000 par an. Fort heureusement, ou malheureusement (selon que l’on considère que cet animal est utile ou nuisible), la mode passa. Un jour vint ou plus personne, hormis quelques « vieilles taupes », ne voulut porter les macabres manteaux malgré une douceur de pelage inégalée. En 1960, Ies derniers piégeurs, ne trouvant plus de client pour leur marchandises, abandonnèrent la chasse aux taupes.


L’aspect économique étant établi, on ne saurait passer sous silence un intérêt pécuniaire lié à la lutte contre cet animal réellement inoffensif mais considéré comme nuisible. Ceci eut pour effet la création dans nos villages d’un poste de taupier municipal, ce qui dans certains cas posa quelques problèmes administratifs liés à la rémunération, soit des chasseurs de taupes occasionnels soit des taupiers municipaux.
Ce fut le cas à Rougemont où : « …par décision du 7 mai 1866, le Conseil municipal vote, à partir de 1867, une imposition extraordinaires de 0 f. 80 par hectare sur les prés, jardins, vergers et chènevières et 0f40 par hectare sur les champs situés dans le finage de Rougemont; le produit de cette imposition étant destiné à procurer un revenu à la commune afin de pouvoir solder les taupiers chargés de la destruction des taupes qui ravagent lesdites propriétés ». En 1874, cette imposition exceptionnelle est renouvelée car « les propriétés sont de nouveaux ravagées par de grandes quantités de taupes qu’il est très urgent de détruire ».
En 1910, à Anjoutey, le Conseil municipal vote un crédit de 200 f. pour être affecté au salaire d’un taupier municipal qui serait chargé de la destruction des taupes sur tout le territoire de la commune. Cette décision provoque une réaction de l’Administrateur du Territoire de Belfort (le préfet de l’époque) qui n’est pas d’accord et qui conseille au maire d’attribuer de préférence « …le paiement d’une prime communale allouée à toute personne qui détruirait des taupes sur sa propriété ou sur celle d’autrui, à condition d’avoir la preuve de la destruction, et de prendre les mesures nécessaires pour faire brûler les cadavres de ces rongeurs. »
C’est ainsi que l’on retrouve dans les Archives Départementales du Territoire de Belfort (série 3 F 5 – commune d’Anjoutey) une…

(La suite dans : Mémoires de taupier, par Pierre Walter, page 19)

Étude des prénoms donnés aux enfants à Leval entre 1793 et 1962

Approche quantitative

Choisir un prénom pour son enfant est un acte volontaire et rationnel mais c’est aussi un acte familial et social. Nommer, c’est s’approprier, appréhender. Par le prénom, Ies parents, qu’ils Ie veuillent ou non, qu’ils en aient conscience ou pas, transmettent à leurs descendants un héritage culturel, politique et religieux. Et même le nombre de prénoms que nous avons n’est pas l’effet du hasard.

Les limites de l’étude

L’étude court de la première naissance enregistrée à Leval, en juin 1793, à la dernière qui a eu lieu durant l’année 1962. Les données relevées pour la dernière décennie étudiée (1953-1962) ne représentent pas exactement la vitalité démographique du village puisqu’aux 24 naissances ayant effectivement eu lieu à Leval, devraient être ajoutées Ies 30 naissances transcrites sur le registre et s’étant produites à Belfort, Delle, Masevaux et Rougemont. Mais même minorée des naissances ayant eu lieu à l’extérieur de la commune, la décennie 1953-1962 est relativement intéressante. Elle est l’expression des années du baby-boom, la décennie précédente (1943-1952) avec 16 naissances, encore trop marquée par la guerre, totalisant encore moins de naissances que les années creuses de l’immédiat avant-guerre (22 naissances entre 1933 et 1942). A partir de 1962, les naissances à Leval disparaissent sous l’effet de la médicalisation généralisée de l’accouchement – un mouvement parallèle d’ailleurs à la médicalisation de la mort – mais en même temps, leur nombre lui-même diminue : 20 transcriptions de naissances entre 1963 et 1972 et 18 entre 1973 et 1982. C’est entre 1953 et 1962 que se fait le basculement entre naissances à domicile et naissances à l’hôpital (ou à la maternité). Le phénomène des naissances à l’hôpital (ou à la maternité) n’est évidemment pas nouveau mais jusque là son importance était marginale et il n’avait jamais, du moins à Leval, donné lieu à une mention dans les registres. En 1953, sur 7 naissances enregistrées 6 ont eu lieu dans le village et une est une transcription d’une naissance à l’extérieur. Les naissances dans la commune sont encore majoritaires en 1954 (4 contre 2) et en 1955 (3 contre 1) mais à partir de 1956, la proportion s’inverse et aux 2 naissances localisées à Leval s’opposent les 3 naissances transcrites. De 40% en I956, la part des naissances localisées se dégrade encore, passant à 37,5% en 1957 (3 sur 8), 25% en 1959 (2 sur 8) et 20% en 1962 (1 sur 5) pour ne parler que des années où des naissances ont bien lieu à Leval.

Buts et méthodes

Au départ il s’agissait de démontrer l’opposition supposée entre la richesse et la variété des prénoms d’aujourd’hui (ou d’un passé relativement proche) et l’extraordinaire indigence et la rigidité des prénoms du passé. Nous avions donc choisi d’étudier les prénoms des enfants nés à Leval à travers trois périodes : 1923-1932, Ia dernière décennie du XXème siècle représentative par son nombre de naissances (28 contre 22 pour la décennie 1933-1942, 16 pour Ia décennie 1943-1952 et 24 pour la décennie 1953-1962) ainsi que par I’absence de phénomènes historiques par trop perturbateurs et deux périodes antérieures de cinquante ans (1873-1882) et de cent ans (I823-I832). Mais l’hypothèse de départ était moins exacte qu’on ne le croyait et il fallait travailler sur le passé d’une manière plus fine. Oui, les prénoms utilisés dans le passé sont monotonement les mêmes. Pourtant les prénoms de la Restauration ne sont pas les mêmes que ceux des débuts de la IIIème République. Le passé a connu ses effets de mode et d’usure. A ne considérer que les premiers prénoms (encore ne s’agissait-il pas toujours des prénoms usuels) – beaucoup d’enfants n’avaient alors qu’un prénom et la comparaison est significative – quand Jacques occupe la première place des fréquences avec 18,7% des emplois entre 1823 et 1832, il n’occupe plus que la huitième place avec 3,7% des emplois entre 1873 et 1882.
Marguerite, deuxième chez les filles (17 emplois ou 25,4% des fréquences) dans la décennie 1823-1832 n’est plus utilisé comme premier prénom quarante à cinquante ans plus tard !
Anne et Madeleine (quatrième toutes les deux entre 1823 et 1832) disparaissent comme premiers prénoms entre 1873 et 1882…Encore fallait-il pour autant mener l’étude sur toutes les décennies ? La réponse est fonction de l’échantillon étudié. Il ne sert à rien de tout étudier dés lors que l’échantillon est suffisamment représentatif, et au XIXème siècle, les naissances sont assez nombreuses pour que chaque décennie suivie soit significative. Si le passé est dynamique, il ne possède que des moyens de communications limités et si les changements s’effectuent, si des effets de mode se produisent, ils se font de générations à génération, c’est à dire sur des périodes de vingt à trente ans. Ainsi, avons-nous choisi d’étudier sept périodes 1793-1803, 1823-1832, 1843-1852, 1873-1882, 1893-1902, 1923-1932 et 1943-1952, alternativement séparées de vingt et dix ans. Mais comment comparer les 138 naissances de la période 1793- 1802 ou même encore les 60 naissances de la décennie 1893-1902 aux 22 naissances des années 1933-1942 ? Pour avoir un sens, la comparaison devait porter sur des nombres plus grands, il fallait donc allonger la période d’étude, globaliser les années postérieures à la Première guerre mondiale en une seule période 1923-1962 qui regroupaient alors 88 naissances.
Mais la méthode cumulait les handicaps sans présenter beaucoup d’intérêt. Elle était artificielle et vraiment peu satisfaisante. Elle couvrait une période trop longue et masquait ainsi les phénomènes de mode qu’on voulait justement mettre en relief ! Ainsi chez les garçons, des sept premiers prénoms utilisés entre 1943 et 1952, un seul, Jean, l’était vingt ans plus tôt.
Même phénomène chez les filles, où seule Marie était utilisé comme premier prénom durant les deux périodes. Nous avons donc choisi d’étudier les quatre décennies de 1923 à 1962 chacune de façon autonome même si les données recueillies, pas assez nombreuses sur chaque période, relèvent plus de l’anecdotique que de la démarche scientifique.
Toutes les périodes étudiées couvrent dix ans sauf la première (1793-1803) qui, commençant en juin 1793 aurait dû s’arrêter en mai 1803, mais le fait d’arrêter l’étude en cours d’année n’était pas très cohérent aussi avons nous choisi d’aller jusqu’à la fin de I’année, au 9 nivôse An XII du calendrier républicain et nous avons donc poursuivi notre recherche jusqu’à la fin de
l’année.

