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Édito

CINQ ANS, DIX NUMÉOS

Avec ce numéro, La Vôge fête son cinquième anniversaire. Au printemps 1988, la toute jeune Association pour l’Histoire et le Patrimoine Sous-Vosgiens, osait, non sans appréhension, éditer La Vôge.
Le pari était d’éditer, deux fois l’an, une revue de bonne facture, abondamment illustrée, à un prix abordable et qui présenterait aux lecteurs les multiples aspects de l’histoire et du patrimoine local. Manifestement nos objectifs n’étaient pas utopiques, puisque cinq ans plus tard, La Vôge poursuit son bonhomme de chemin. Les réactions, les encouragements, les critiques aussi, n’ont fait que confirmer nos choix en nous stimulant. La fidélité de nos lecteurs ne s’est pas démentie; elle conditionne bien sùr la vie du magazine.
Pour son anniversaire La Vôge publie un numéro exceptionnel entièrement consacré aux harmonies et fanfares du pays sous-vosgien. Aux frontières de la musique, des traditions populaires et de l’histoire industrielle (toutes les fanfares sont crées par des industriels du textile) ce thème symbolise bien, croyons-nous, la revue et ses objectifs. La Rédaction de La Vôge vous souhaite une bonne et agréable lecture.

 

Table des matières

Les Fanfares sous-vosgiennes

François LIEBELIN

2  

Il y a 100 ans !

François SELLIER

30  

MAGAZINE

 

 

Rencontre à Felon…

François SELLIER

34  

Guerre des ballons, ballons de guerre

François SELLIER

36  

Le patrimoine minier d’Auxelles

Bernard MARCONOT

37  

Poèmes

Guy MICLO

38  

On tourne… à la forge d’Étueffont

François SELLIER

39  

Les Fanfares sous-vosgiennes

La zone sous-vosgienne avait connu à la fin du XVIe siècle un premier « boom » industriel avec l’exploitation rationnelle des filons polymétalliques du massif du Ballon d’Alsace. En 1791, lorsque les mines sont nationalisées, cette industrie était déjà moribonde. Une partie de la population avait assuré sa reconversion en s’orientant vers l’agriculture de montagne, l’artisanat ou le tissage à bras occupant une main d’oeuvre saisonnière.
Entre 1810 et 1860, le relais est pris par de véritables industriels du textile qui implantent filatures et tissages mécaniques là où l’énergie hydraulique peut être utilisée. Mais le second boom industriel n’intervient qu’après la guerre de 1870. Les capitalistes alsaciens de la région mulhousienne prennent, alors leurs dispositions pour s’assurer de nouveaux débouchés en France ; débouchés compromis en raison de la barrière douanière établie entre l’Alsace et la clientèle française. Les firmes alsaciennes venant s’installer à Belfort, Valdoie, Etueffont, Rougegoutte etc… drainent avec elles une population parlant dialecte. Il faut d’abord parer au plus pressé par la construction de nouveaux groupes scolaires destinés à faciliter l’intégration.
Enfin, dans le but d’assurer de « sains loisirs » aux laborieuses populations ouvrières, de nombreux industriels, conscients de leurs responsabilités dans le domaine socio-culturel vont favoriser la création de coopératives ouvrières, de cercles littéraires, de chorales, de groupes théâtraux et surtout de fanfares.

La création d’une fanfare

Dans un article paru le 12 décembre 1877 dans le Journal de Belfort, Antoine Nusbaumer, critique musical belfortain, décrit ainsi la création, alors très en vogue, des fanfares :
« … dans un voyage à la ville on a entendu un bel orchestre militaire ou civil. Cette audition inspire de nouveaux désirs et l’on se demande si l’on ne pourrait pas créer, avec des éléments de la société chorale ou des éléments nouveaux, une société instrumentale.
Cette création ne présente guère d’autre difficulté matérielle que celle qui résulte de la dépense pour l’achat des instruments. Mais, comme pour la première (chorale), elle peut se circonscrire rigoureusement entre quatre exécutants, qui prendraient respectivement un instrument chantant ; clarinette ou cornet à pistons, un alto, un baryton et une basse : on aurait ainsi le quatuor instrumental. Plus tard, si l’on recrute de nouveaux membres, on s’efforcerait tout d’abord de doubler chaque partie, puis de faire deux parties de pistons ou de clarinettes ; avant de songer à s’adjoindre des instruments nouveaux… »

Rougemont : de l’union musicale à l’harmonie en passant par la lyre républicaine

En 1842, Victor Joseph Ehrard, de Masevaux, construit un tissage mécanique à l’emplacement de l’ancien moulin de Rougemont. Son usine regroupe bientôt 250 métiers à tisser. Les affaires prospérant, il achète à Masevaux, en 1859, le haut fourneau du duc de Broglie, le démolit entièrement, et bâtit une filature de 12 000 broches qui va travailler pour le tissage de Rougemont. Le 11 mars 1870, Gaston Ehrard, fils de l’industriel, dépose en préfecture une demande d’autorisation de société musicale et chorale baptisée « Chorale de Masevaux » dont il venait d’être nommé président, la direction étant assurée par Charles Graff de Masevaux. Forte de quarante quatre choristes, cette éphémère société s’apprêtait à participer au grand festival de musique de Mulhouse programmé pour les 27-28 et 29 août 1870. La guerre allait en décider autrement. Après la défaite, la firme Ehrard possède un atout majeur sur les autres industriels alsaciens: elle a déjà « un pied » sur le sol français. Très vite l’usine de Rougemont va s’agrandir, une partie de la main d’oeuvre provient tout naturellement de Masevaux. Le paternalisme de l’industriel Ehrard se traduit, une fois encore, par la fondation et la prise en charge d’une nouvelle société musicale à Rougemont ; la toute première créée dans la zone sous-vosgienne.

Gaston Ehrard, de surcroît maire de Rougemont, s’est auparavant assuré la collaboration d’un musicien chevronné, Jacques Zurlinden, originaire de Masevaux. Ancien musicien du 1er régiment de zouaves, il avait opté pour la France et était venu résider à Rougemont après la défaite. Cette fanfare d’usine, baptisée « Union Musicale de Rougemont », dépose ses statuts le 21 mai 1875. ils sont calqués sur des statuts-types proposés par la préfecture mais, pour une raison inconnue, l’article trois limite à vingt cinq le nombre d’instrumentistes. Il fallait également se faire parrainer pour être admis sur les rangs et payer son inscription. L’absentéisme était sanctionné par des amendes et pouvait aller jusqu’à l’exclusion. Les répétitions avaient lieu deux fois par semaine, le mercredi et le samedi, de 20 à 22 heures dans une salle de classe de la nouvelle maison commune construite en 1873. L’histoire n’a pas conservé la date de la première prestation publique de cette société à Rougemont. Par contre, nous la trouvons présente au festival de Belfort du 19 août 1876, festival qui regroupe 39 harmonies et chorales. Chaque société doit montrer son savoir-faire à travers l’exécution d’un seul morceau. L’Union Musicale présente « La Polonaise ».
Quelques jours plus tard, la presse commente ainsi la prestation de la fanfare : « …a fait preuve de bonne direction et de bon ensemble, quoique il y eut parfois quelques sons qui pêchaient par défaut de justesse… » Après trois années d’existence, l’enthousiasme aidant, la société s’agrandit : l’effectif est porté à vingt huit musiciens. Omniprésente à toutes, ou presque toutes, les manifestations patriotiques ou religieuses de la cité frontalière, elle a néanmoins peu de contacts avec l’extérieur et reste la grande absente des concours musicaux de 1882-1885-1886 et 1888.
La politique entrant en jeu, une société rivale « La Lyre Républicaine » fondée par Monsieur Winckler, autre industriel du textile à Rougemont, trouble quelque peu la quiétude de la fanfare Ehrard. Celle-ci, afin de surpasser la Lyre, refond partiellement ses statuts en 1887 et augmente le nombre des musiciens à quarante. Le problème posé par la salle de répétitions reste la pierre d’achoppement. Jusqu’alors, comme nous l’avons déjà écrit, l’Union Musicale disposait à titre gracieux d’une salle de classe, mais face aux récriminations de la société concurrente, le maire, président de la fanfare, se voit dans l’obligation de trouver un autre local propre à sa société.
Les frictions entre les deux musiques font désormais partie du folklore local. Chacune trouve son créneau, l’Union Musicale joue aux processions de la Fête-Dieu et du 15 août, la Lyre est présente à toutes les manifestations républicaines et civiles. On vit même au cours d’un certain défilé du 14 juillet les musiciens des deux sociétés poser les instruments et se huer copieusement. Avec les années, les querelles s’estompèrent et au festival d’avril 1894 à Delle les deux sociétés se distinguèrent par leur bonne tenue réciproque. Peu de temps après d’ailleurs, la Lyre, lâchée financièrement par son président, disparut. Quelques musiciens rallièrent alors la fanfare Ehrard, laquelle, apprend-on, progressa alors en « qualité comme en quantité » puisque l’effectif fut porté à quarante cinq musiciens.
Elle put enfin, au concours de Vesoul du 27 juin 1897, se mesurer aux sociétés voisines d’Etueffont, Lepuix et Valdoie et obtint un classement honorable en troisième division, deuxième section. Quelques années plus tard, saxophones et clarinettes viennent étoffer son registre et permettent sa transformation en musique d’harmonie. Continuant sur sa lancée, elle peut affronter en 1908 le difficile concours international de Belfort. Classée en catégorie « Harmonie-3ème division- 1ère section », elle obtient un 1er prix de lecture à vue.
Au début de l’année 1910, Jules Zurlinden, libéré du service militaire et ancien musicien de l’école d’artillerie de Besançon, reprend le flambeau. Digne successeur de son père pour ses compétences musicales, il sait amorcer une ouverture sur l’extérieur en organisant des rencontres musicales avec les autres fanfares sous-vosgiennes. Ainsi, le 14 août 1910, la Presse locale fait en ces termes l’éloge de la société à la suite d’une sortie effectuée à Giromagny :
« Dimanche matin, faubourg d’Alsace, aux sons joyeux de ses accords, notre fanfare municipale souhaitait la bienvenue à I’Union Musicale de Rougemont le Château. Faisant cortège, les deux sociétés défilèrent à travers les rues de la ville. A l’hôtel de ville, Mr Paul Warnod, maire, entouré de son conseil municipal, salua MM Ehrard père et fils qui accompagnaient les musiciens. Un vin d’honneur fut offert à nos hôtes, puis, à l’hôtel du Soleil, un amical banquet les réunit. A 3h sur la Grande Place, la musique de Rougemont donna un beau concert, une foule nombreuse applaudit à la science et au talent des exécutants. Vers 6 heures, il fallut se quitter. Les Rougemontois partirent, invitant la fanfare de Giromagny à aller leur rendre visite, tous emportent le meilleur souvenir de cette excellente journée… »

Programme du concert donné à Giromagny par l’Harmonie des Usines Erhard – 14 août 1910 :

  • Hocher Peter – allegro.
  • Poète et paysan – ouverture – de Suppé
  • Les cloches de Corneville
  • fantaisie
  • de Flanquette.
  • Le Boccados – polka pour pistons – de Tourneur.
  • Faust – sélection – de Gounod.
  • Frères joyeux – de Wildstedt.

Le Chef : J. Zurlinden

Depuis la fondation de la société, on fêtait en musique, tôt le matin, le 1er janvier. Le cortège, formé par les conscrits, parcourait les rues. On donnait en priorité l’aubade au président dans le parc du château, puis on allait jusqu’à Saint- Nicolas chez le député Emile Keller, jusqu’au moment ou celui-ci, mécontent des électeurs de Rougemont, interdit aux musiciens de venir jouer chez lui.
Comme toutes les autres sociétés, la fanfare, alors à son apogée, dut interrompre ses activités pendant la Grande Guerre, pour ne les reprendre qu’en 1920 avec un effectif réduit à une trentaine de musiciens, plusieurs étant tombés au champ d’honneur et d’autres décédés durant le conflit. De nombreux instruments manquaient; ils avaient dû être cédés à l’armée durant la guerre. Le 12 juillet 1925, elle accueille, à Rougemont, son homologue l’Harmonie de la Société Alsacienne de Construction Mécanique (actuellement Harmonie Alsthom).
C’est une fête bien sympathique où les musiciens des deux sociétés fraternisent. L’année suivante, le 18 juillet 1926, l’harmonie Ehrard participe au concours régional de chant et musique organisé à Masevaux. Classée pour la circonstance en Groupe B – 1ère Division, elle se voit décerner un prix d’excellence pour sa magnifique prestation.
L’ Entre-deux-guerres est véritablement l’âge d’or de l’harmonie. Aucun souci financier non plus puisque des subventions sont allouées trimestriellement par le président et son fils, Victor Ehrard. Par contre, chaque nouveau musicien, en vertu des statuts qui n’ont jamais été modifiés, doit verser son obole d’entrée à la société, soit trois francs. Le curé lui-même, pour s’assurer le concours de la musique à l’occasion des fêtes de Pâques, Jeanne d’Arc, Fête-Dieu etc… verse sa quote-part annuelle. Il est même des coutumes qui ont perdurées jusqu’à la disparition des établissements Ehrard ; l’achat d’un bouquet ou d’une gerbe pour commémorer la Saint Victor.
Après le second conflit mondial, la reprise est difficile malgré la bonne volonté du chef, Jules Zurlinden, toujours fidèle au poste. Les années continuent à passer et, en 1950, l’état de santé du directeur ne lui permet plus de s’occuper activement de la société, laquelle s’en ressent, et tombe tant soit peu en sommeil. En 1952, devant cet état de choses, le président Mr de Maillard, qui a succédé à Mr Ehrard, demande à Louis Chaiffre, ancien musicien de l’école d’artillerie de Vincennes, de bien vouloir regrouper les musiciens et de prendre la baguette pour redonner un peu de vie à la société chancelante. Tout d’abord, apprend-on, Louis Chaiffre se déroba, craignant de causer de la peine à Jules Zurlinden qui avait dirigé l’harmonie pendant quarante deux ans. Mais sur l’insistance de Mr de Maillard il dut finalement accepter de reprendre le flambeau.

La municipalisation – 1958

En 1958, à la suite de la cessation des activités du tissage mécanique, mais aussi du décès du président, la situation frisait la catastrophe. C’est alors que Louis Chaiffre demanda au docteur Robert, à ce moment, maire de la commune, de bien vouloir accepter la présidence de la société qui devenait « Harmonie Municipale ». En 1962, Louis Chaiffre, déjà d’un certain âge, estime que le moment est venu de procéder au rajeunissement des cadres. Il passe la baguette à Jean Schindler, musicien émérite, qui, pendant plus d’une décennie donnera une nouvelle impulsion à la société. A l’automne 1971, une journée musicale organisée à Rougemont regroupe plusieurs sociétés dont celle de Giromagny. En 1975, malgré quelques nouvelles difficultés, l’Harmonie célèbre son centième anniversaire.
L’année suivante, au départ de Jean Schindler, l’intérim est assuré par Maurice Choffin puis la baguette reprise par un jeune bassiste talentueux, Jean-Jacques Guillemin. Mais sa gentillesse et son savoir faire ne suffirent pas à remettre sur les rails cette vieille dame fatiguée. Un « absentéisme » aigu oblige Jean-Jacques, désabusé, à abandonner la direction en novembre 1979.
C’est alors que le maire Côme Petitjean, président de l’Harmonie, avec l’aide du trésorier, Fernand Gamba, se mit à la recherche d’un nouveau chef, qui fut trouvé en la personne de Yves Bailly, professeur de clarinette au conservatoire de Belfort. Celui-ci sut très vite s’imposer et reconstituer un noyau d’exécutants auquel, au fil des années, il put adjoindre des jeunes formés au sein de son école de musique. Après six années de direction à Rougemont, il rend à son tour la baguette car il est appelé à d’autres destinées au conservatoire de Toulouse. Le relais est pris par un autre professeur du conservatoire de Belfort, Patrick André, qui ne fit que passer. Il dirigea, en tout et pour tout, le concert du cent dixième anniversaire auquel participèrent les harmonies de Danjoutin et Giromagny. La doyenne des sociétés de Rougemont allait-elle se trouver à nouveau dans une impasse ?
C’était sans compter sur les musiciens pour qui le traumatisme des changements successifs de chefs avaient engendré une sérieuse prise de conscience. Cette fois, la baguette fut donnée à un musicien discret autant que méritant, Bernard Fillion. ll sut très vite s’assurer la sympathie de tous et amorcer le jumelage avec l’harmonie de Kirchberg dirigée par Georges Stempfel. Depuis le décès prématuré de Bernard Fillion survenu en 1989, Georges Stempfel dirige les deux harmonies qui, désormais regroupées, ne forment en réalité qu’une seule et même société où l’esprit de camaraderie et de convivialité sont des atouts non négligeables pour envisager l’avenir.

La lyre républicaine

En 1862-1863, Joseph Winckler originaire de Bollwiller faisait édifier un tissage mécanique à Rougemont, sur la rive gauche de la Saint-Nicolas, presque au centre de l’agglomération. Cette usine occupe 115 ouvriers en 1870 à la veille de la guerre.
Spécialisé dans les calicots renforcés en tous genres, dans les fabrications pour la chemiserie et la lingerie fine, l’établissement de Rougemont reçoit une médaille d’argent à l’exposition universelle de 1878 à Paris. Le patron, Joseph Winckler se voulait proche de l’ouvrier en pratiquant une politique diamétralement opposée à celle, conservatrice, de l’autre industriel rougemontois, le maire G. Ehrard. Il est donc naturel que cette émulation, ou plutôt cette rivalité, se soit manifestée aussi au niveau des activités culturelles et musicales.
En 1885, J. Winckler crée à Rougemont pour son personnel une société de musique baptisée « La Lyre Républicaine ». Les statuts comprennent seulement huit articles ; ils sont approuvés le 31 décembre. Deux sociétés de musique pour une petite ville d’un peu moins de deux mille habitants, c’était beaucoup. Nous ne savons rien des débuts musicaux de La Lyre. Elle inquiète semble-t-il sa rivale car le 14 mai 1887 la fanfare Ehrard refond partiellement ses statuts et porte le nombre de ses musiciens à quarante pour surpasser La Lyre.
Le 28 juillet de cette même année 1887,le journal républicain « La Frontière » commente dans ses colonnes une agression dont fut victime La Lyre, agression orchestrée par des musiciens rivaux à l’occasion du 14 juillet. Cette fanfare gênait les âmes bien pensantes, c’était une musique « sans Dieu », celle des « rouges », celle qui n’entrait pas à l’église, qui ne connaissait que La Marseillaise, les banquets républicains, le 14 juillet… Une seule fois, à l’occasion du festival de Delle en mai 1894, elle parut dans le même défilé avec sa rivale l’Union Musicale Erhard, encore que l’une était devant et l’autre loin derrière.Très vite, faute de moyens financiers et de soutien dans la population, la fanfare mal-aimée sombra dans l’oubli. Quelques musiciens ne voulurent pas décrocher et passèrent à « l’ennemi » en allant grossir les rangs de l’Union Musicale.

La fanfare de Giromagny

Au cours de la seconde moitié du XIXème siècle le bourg de Giromagny subit un accroissement démographique dû, essentiellement, à l’essor industriel apporté par les tissages et filatures Boigeol-Japy puis Boigeol-Warnod. Dans le but d’assurer des loisirs à la population ouvrière, l’industriel et maire de Giromagny, Ferdinand-André Boigeol, crée vers 1865 un « Cercle populaire et littéraire ». Ce cercle sera l’embryon de la future société musicale. Arrive le funeste conflit de 1870-1871 qui va reléguer, pour un temps, les activités culturelles au second plan. Il faudra attendre 1875 pour qu’une poignée d’amateurs de musique instrumentale ambitionne de fonder une société de musique à Giromagny ; société baptisée pompeusement Fanfare de Giromagny. Le 1er janvier 1876, un comité provisoire composé de MM. Auguste Gillet, Beaume, Breuillot, Alfred Dupont, Lemeur, Elie Bloch etc, élabore les statuts de la nouvelle formation en prenant la sage précaution de s’assurer la collaboration de trois musiciens chevronnés : Jean-Baptiste Farouelle, ancien musicien de l’infanterie de marine, Joseph Lhomme, violoniste amateur, flûtiste et pianiste, plus spécialement chargé des cours de solfège et Alfred Dupont, le plus jeune des trois, qui se voit attribuer la lourde responsabilité de chef-directeur.

Le 25 mai 1876, jour de l’Ascension, la petite fanfare, composée seulement d’une quinzaine d’exécutants, peut se produire en public pour la première fois devant l’hôtel de ville de Giromagny. Un chroniqueur belfortain, relatant l’évènement dans la presse locale, précise que tous les musiciens ont dû se procurer, à leur frais, les instruments. Un mois plus tard, le 19 août 1876, nous la retrouvons présente au festival de musique de Belfort, à côté de la toute jeune fanfare de l’Union musicale de Rougemont le Château.
L’euphorie passée, un bilan s’impose. L’enthousiasme ne fut en effet qu’un feu de paille, les bonnes volontés et les moyens financiers manquent. Le chef Alfred Dupont, désabusé, démissionne et la société, sans directeur et ressources suffisantes, est contrainte, la mort dans l’âme, de se dissoudre début 1879.
C’est alors qu’intervient la toute jeune firme Boigeol-Warnod créée le 1er janvier 1877. Depuis cette date, propriétaire à part entière des anciens établissements Boigeol-Japy à Giromagny, elle confie à son directeur de tissage, J. Bicking, le soin de transiger avec la municipalité pour la réorganisation de la défunte fanfare. Dans une longue missive adressée le 19 août 1879 à Charles Boigeol, maire de Giromagny et patron d’une usine textile concurrente, J. Bicking expose ses intentions. La société musicale de Giromagny peut être réorganisée à la condition expresse que la commune lui alloue une subvention importante pour l’achat de gros instruments tels basses, contrebasses, trombones… et une subvention annuelle, auquel cas la société prendra désormais le titre de Fanfare municipale de Giromagny.
Le 30 août, la municipalité avoue qu’elle ne peut prendre en charge la fanfare. Elle consent seulement à lui allouer 200 francs sur les 600 demandés. J. Bicking qui, parallèlement, vient de créer une compagnie de sapeurs-pompiers à Giromagny, lui annexe donc la société musicale qui sera baptisée Fanfare des Sapeurs-Pompiers. La baguette est confiée à Joseph Lhomme, l’un des membres fondateurs.
En 1880, pour la première fois, le 14 juillet devient Fête nationale. A Giromagny il est fêté dignement, avec retraite aux flambeaux, concert et bal gratuits, le tout organisé par la nouvelle Fanfare des Sapeurs-Pompiers. Hélas, très vite des problèmes financiers vont limiter les ambitions de la société.

Municipalisation de la fanfare – 1881

Le 16 février 1881 ont lieu les élections municipales. Louis Boigeol est élu maire à la place de son frère Charles. Ainsi le patron des Tissages de Giromagny sortait vainqueur. Joseph Lhomme, le directeur de la Fanfare, entrait également au conseil. Son premier souci est de réitérer la demande de 1879 et d’exposer les avantages, pour la ville de Giromagny, de posséder enfin une fanfare municipale qui rehausserait de sa présence toutes les fêtes civiques. ll saura si bien convaincre que la municipalisation de la société sera faite à la veille du 14 juillet 1881. Pour des raisons d’ordre familial Joseph Lhomme démissionne l’année suivante de sa place de chef. La société n’est pourtant pas abandonnée à son triste sort. En effet, depuis quelques temps déjà, des tractations avaient lieu avec un musicien professionnel, Alexandre Courtés, professeur de musique à Belfort et directeur de la Lyre Belfortaine depuis 1880. Par suite du traitement modique que lui allouait la ville il cherchait à quitter la société belfortaine. ll accepta donc la place qu’on lui proposait à Giromagny et entra en fonction en mai 1882.
Grâce au dynamisme de son nouveau directeur, la fanfare municipale est à même de donner le 15 juillet, en soirée, son premier « grand spectacle ». Le succès est inespéré, aussi, la fanfare se prépare-t-elle avec sérénité à affronter le concours de Chaumont fixé au dimanche 30 juillet. Le samedi 26 octobre, continuant sur sa lancée, elle offre un deuxième concert à ses membres honoraires et aux familles des musiciens.
L’année suivante, nous la retrouvons au concours de Besançon en catégorie 3ème Division- 2ème Section. Dés 1885, elle se dote d’une gamme complète de saxophones (altos, ténors, barytons). Le concours de Dijon du 29 mai 1886 marque l’apogée de la société. En effet, inscrite en 2ème Division-1ère Section, elle remporte un premier prix de soli et un deuxième prix de lecture à vue. Hélas, Alexandre Courtés, ce chef prestigieux, mal récompensé de ses efforts, se fatigue vite et, en septembre 1886, lorsqu’on lui propose à Belfort la direction de la Fanfare des Usines, il s’empresse d’acquiescer. Louis Boigeol, président et maire de Giromagny, a alors la chance de pouvoir recruter en la personne de Léon Jeannenot, un jeune directeur muni de sérieuses références musicales. Mais la politique entrant en jeu, les relations entre la municipalité et la fanfare se dégradent. L. Jeannenot s’attache cependant à maintenir la société à un niveau fort honorable puisqu’au concours de Belfort de 1888, inscrite en 2ème Division- 2ème Section, la fanfare obtient encore un 1er prix de soli et un 1er prix d’exécution. Les beaux jours de la société étaient pourtant comptés. Trois plus tard, en février 1891 , elle est, à la suite d’un nouveau conflit survenu entre ses membres au cours d’un banquet politique, dissoute brutalement.
En raison des services qu’il avait rendus à la société en tant que chef et professeur de solfège, la municipalité eut recours à Joseph Lhomme, devenu premier-adjoint en 1883. Malgré son âge il accepta, par amour de la musique, de former de nouveaux instrumentistes, mais proposa pour nouveau directeur Jules Viron son filleul. J. Viron avait vu le jour à Giromagny en 1866 et était premier piston de la fanfare. Son service militaire effectué à la musique du 161ème régiment d’infanterie lui avait permis d’accéder à la fonction de tambour-major. Si la reconstruction de la société est effective dès avril 1893 tout, néanmoins, est à refaire, les meilleurs musiciens n’ayant pas repris leur place au pupitre. Il faudra attendre 1908 pour voir à nouveau cette musique inscrite à un concours mais cette fois en 3ème Division- 3ème Section. Néanmoins le chef Viron saura agir avec tact et doigté. C’est lui qui, à partir de 1902, introduira les clarinettes puis les flûtes, transformant ainsi la fanfare en musique d’harmonie. C’est chose faite en 1906, année où la société prend le nom d’Harmonie Municipale de Giromagny. Désorganisée en août 1914, elle reste muette six années durant. Vingt et un musiciens seulement sont présents à la reprise lors de la première commémoration de l’armistice le 11 novembre 1920. Les années passent et au cours de l’assemblée générale du 17 avril 1930, Jules Viron, en raison de sa santé précaire donne sa démission. Il a, rappelons le, dirigé l’Harmonie pendant trente sept années. Il était connu pour être un chef qu’on ne « discutait pas », au physique de tambour-major, imposant par sa prestance autant que par son autorité.
C’est Joseph Glangine, premier clarinette, sous-chef de l’Harmonie, qui désormais présidera aux destinées de la société. Le « père Glangine » comme chacun l’appelait, était réputé pour son franc parler. D’aspect débonnaire, il sut pourtant diriger lui aussi l’harmonie d’une main de maître. Malheureusement, la crise de l’industrie et particulièrement du textile qui sévit à Giromagny à partir de 1931, rend bien précaire la vie de la société qui va végéter jusqu’au conflit de 1940. Après une longue interruption, la reprise est difficile en 1946. Le 12 janvier 1948, Jean Boigeol, le nouveau maire de Giromagny, devient président de l’Harmonie. Il fera tout pour aider financièrement la société, lui prodiguera ses conseils et saura remonter le moral de la « troupe » lorsqu’il était au plus bas. Sous sa présidence, de 1948 à 1972, se succèderont six chefs de musiques. Avec J. Glangine, l’Harmonie affronte le 21 juillet 1948 le concours d’Epinal d’où elle revient avec une distinction supplémentaire. En 1951 elle participe, avec un effectif partiellement renouvelé, au grand festival de Belfort. Un mois plus tard, lors du défilé du 13 juillet, le chef est surpris par un malaise et décède le 23 juillet.
Maurice Demenus, jeune clarinettiste talentueux, assure la relève pour une période très courte et dès septembre 1952, Emile Perrod, l’ancien sous-chef d’avant guerre, prend la baguette qu’il garde jusqu’en 1957. La direction est alors confiée à Etienne Izing, ancien tambour-major au 35ème R.I. de Belfort. Celui-ci s’attachera d’abord à créer des cours de solfège gratuits. Ce chef dynamique dotera l’Harmonie d’une batterie-fanfare imposante et sera à l’origine de la présence de nombreux éléments féminins tant au pupitre des clarinettes qu’à celui des saxophones. Malheureusement, pour des raisons professionnelles, il doit quitter Giromagny en 1964 et Jean Boigeol, le président, lui trouvera un remplaçant en la personne de Maurice Jovène, ancien professionnel à Paris et trompettiste de la Lyre Belfortaine. M. Jovène, ami de Mr Ciapolino, directeur de la Lyre Belfortaine et du conservatoire, s’efforcera d’ouvrir celui-ci aux élèves de l’école de solfège qu’il reconstitua à Giromagny. Il bénéficia pour ces cours de la compétence d’un musicien chevronné, Jean Hély. M. Jovène ne parvient pas à se faire adopter par les musiciens quelque peu indisciplinés. Désabusé, il donna sa démission et dissout la société au cours d’une répétition d’octobre 1965. C’est une nouvelle fois à Jean Boigeol qu’incombe le soin de trouver un autre chef, qu’il choisira en la personne de Jean Hély qui remplissait depuis 1955 la difficile tâche de trésorier et secondait depuis quelques temps déjà le chef Jovène. La société ne comptait plus que quatorze musiciens en 1966. Il fallut beaucoup de patience et d’assiduité à ceux qui restaient pour tenir en attendant la relève. La création d’une nouvelle école de solfège animée par le chef et son frère Michel Hély apporta un sang neuf à l’harmonie. Un premier concert de gala put avoir lieu en 1969 et depuis, la société n’a pas démérité.
En 1971, Jean Singer devenait maire. Il allait présider aux destinées de la société pendant trois mandats. Il sut toujours se montrer disponible, attentif et patient, l’harmonie lui doit beaucoup. C’est sous sa présidence, en 1981, que la société commémora avec beaucoup d’éclat le centenaire de sa municipalisation. Moment émouvant où pour la première fois depuis leur création furent rassemblées à Giromagny toutes les fanfares nées de l’industrie: les Harmonies Peugeot et Alsthom, les Musiques de Rougemont et Valdoie. L’année 1989 fut celle des grands changements. Les élections municipales gagnées par Roland Mozer, lui apportent la présidence de l’Harmonie; le chef Jean Hély accède à la place de premier-adjoint pour peu de temps puisqu’ après une courte mais douloureuse maladie, il décède le 17 novembre 1989. Durant vingt quatre années de direction, ce chef s’est dévoué sans compter pour cette musique qu’il aimait et qui fut toute sa vie.
C’est son frère cadet, Michel, alors sous-chef, qui depuis 1990 a repris, à la satisfaction de tous, la baguette. Il est secondé depuis par Pascal, fils de l’ancien directeur. Cette Harmonie qui a considérablement rajeuni ses rangs, s’est orientée vers un répertoire résolument moderne.