Problèmes de sources

Dénombrer les prénoms d’une période donnée semble à la fois fastidieux et facile. il n’est en fait ni monotone ni aisé. Sur les registres, les prénoms des nouveaux-nés apparaissent à trois emplacements différents : :dans I’acte lui-même, en marge de I’acte et dans la table de récapitulation annuelle (quand elle existe, ce qui n’est pas toujours le cas). Afin d’obtenir les résultats les plus cohérents, nous avons systématiquement travaillé avec les prénoms issus des actes eux-mêmes, travailler avec les prénoms repris dans la marge ou dans la table annuelle étant la source de nombreuses erreurs. Souvent, la table annuelle ne reprend qu’une partie des prénoms (le premier ou les deux premiers Ie plus souvent mais parfois aussi n’importe lequel, pris semble t-il au hasard) : en 1797-1798 (An VI), naît Jeanne-Eve Girol reprise sous le seul prénom de Jeanne dans la table, en 1800-1801 (An IX), Marie-Agnés Cordier devient Marie, en 1802-1803 (An XI), Marie-Catherine Choffin est reprise sous son deuxième prénom, Catherine, en 1845, Mélanie-Anne Villemain n’est plus prénommée que Mélanie dans la table. Et le cas se reproduit, même à la période moderne avec Andrée-Marie-Louise devenue Marie-Louise (en 1931) ou encore Bernard-Etienne-René devenu Bernard-Etienne (en 1954) et Pierre-Jean-Noël réduit à Jean-Noël (en 1957). Mais la reprise dans la table ne se traduit pas toujours par une simplification et, parfois, on assiste à I’opération inverse (ainsi en 1823, une fille prénommée Catherine dans l’acte – prénom repris en marge – devient Marie-Catherine dans la table). Quand ce n’est pas un changement de sexe comme en l’An VII où la fille désignée dans la table sous Ie nom de Jeanne Chaignot est en fait un garçon prénommé Jean. Parfois même, la table est lacunaire. Au début de la tenue des  registres, il est fréquent qu’un seul acte de naissance soit rédigé lors de Ia venue au monde de jumeaux ce qui explique que dans la table annuelle de l’An VI, Anne-Marie Magnien, deuxième jumelle n’est pas reprise. Dans un autre cas, les prénoms des deux jumeaux sont écrits comme s’il s’agissait d’un nom composé à côté de leur nom de famille dans la table, ce qui ne diminue pas le nombre des prénoms de l’année mais simplement le nombre des nouveaux-nés et est encore une fois source d’erreur !
Les tables annuelles ne sont pas fiables mais les mentions marginales pourtant inscrites en regard de l’acte de naissance ne le sont guère plus. Le 2 frimaire An VIII (23 décembre 1799), une fille prénommée Marie-Catherine dans l’acte est seulement notée Catherine dans la marge, le 25 ventôse An VIII (16 mars 1800), un enfant prénommé Sébastien devient Bastien en marge et le cas se reproduit à l’identique en l’An XI, en 1827. Autre cas de figure, il y a permutation des prénoms entre l’acte et la mention marginale et Joséphine-Eliza, dans l’acte, devient Eliza-Joséphine dans Ia marge, en 1844, François dans l’acte devient François-Nicolas dans la marge et, en 1953, Martine-Françoise-Georgette dans l’acte devient Martine-Françoise dans la marge (et bien sûr, dans la table annuelle).

… et de prénoms

Quand considérer que deux prénoms sont différents ? Quand considérer qu’il ne s’agit que de graphies différentes d’un même prénom ? Que faire pour Bastien et Sébastien, pour Maria et Marie, pour Madeleine et Magdeleine? Fallait-il décompter Marianne (Marie-Anne) comme un ou deux prénoms ? En fait, nous avons surtout tenu compte de la prononciation et nous avons considéré comme des prénoms identiques, les prénoms dont la prononciation était Ia même et dont seule la graphie différait. Ainsi les problèmes posés par Bastien et Sébastien, Célestin et Sélestin, Emat, Emma ou Emmat, Madeleine et Magdeleine…étaient-ils résolus.
Mais il n’est pas sûr que cette volonté d’ordre et de classement rende vraiment compte du vécu de la population. Faire de Bastien (aphérèse, diminutif, de Sébastien) et de Sébastien deux prénoms différents semble ne pas correspondre à la perception que les gens de l’époque avaient de la réalité de ces deux prénoms, utilisant – et nous l’avons vu à propos des mentions marginales – fréquemment l’un pour l’autre. Cette différence d’analyse se retrouve sans doute aussi avec le cas de…

(La suite dans : Prénoms donnés à Leval 1793-1962, par Jean de Zutter, page 22)

Il y a 100 ans !

« Une boule de feu lançant des éclairs qui se réverbéraient au loin traversa un coin de ciel et vint s’abattre du côté de la commune de Lepuix. »

Second semestre de 1895

L’actualité nationale est marquée par l’expédition de Madagascar où le « général Marais » et le « général Fièvre » font des ravages parmi la troupe. Une souscription nationale est même lancée pour venir en aide aux hommes malades. Sur le plan social, la presse de gauche salue la naissance de Ia C.G.T. au congrès de Limoges (23-26 septembre) et condamne le cabinet d’union républicaine d’Alexandre Ribot qui a laissé intervenir la troupe pour réprimer une grève des ouvriers verriers de Carmaux…
Au plan local, les journaux des différentes tendances se déchirent toujours avec autant de délicatesse. Ainsi donc La Frontière traite-t-elle les journalistes du Ralliement  » d’inspecteurs des vases nocturnes » et de « vide-pots » ou bien encore permet à un de ses chroniqueurs de signer ainsi un article hostile au journal La Croix de Belfort :  » J.V. Lamaure de La Croa »… « 

14 juillet alsacien

Une fois n’est pas coutume : même La Croix de Belfort se félicite du succès de la fête du 14 juillet dans le département. Les Alsaciens sont en effet venus par milliers (on parle de 14000, voire plus ! ) assister à la fête nationale. Il est vrai que l’an dernier, en raison du deuil national consécutif à l’assassinat du président Carnot, ils avaient dû rester « confinés dans leur Alsace ». Cette année ils se sont rattrapés, en quelque sorte. Pour leur arrivée, la gare de Petit-Croix est magnifiquement décorée et pavoisée. Les trains à destination de Belfort accusent des retards importants. Les hôtels de la Place affichent complet et nombreux sont ceux qui doivent dormir à la belle étoile… Bref, on frise la saturation mais quelle joie de voir ces patriotes « prussiens malgré eux ».