Fanfare Hartmann – société musicale de Rougegoutte

Le 12 février 1875, les sieurs Haftmann et fils, manufacturiers à Munster en Alsace, désireux de conserver leur clientèle française, profitent de l’opportunité offerte par la vente du Moulin du Bas de Rougegoutte pour racheter le site ainsi que les droits d’eau. Dès l’année suivante ils édifient un tissage mécanique qui très vite prospère. La firme Hartmann, spécialisée dans les étoffes de qualité, amène d’Alsace une partie de la main d’oeuvre nécessaire à la bonne marche du nouveau tissage. Le directeur-gérant, Alfred Koch, s’investit très vite dans la vie locale et, pour occuper les loisirs du personnel, décide de créer une fanfare. Les statuts élaborés, ou plus exactement calqués sur ceux des sociétés existantes, sont soumis à l’approbation du préfet le 21 août 1879, après qu’ils aient été au préalable visés par le maire de Rougegoutte en la teneur suivante :
« Le maire de Rougegoutte, considérant que les sociétés musicales sont destinées à rendre de grands services aux jeunes gens appelés sous les drapeaux par l’application de la nouvelle loi sur l’armée, est d’avis que la présente demande soit accueillie et prie Monsieur le préfet de vouloir bien autoriser la création de cette société musicale. A Rougegoutte, le 21 août 1879.
Le maire, Jeannenot. »

Le préfet, avant d’autoriser la nouvelle fanfare, demande, dans une note confidentielle, un complément d’information à Charles Boigeol, conseiller général et maire de Giromagny, lequel lui répond : « vous m’avez fait l’honneur de me demander mon avis sur la demande des Sieurs Koch et Aimé de Rougegoutte d’être autorisés à créer, dans cette commune, une société musicale sous le titre de Société Musicale de Rougegoutte. Mr Koch est originaire de Thann et est gérant des tissages de Messieurs Hartmann et fils de Munster. Mr Aimé est un employé de la maison, ancien solo de musique militaire qui serait le chef de musique. Je crois que cette création ne pourrait être qu’avantageuse à Rougegoutte et n’y produirait que de bons effets… »
La fanfare du tissage Hartmann de Rougegoutte put alors commencer les répétitions. Forte seulement de dix sept exécutants au départ, les statuts prévoyaient qu’elle ne pounait être dissoute tant que le nombre de musiciens serait supérieur à cinq.
Quel fut son impact dans la vie locale ? Personne ne le sait. Son souvenir était même complètement perdu. Pourtant cette petite fanfare a vraiment fonctionné et animé des fêtes patriotiques. En effet, elle prête son concours au premier 14 juillet fêté en 1880, en grande pompe, au chef-lieu de canton.
Le journal le Libéral de l’Est relate ainsi la manifestation : « On a célébré la Fête nationale du 14 juillet avec un entrain qui fait augurer de l’avenir républicain dans cette partie du Territoire… Grâce ensuite au concours empressé des fanfares de Giromagny et de Rougegoutte, qui toutes les deux ont fait de remarquables progrès, il a été possible de mettre à exécution le programme suivant :

  • la veille de la fête, salves d’artillerie et retraite aux flambeaux par la section des sapeurs-pompiers et des deux fanfares qui ont d’abord jouée la Marseillaise sur la place aux applaudissements de la foule
  • le jour de la fête, salves d’artillerie, banquet, musique par les fanfares, bal gratuit et public à minuit etc… »

Puis plus rien. Pour des raisons inconnues, la fanfare de Rougegoutte cessa rapidement d’exister.
Alfred Koch devint par la suite membre bienfaiteur de la fanfare de Giromagny

La fanfare de Valdoie – harmonie municipale de Valdoie

En 1880, la filature mulhousienne de laine peignée Schwartz et Cie crée une succursale à Valdoie pour pouvoir se raccorder au réseau ferré. Cette industrie prospère occupe déjà cent cinquante ouvriers dés le deuxième trimestre 1881 et deux cents à la fin de I’année, chiffre porté à trois cents en 1885.
En 1882, la municipalité entreprend la construction d’une mairie-école sur l’actuelle place Larger. C’est alors que Jules Chambaud, directeur-gérant de la filature, jette les fondements d’une société musicale et instrumentale intitulée Fanfare de Valdoie et demande à la municipalité l’autorisation d’utiliser provisoirement pour les répétitions de musique une des salles de classe encore inoccupée de l’école, autorisation reconduite régulièrement jusqu’à la création d’un nouveau poste d’enseignant en 1889.
La petite fanfare à pour premier chef Albert Martinot, employé à la filature. Très vite, elle conquit la population Valdoyenne. Le premier concert public eut lieu à Belfort le 3 août 1883. La presse locale en fit l’annonce suivante :
« Fanfare du Valdoie
A ses membres honoraires à Belfort
Programme qui sera exécuté le dimanche 3 août de 3 à 4 heures sur la Place d’Armes à Belfort
1 – L’Italie – allegro militaire – de Génisson,
2 – Souviens-toi – fantaisie – de Jeannenot,
3 – La dame de coeur – ouverture – de Tillard,
4 – Marguerite – valse – de Martinot,
5 – Honneur et Patrie – fantaisie – de Noelle Mire,
6 – Les conscrits – pas redoublé – de Martinot.
En cas de mauvais temps, ce même programme servira pour le dimanche suivant, le chef de la fanfare Martinot.,,

Nous la voyons ensuite participer successivement à l’inauguration du monument « Quand Même » à Belfort aux côtés de la « Lyre Belfortaine » le 31 aoÛt 1884, au concours de Besançon en août 1884, au concours de Vesoul le 14 juin 1885, au concours de Dijon en juin 1886, au concours de Belfort en mai 1888. Ces quatre concours en 3ème Division- 2ème puis 1ère Section. Au défilé du 14 juillet 1889 à Belfort, la presse s’accorde à dire qu’elle a fait beaucoup de progrès.
Après huit années d’une exceptionnelle vitalité, la fanfare se trouve confrontée à des problèmes qui freinent, pour un temps, son élan. D’abord la salle de classe, mise à sa disposition en 1882, lui est retirée, puis le président Jules Chambaud, pour des raisons professionnelles, quitte Valdoie. Mais très vite, sous l’impulsion de M. Schieb, nouveau directeur de la filature Schwartz, la société va prendre un second essor. De nouveaux statuts sont élaborés le 1er juillet 1892 et le réfectoire de l’usine est mis à disposition de la fanfare pour ses deux répétitions hebdomadaires.
Après la démission du chef A. Martinot en 1895, ses remplaçants vont se succéder rapidement. En mai 1896, sous la direction de Mr Doriot la fanfare remporte un 1er prix d’exécution au concours d’Epinal. Le 27 juin 1897 elle est présente avec les fanfares de Rougemont, Etueffont et Lepuix au difficile concours de Vesoul. En 3ème Division- 2ème Section, elle enlève le 1er prix de lecture à vue. De 1899 à 1905 la direction de la fanfare est assurée par M.de Vaelle. Lors d’une vente de charité organisée par la paroisse de Valdoie, en octobre 1899, à l’occasion de la reconstruction de la nouvelle église, la presse fait l’éloge de la société en ces termes : « La fanfare municipale dirigée par son nouveau chef a produit un effet admirable sous les voûtes de l’église inachevée. Elle a dû bisser plusieurs morceaux… »
En 1905, un nouveau chef , Mr Berdin, ne fait que passer. De 1906 à 1935, Alfred Moraweck prend en mains les destinées de la société. Cinq années après son entrée dans les fonctions de directeur, A. Moraweck conduit les musiciens au concours de Nîmes. A partir de 1913, ce chef dévoué se voit confier la direction de la « Lyre Belfoftaine » mais il ne quitte pas pour autant la petite fanfare de Valdoie, où il sera bien secondé par Mr Hartmann. L’année 1909 verra la construction tant réclamée d’un kiosque à musique. Une superficie d’environ 70 m2 était prise dans le carrefour, sur la pointe de la cour de récréation de l’école des filles. La guerre désorganise la fanfare pour un peu plus de quatre années. Elle réapparait pour la première fois aux manifestations des 13 et 14 juillet 1919. De 1920 à 1925, quelque peu « lâchée » par l’usine Schwartz, la fanfare se tourne vers Mr Seltensperger, négociant en vins, qui accepte la présidence. Depuis la fin de la guerre, pour ses membres honoraires, elle organise chaque année un concert-bal dans la grande salle de la brasserie Faivre (devenue par la suite le cinéma « Le Lido », rue de la gare.