Elections au Conseil général

Les élections au Conseil général se déroulent le 28 juillet. Des élections sans grande passion pour une fois. Il est vrai que dans les cantons ruraux les candidats ne se bousculent pas. A Giromagny, M. Berger-Boigeol conseiller sortant depuis quatre mois seulement, est seul candidat. Il recueille 2580 voix sur 2655 votants !…
A Rougemont, M. Gaston Ehrard sortant lui-aussi, se présente face à un candidat ouvrier sans grande envergure, Francis Roy.
Le score de M. Ehrard se passe de commentaires: 516 voix contre 66 à son adversaire !…
A Fontaine les,  choses sont plus « sérieuses ». Deux républicains se disputent Ie siège. L’un M. Barros, qui se dit républicain libéral et indépendant est soutenu par les « ralliés » et Le Ralliement. L’autre, M. Eugène Grisez appartient au Parti républicain, il est soutenu par La Frontière. E.Grisez est maire de Lachapelle-sous-Rougemont et frère du docteur Grisez qui ne se représente plus (voir Vôge n°13 et n°15). Le score cette fois est des plus serrés : 712 voix pour M. Grisez, 690 pour M. Barros.

Uniforme à I’essai

Les Belfortains n’en croient pas leurs yeux ! Un certain nombre d’hommes du 11ème Hussards portent, au lieu du pantalon basané en usage dans la cavalerie, un pantalon ordinaire avec bottes en cuir fauve se laçant sur le côté. C’est un essai !…Ouf. C’est en même temps un grand honneur pour Ie 11ème Hussards que d’avoir été choisi pour essayer ce nouveau pantalon de cavalerie à l’occasion des grandes manoeuvres de cavalerie qui doivent avoir lieu dans la vallée du Rhône en août 1895.

Distinction sujette à caution…

15 septembre 1895. Le moins que l’on puisse dire est que La Croix de Belfort ne porte pas l’instituteur de Felon dans son coeur: « Les habitants de Felon ont appris avec stupéfaction que leur instituteur avait été l’objet d ‘une distinction honorifique. Ils se demandent si l’inspecteur n’a pas fait erreur, confondant l’instituteur de Felon avec un autre; à moins que ce fonctionnaire qui dirige avec tant d’habileté le service primaire dans Ie Territoire, n’ait entendu récompenser ce trop illustre maître de se hauts faits à Lyon (?) ou encore du seul et unique certificat d’études obtenu à Felon ou bien des autres succès extra-scolaires de ce don Juan primaire. Voilà encore une mention honorable qui ne relèvera pas le prestige du corps ; Ies braves instituteurs qui triment toute leur vie dans leurs fonctions modestes si ingrates, n’en seront guère flattés ni encouragés. »

Grève à Valdoie

Lundi 18 novembre 1895. Environ quatre-vingt fileurs et rattacheurs de I’usine Schwartz et Cie de Valdoie se mettent en grève. Ils exigent une réduction d’une demi-heure de travail par jour ainsi qu’une augmentation de salaire de trois francs par quinzaine. Une première entrevue avec l’un des patrons M. Chambaud conduit à la reprise du travail le lendemain matin. Mais la grève est à nouveau décrétée le mercredi. Alors, MM. Piette secrétaire général de Ia préfecture et Roy, juge de paix mènent les négociations et tentent de convaincre les ouvriers valdoyens qu’ils sont mieux lotis que leurs homologues de Roubaix ou de Reims.Tentative réussie puisque les ouvriers lèvent la grève le jeudi soir. Les rattacheurs ont obtenus leurs 3F. d’augmentation; quant aux autres, la promesse du réajustement de leur salaire et la réduction du temps de travail leur est promise dès que les usines similaires en France en prendront I’initiative…
Il est à noter que cette grève à Valdoie se déroule dans un contexte tout à fait particulier. En effet Monsieur Schwartz, le propriétaire de l’usine a été assassiné le 7 octobre à Mulhouse par un de ses anciens ouvriers. En mourant il recommande à ses proches d’user de bonté et de bienveillance à l’égard de ses ouvriers. Il confirme ses paroles en demandant que soit répartie équitablement une somme de 5000 francs entre les contremaîtres et les ouvriers des deux usines de Mulhouse et de Valdoie. Il précise en outre que cette somme « fut destinée à ceux qui ont fait preuve de stabilité et d’attachement par leur travail d’une certaine durée dans les filatures fondée par (lui) et que la répartition de cette somme fut faite proportionnellement à l’ancienneté du personnel.  » Le Journal de Belfort affirme que la cause principale de la grève est en fait un vif mécontentement suscité par une mauvaise répartition de cette somme, thèse que ne confirme pas La Frontière qui trouve que le moment n’est guère bien choisi pour une telle action « au lendemain des libéralités faites par Mr Schwartz… »
En fait, ce sont plus de 100 000 francs que Mme Schwartz va distribuer en mémoire de son mari. Elle attribue une somme aux employés de bureau des deux usines, verse différentes sommes à la municipalité de Valdoie et à des oeuvres diverses de la commune. En outre, elle fonde à perpétuité dans les hôpitaux de la ville de Mulhouse, deux lits qui portent le nom d’ Henry Schwartz « De pareils actes de générosité sont au-dessus de tous les éloges  » conclut La Frontière.
À noter que lors de l’assassinat d’Henry Schwartz, l’Empereur d’Allemagne en personne a adressé au gouverneur de Mulhouse le message suivant: « Je prie Votre Altesse d’exprimer en mon nom et au nom de l’Impératrice, à la malheureuse veuve, nos profondes condoléances. « 

Bolide céleste

Il est environ 16h30 ce jeudi 2l novembre. De nombreux habitants du secteur de Giromagny n’en croient pas leur yeux, un « bolide » lumineux traverse le ciel d’est en ouest « et rasant pour ainsi dire le toit des habitations. Le globe lumineux avait environ 0m30 de diamètre et la traînée de feu qui l’accompagnait dépassait un mètre. Aux dires de quelques personnes il aurait éclaté dans les champs situés…

(La suite dans : Il y a 100 ans !, par François Sellier, page 22)

Le cimetière des Prussiens à Giromagny

Parmi les questions posées dans les rallyes il y a une vingtaine d’années revenait parfois celle-ci : localisez les trois cimetières de Giromagny. Les cimetières catholique et protestant étaient aisément situés, mais le troïsième posait quelquefois problème. Il s’agit d’un cimetïère militaire allemand, datant de la guerre franco-allemande de 1810-1871, situé le long de la route départementale 465, à l’entrée sud de Ia ville, à environ cent mètres du passage a niveau.