Municipalisation de la fanfare – 1926

C’est en janvier 1926, après la mort du président Seltensperger, que, par délibération du conseil municipal, la fanfare était prise en charge par la commune et devenait « Fanfare Municipale ».
Les soucis matériels d’alors allaient être partiellement atténués. Le maire de Valdoie devenait, statutairement, président de la musique municipale. Les subventions annuelles permettront désormais l’achat progressif de nouveaux instruments. Jusqu’à cette époque les tenues et instruments étaient à la charge des musiciens. La musique comptera bien vite quarante exécutants.
En 1929, le comité demande à la municipalité de déplacer le kiosque pour l’installer dans un endroit moins bruyant à définir. Mr Mercklé, maire-président, promet qu’il sera reconstruit place A. Larger, dès que les finances locales le permettront. Il faut dire que la fanfare de Valdoie était la seule parmi toutes celles qui ont existé dans la zone sous-vosgienne à posséder un kiosque à musique. La proximité de Belfort explique cela. Finalement la démolition du kiosque n’interviendra qu’en 1952 et il ne sera jamais reconstruit.
Fin 1935, après trente années de direction, A. Moraweck, pour des raisons de santé, rendait la baguette. Mr Cordier, venant de Delle, lui succéda, pour un temps très court, puisque le 1er septembre 1937 il cédait sa place à Mr Fusch admis à la direction par concours. Dès son entrée en fonction, le nouveau directeur demande que la musique valdoyenne soit transformée en harmonie, c’est à dire qu’elle soit compl »tée par des pupitres de flûtes et hautbois. Le conseil municipal acquiesce à cette proposition. En 1938, Mr Hartmann, atteint par la maladie donne sa démission. Il est remplacé dans sa fonction de directeur-adjoint par Robert Perati. Pendant la guerre, en dépit d’un effectif réduit et de la réquisition d’instruments par l’armée, Mr Fusch réussit, avec le concours du groupe théâtral paroissial, à organiser quelques concerts au profit des prisonniers de guerre et de leurs familles, Oscar Ehret, maire et président, ayant obtenu l’autorisation des autorités d’occupation.

En 1945, le premier gala d’après guerre a lieu dans la salle du cinéma « Le Lido » ; il précède la remise officielle d’un nouveau drapeau le 9 septembre. Mr Fusch démissionne en 1948, remplacé provisoirement par Mr Georgel qui, dès le 1er octobre, laisse la baguette à Joseph Zemp de Belfort. A cette même époque Robert Demeusy succède à Mr Perati comme sous-directeur. Sous l’impulsion de Joseph Zemp et de son adjoint, la musique progresse rapidement. Les succès des jeunes musiciens aux examens fédéraux sont encourageants. En 1953, Robert Demeusy disparait prématurément. Il sera remplacé par André Zemp, compositeur et membre de la S.A.C.E.M. (Société des Auteurs, Compositeurs et Editeurs de Musique), jusqu’à la fin de l’année 1954, date à laquelle il prendra la direction de I’Harmonie Alsthom à Belfort. René Helle est nommé sous-directeur. Sous la baguette de son nouveau chef la société va continuer son ascension, les cours de solfège rassemblent une jeunesse toujours plus nombreuse et les succès vont grandissants. Victor Frahier, maire de Valdoie, devient président de l’Harmonie en 1958. Il s’intéressera de très près aux activités de la société tout comme son successeur Paul Kiffel. En 1971 l’Harmonie comptait soixante exécutants. Indépendamment des galas et des concerts publics place Larger, elle était sollicitée à Belfort à l’occasion des grandes cavalcades du « Lion s’amuse » et au défilé nocturne de Porrentruy qui avait lieu annuellement en mai. Sous la houlette d’André Zemp,le 20 avril 1974,l’Harmonie vivait un moment historique en étant enregistrée par l’O.R.T.F., à la salle des fêtes de Belfort, dans le cadre de l’émission « Les musiciens du soir », très connue à l’époque. Des millions de téléspectateurs purent découvrir le savoir-faire de la musique valdoyenne sur leur petit écran, un certain samedi soir, 19 mai 1974.
Depuis 1926,la salle Marguerite Noack, située derrière le groupe scolaire-Centre B est affectée à l’Harmonie pour ses répétitions. Vu le nombre d’exécutants et d’élèves, un agrandissement s’imposait. Il fut exécuté par la municipalité en 1979. Le 23 juin 1984, sous la présidence de Daniel Pierquet, alors maire de Valdoie, l’Harmonie fêtait son centième anniversaire en collaboration étroite avec l’école de garçons, devenue école André Chégnier. Devant toutes les personnalités du département, l’hymne belfortain « Les rejetons de la Miotte », arrangé par André Zemp, était chanté par les enfants costumés accompagnés par l’Harmonie. A l’issue du gala de printemps 1989, André Zemp qui s’était dévoué pendant trente cinq ans pour l’Harmonie estime qu’il est temps de passer la baguette et la remet à Christian Herzog. Dès lors, ce nouveau chef hors pair, au solide passé musical, bien secondé par le président J. Lanquetin, R. Durin directeur-adjoint et d’autres sociétaires, va s’attacher à créer une école de musique encore plus performante et mettre en place un répertoire original écrit par des compositeurs contemporains. Pour terminer, nous nous permettrons de transcrire ici cette information lue dans le dernier programme de concert du 4 avril 1992.
« De concours.. en concours !
Le dimanche 2 juin 1991 restera sans nul doute gravé dans la mémoire des musiciens de l’Harmonie Municipale de Valdoie ; en effet, leurs efforts étaient couronnés d’un franc succès par l’obtention d’un premier prix ascendant au Concours National des Orchestres d’Harmonie à Besançon. Pour sa première participation à un concours d’envergure depuis… 1911, l’Harmonie totalisait 106 points sur 120 et accédait ainsi à la 1ère Division- 2ème Section. Rappelons que le 23 mars 1990, notre société était classée en 2ème Division- 2ème Section. Une année de travail acharné sous l’impulsion du président Jacques Lanquetin et de la direction talentueuse, reconnue et appréciée de Christian Herzog, aura donc permis une telle réussite. Mais ce très beau succès n’a pas tourné la tête des musiciens valdoyens, avides de qualité, conscients du travail qui reste à accomplir pour accéder aux divisions supérieures. Car tel est le challenge que se propose de relever l’Harmonie, qui se prépare dès cette année, au prochain Concours National d’Harmonie à Héricourt en 1993.
Puissent vos encouragements et les efforts de chaque instrumentiste permettre la réussite de tous en assurant l’Harmonie d’un classement en division supérieure. »

Fanfare de Lepuix

Constituée en juillet 1882 à l’instigation de Charles Boigeol, conseiller général du canton de Giromagny, patron de la firme Boigeol-Japy exploitant la filature dite de la Fonderie, les tissages du Pont et de la Papeterie, tous trois situés à Lepuix, cette société musicale eut pour président Fernand Boigeol, fils ainé de l’industriel. La première prestation publique, non autorisée d’ailleurs, les statuts n’étant pas déposés en Préfecture, a lieu le dimanche de Pâques 1883. Pour la circonstance, elle arbore une superbe bannière où son générique est gravé en lettres d’or : « Fanfare de Lepuix – Echo du Ballon d’Alsace ».

Le Journal La Frontière, dans son édition du 1er avril 1883, rapporte en termes élogieux cette prestation. « Le dimanche de Pâques, la Fanfare de Lepuix, profitant d’une journée de beau temps, a fait sa première sortie de l’année. Le public de Lepuix et Giromagny a constaté avec plaisir la bonne marche et l’excellente tenue de la nouvelle société. Créée au mois de juillet dernier sous le patronage de la maison Boigeol-Japy et Cie notre fanfare compte aujourd’hui environ quarante exécutants qui jouent avec beaucoup d’ensemble et de justesse. Nos félicitations au chef de musique Mr Lemblé qui est arrivé en si peu de temps à une organisation très satisfaisante, nos encouragements aux jeunes musiciens ». Charles Boigeol, le fondateur de la fanfare, avait été maire de Giromagny de 1867 à 1881 où, à la suite d’une violente campagne électorale, il fut remplacé par son frère Louis à la mairie, lui même propriétaire à Giromagny de tissages devenus concurrents. Les querelles entre les deux frères s’étendirent très vite, par personnes interposées, au niveau des fanfares de lepuix et Giromagny. Le fils de Charles était président de la première, le directeur des tissages de Louis, président de la seconde devenue municipale, laquelle s’était distinguée au concours de Chaumont d’août 1882. La jalousie des musiciens de Lepuix, moins performants, semble t-il, que ceux de Giromagny se traduisit très vite par des polémiques, avivées par les vieilles rancoeurs politiques.
Après une longue période d’incertitude, les statuts de cette fanfare sont définitivement approuvés le 1er avril 1886 et c’est la dernière mention que nous en ayons. Elle disparut vraisemblablement les années suivantes. Le directeur de la fanfare, Conrad Lemblé, également chef-machiniste de la machine à vapeur du tissage a quitté l’usine comme nous avons pu le vérifier après 1891.

La seconde fanfare de Lepuix

Charles Boigeol meurt en 1894. Son troisième fils, Ernest (1868-1930), qui le secondait au sein de l’entreprise depuis 1888, devint alors directeur-gérant. Le 17 avril 1895, il sollicite de l’administration l’autorisation d’organiser une nouvelle société musicale, dite Fanfare de Lepuix-Gy. Les statuts de l’ancienne société sont repris et on y ajoute les points suivants : « Le siège est fixé au tissage du Pont » et « Les musiciens mineurs ne pourront faire partie de la société qu’avec l’autorisation de leurs père, mère ou tuteur… » L’existence de la nouvelle fanfare d’usine est légalisée le 15 novembre 1895. Ernest Boigeol, gérant du tissage du Pont et président de la fanfare, fait construire dans l’enceinte du tissage une superbe salle de musique, destinée également à servir à l’occasion de salle de spectacles, car les réjouissances sont rares à Lepuix.
Le curé de l’époque, l’abbé Tournier qui ne fit que passer à Lepuix, avait vite sympathisé avec le président de la fanfare (issu pourtant d’une vieille famille protestante.) Il fit doubler la superficie de la tribune de l’église pour que la musique y ait une place attitrée et puisse par sa présence rehausser les offices divins et même, à certaines occasions, les vêpres du dimanche. La distribution des prix du 23 août 1896 fut l’occasion d’inaugurer la salle de musique prêtée gracieusement, pour la circonstance, aux écoles. « …dimanche 23 août à 3 heures a eu lieu la distribution des prix aux élèves des écoles communales (Lepuix et Malvaux) à la salle des répétitions de la fanfare, admirablement décorée par Mr Barberet, instituteur-adjoint. La cérémonie était présidée par Mr Ernest Boigeol, manufacturier, membre du conseil municipal. Mr le curé Tournier a prononcé ensuite un discours éloquent. La fanfare a joué plusieurs morceaux en présence d’une foule considérable… ».
Au concours de Vesoul du 27 juin 1897, la petite fanfare se trouve confrontée à ses homologues sous-vosgiennes d’Etueffont, Rougemont et Valdoie. Giromagny, sa rivale la plus proche, reste désespérément absente pour des raisons évidentes ; les dissensions internes de cette société ont eu de graves conséquences sur ses qualités musicales. A ce concours de 1897 la fanfare de Lepuix obtint le 2ème prix d’éxécution et le 3ème prix de lecture à vue dans la catégorie 3ème Division- 3ème Section. Ce succès, certes modeste, lui permettait néanmoins de bien envisager l’avenir.
L’installation d’un nouveau curé, l’abbé Galliat, le 4 juillet de cette même année 1897 fut une autre occasion pour la fanfare de montrer tout son savoir-faire. C’est en ces termes que la presse de l’époque fait écho de la manifestation :
« La paroisse de Lepuix était en fête dimanche dernier 4 juillet. A 8 heures, sur convocation de l’autorité, les enfants des écoles conduits par leurs maîtres et maîtresses, la fanfare, le conseil de fabrique et le conseil municipal au complet quittaient l’église en procession pour chercher au presbytère leur nouveau curé Mr l’abbé Galliat. Mr le maire et Mr l’adjoint, en écharpe, venaient se placer à ses côtés. Au signal donné, la fanfare enlève une magnifique marche au milieu des détonations des mortiers, pendant que la procession s’ébranle et fait son entrée dans l’église superbement décorée et déja si magnifique par elle-même. Les chantres exécutent une des plus belles messes de leur répertoire et alternent avec la fanfare dont les effets sont si grandioses sous les voûtes élevées de la nef. A l’issue des vêpres, la fanfare s’est fait entendre dans le jardin du presbytère. Mr le curé a offert des rafraichissements. C’était bien le cas de fêter le succès que notre fanfare avait remporté à Vesoul. Cette société qui n’existe que depuis deux ans a déja orné sa bannière de trois superbes prix et de cinq médailles… »
Le 27 juillet nous la voyons encore faire à pied une excursion au Ballon d’Alsace et éxécuter au sommet quelques uns des meilleurs morceaux de son répertoire à la grande joie des touristes. Hélas l’euphorie des premiers succès va très vite se dissiper car, en cette fin d’année 1897, Ernest Boigeol le président-fondateur de la fanfare perd la gérance de la firme Boigeol-Japy. L’année suivante, il construit son propre tissage à Lepuix (les Grands Champs). Son jeune frère, Armand, devient directeur-gérant du groupe Boigeol-Japy. ll se retrouve président de la fanfare des usines mais, voulant diriger ses établissements depuis sa résidence parisienne, il n’a plus le contact avec son personnel. Le curé, de son côté, ne fait rien pour améliorer les relations entre patron et ouvriers. En 1901, il refuse de paraître à la traditionnelle distribution des prix des écoles publiques. Un concert donné par la fanfare en septembre de cette même année attire 400 spectateurs au grand dam du curé. En 1902 la situation devient explosive avec le licenciement du directeur du tissage du Pont. Il s’en suit la plus grande grève que connut la zone sous-vosgienne puisqu’elle dura plus de trois mois (28 novembre 1902 – 2 mars 1903). La fanfare, ballottée entre le clergé catholique et le patron protestant, est mise en veilleuse pendant plus d’une année. Il faut attendre septembre 1904 pour la voir se produire, non pas à Lepuix, mais à l’hôtel Tourtet, à Malvaux, et avec un effectif squelettique. En avril 1905, elle renoue avec la tradition en donnant un concert-bal, ce qui permet au journaliste de service d’écrire : « …c’était le premier concert-bal de la fanfare depuis la grève de 1902. Beaucoup de monde y assistait, ouvriers et patrons confondus dans une cordiale intimité.
Les incidents du passé ont été oubliés. Le bal surtout a pleinement réussi, contrairement à ce qui se passe d’habitude toute la jeunesse avait la permission de danser. Aussi nous avons profité de ce qu’on avait levé les pêchés pour ce soir-là et la galanterie n’y a rien perdu… ».
De santé chancelante, le chef de musique Ignace Jung, qui est en même temps employé de bureau au tissage du Pont, décède le 14 avril 1906. C’est un coup dur pour la fanfare qui va, à nouveau, se mettre en veilleuse pendant près de six mois. Le 1er septembre elle se dote d’un nouveau comité composé ainsi :

  • Président – Armand Boigeol,
  • Vice-président – Charles Gadner,
  • Secrétaire – Eugène Kaltenbach, directeur de tissage,
  • Trésorier – Emile Canal, directeur de filature,
  • Chef – Gustave Marsot, comptable au tissage du Pont,
  • Sous-chef – Théodore Batt, employé au tissage du Pont.