Le nom officiel est « cimetière militaire allemand ». Mais la guerre avait été déclarée par Napoléon III à la Prusse et les Français de l’époque parlaient de Prusse et de Prussiens et non d’Allemands L’appellation populaire de cimetière des Prussiens a donc pour elle la tradition et la durée.
C’est un enclos en forme de trapèze dont les côtés mesurent respectivement 10,5 m et 4,5 m et Ia hauteur 15 m. Il est entouré d’un mur de pierres de 1,70 m de hauteur sur 0,50 m de largeur. La porte fermée par une grille de fer est surmontée d’une inscription sculptée en relief dans une dalle de grès : Deutsche Krieg 70-71 (Guerre allemande 70-71). Une allée de gravillons conduit à une plaque de chêne scellée dans le mur et portant ces mots: »Hier ruhen deutsche Soldaten 1870 -7I » (Ici reposent des soldats allemands). Une couronne de lauriers portant au centre la croix de fer surmonte le tout.

De part et d’autre de l’allée deux tombes. Celle de gauche, tombeau allongé en grès de 1,50 m sur 0,80 m est sans doute la plus ancienne, car la couverture de calcaire très blanc qui est posée dessus est usée;il y a trace d’une couronne sculptée, mais effacée par le temps. L’emplacement d’une plaque qui devait porter une inscription est nettement visible. A t-elle été enlevée ? La tombe de droite est surmontée d’une croix blanche tréflée ; à la base une inscription :
Hier starben den Heldentod 6 – Deutsche Krieger
1870-71
R.I.P.

Cette tombe a été restaurée récemment et doit abriter les corps des six soldats rapatriés d’Evette.
Il aurait été intéressant de connaître, par pure curiosité historique, le nombre de soldats inhumés, leurs noms, grades et unités ; de savoir s’il y eut des corps exhumés et rapatriés en Allemagne.
Le Service pour l’entretien des sépultures militaires allemandes dont les bureaux sont, pour la France, à Metz et pour le secteur à Bergheim (prés de Ribeauvillé) n’a pas ces renseignements. Le responsable a toutefois précisé que dans les années 1970 et à la demande de la commune d’Evette, six militaires allemands morts pendant la guerre de 1870-71 furent exhumés du cimetière communal et inhumés dans le cimetière de 1870-71 à Giromagny. Cet organisme entretient, en plus de Giromagny des tombes de cette époque au cimetière de Brasse à Belfort, un ossuaire à la sortie sud de Danjoutin, à Buc au cimetière communal, à Urcerey sur Ia D30, à Banvillars, Bermont, Châtenois, Croix, Vézelois, Bessoncourt, Phaffans, Rioz et Villersexel dans les cimetières communaux. La résistance de la garnison de Belfort, un hiver très rigoureux et des épidémies firent de nombreuses victimes parmi les assiégeants qui appelaient la ville de Belfort : Die Totenfabrik (la fabrique de cadavres).

La construction

Le terrain sur lequel est situé le cimetière est, d’après le cadastre rénové en 1970, propriété de I’Etat allemand. À ce titre, il devrait jouir des droits d’exterritorialité. Mais, dans la réalité, et d’après le responsable du service d’entretien, Monsieur Kindelberger, ce sont des associations patriotiques qui en ont la responsabilité (associations à but non lucratif de droit allemand).
A cette époque le terrain était en pleine campagne. Ni le lotissement récent des Planchettes, ni les trois anciennes maisons, ni le château des Fougerets, ancien centre de  convalescence de l’hôpital de Belfort, ni la gare et la voie ferrée n’existaient encore.
En pleine guerre, l’autorité militaire ennemie ne s’embarrasse guère de formalités administratives. Le terrain a dû être réquisitionné (les archives notariales n’ont pas de trace d’un acte d’acquisition dans les années 1871-75). Peut-âtre y avait-il à proximité des cantonnements ou un hôpital de campagne. Quelle autorité a fait construire le mur d’enceinte et a quelle date précise ? Cette autorité était-elle française ou allemande ? Les archives communales ne peuvent nous renseigner, car le registre des délibérations du Conseil Municipal  couvrant la fin du Second Empire et jusqu’en 1873 est égaré. Il semble cependant que ce soit une autorité française qui ait fait construire l’enclos, car sur la porte métallique il y a une courte  inscription : Tombes militaires – loi du 4 avril 1873.

L’entretien de l’enclos

Le 1er juillet 1880, le Ministère de l’lntérieur demande, par l’administrateur du Territoire de Belfort (le préfet d’alors) si la ville prend en charge l’entretien du cimetière allemand ; si non, elle est priée d’indiquer la somme annuelle demandée pour cet entretien.
« Le Conseil municipal
– considérant que ce cimetière étant placé en dehors de la localité subit toutes les années des dégradations causées par la malveillance et sans que la police ait pu jusqu’à présent connaître les coupables,
– considérant en outre que les ressources communales étant insuffisantes et qu’il existe déjà des impositions extraordinaires, que l’entretien de ce cimetière créerait une nouvelle charge à la ville,
– attendu que cette année on a déjà relevé la croix principale démolie par la malveillance et que les arbres qui existaient ont été détruits par les grands froids de l’hiver dernier devront être remplacés l’automne prochain,
– est d’avis de se charger de l’entretien du cimetière allemand moyennant une subvention annuelle de vingt cinq francs à partir de 1881 et d’une subvention de quatre vingts francs pour 1880″
Le 16 avril I892, nous apprenons qu’une partie du mur d’enceinte était tombée l’année précédente ; que cette année une autre partie est encore tombée et qu’il a fallu le reconstruire. La partie restée intacte tombera d’ici peu,d’après l’avis des maçons. Le Conseil, après en avoir délibéré, dit qu’il serait injuste de charger les localités qui ont déjà beaucoup souffert
de l’invasion des dépenses qui sont la suite d’une guerre nationale et qui devraient âtre supportées par l’ensemble des citoyens. Sa conclusion est que I’Etat devrait s’en charger.
L’année suivante, une subvention de deux cents francs est allouée par Ie Ministère de l’intérieur pour aider la commune dans les dépenses de reconstruction du mur du cimetière allemand ; le Ministère dit qu’il conviendrait d’étudier s’il ne serait pas préférable de substituer aux murs une haie d’aubépines ou d’autres essences qui seraient d’un entretien moins onéreux. Le Conseil estime qu’il y aura lieu de substituer une haie d’aubépines au fur et à mesure que les murs tomberont.
On peut penser que les maçons qui ont édifié ce mur ont triché sur la marchandise pour qu’il soit si abîmé vingt ans après sa construction. Peut-être aussi des malveillants v ont-ils aidé..

En avril 1897, une lettre du Ministère de l’Intérieur proteste contre…

(La suite dans : Le cimetière des Prussiens à Giromagny, par Jean Demenus, page 31)

Rodolphe Sommer (roman) 6 – En campagne électorale

Grâce à la médiation du sous-préfet, une issue à la grève a été trouvée. Sommer a fait quelques concessions sur les salaires mais s’est débarrassé sans ménagement des meneurs. Le travail reprend sans enthousiasme au tissage, Le manufacturier peut dorénavant se tourner vers d’autres ambitions.

La date des élections législatives n’était plus très éloignée. Rodolphe Sommer était plus que jamais décidé à entrer au Palais Bourbon. Il considérait sa réussite, en ce domaine, comme une consécration de ses mérites, et y tenait d’autant plus qu’elle Iui paraissait facile et servait mieux ses ambitions. Le mandat de député était alors le seul qu’il jugeât digne de lui.
Certes, la campagne électorale n’était pas encore ouverte. Mais il y avait réfléchi et un plan se précisait dans son esprit. La circonscription de Vaudrey était excellente. Elle envoyait régulièrement, depuis plus de vingt ans un député libéral à la Chambre. Pour être élu, il suffisait de se réclamer de ce parti, et de jouir, dans la région, d’une notoriété suffisante. Or, celle-ci était fonction de l’importance du candidat, c’est-à-dire de son poids social et économique. Ainsi mis en balance, il ne craignait personne.
Il y avait le gros bataillon des électeurs que fournissait l’agriculture. Il y avait ensuite quelques gros bourgs, dont le corps électoral était moins homogène : Saint-Jean et Lusigny par exemple. Sans doute, les gouvernementaux n’y faisaient pas encore la loi. Cependant, ils y réunissaient à chaque consultation électorale un nombre de voix plus important. Il se faisait fort de mettre bon ordre à cela. D’ailleurs, nombre de travailleurs de I’industrie bien tenus en main par le clergé, y votaient régulièrement pour le candidat libéral.
M. Constant, député sortant, qui ne se représentait pas, devait confier à Rodolphe Sommer le secret de la réussite.
– Il faut avant tout rendre visite aux curés de Vaudrey, Saint-Jean, Lusigny et Monturon, ainsi qu’à ceux de quelques bourgs moins importants. Non pour leur faire connaître votre candidature, mais pour les consulter sur I’opportunité de cette candidature, sur les chances qu’elle pourrait avoir de réunir la majorité des suffrages dans leur paroisse. Les prêtres ainsi consultés seront flattés de l’importance que vous accorderez à leur jugement et prêteront ensuite à vos déclarations une oreille favorable.
– Pour ce qui est de Vaudrey, je crois mon ami, que la démarche dont vous me parlez est inutile.
– Etes-vous tellement certain d’y obtenir la majorité ?
– Certes non ! Comment en être certain dans un tel milieu ? Je crois cependant y être suffisamment connu pour me passer du concours du doyen.
– Vous semblez perdre de vue, mon cher, que quelques voix déplacées peuvent suffire à déplacer la majorité. L’idéal consisterait à voir chaque électeur en particulier, ce qui est impossible. Mais ne pas voir les gros électeurs serait impardonnable. Voyez donc le doyen de Vaudrey avant tous les autres, même si vous n’êtes pas dans les meilleurs termes avec lui. Il en sera d’autant plus flatté, en deviendra d’autant plus efficace.
– Vous avez peut-être raison, mon ami. Mais entre nous, ce curé là ne me paraît pas sûr. Figurez-vous que lors de la dernière quête qu’il s’obstine à faire lui-même dans les milieux les plus aisés, il est sorti de chez moi en me remerciant du bout des lèvres. Je lui avais cependant remis une somme rondelette.
–– Qu’à cela ne tienne, je vous accompagnerai chez lui. Il vous suffira de me laisser parler et tout s’arrangera.
Le soir même, M. le doyen de Vaudrey recevait un mot fort aimable du député sortant, qui se déclarait désireux d’échanger quelques idées avec lui. Il en conclut que I’on solliciterait son appui pour les prochaines élections. Etant tout acquis à M.Constant, il lui répondit aussitôt qu’il serait ravi de le rencontrer. Aussi fut-il étonné de Ie voir se. présenter avec M. Sommer qu’il appréciait moins.
– Monsieur le doyen, assura Constant après les politesses d’usage, nous avons longuement parlé de vous, ces temps derniers, M. Sommer et moi. Nous nous sommes même quelque peu inquiétés de vos oeuvres. Car il faut bien reconnaître, me disait cet excellent ami, que tout va de mal en pis, dans ce pays, depuis Ia séparation des Eglises et de I’Etat. Aussi comptait-il, sans autre délai, faire un geste. Mais il m’a semblé, à moi, que mieux valait vous en entretenir au préalable, si nous voulions faire oeuvre vraiment utile.
À ces mots, Rodolphe Sommer fronça les sourcils. Mais désireux, lui aussi, de faire bonne contenance, n’eut pas d’autre réaction.
– Vous arrivez fort à propos, enchaîna le doyen. Nos soucis sont multiples et ne font que croître en nombre et en importance. Les églises de nos campagnes tombent en ruines, les curés des petites paroisses n’ont plus de quoi vivre, les enfants ne prient plus â l’école, bientôt ils ne fréquenteront plus le catéchisme. De tout cela les parents semblent se désintéresser. Ils viennent d’ailleurs eux-mêmes de moins en moins à l’église et n’ont plus recours au clergé que dans les cas extrêmes. En bref, nous allons vers la déchristianisation complète de Ia France.
– À moins qu’une nouvelle majorité parlementaire ne mette bon ordre â cela. C’est ce que me disait hier encore M. Sommer, peu disposé, jusqu’à présent, à entrer dans I’arène politique, mais fermement décidé à agir. Car il faut dire que, tant en raison de mon âge que de mon état de santé, je ne me présenterai plus à la députation. Ce cher ami, jeune, robuste et plein d’entrain encore, ne saurait laisser la circonscription tomber aux mains de quelque sectaire anticlérical, comme le sont les membres d’un parti que vous connaissez bien, Monsieur le doyen.