La fanfare tenta alors vainement de survivre en animant épisodiquement les fêtes religieuses et les cérémonies patriotiques. Le 5 mai 1912, son président Armand Boigeol, mourait subitement. Il laissait des affaires peu florissantes et la firme crut un moment devoir déposer son bilan. Ernest Boigeol, son frère, exclu de la société en 1897, consentit à reprendre les usines en perdition ; il se trouvait du coup propriétaire de cinq établissements industriels. On comprendra mieux qu’il ait relégué au second plan les problèmes musicaux. La fanfare moribonde, sans ressources, cessa ses activités sans espoir de reprise.
Mais la population de Lepuix regrettait beaucoup cette société qui donnait joie et vie au village. Aussi, après la guerre, l’ancien sous-chef Théodore Batt, encouragé par le vieux curé Galliat et son vicaire l’abbé Besançon mit sur pied une nouvelle société musicale dépendant cette fois de la paroisse. Elle prit en 1922 le nom de « Fanfare de Trompettes la Jeanne d’Arc ».

La Lyre d’Etueffont-Haut

En 1859-1860, Ferdinand-André Boigeol, maire de Giromagny et pionnier de l’industrie textile de la zone sous-vosgienne fait construire à Etueffont-Haut, sur le site du vieux moulin, un tissage mécanique. A partir du 1er janvier 1877, son fils Louis et son gendre Edouard Warnod président aux destinées de la nouvelle firme, « Boigeol frères et Warnod », devenue propriétaire des locaux. Louis Boigeol, en accédant à la mairie de Giromagny, fait municipaliser la fanfare des pompiers de cette ville, dont il devint d’ailleurs président en 1886. Aussi, rien ne semblait disposer ce patron du textile à créer une nouvelle société musicale à Etueffont-Haut.

C’était sous-estimer la mentalité de l’époque. Tous les bourgs sous-vosgiens : Giromagny, Lepuix, Rougemont et Valdoie, ayant leurs sociétés musicales, Etueffont se devait d’avoir la sienne. L’initiative vint finalement du maire Xavier Marsot. Composée d’une poignée de musiciens amateurs secondés par Constant Thiébaud, ancien musicien de l’armée, cette nouvelle fanfare voit le jour un certain 9 octobre 1886. Elle prend alors la dénomination pompeuse de « Lyre d’Etueffont-haut ». Nous ne savons ni quand, ni où, eut lieu la première prestation, seule la liste des musiciens et des membres honoraires nous est connue. Les 3 et 5 juin 1888, elle est présente aux côtés de celles de Giromagny et de Valdoie au difficile concours de Belfort en catégorie Harmonie- 3ème Division- 3ème Section. Elle est avec la « Lyre Belfortaine » la seule harmonie de notre région ; elle possède donc un pupitre de clarinettes. Que devint ensuite la Lyre d’Etueffont ? La presse locale reste désespérément muette à ce sujet, de même que la tradition orale.

La fanfare de l’usine d’Étueffont-Haut

La direction de l’usine Boigeol-Warnod revint-elle sur sa position primitive lorsqu’elle vit la fanfare municipale sombrer ? C’est possible puisque le 14 août 1889 d’autres statuts sont élaborés par Mr Iltis, employé aux établissements Boigeol-Warnod, nommé président provisoire de la nouvelle société musicale dite « Fanfare de l’Usine d’Etueffont-Haut ». Le 7 octobre 1889 le directeur de la firme s’adressait au préfet en ces termes : « Ne voyant pas venir l’autorisation sollicitée de votre bienveillance le 26 août dernier, nous avons l’honneur de vous prier de vouloir prendre en considération la nouvelle demande formulée par nous d’une autorisation de constituer une fanfare d’usine, et nous comptons sur votre diligence pour nous fixer bientôt à ce sujet… »,
Combien de temps dura la société ainsi reconstituée, rien ne nous l’indique, nous savons simplement qu’elle fut dirigée par le même chef, Constant Thiébaud. Ses statuts précisaient que la dissolution ne pourrait avoir lieu qu’après la chute de l’effectif à cinq musiciens seulement, ce qui arriva vraisemblablement au bout de quelques années.

La Lyre d’Étueffont

Etueffont-Haut venait de perdre coup sur soup ses deux fanfares ; après celle de la mairie c’était celle du groupe Boigeol-Warnod qui disparaissait. Les amateurs de musique allèrent frapper à la porte de l’industriel d’Etueffont-Bas, René Zeller. Pour bien comprendre la situation, il nous faut rappeler en quelques lignes les origines des tissages Zeller. Joseph et Ferréol Zeller, originaires de Giromagny avaient, en 1818, crée à Oberbruck une société textile au nom collectif de « Zeller Frères ». L’Alsace étant devenue allemande, la maison Zeller, en vue de reconstituer sur le territoire français un nouveau centre d’affaires, achète en 1878-1879, à Etueffont-Bas, le site du moulin pour y établir un tissage puis en 1889, une filature. L’année 1897 voit la nomination de René Zeller, petit fils de Ferréol, comme gérant à Etueffont-bas, où il construit une résidence bourgeoise. Comptant prendre bientôt en mains la mairie d’Étueffont-Bas, l’industriel commence par s’investir dans une fanfare comme on le lui demande. Le 6 juin 1896, il écrit à l’administrateur du Territoire de Belfort :
« …J’ai l’honneur de vous soumettre ci-joint un projet de statuts concernant la création d’une société de musique commune aux deux localités d’Etueffont-Haut et d’Etueffont-Bas. Vous m’obligeriez vivement, ainsi que tous les promoteurs de cette nouvelle société si, après examen des dits statuts, vous vouliez bien les revêtir de votre approbation… » Forte de 34 musiciens, dirigée par le chef E. Faidy, nommé par le président, la Lyre renaissante peut, le 24 juin 1897, participer au concours de Vesoul en qualité d’harmonie classée en 3ème Division- 3ème Section. Désormais, La Lyre, partie sur de nouvelles bases, bien épaulée par son président, anime toutes les cérémonies officielles tant religieuses que civiles ou patriotiques.
Ainsi, le lundi 14 juillet 1902, elle est présente avec son homologue de Giromagny à l’inauguration du monument Miclo à Grosmagny. Plus de quatre mille personnes participent à la cérémonie rappelant un triste épisode des combats de Grosmagny du 2 novembre 1870.
Lors de la séparation des Eglises et de l’Etat, de vieilles querelles politiques ressurgissent. Les membres de la société sont divisés d’autant que les patrons de l’usine, la mairie et le clergé ont des vues divergentes sur les problèmes d’alors. C’est ainsi qu’un groupe de « républicains » exprime à l’issue du 14 juillet 1905 sa réprobation sur l’attitude de la fanfare.
« …Le jeudi 13 juillet au soir grande animation à Etueffont-Haut. C’était la société musicale nouvellement ressuscitée de l’usine d’Etueffont-Bas qui organisait une retraite aux flambeaux pour célébrer la Fête de la République sans doute. Une simple réflexion pourtant. c’est cette même musique qui accompagne en grande pompe la traditionnelle procession de la Fête-Dieu et qui fête le 14 juillet de la France républicaine, émancipée et libre de tout joug despotique. Curieuse coïncidence ou plutôt ironie bouffonne, surtout dans les temps actuels où l’Eglise est en train de divorcer avec la République… ».
En 1909, l’usine Warnod-Boigeol d’Etueffont-Haut est absorbée par la firme Zeller. A partir de cette époque, pour des raisons de commodités, les répétitions de la Lyre ont lieu désormais dans un local de l’usine d’Etueffont-Haut. La Grande Guerre voit la mise en sourdine de la société pour de nombreuses années. Après le conflit, les rangs se sont éclaircis, quelques anciens continuent à jouer, essentiellement dans les bals populaires. Ils constituent vers 1923, avec Henri Heiny, qu’ils ont choisi pour chef, le noyau autour duquel la Lyre renaît une dernière fois.
Le premier concert public se tient sur la place centrale d’Etueffont-Haut le dimanche 10 seprembre 1924. Il sera suivi, malgré un effectif réduit, de plusieurs autres jusqu’à ce samedi 21 février 1931, où la Lyre proposait un grand concert-bal dans la belle salle du café Frezzoni. Ce fut probablement le dernier. En voici le programme :

  • Les cadets de Brabant, pas redoublé,
  • Sur le chemin, fantaisie,
  • La dame de cœur,ouverture,
  • L’île d’amour, scottisch.

La crise économique provoqua d’abord l’arrêt de la filature Zeller d’Etueffont-Bas, puis l’absorption des établissements du même nom par la « Société Boissière et Fils » de Rouen. Les deux communes d’Etueffont auraient pu prendre en charge la société musicale lâchée par ses « sponsors », comme le firent Valdoie et Rougemont lorsque le même problème se posa. Elles ne le firent pas et la lyre mourut cette fois pour de bon. Quelques musiciens animèrent pendant un certain temps un groupe théâtral qui se produisit semble-t-il jusqu’à la veille de la Deuxième Guerre Mondiale. Quelques trophées et souvenirs de la Lyre ont trouvé place à la Forge-Musée d’Etueffont.

La fanfare de l’avant-garde de Lachapelle-sous-Rougemont (ou la fanfare fantôme)

Le 1er août 1896, Jean-Baptiste Grisez, maire de Lachapelle-sous-Rougemont, patron de la brasserie de ce village, jetait, avec quelques amoureux de musique instrumentale, les bases d’une nouvelle société « La Fanfare de l’Avant-Garde de Lachapelle ». Les membres fondateurs, Paul Febner, N. Finck, L. Marchand, G. Charbaut, L. Demaitre, C. Mehr, J. Picard, C. Rossé, P. Devalland, E. François, E. Madru, pour concrétiser leur projet, s’assurent la collaboration d’un chef de musique qu’ils pensent avoir trouvé en la personne de Conrad Lemblé.
Celui-ci s’était déjà illustré en dirigeant la fanfare « L’Echo du Ballon d’Alsace » de Lepuix lors de sa fondation en 1882. Il avait, par la suite, quitté sa place de chef-mécanicien au tissage du Pont à Lepuix pour des raisons restées obscures. En 1896, on le retrouve résidant à Rougemont, exerçant la profession de fondeur aux établissements Tacquard de Lachapelle. Peut-être entre temps dirigea-t-il la « Lyre Républicaine » à Rougemont. Cela reste à vérifier.
Les statuts de la fanfare de « L’Avant-Garde » déposés le 1er août 1896 sont approuvés tardivement le 7 janvier suivant par l’administrateur du Territoire de Belfort. L’article 1er précisait: « le siège social est fixé à Lachapelle dans une chambre appartenant à Mr Grisez et située derrière le bureau de poste ». Les démarches administratives terminées, il ne se passe rien. La presse locale reste muette sur les activités de la société et pour cause. Conrad Lemblé ne tarde pas, avec sa famille, à quitter Rougemont pour d’autres horizons. Ainsi, à peine constituée, tout au moins sur le papier, la fanfare disparaît  définitivement. La tradition orale n’en n’a d’ailleurs pas gardé le moindre souvenir.