– Voilà qui s’appelle bien plaider une bonne cause, Monsieur le député. M. Sommer est en effet admirablement placé pour se dévouer â cette grande oeuvre. Dans la tristesse que me cause votre départ, ce sera pour moi une grande consolation de le voir occuper votre siège. Aussi croyez bien que je ferai de mon mieux pour qu’il soit l’élu de Vaudrey, avec une confortable majorité. Peut-on connaître vos projets M. Sommer ?
– Ils se résument en peu de mots, Monsieur le doyen : marcher sur les traces de mon ami Constant, veiller à renforcer l’alliance du parti dit des hautes cheminées que je représente, avec celui des hauts clochers, dont vous êtes, Monsieur le doyen, l’incarnation achevée. M’enquérir des besoins de chacun des membres du clergé, sera l’une de mes préoccupations constantes. M’efforcer de satisfaire à ces besoins sera l’une de mes occupations essentielles. Tels seront, je le pense mes devoirs primordiaux. Oui, il faut que par une ardente campagne, et marchant la main dans la main, le clergé et la bourgeoisie de ce pays, contribuent â un renversement total de la majorité, â la Chambre d’abord, au Sénat ensuite. Alors, tout deviendra facile. Nos églises seront restaurées, le clergé vivra dans une honnête aisance, la loi sera respectée. Et je ne parle pas seulement de la loi civile, mais aussi de la loi divine, celle-là même qui était inscrite sur la table de Moïse. Voilà en résumé ma profession de foi, Monsieur le doyen.
M. le doyen songeait en l’écoutant, que nonobstant ses déclarations d’intention, le nouveau candidat se montrait rarement à l’église.
– J’y pense, intervint Constant, il y a bien longtemps que vous êtes à la tête de ce doyenné, Monsieur Ie curé. Il me semble qu’un canonicat pourrait bientôt consacrer vos mérites et les éminents services que vous avez rendus dans notre région.
J’en ai déjà touché un mot à M. le vicaire général. Mon ami Sommer, qui aura ses entrées à l’évêché, après les élections, aura certainement à coeur de terminer ce que j’ai commencé.
– Oui, et cela d’autant plus aisément que, vous ne l’ignorez pas, ma femme est apparentée à Mgr l’évèque. Elle et lui sont cousins issus de germains. Ils se tutoyaient jadis. IIs sont toujours dans les meilleurs termes. Je crois qu’à l’occasion de Ia prochaine visite pastorale de Monseigneur, il sera bon de songer â une réunion de famille, à laquelle vous êtes d’ores et déjà convié, Monsieur le doyen.
– Oh ! Vous pouvez compter sur moi, Monsieur Sommer et cela d’une manière tout à fait désintéressée. Servir la bonne cause, me suffit.
– J’étais certain, Monsieur le doyen, que nous entendrions aisément à mi-mot. Je vois que je n’avais pas misé en vain sur votre précieux concours. L’ordre, la foi et la paix publique s’en trouveront confortés.
– Si Dieu veut qu’il en soit ainsi partout en France, conclut le doyen, c’est vers un renouveau prometteur que nous nous acheminons. II était sincère en faisant cette déclaration de foi. Après tout, songeait-il en reconduisant ses visiteurs, Sommer ou Constant, c’est tout un. Certes, le premier était un meilleur paroissien. Mais le second peut devenir meilleur encore, ne serait-ce que pour conserver ses électeurs. Puis ses moyens sont beaucoup plus importants. S’il est vrai que I’Eglise n’en a pas beaucoup profité jusqu’à présent, cela peut changer dans I’avenir. Quant à être nommé chanoine honoraire de la cathédrale, c’est une toute autre affaire. Je doute fort, quant à moi, que Mgr puisse se déterminer selon les critères invoqués par M. Sommer. Puis cette parenté éloignée et quelque peu oubliée, ne saurait peser lourd dans ses décisions. La contrepartie la plus tangible des services que l’on attend de moi c’est le don que ne manquera pas de faire le candidat, encore que celui-ci n’ait pas la réputation d’être particulièrement généreux !
En fait M. Sommer ne songeait nullement â faire un don quelconque avant ou après son élection. En sortant du presbytère, il songeait au contraire que par la faute de Constant, il s’était engagé dans une voie qui pourrait lui réserver des surprises désagréables. On aurait tout de même pu le consulter, avant de parler des oeuvres paroissiales. Il ne put s’empêcher d’en faire I’observation au député sortant.
– Cher ami, observa-t-il, je vous garde naturellement à dîner, car Madame Sommer vous attend. Mais pourquoi diable m’avoir engagé aussi positivement dans cette histoire d’oeuvres paroissiales ?
– Ah ah ! il s’agit de savoir si vous voulez ou non être élu. Si vous le voulez vraiment vous devez accepter les servitudes de votre candidature. A vous d’ailleurs d’en mesurer l’importance. A vous également de choisir le moment opportun. A vous encore de ne promettre que ce qui peut être acquitté par les caisses de I’Etat. Pour moi, j’ai toujours procédé ainsi et ne peux que m’en louer. Enfin, il n’est pas interdit d’oublier certaines promesses électorales. Si toutes devaient être tenues, ce serait la ruine du système parlementaire, le meilleur que I’on ait encore trouvé, pour les électeurs et leurs élus.
D’accord avec Constant sur ce point, Rodolphe Sommer n’en décida pas moins de se rendre seul aux presbytères de Lusigny, Monturon et Saint-Jean.
Tâche dont il s’acquitta dés le lendemain. Il y fut d’ailleurs admirablement reçu, car c’était un homme qui gagnait beaucoup à n’être point connu. Ce qui l’étonna pourtant, lui qui avait reproché à Constant de l’avoir engagé malgré lui sur une voie ruineuse, ce fut de s’entendre tenir le même langage à ses trois hôtes successifs. La conversation à trois du chef-lieu, fut ainsi transposée en trois dialogues prometteurs. Sans qu’il y songeât, les mêmes mots, la même profession de foi, les mêmes promesses Iui revinrent à I’esprit et furent servis à ses interlocuteurs successifs avec la même conviction. Ils reçurent aussi le même accueil favorable de la part d’auditeurs plus ou moins sceptiques, mais également bien intentionnés, polis et circonspects.
Le dernier visité, le doyen de Saint-Jean, lui demanda cependant s’il avait déjà vu les maires, ces autres grands électeurs dont il devait se concilier les bonnes grâces. Il n’y avait pas seulement songé.
– Pas encore, avait-il répondu, mais les rendez-vous sont pris, car je procède par ordre. J’entends par là que je consulte les grands électeurs par ordre d’importance. Ce qui, soit dit en passant, lorsque j’ai quitté le presbytère de Vaudrey, m’a amené directement chez vous.
– Il ne faut pas vous exagérer l’importance politique des prêtres, avait répondu avec modestie le curé.
– Je sais que l’isoloir, où l’on va d’ailleurs seul, n’est pas le confessionnal. Il n’empêche que l’influence du curé est plus importante que celle du maire surtout dans nos campagnes.
– Vous avez probablement raison, Monsieur Sommer, car les prêtres sont en principe des gens sans parti pris, qui considèrent les choses sous un angle différent de celui des autres mortels. Quand un candidat offre toute garantie, du point de…

(La suite dans : Rodolphe Sommer (roman) 6 – En campagne électorale, par Pierre Haas, page 34)

L’ORTF sur la place de Rougemont

En 1965, la famille Grevillot de Vescemont s’adjugeait le titre de « meilleure famille rurale » du Territoire de Belfort à l’issue d’une émission-jeu radiophonique enregistrée sur la place de Rougemont-le-Château.

Interview (imaginaire) d ‘Anna Belleplace, de Rougemont.

– Bien que la courtoisie veuille que I’on ne donne pas I’âge d’une dame, vos innombrables souvenirs attestent d’une vie déjà longue. J’espère ne pas vous offenser en rappelant que vous avez accueilli les imposantes prises d’armes de la guerre de 14, reçu les blindés libérateurs de novembre 44, connu les fêtes insouciantes des années 6O etc etc..
– Vous savez, Balzac disait « Une femme n’a que l’âge qu’elle parait avoir. » Je suis donc tout à fait disposée à vous raconter tout ce que vous souhaitez
– Merci. Alors, si vous le permettez, j’aimerais que vous nous parliez d’une journée pas si ancienne que cela où feue Dame ORTF est venue vous rendre visite…
– Ah oui, c’était en 1965, le 9 mai, pour être précise. L’ORTF était venue enregistrer un jeu radiophonique qui s’appelait « La famille rurale ».
– Avant d’entrer dans les détails de cette journée, savez-vous pourquoi Rougemont et vous en particulier, avez été choisis par l’Office de Radiodiffusion Télévision Française ?
–– Alors là, vous m’en demandez beaucoup. Le maire de l’époque, le docteur Robert et Mr Jean Willemain principal interlocuteur de ces messieurs de la radio, ne rn’ont pas tout dit. Je sais cependant que durant sept mois, trois supers cars-studio et leurs convois avaient parcouru plus de 30 000 km à travers la France, visitant six villes dans chaque département ;
la dernière de ces villes accueillant la finale qui devait désigner la meilleure famille rurale du département ».
– C’était donc le cas de Rougemont…
– Tout à fait, mais il faut dire que le Territoire de Belfort étant trop petit, seules trois villes avaient été retenues. Beaucourt et Giromagny le 8 mai et donc Rougemont pour la finale, le 9 mai.
– Je suppose que pour une telle manifestation, on vous avait quelque peu apprêtée…
– Oh ça oui ! Dès la veille, une équipe de gars était arrivée dans un gros camion et avait installé chez moi des gradins comme je n’en avais jamais vu. Je n’ai jamais vraiment su combien on pouvait loger de gens là dessus mais il n’y a qu’à regarder la photo du journal pour se rendre compte du nombre de places !
– Et les camions, ils étaient imposants eux-aussi ?
– Ne m’en parlez pas… Je me souviendrai toujours de l’arrivée du car-podium. C’était un immense camion qui s’ouvrait de tous les côtés. Il y avait dedans une cabine technique avec tous les appareils d’enregistrement, un bureau et un podium aussi grand que la scène du Cercle catholique ; c’est tout dire.
– Parlez nous maintenant de cette fameuse journée du 9 mai 1965.
– D’abord il faisait un temps maussade et pluvieux comme souvent au mois de mai, mais ça n’a pas trop perturbé les choses.
– Tout se passait l’après-midi ?
– Oui. Enfin presque. A 11 heures, juste après la messe, un présentateur du nom de Méningaud, Eric je crois, a donné le programme des réjouissances puis il a lancé le premier jeu destiné à la population du village. C’était le « Fil rouge », dont I’enjeu était un poste à transistors. Savez-vous qui était I’inventeur de ce jeu du Fil rouge?
– Non, mais vous allez me le dire…

– Guy Lux, le célèbre animateur d’lnter-Villes à la télé ! Le jeu était très simple, il fallait être le premier a avoir reconstitué le mot TRANSISTOR en recherchant les lettres qui le composent. Les consonnes se trouvaient chez divers commerçants et notamment chez Monnier le radioélectricien du village ; quant aux voyelles, elles étaient « perdues » à travers les rues de Rougemont.
– Vous souvenez-vous du vainqueur ?
– Bien sûr, c’était un gamin de Rougemont : Claude Frelin. D’ailleurs tenez, j’ai même sa photo quand Georges de Caunes et Eric Méningaud vérifient si toutes les lettres y sont…
– Quel souvenir ! Mais alors dites-moi, Georges de Caunes était là lui-aussi ?
– Oui. Mais attendez un peu, ne soyez pas si pressé, on y arrive ; avant qu’il entre en scène, il s’est passé plein de choses.
– Parce que la journée ne concernait pas que la finale de « la famille rurale » ?
– Mais non! Il y eut d’abord toute une animation faite de jeux pour tous et de spectacles.
– Quoi par exemple ?
– Parlons d’abord des spectacles. Je me souviens notamment des Wimmer’s.
– Les Wimmer’s ?
– Oui, c’était les jeunes Wimmer de Rougemont qui jouaient de la guitare. C’était de la musique « yé yé » comme on disait, de la musique de jeunes quoi ; mais ça créait une bonne ambiance. Ils interprétaient des morceaux de leur composition dont un s’appelait XYZ, c’est pour ça que je me rappelle du titre. Ils avaient aussi accompagné une chanteuse qui s’appelait Eva Lux. Je ne me souviens plus d’où elle venait mais le titre de sa chanson était « Dansons ».
– C’est tout pour la musique ?
––– Non. Dans un autre registre, il y avait aussi l’Harmonie municipale sous la baguette de son chef Jean Schindler. Hélas, c’est quand elle a commencé à jouer qu’il s’est mis à pleuvoir… Mais n’y voyez aucune malice de ma part quand je dis ça, au contraire. Les musiciens ont continué à jouer comme si de rien n’était et c’est la pluie qui s’est arrêtée la première…
– Vous souvenez-vous aussi des jeux qui s’adressaient aux spectateurs ?
– De quelques-uns oui. Il y avait des jeux musicaux où il fallait reconnaître des indicatifs d’émissions de la radio ou de la télé. Les airs étaient interprétés au piano par le pianiste-compositeur de I’ORTF, Alain Romans. Et puis il y avait des courses au trésor pour les enfants, le jeu du speaker, le jeu du reporter et aussi un jeu de mémoire visuelle réalisé avec les équipements de télévision des cars.
– Parce qu’il y avait aussi la télé?
– Oui, la finale de la famille rurale donnait lieu aussi à un reportage filmé diffusé aux actualités télévisées régionales. Je ne me souviens plus si les images furent retransmises par Strasbourg ou par Besançon, mais si c’est ce dernier cas, personne ici ne les  aura vues… Voilà. Mais il serait peut-être temps que je vous parle de la fameuse finale départementale.
– De « La famille rurale » donc…
– C’est ça. L’opération a débuté à 16 heures pile. Il y avait donc deux familles à cette finale: Mr et Mme Bressand avec leur fille, de Beaucourt et les Grevillot de Vescemont, Mr, Mme et un de leurs fils. La finale se déroulait en deux parties. Au cours de la première « mi-temps », les familles participaient à des jeux divers tels que « le chaud et froid » réservé aux mères et enfants, le gymkhana de tracteurs pour les pères seulement, le « est-ce possible? » pour toute la famille et le « tenez bon! ». Il faut que je vous parle un peu plus longuement de ce jeu-là. Pendant que les pères tenaient à bras tendus une bouteille de gaz au dessus de leur tête, les épouses devaient planter le plus de clous possibles dans une planche ou un billot, je ne sais plus. Quand les hommes lâchaient prise, les femmes arrêtaient aussitôt de clouer. On faisait alors les comptes, chaque clou planté valant un point. C’était un jeu de costauds !
Il y avait aussi « le film-mémoire » et le « enlevez, c’est pesé ». Celui-là était un bon jeu familial, le père devait deviner le poids d’un objet qui lui était présenté, la mère devait en indiquer le prix au kilo ou au mètre et I’enfant en calculer le prix d’achat. Et tout ça devant tout le monde et le plus vite possible ! La dernière épreuve de cette première partie était, si mes souvenirs sont bons, basée sur la chanson de Guy Lux et Pierre Perrin « Faut que je demande à Papa », mais je ne me…

(La suite dans : L’ORTF sur la place de Rougemont, par François Sellier, page 40)