Musique et politique

À Giromagny, les élections municipales du 1er mai 1904 donnent la majorité au parti réactionnaire de Paul Warnod, maire depuis 1895 et gérant des établissements textiles Warnod-Boigeol. Les opposants et les ouvriers n’avaient pas pardonnés à P. Warnod d’avoir fait charger au cours d’une manifestation sociale les grévistes de Giromagny. Le journal La Frontière du 8 juin 1904 rapporte: « Nous avons signalé déjà l’attitude inqualifiable adoptée par la Fanfare Municipale de Giromagny lors des dernières élections, rappelons les faits : le 2 mai au matin, les membres de la fanfare se réunissent sur la place de l’hôtel de ville, quelques ouvrières et jeunes gens se joignent à eux et organisent un cortège précédé de drapeaux, tous vont en choeur féliciter Mr Paul Warnod du succès de sa liste.
Si les républicains avaient remporté la victoire, nos musiciens n’auraient certes pas été aussi empressés; malgré cela, nous ne voulons voir aucune incorrection dans leur démarche. Si la fanfare s’était bornée à cette manifestation nous ne protesterions pas aujourd’hui; mais nous nous souvenons encore des insultes adressées dans cette même journée, par les membres de la dite société à des femmes et aux meilleurs républicains de notre ville. Ces insultes nous ne les relèverons pas mais nous croyons que le moment est venu de compléter notre dernier article.
Quelles sont, disions-nous les sanctions que comporte la conduite indigne des membres de la Fanfare Municipale ? A notre avis les voici :
1 – Chaque année le Conseil municipal inscrit au budget une somme de 600 francs à titre de subvention à la fanfare, comme cette société n’est municipale que de nom, nous demandons qu’en raison de la conduite scandaleuse de ses membres, Mr le Préfet veuille bien refuser de donner son approbation au vote de la subvention annuelle de 600 francs.
2 – Un grand nombre de membres honoraires sont républicains. Nous les engageons dès aujourd’hui à envoyer leur démission au Président (Mr Warnod).
Ces mesures énergiques adouciront peut-être beaucoup plus que la musique les moeurs de nos fanfares ». Bien sûr, La Croix de Belfort répond, le 12 juin 1904. « Votre lettre n’est qu’un boniment inventé dans le but méchant de semer la discorde dans la fanfare municipale et d’appeler sur elle les sévérités préfectorales. Fort heureusement, le bon sens de la population a fait justice de vos mensonges et nous espérons que la Préfecture se gardera de commettre une iniquité uniquement pour vous être agréable. Le 2 mai au matin, si vous aviez été à la fontaine rafraichir vos idées par un nettoyage à l’eau claire, vous auiez vu que nous n’étions que quatorze fanfaristes sur trente six, dont se compose notre société ; nous étions en tenue de travail et sans chef ; cela est loin de constituer la musique municipale. Voilà votre première erreur.
En voici d’autres. Vous nous accusez d’avoir insulté des femmes et des Républicains, mais vous ajoutez que vous ne voulez pas relever les injures. C’est là l’aveu de votre fausseté. Si vous ne relevez pas ces insultes, c’est qu’il n’y en a pas eu de prononcées…
Je vous mets au défi de citer les noms des fanfaristes coupables. Vos odieuses insinuations ne sont qu’un effet de la jalousie intense qui vous travaille. Vous voudriez que l’on n’entendit que la musique des « plats-barbe ». Le Conseil Municipal, les membres honoraires de notre société et le public sont plus sensés que  vous ; ils savent combien il faut de dévouement pour faire partie de la musique municipale. Ils reconnaissent qu’assister deux fois la semaine à des répétitions qui durent jusqu’à 11 heures, après une journée d’un travail fatiguant, que jouer sur la place une fois par mois et rester pendant toute la durée des journées de fêtes à la disposition du public, uniquement pour en rehausser l’éclat est fort peu récréatif. Ajoutez à cela que chaque fanfariste verse à la caisse une somme annuelle de 12 francs… Votre lettre insinue qu’à la fanfare nous faisons de la politique réactionnaire, cela est faux, archi-faux.
Depuis dix huit ans que j’appartiens à la musique municipale, il n’a jamais été question de politique ni réactionnaire, ni radicale. D’ailleurs, vous n’ignorez pas que parmi nous il y a des hommes de tous les partis, d’où il résulterait, si votre insinuation était fondée, des discussions intestines et la mort inévitable de notre société. »
La Frontière ne peut en rester là. Le 16 juin elle répond à la réponse. « Il est inexact dites-vous que des Républicains et des femmes aient été insultés par les manifestants à la tête desquels marchaient les musiciens ? Quelle absence de mémoire ! Les largesses de Mr le Maire Warnod vous avaient donc troublé la cervelle… Nous allons donc vous donner ci-dessous les noms de quelques personnes qui servirent de plastrons à vos aménités. MM Ernest Boigeol, qui le premier eut les honneurs de la journée, Emmonet, Lambert Charles, Courtot Charles, sa dame et sa belle-mère, Girardey François et sa mère, Ginot Samuel etc…
Toutes les honorables personnes que nous venons de nommer répéteront peut-être à Mr le Fanfariste les propos orduriés que par propreté nous n’avons pas envoyés à la rédaction de La Frontière. A la fanfare, on ne s’occupe pas de politique dites-vous ? Quelle innocence ! Féliciter les élus au lendemain des élections, tourner en ridicule leurs concurrents malheureux, ce n’est pas de la politique ? Et en d’autres circonstances ; refuser son concours à une société républicaine et jouer dans les processions, ce n’est pas non plus faire des distinctions politiques ?… Si parmi les fanfaristes il y a quelques républicains, il est de leur devoir de se séparer immédiatement de leurs trop compromettants camaradesr ».

Histoires de fanfares – Échange de gentillesses

À Lepuix et Giromagny, les présidents des fanfares sont de couleur politiques opposées. Le journal La Frontière (de gauche) rapporte en août 1883 :  » Juvénal II de Giromagny, franc-maçon et correspondant du Journal de Belfort (de droite), n’aime pas la musique ni les jeunes musiciens de Lepuix. Cela est son droit et ne tire pas à conséquence. Juvénal II trouve que la musique de Giromagny est la perfection même. Il ne faut pas troubler la douce illusion de ce mélomane au tympan délicat. Les lauriers que la fanfare Bicking a déja récoltés ne troubleront point notre sommeil. Depuis quelques temps, cette société est devenue ultra-cléricale ; ce qui prouve que ses chefs savent à l’occasion retourner leur veste. On se rappelle encore dans le pays que lors d’une tournée de l’archevêque de Besançon ladite fanfare a refusé de se faire entendre le jour de la confirmation, malgré les démarches de Mr le curé de Giromagny et de quelques uns de ses amis. Le Journal de Belfort n’en n’a soufflé mot.
Mais le vent a changé et on voit Bicking et sa fanfare à toutes les solennités religieuses de Giromagny, même lorsqu’on ne les demande pas. Nous nous garderons bien de blâmer cette manière de faire, seulement nous prions Juvénal II et ses confrères de nous laisser la paix. Que ces messieurs balaient devant leur porte ; ils y ont suffisamment d’ouvrage. Nous n’avons jamais porté de l’eau sur les deux épaules ! »
La réponse ne se fait pas attendre. Le 24 août, J. Bicking, président de la fanfare de Giromagny, écrit au rédacteur de La Frontière :
« Votre correspondant de Lepuix fait erreur en nous appelant « fanfare Bicking ». Il existe dans notre vallée deux sociétés de musique :
1 – la Fanfare de Giromagny et
2 – I’Echo du Ballon.
Ceci est du moins le nom brodé sur la belle bannière dont font, je pense, partie les quelques membres de la musique de Lepuix qui vous ont écrit. Ont-ils oublié leur enseigne, absorbés qu’ils étaient par l’étude des morceaux dont-ils se disposaient à nous gratifier ?
Je n’ai pas à discuter musique ici, encore moins ai-je à me mêler de vos débats avec Juvénal II du Journal de Belfort ; mais je tiens à vous dire que notre société est toute à la disposition de la municipalité qui la subventionne. Sur une simple invitation écrite de Mr le maire ou de l’un de ses adjoints, nous allons au banquet Fréry, à la fête du 14 juillet, à la procession. Un mot encore pour « ces chefs qui savent à l’occasion retourner leur veste ». Vos amis d’ici ont des vestes de rechange, et j’avoue humblement qu’il doit être plus hygiénique d’en changer que de les retourner… »

Un 14 juillet réussi

Le journal Le Libéral de l’Est rapporte le 16 juillet 1881 de Giromagny :
« La Fête nationale a été célébrée cette année dans notre ville avec un éclat sans précédent. Le 13 au soir, notre fanfare, les tambours et les clairons de la garnison du fort annonçaient dans nos rues la Fête nationale par une joyeuse retraite aux flambeaux. Le 14 au matin, une salve de coups de mortier réveillait nos concitoyens et bientôt après, les édifices publics, les fabriques, de nombreuses maisons se trouvaient ornées et pavoisées aux couleurs nationales, l’élan donné, l’entente a été superbe, sauf quelques rares exceptions. Les pauvres n’étaient pas oubliés cette année et notre municipalité avait organisé une ample distribution de secours aux indigents.
Mais la véritable fête était le soir, la fanfare s’était fait entendre sur la place et sur le coup de 7 heures, elle venait chercher et conduire en choeur comme aux vieux jours de fête 150 convives au banquet populaire organisé par souscription au lieu-dit « Paradis des Loups » propriété que MM. Boigeol frères et Warnod avaient gracieusement mise à disposition des organisateurs de la fête. Le diner en plein air à l’ombre des grands arbres, le bosquet, les cascades richement pavoisées, ornées de lanternes vénitiennes et de verres de couleur, un repas habilement préparé, un sentiment général d’union et de fraternité inspiraient à tous la plus grande gaieté. Au dessert, Mr le Maire porle un toast au gouvernement de la République et au Président Grévy : ce salut national est couvert d’applaudissements. Les toasts se succèdent, puis les chansons et chansonnettes. Un groupe d’enfants de 7 à 12 ans, veut aussi être de la fête et arrive drapeau déployé en chantant La Marseillaise que la fanfare répète. La joie des assistants est au comble losque, à la tombée de la nuit, les feux des cascades, la verdure, étincellent des flammes aux mille couleurs. L’électricité se mêle à la fête et projette sa lumière dans les rochers, dans les feuillages garnis de trophées et de guirlandes; le coup d’oeil est féerique. Tout Giromagny veut jouir de cette fête et vient se masser dans cet admirable endroit. La musique joue, on danse et un millier de personnes se pressent dans les groupes ou patrons et ouvriers, bourgeois et militaires, agriculteurs et commerçants se rencontrent dans cette joie commune.

À minuit la fanfare jette ses derniers accents et chacun se retire heureux de se sentir français dans ce lambeau d’Alsace… ».

Incident à Rougemont

Un habitant de Rougemont relate ainsi dans le Journal La Frontière l’incident survenu le 14 juillet 1887 : « Un fait insignifant par lui-même mais qui démontre jusqu’à quel point les réactionnaires de notre commune poussent la mesquinerie et l’amour des gros sous, s’est produit le 14 juillet dernier dans l’aprés-midi.
Ce jour là, notre jeune société de Musique, la Lyre Républicaine, avait parcouru les rues du village et avait joué une sérénade à la porte de chacun des sociétaires, puis était allée jusqu’à Lachapelle en faire autant aux membres de la société qui habitent cette dernière commune. Sur le soir, la Lyre entrait à Rougemont au son de La Marseillaise. Il parait que cette récréation inoffensive n’était pas du gout de tout le monde, il y a à Rougemont un parti qui ne se compromet pas avec les braves gens, c’est celui des « pieux gueulards », qui a pour chef un écrivaillon.
 À l’occasion de la fête nationale, cette secte avait bâti un bal ou nul n’était admis s’il n’était en état de grâce ; chaque danseuse devait justifier en franchissant la porte du bal qu’elle était munie d’un scapulaire, les danseurs produisaient une médaille indulgenciée à l’effigie du grand Saint-Nicolas, les musiciens tous fiers-à-bras s’étaient inondés d’un trois six pur qui leur donnait des respirations de baleine et là comme partout, on n’oubliait pas la quête. Quoique le 14 juillet soit pour eux un jour néfaste et à honnir, les entrepreneurs de la fête, écrivaillon en tête, songèrent à l’occasion propice pour faire danser quand même, s’imaginèrent que les gros sous de la fête républicaine valaient bien ceux des autres jours et… revoilà les jarrets à l’épreuve. Or, c’était au beau milieu d’une valse des plus échevelées que l’oreille perspicace du jeune chef crut entendre un bruit profane ; soudain, il fit cesser la musique, force fut aux danseurs d’en faire autant, et alors au beau milieu de ce silence subit et relatif, on put entendre les sons mélodieux de la Lyre Républicaine venant de Lachapelle et jouant La Marseillaise ; il n’en fallait pas davantage à la société des gueulards pour voir trouble. Vite, les musiciens sur les ordres du petit chef s’ingurgitèrent la topette traditionnelle, tous les petits Saint-Nicolas qui se trouvaient sur le bal en firent autant, puis tout ce beau monde accueillit au passage la Lyre par des cris et un vacarme si épouvantable que le maire lui-même se hâta de blâmer; tel est le fait dans toute sa simplicité et j’en ai fini en n’émettant plus qu’un voeu : je désirerais voir inscrit sur le livre d’or de Rougemont, la fondation de la société des pieux gueulards avec les noms des membres fondateurs ; je désirerais qu’on n’y admette que des Français et qu’on raye de la liste le petit « Saute-ruisseau » qui fut l’auteur principal de ce boucan. Ainsi fondée, je souhaite à cette société, prospérité, longue vie et que Dieu la bénisse.
Signé: Cré-Tient’,

Fausse note à Giromagny

En février 1891, afin de pourvoir au remplacement de Mr Warnod, président du Conseil général, décédé quelques mois plus tôt, il avait fallu procéder à une élection partielle dans le canton de Giromagny. L’un des candidats était Mr Pourchot, maire de Chaux, directeur de l’usine de Bellevue, c’était un républicain.
Sa candidature fut soutenue par le « Cercle Littéraire » de Giromagny dont il était le président et auquel quelques musiciens de la fanfare adhéraient. Le candidat conservateur lui, était appuyé par le « Cercle fraternel » dont le président était le même que celui de la fanfare, c’est à dire Louis Bellenot. De nombreux « fanfaristes », avaient donné leur adhésion à ce cercle. Pour fêter son élection Mr. Pourchot convia ses amis du Cercle Littéraire à un banquet patriotique.
Les musiciens qui y participèrent furent exclus de la société de musique. Louis Boigeol démissionna de sa charge de maire. Ces événements entrainèrent la dissolution de la fanfare municipale qui s’était fourvoyée dans la politique. Surprise! Le 3 avril 1891, Louis Boigeol est réélu maire de Giromagny. Mais dix conseillers sur vingt et un refusent désormais d’assister aux séances du conseil. Quelques mois s’écoulent, les passions semblent s’apaiser. Le président du « Cercle Fraternel » essaie de récupérer une partie des musiciens et de reconstituer une nouvelle société de musique qui sera désormais patronnée par la paroisse et ne dépendra plus de la municipalité. La fanfare catholique n’eut qu’une seule occasion de se produire, un certain 14 juillet 1891. Laissons la parole au journal La Frontière :
« Ce n’était pas absolument « Sauvez Rome et la France » que jouaient les musiciens du Cercle Catholique le jour de la fête nationale en traversant notre ville vers B heures du matin, ce n’était pas non plus La Marseillaise, comme vous pouvez. bien croire. Tous en ordre, en rangs parfaits, ils allaient au pas cadencé goûter la pieuse et copieuse hospitalité d’une sainte, mais riche personnalité, habitante d’une commune voisine. Que se passa-t-il dans ce vertueux « chalet » ? On ne le saura probablement jamais. Pourtant nous en savons assez pour dire que les bienheureux durent arroser la poire et le fromage d’un onctueux « picolo » assurément républicain, car le soir, en désordre et sans cadence, nos dévots invités chantaient…(voilez vous la face), ils chantaient… La Marseillaise! Toujours musique en tête, mais X…en queue, navré, contrit et désespéré de voir un tel cantique sortir des bouches. Et l’on put voir clairement, trop clairement hélas ! musique et grosse caisse rouler à terre et parmi nos saints personnages d’aucuns se battant et se chamaillant au beau
milieu de la rue, obligés d’être séparés et semoncés par l’abbé encore raisonnable qui les accompagnait… »

Sonnez la charge !