Histoire d’une rénovation

L’église de Saint-Germain a été inaugurée le 13 juin 1869 pour remplacer une plus ancienne située dans Ie cimetière. Un tel bâtiment ne peut être maintenu en bon état que par des travaux d’entretien constant. Tout au long de ce siècle les différentes municipalités ont oeuvré pour le préserver. Cependant l’usure du temps et certaines négligences avaient fait que l’intérieur de cette église était bien dégradé ; les derniers travaux de peinture dataient de 1924. Depuis quelques années une rénovation était envisagée par le Conseil paroissial mais l’argent manquait. En 1993 la situation financière s’est améliorée grâce à des dons, à une souscription et aux subventions des communes (Bethonviiliers étant copropriétaire de ce bâtiment avec Saint-Germain). En septembre 1994 les travaux commencent, exécutés par I’entreprise Wurhlin de Bollwiller spécialisée dans la rénovation de tels édifices.
Rénover c’est aussi moderniser, mais il fallait d’abord conserver à cette église son identité telle que I’ont voulu ceux qui l’ont érigée. Pour mener à bien cette entreprise la commission paroissiale a fait appel à I’abbé Michel Barçon responsable interdiocésain de la commission d’art sacré. Il a été un précieux guide pour le choix des peintures et pour l’ornementation.
Pour mettre en valeur son architecture et redonner à la voûte d’entrée du choeur sa beauté d’origine, les deux statues ont été enlevées et installées dans les niches des anciens confessionnaux.
Bien qu’étant en mauvais état, les peintures et arabesques du plafond sous la tribune ont été conservées et restaurées par I’entreprise ainsi que les autels latéraux, la chaire et le batistère.
Depuis plus de vingt années l’orgue n’avait pas été utilisé. Grâce à la bonne volonté de quelques bénévoles il a été réparé et accordé. A nouveau, et contrairement à certains détracteurs, Ies belles orgues de Saint-Germain enchantent les mélomanes comme autrefois.
Le 25 juillet l’entreprise a terminé les travaux et le 6 août tout est remis en état pour la célébration des offices. Le dimanche 17 septembre a lieu l’inauguration avec trompette et orgue, puis historique de la rénovation par Bernard Groboillot, sens de la rénovation par Michel Barçon, messe concélébrée par monseigneur Lecrosnier, évêque de Belfort-Montbéliard, l’abbé Michel Barçon et Lucien Saillard, curé de la paroisse. En présence des élus locaux, conseiller général, maire et conseillers municipaux, devant une foule grande et recueillie.

Échos de Rougemont

Sur la montagne des Boulles

La consolidation des ruines du Vieux Château se poursuit. Une nouvelle tranche de travaux d’un montant de 120000 F a été réalisée en octobre-novembre. Le château retrouve progressivement sa « chemise » (mur d’enceinte) remontée dans toute son épaisseur sur une hauteur moyenne de 2,5 m. Le côté nord-est est terminé et le côté sud-est présente un nouveau parement sur plus de vingt cinq mètres. Le promeneur surpris n’en croit pas ses yeux ; cette pauvre ruine sans fierté reprend des airs de majesté. Comme I’année dernière l’entreprise d’insertion S.A.P.l.N. s’est chargée des travaux financés par I’Etat, la Région, le Département et la commune de Rougemont. Espérons que leurs contributions respectives seront renouvelées en 1996, ce qui permettrait de terminer le côté sud et tout l’avant-corps ouest.

À la Sainte-Catherine

Après avoir terminé la consolidation de la maison des moines située derrière la chapelle actuelle, l’équipe du Foyer Rural de Rougemont a remis en valeur les vestiges de la deuxième chapelle construite vers 1650. Cette rénovation sera terminée pour l’été prochain.

Grand merci à la SARL Michel Girod qui, comme chaque année, nous a apporté son précieux concours en acheminant sur ces deux sites sable, ciment et chaux, chaque fois que nous en avions besoin.

Monument des démineurs

Le 2 septembre dernier, au sommet du Ballon d’Alsace, le Service de Déminage a fêté son 50ème anniversaire. Créé le 21 février au sein du Ministère de la Reconstruction et de I’Urbanisme, le Service a la charge d’éliminer les engins de guerre en les rendant inoffensifs.

On estime qu’un centième du sol national était « infesté » de millions d’engins de plusieurs nationalité et de constructions diverses. De 1945 à 1985, les opérations de déminage portent sur 650 000 bombes, 13 500 000 mines et 23 000 000 d’obus et engins divers. En quarante ans, 596 démineurs français et 1700 prisonniers allemands laissèrent Ieur vies dans I’accomplissement de cette gigantesque tâche. De 1945 à 1947, période de déminage intensif, 500 Français furent tués. Dans ces conditions il était naturel que très tôt I’idée d’élever un monument du souvenir soit lancée.
Le site du Ballon d’Alsace est bien choisi, en raison du cadre, bien sûr, mais aussi parce que nous sommes dans une région particulièrement concernée par les opérations de  déminage.
Un comité d’organisation, présidé par M.Colson, un démineur d’Epinal, est chargé de mettre sur pied le projet. Il trouve les fonds nécessaires auprès du public et des collectivités locales, le département du Haut-Rhin, par exemple, attribue une subvention de 500 000 F,  celui du Territoire de Belfort 200000 F. Le soin d’aménager I’espace est confié à I’architecte
Dexhler et le sculpteur Rivière réalise le monument proprement dit. Il exécute l’oeuvre forte et spectaculaire que nous connaissons (elle a été entièrement rénovée en 1993-1994). Trois aiguilles de béton figurent l’explosion d’un engin qui projette dans l’espace le corps un démineur.
Le dimanche 6 juillet 1952 le monument est inauguré solennellement en présence d’un grand concours de peuple. La cérémonie est présidée par M. Claudius Petit, ministre de la Reconstruction. Les autorités civiles, militaires et religieuses des départements voisins sont présentes. Mais le caractère imposant de la manifestation vient surtout de la présence de plusieurs milliers de personnes, démineurs, familles de victimes, mutilés, et de très nombreux habitants de toute la région « montés » au Ballon par cars entiers.
La cérémonie débute à 10h45, à l’arrivée du ministre, par une allocution de M. Colson qui retrace l’histoire, récente, mais dramatique du déminage et les efforts du Comité pour la réalisation du monument. Après la sonnerie aux morts et une minute de silence, M. Claudius Petit, entouré de deux jeunes orphelines, dévoile le monument et prononce un discours. Il souligne notamment que « Ce monument dressé dans le ciel, à la limite de trois départements l’est aussi aux frontières d’une Europe qui doit se forger patiemment, avec audace, en dominant les ressentiments qu’on a le droit d’avoir si l’on songe au passé, mais qu’on n’a pas le droit d’entretenir en songeant à l’avenir.  » Puis le révérend père Gevin de Nancy bénit le monument et récite le Pater Noster, repris par la foule, des prières protestantes étant dites par le pasteur Baumgartner de Remiremont.
Pour clore la cérémonie, plusieurs sections du 41ème Régiment d’artillerie de Belfort défilent devant le ministre et les officiels.
La matinée s’achève, comme il se doit, par un grand banquet donné à la colonie des P.T.T. de Malvaux et présidé par M. Claudius Petit.

Philippe Dattler

Note : Le déminage dans le pays sous-vosgien a déjà été abordé dans un petit article : Anjoutey rend hornmage à un démineur, paru dans La Vôge n » 3.

Une époque formidable

Un testament alcoolisé

Anecdote relevée dans le journal de Belfort du dimanche 24 février 1895 :

Belfort. « Un habitant de notre ville qui vient de mourir, laisse des volontés dernières marquées d’une singulière originalité.
Il veut que son corps repose dans un triple cercueil dont il a donné la composition et les dimensions : une caisse en chêne enveloppée d’un cercueil en plomb puis, entouré d’un autre en zinc. On devra ménager sur le couvercle un orifice avec un tube terminé extérieurement en entonnoir.
Le convoi funèbre sera suivi d’une voiture portant un hectolitre de bon alcool. Arrivé au Champ du repos et lorsque le cercueil sera descendu dans la fosse on fera passer la contenance du tonneau dans le cercueil afin de conserver intacte la dépouille du mort.  L’enterrement du défunt Mr Louis H. a eu lieu cet après-midi à deux heures et les dispositions indiquées ci-dessus ont effectivement remplies. Un fut d’alcool avait été amené au cimetière et le liquide a été introduit dans le cercueil après sa descente dans le caveau. »

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