La Croix de Belfort du 23 avril 1897 rapporte :
« Dimanche jour de Pâques, les cérémonies religieuses ont été célébrées avec beaucoup de piété et de solennité. La grande messe était rehaussée par l’assistance de la fanfare qui a exécuté plusieurs morceaux de circonstance. A cette occasion nous devons féliciter nos musiciens et leur dévoué chef des progrès artistiques que fait la société. Le même jour, vers 4 heures, après avoir terminé leur concert sur la place de l’Hôtel de ville, ils descendaient en jouant la route de Belfort. Au moment ou ils étaient tout absorbé par leurs accords il leur arrive dans le dos un cheval emporté traînant un break sans cocher. On juge de la surprise et de la panique de nos jeunes gens ainsi que des cris poussés par la foule nombreuse qui les entoure. Les derniers rangs sont renversés et musiciens et instruments roulent à terre. Les autres rangs se jettent sur les côtés de la route pour échapper au danger. La première frayeur passée on s’occupe de relever les blessés. Six le sont assez gravement ce sont : M. Heiny, P. Simon, J. Colin, Camille Farouelle, Jacques et surtout Prosper Jeannenot, qui fut emporté sans connaissance à la Pharmacie Georges. Après avoir reçu les soins des docteurs Taufflieb et Larsonneur, les blessés purent rentrer chez eux. C’est vraiment un miracle que ce cheval tombant comme la foudre dans cette foule n’ait pas causé de plus grave accident. »

Il y a 100 ans !

« Le canton de Rougemont est une circonscription fictive, une illusion géographique puisqu’il ne possède ni justice de paix, ni brigade de gendarmerie ni recette d’enregistrement »

Si le 22 septembre est décrété Fête nationale à l’occasion du centenaire de la proclamation de la République, les institutions républicaines n’en finissent pas d’être mises à mal par le scandale de Panama. Le monde politique et les Français sont au bord du divorce. Comme pour ajouter au malaise, durant tout le mois d’août, la France croule sous une « chaleur sénégalaise » et le 22 septembre… il pleut !
Dans le Territoire de Belfort, suite à la rentrée de I’Assemblée départementale, le petit canton de Rougemont est au centre des débats.

Le canton de Rougemont, cible des républicains

La séance de rentrée du Conseil général du Territoire de Belfort s’ouvre le 22 août 1892. Sont présents messieurs Grisez, conseiller du canton de Fontaine, Metz-Juteau, maire de Belfort et conseiller du canton de Belfort, Viellard, canton de Delle, Pourchot, maire de Chaux et conseiller du canton de Giromagny et Ehrard, maire et conseiller du canton de Rougemont-le Château.
Première mission : élection du président de l’Assemblée départementale. Première anicroche : MM.Erhard et Viellard, élus conservateurs « qu’on disait pourtant ralliés à la forme républicaine », refusent de participer au vote. De toutes façons majoritaires, les républicains élisent le docteur Grisez. Hormis quelques dossiers traditionnels concernant notamment la réfection des routes et ponts et l’attribution de bourses d’études supérieures, qui ne font pas l’objet de discussions acharnées, le Conseil doit se prononcer sur d’autres sujets (apparemment anodins) qui vont s’avérer beaucoup plus épineux.
Le premier problème est posé par la compagnie des sapeurs pompiers du Valdoie créée en 1878. Aprés quatorze ans d’existence, elle a besoin d’une subvention pour renouveler équipement et matériel. M. Ehrard, craint le précédent et voit toutes les compagnies du Territoire faire la même demande. L’argument est de taille, le Conseil hésite, la décision est reportée à la session d’avril 1893. Première victoire d’un conseiller minoritaire. Le deuxième sujet est fourni par un fabricant de vélocipèdes de la place. Suite à la volonté du gouvernement et plus particulièrement du ministre Deloncle de taxer les vélos (10 centimes par engin), le fabricant belfortain propose que le produit de cette taxe soit utilisé pour l’achat de bicyclettes destinées aux facteurs ! Cette requête semble jeter le trouble parmi les élus qu’ils soient de gauche ou de droite. Malgré un débat contradictoire où personne en fait, ne sait s’il est pour ou s’il est contre, aucune suite n’est donnée à ce dossier. Match nul sur toute la ligne…
Troisième débat acharné : le renouvellement de la livrée et l’achat d’une chaîne pour l’huissier de la préfecture. Là M. Erhard bondit. Longuement, il avance ses arguments. Pour la chaîne, il mettra le prix : 100, 200, 300 francs s’il le faut, mais l’huissier ne peut « consommer » une livrée par an. Son cocher à lui, met quatre ans pour en user une ! Cette fois M. Ehrard ne convainc pas. Pire, le Conseil estime qu’il se trompe et vote les 200 francs demandés. Première victoire de la majorité républicaine…
Cependant, mieux vaut se quitter en bons termes. Aussi le Conseil Général votera-t-il à l’unanimité et pour clore la session…le repeuplement des rivières en écrevisses !… Même si, comme on peut le remarquer, (et malgré la relative importance de certains sujets traités…) l’Assemblée départementale fonctionne correctement dans le respect des règles démocratiques, la presse républicaine voit d’un mauvais oeil la place qu’occupent les conseillers conservateurs notamment M. Ehrard, élu du plus petit canton, celui de Rougemont. Ainsi – reprenant les idées du sénateur Fréry qui, le 23 août 1888, proposait au Conseil Général, une révision cantonale du département – le journal Le Ralliement s’attaque-t-il au canton de Rougemont. « Ce canton est le septième de celui de Giromagny auquel il est adossé ». De plus il a deux fois moins d’habitants que celui de Fontaine, cinq fois moins que celui de Giromagny, six fois moins que celui de Delle, treize fois moins que celui de Belfort. « Ce canton pèse néanmoins 1/5 dans dans les décisions du Conseil Général ». Pourtant, pour être élu conseiller général du canton de Rougemont, il faut moitié moins de voix que pour être élu conseiller municipal de Beaucourt. M. Ehrard a autant de poids , au sein du Conseil Général, que son collègue Metz-Juteau qui parle au nom des 40 000 habitants du canton de Belfort.
Le canton de Rougemont apparaît comme un fief du Moyen-Age et « bien qu’un accroc à la légitimité y ait été fait par l’élimination de son ancien seigneur M. Keller, il n’en reste pas moins vrai qu’il est profondément injuste d’accorder à ce canton lilliputien, les mêmes droits qu’au canton de Belfort. » En outre, bien que représenté au Conseil Général, le canton de Rougemont apparaît aux yeux de ses détracteurs comme une circonscription fictive « qui ne possède ni justice de paix, ni gendarmerie, ni recette d’enregistrement », ces privilèges étant réservés à la commune de Lachapelle-sous-Rougemont.
« Nous ne demandons pas sa suppression mais son agrandissement, sa refonte sur de nouvelles bases. Pour cela, la révision cantonale de tout le Territoire est nécessaire » affirme Le Ralliement qui propose sept cantons au lieu de cinq : Belfort-Ouest, Belfoft-Est, Beaucourt, Delle, Giromagny, Fontaine et Rougemont. Ce dernier comprenant, outre Rougemont, les communes de Lamadeleine, Petitmagny, Etueffont-Haut et Bas, Bourg, Saint-Germain, Felon, Petitefontaine, Romagny et Leval. Mais pour cela, admet le journal républicain, il faudrait « pour remanier nos circonscriptions, une loi pour sanctionner l’existence légale du Territoire » qui n’est assurée par aucune loi mais uniquement des décrets.

À Rougemont toujours…

Le jeudi 4 août ont lieu les obsèques de M. Faivre, directeur du Cours Complémentaire et des écoles de Rougemont. Avant de transporter la dépouille mortelle à Froidefontaine où l’inhumation doit avoir lieu, une cérémonie funèbre est célébrée en l’église de Rougemont. Tous les instituteurs des environs sont présents ainsi que M. Rozier commis principal de l’Inspection Académique de Belfort. Des couronnes de fleurs naturelles offertes par deux industriels du village, MM. Winckler et Schmerber et deux couronnes de perles et de jais, offertes par les instituteurs et les élèves de la classe de M. Favez, entourent le catafalque.
A l’issue de la cérémonie d’adieu, sur le parvis de l’église, plusieurs allocutions sont prononcées, notamment par M. Mélières, instituteur à Leval qui porte en épigraphe « la vaillance modeste et l’inépuisable bonté » du défunt et par M. Rozier qui conclut d’un ton martial « il est tombé à son poste comme le soldat qui meurt sur le champ de bataille pour la défense de la Patrie et l’honneur du drapeau. » Emile Faivre laisse une veuve et deux enfants en bas âge. Il n’aura pas reçu la médaille de bronze de l’enseignement que ses supérieurs venaient de lui attribuer. Né le 7 septembre 1855 à Auxelles-Bas, Emile Faivre entre à 18 ans à l’Ecole Normale de Vesoul. A sa sortie, en 1876, il est nommé instituteur adjoint à Bourogne puis à Beaucourt. De 1878 à 1880 il exerce les mêmes fonctions dans une importante école du quartier de la Croix Rousse à Lyon. En 1880, il revient dans le Territoire de Belfort et débute sa carrière d’instituteur titulaire à Lepuix-Delle où il reste six années. Il est ensuite nommé directeur des écoles d’Etueffont-Haut puis de Rougemont où sa promotion le conduit à diriger également le Cours Complémentaire que venait de fonder son homonyme et cousin, désormais instituteur honoraire et officier d’instruction publique.
Dès 1887 à Etueffont, Emile Faivre ressent les premiers symptômes de la grave maladie nerveuse qui l’emportera. Nul doute que sa nomination à Rougemont ne l’aide pas à surmonter son mal. Il s’accommode mal de la responsabilité qui est la sienne : il doit assurer l’enseignement de sa classe, superviser celles de ses trois adjoints. Il doit souvent se reposer, mais très attaché à sa mission, dès qu’une amélioration se fait sentir, il se remet à l’ouvrage. Bien aidé pourtant par son adjoint Chatelot (qui sera nommé élève-maître à l’Ecole Normale d’Alger-Bouzareas) il est vaincu par le mal à l’âge de trente sept ans.
Par arrêté ministériel du 24 août 1892, Emile Faivre est remplacé par M. Gable alors instituteur à Bourogne.

La halte du Valdoie

Depuis le 18 août 1892, les trains reliant Belfort à Giromagny s’arrêtent au passage à niveau de Valdoie.
Situé très exactement à 4156 mètres de Belfort et 2696 mètres de Bas-Evette, cet arrêt était demandé depuis longtemps par les habitants du Valdoie. Il leur en coûtera 0,65 franc en 1ère classe, 0,45 franc en 2ème et 0,30 en 3ème classe pour se rendre à Belfort. 1 ,10 franc, 0,75 et 0,50 pour aller à Giromagny.

L’inauguration a lieu le dimanche 18 septembre. Le premier train arrive au passage à niveau à 6h30 du matin. La locomotive est ornée de guirlandes, drapeaux tricolores et d’un immense écriteau. Maire en tête, le conseil municipal au complet prend place dans le train au côté de tous les industriels du Valdoie, des inspecteurs de la Compagnie des trains et de « bon nombre de dames ».
A l’arrivée à Belfort tout ce beau monde se retrouve au Buffet de la gare pour un petit déjeuner à la taille de l’événement. Les dames, au nombre d’une trentaine, ont droit à un succulent chocolat fumant et à un énorme pain de beurre préparé tout spécialement par la laiterie de Valdoie. Quant aux messieurs, qui sont une soixantaine, ils ont droit à un « excellent déjeuner à la fourchette » arrosé d’un très bon vin…
Bien évidemment la halte du Valdoie a ses détracteurs, est-il besoin de le souligner ? Cependant, une fois n’est pas coutume, la critique (parue dans le Journal de Belfort) est pleine d’humour:
« Jusqu’à présent le fameux rapide de Giromagny ne mettait guère qu’une heure à franchir les 12 kilomètres alors qu’en voiture on met 3/4 heure à faire le même trajet. Cette rapidité extraordinaire n’était pas sans présenter de graves dangers pour la sécurité des voyageurs ; on sait ou ne sait pas à quelles extravagances peut se livrer une locomotive lancée dans l’espace avec une vitesse aussi effrayante. La nouvelle halte du Valdoie aura l’avantage de forcer le train de Giromagny à ralentir sa marche vertigineuse. Aussi notre chemin de fer est-il devenu le type du chemin de fer des familles.
Avec lui, il n’y a rien à craindre : ni déraillement, ni rencontre de train et, bien que le railway franchisse à un moment donné ce terrible fleuve qu’on nomme La Savoureuse, toutes les précautions sont prises pour qu’il n’arrive jamais de catastrophe (…) Pour comble de bonheur, la Compagnie n’a pas augmenté le prix des billets bien que la durée du trajet soit augmentée. Il ne subsiste qu’un léger desideratum que nous nous permettons de signaler à l’Administration : c’est l’installation d’un service d’oreillers qui permettrait aux voyageurs de faire une douce sieste en attendant leur arrivée dans la bonne ville de Giromagny. »

Le 22 septembre sous la pluie

Centième anniversaire de la proclamation de la République et jour férié, le jeudi 22 septembre commence sous une pluie battante. Heureusement, les vélléités du ciel s’estompent dans l’après-midi, laissant libre cours à la fête.
A Etueffont-Haut rien n’a été négligé, même si certains regrettent l’absence d’un grand banquet républicain. Un crédit a été voté par la commune pour l’illumination des rues et des édifices publics. Le bal gratuit « regorgeait de monde, on a joué des jambes et trinqué jusqu’à minuit. »
À Rougemont, de nombreuses maisons sont pavoisées. La veille au soir des tirs de mortiers annoncèrent les festivités. Pourtant la fête n’est pas totale, perturbée par la venue d’une commission départementale d’hygiène qui vient visiter les égouts ! Ces inspecteurs accompagnés des gendarmes ne passent pas inaperçus, loin s’en faut. Les républicains de la commune n’apprécient nullement la « plaisanterie » et le font savoir par l’intermédiaire du correspondant local de La Frontière :
« L’épidémie étant décroissante partout, il eut été agréable aux habitants de recevoir cette commission le lendemain ou quelques jours auparavant. D’ailleurs la première mesure d’hygiène à prendre dans une localité serait de fournir l’eau. Il est regrettable que, dans une commune aussi importante que la nôtre, il n’existe aucune fontaine ! » Certains se demandent même si la venue de cette commission d’inspection n’a pas été commanditée par la municipalité rougemontoise pour montrer son hostilité à la République…
Le Journal de Belfort quant à lui, n’hésite pas à qualifier cette fête du centenaire de « mascarade radicale-youtre ».

Du rouge de Russie à Lepuix-Gy

Le Ralliement du 27 septembre 1892 dresse un portrait flatteur d’un certain Maurice de Kasperski, teinturier de son état, dont l’entreprise florissante accueille une trentaine d’ouvriers à Lepuix. Monsieur de Kasperski est originaire de Varsovie. Officier de réserve de l’armée russe, il est chimiste distingué et un « sympathique ami de la France ». Spécialisé dans la teinture du coton pour crochet en noir diamant et rouge éclatant dit « rouge de Russie », l’entreprise est installée dans les anciens locaux Danis. Les couleurs obtenues par des procédés exclusifs à M Kasperski sont parait-il totalement inaltérables et remarquable par leur éclat et leur beauté.

Magazine

Rencontre à Felon…

Roland Nonnotte, artiste d’église

Parlant de la formation du peintre à la Renaissance, Auguste Renoir disait: « petit à petit il était initié aux difficultés techniques et il acquérait son talent grâce à une expérience qui se transmettait de génération en génération ». (1)

Comme ce jeune peintre, Roland Nonnotte hérite de l’expérience de ses aïeux. En 1897, à l’époque où l’on mélange encore la céruse (2) à l’huile de lin, le grand-père fonde une entreprise de peinture à Besançon.
Le père de Roland y apprend à doser la bière pour lier le faux-bois et devient rapidement un spécialiste de la décoration de magasins : faux-marbres pour les boucheries (c’est plus froid), faux-bois pour les boulangeries (c’est plus chaud…) et pour chaque commerce, les lettres peintes de l’enseigne.
A partir de 1958, Roland qui a quatorze ans, rejoint l’entreprise familiale. Très vite il sait émarger le papier peint des deux côtés et le poser à joints vifs…la routine déjà : les chantiers la semaine, le centre d’apprentissage le jeudi et…les Beaux Arts ! Car Roland est un artiste dans l’âme. Là encore il a de qui tenir. Deux Nonnotte ont en effet marqué de leur empreinte l’espace culturel du XVIIIème :

  • Claude François Nonnotte (3), jésuite, érudit, célèbre par ses démêlés avec Voltaire à propos notamment de « l’Essai sur les moeurs ».
  • Donat Nonnotte (4), peintre d’histoire, de portraits et dessinateur qui fut l’élève de son oncle Jean Nonnotte (eh oui !), portraitiste et aussi artisan-peintre de la rue Saint-Paul à Besançon, qui, pour vivre, s’était spécialisé dans la peinture des tentures funèbres que l’on posait à la porte des défunts. Donat Nonnotte fut ensuite protégé du peintre Lemoyne avec lequel il réalisa notamment les peintures de la chapelle de la Vierge à Saint-Sulpice et le plafond du salon d’Hercule au palais de Versailles. Manquant de peu une place à l’Académie de Rome, il sera néanmoins reçu à l’Académie de Peinture à Paris, puis à l’Académie de Lyon, et enfin associé à celle de Rouen !

Avec de tels ancêtres, Roland ne pouvait se contenter de « barbouiller » des murs. Son passage en « Déco » à Besançon l’aide à découvrir le patrimoine et à rechercher les techniques picturales d’antan. Aujourd’hui Roland et ses compagnons sont spécialisés à 60% dans la réfection des églises. Travaillant en étroite collaboration avec la Direction Régionale de Affaires Culturelles et avec la Commission d’Art Sacré, Roland Nonnotte dit « ne pas créer mais restaurer à l’identique avec les polychromies d’origine ». Pourtant à l’église de Felon par exemple, la réfection des retables et de la chaire en piteux état, ne permettait pas cette restauration à l’identique. Il avoue avoir fait appel à son inspiration d’artiste en respectant bien sûr la cohérence d’époque ; une imagination harmonieuse et référencée en somme.
Restaurer une église impose un important savoir-faire. Préparer les fonds et peindre (ça va de soi). Travailler le plâtre (Roland prend les empreintes et refait les moulures en atelier). Dorer à l’or fin dans un calme absolu (la feuille d’or fait 18 microns d’épaisseur et la prise avec les doigts la détruit à coup sûr). Réaliser les faux-marbres. Telle est la vraie spécialité de Roland Nonnotte !
Plus que de faux-marbres il aime à parler de polychromie marbrée. Ceux qui regarderont les retables de Felon comprendront la nuance. Pour parvenir à une telle perfection, l’artiste a ses secrets bien sûr. Aussi ne livre-t-il que parcimonieusement quelques aperçus de ses recettes. Il a rapidement abandonné la technique à l’huile apprise à l’école car « le regard s’arrête à une seule couleur ». Il préfère la technique du glacis, plus douce, plus souple, plus transparente, plus profonde, qui laisse vivre le support. Si Roland connait bien le glacis à l’eau avec la bière pour liant, la caséine, le blanc d’oeuf… il reconnait pourtant la nécessité d’utiliser un matériau moderne : la peinture acrylique (mais attention pas n’importe quelle marque, chut…). Cette peinture caractérisée par son élasticité, son séchage rapide, sa flexibilité d’emploi combine certaines qualités de l’huile et de la détrempe tout en possédant ses propres qualités esthétiques. Elle permet ces lavis qui font la notoriété de Roland, mais nous n’en sauront pas plus sur les mélanges qui mènent à une telle réussite.

« L’apothicaire des couleurs » comme il aime à se résumer ne livre ses vrais secrets qu’à son neveu Alexandre. Encore un Nonnotte. Un jeune de vingt quatre ans, titulaire d’un D.U.T. en Mesures Physiques, qui a préféré quitter la blouse blanche du scientifique de laboratoire pour la salopette blanche du restaurateur d’églises…
Chez les Nonnotte la transmission du savoir est plus qu’une tradition, c’est un art de vivre !

Notes

  1. Dans son introduction à une édition du livre de Cennini peintre italien du XIVème siècle.
  2. ou blanc de plomb, interdit par la suite à cause de sa toxicité.
  3. Besançon, 1711-1793. Aprés la suppression de la Compagnie de Jésus il publie le « Dictionnaire philosophique de la religion » en 1772.
  4. Besançon 1708-Lyon 1795. Remarqué par « La surprise de Besançon par les protestants en 1575 » on lui doit de nombreux portraits et plus particulièrement « Mme Nonnotte peinte par son mari » et « Portrait présumé de Mme Diderot ». Il est également l’auteur de plusieurs ouvrages écrits dont un « Traité complet de peinture », une « Vie de Lemoyne » et un « Discours sur l’avantage des sciences et des arts ».
    On peut admirer le travail de Roland Nonnotte dans plusieurs églises de notre région : Seloncourt, Rougegoutte et maintenant Felon.

Guerre des ballons, ballons de guerre…

Des championnats d’Europe de montgolfières qui se sont déroulés au dessus de nos têtes du 5 au 13 septembre derniers, il nous reste l’image fascinante de ces grosses enveloppes multicolores qui montent et descendent au rythme des brûleurs rugissants.
Que de chemin parcouru depuis le 19 septembre 1783 où un mouton, un coq et un canard effectuent un vol de huit minutes à Versailles devant Louis XVI, dans un ballon à air chaud conçu par Etienne et Joseph de Montgolfier !
Quelques jours plus tard, le 21 novembre, Pilâtre de Rozier et le marquis d’Arlandes effectuent le premier vol humain dans ce type d’engin. Aussitôt un rival se dresse dans le ciel des ballons à air chaud, le ballon à gaz. Le premier vol d’un ballon à hydrogène à lieu le 1er décembre avec Charles et Robert. Neuf jours d’écart qui vont devenir près de deux siècles de lutte fratricide !
La montgolfière applique les lois de la dynamique ascensionnelle en réchauffant l’air contenu dans une enveloppe ouverte à sa base. Plus il fait chaud dehors, plus il faut chauffer l’air contenu dans l’enveloppe. C’est pourquoi les montgolfières volent le matin et le soir, quand la température est plus fraîche.
Les ballons à gaz utilisent un gaz plus léger que l’air, enfermé dans une enveloppe hermétique ; ils peuvent donc voler à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit. Rapidement cette spécificité va permettre au ballon à gaz d’être utilisé à des fins militaires. Le 26 juin 1794, lors du siège de Maubeuge, naît l’aérostation militaire autrement dit l’utilisation du ballon captif.
Très utilisé par la suite, notamment durant la première guerre mondiale, cette technique connait parfois quelques déboires. Témoin cette anecdote rapportée dans le journal La Frontière du 22 septembre 1892 :
« Deux expériences d’aérostations militaires ont été faites vendredi dans l’après-midi au Champ de Mars à Belfort. Elles ont été arrêtées par un incident dont beaucoup de curieux ont été témoins. On avait accroché le Ballon « La Meuse » tout gonflé au treuil à vapeur monté sur un chariot qui stationnait sur le lieu d’expérience. Monsieur le général Zoegger et un officier d’artillerie prirent place dans la nacelle et bientôt le dévidoir fonctionnant, laissa monter majestueusement le ballon dans les airs à 3 ou 400 mètres de hauteur. Quand on voulu le faire redescendre, la bielle de la machine qui fait tourner le dévidoir refusa de fonctionner malgré les efforts des mécaniciens. Ceux-ci travaillèrent à remédier à l’accident, mais en vain, et ce fut assez long ; les voyageurs aériens commençaient à perdre patience ; on aime bien planer dans les airs mais il ne faut pas que ça soit trop long.
Le cas est du reste prévu et un appareil spécial, remorqué par une vingtaine d’hommes attira à la fin, de la façon la plus douce et en toute sécurité, le ballon qui descendit à une autre extrémité du Champ de Mars. Il fut réintégré tout gonflé dans l’immense hangar destiné à cet effet. »

Le patrimoine minier d’Auxelles

Cette année, l’Association pour l’Histoire et le Patrimoine Sous-Vosgiens et la Jeunesse Quichelotte ont organisé deux visites des secteurs miniers d’Auxelles-Haut. Près de 150 personnes ont parcouru ce village typique des mineurs fondé sous l’archiduc Ferdinand II de Habsbourg en 1569.
Au cours d’une randonnée dans la montagne « la Suisse » on découvre notamment les étangs Boigeol, anciens réservoirs servant à l’alimentation des machines hydrauliques utilisées pour dénoyer les mines et les sites des anciennes mines -Schenmutte, Sainte-Barbe, Saint-Martin, Saint-Urbain et Saint-Philippe- visibles par leur haldes, puits et entrées de galeries. Poursuivant, on arrive au pied du mont Menard. Apparaissent alors les immenses haldes de la mine Saint-Jean, la plus riche en minerai de plomb de la région. Son exploitation, du XVIème siècle à la fermeture en 1930, s’est poursuivie de manière plus ou moins intensive selon les époques.
De retour au village, on pénètre dans l’ancien complexe minier de Gesellschaft, réputé pour son minerai d’argent à la fin du XVIème siècle. Cette exploitation fut fermée définitivement en 1635. L’ancienne galerie d’écoulement, la « stolle », qui débouche dans la rue du même nom, fut utilisée par le syndicat des eaux jusqu’en 1991. Un barrage construit à l’entrée constituait un réservoir qui alimentait le réseau. Peu à peu, les boues se sont accumulées derrière ce barrage et l’eau, chargée d’arsenic, est devenue impropre à la consommation. Ne parvenant pas à supprimer cette cause de pollution, malgré une élimination partielle des boues, le Syndicat des Eaux de Giromagny a décidé de ne plus utiliser cette réserve. La galerie habituellement fermée est la seule du secteur minier d’Auxelles-Haut dans laquelle nous pouvons pénétrer en toute sécurité à la fin de ce périple de découverte.

Le forgeron d’Etueffont en vidéo…

Séquence 2 – intérieur
jour – forge
Silence on tourne…
moteur !

Camille comme en transe, forge une hache aidé de son fils César, le fer se courbe, s’aplatit, se modèle. La hache est ensuite trempée avant d’être estampillée « Camille Petitjean Étueffont ».
Un homme entre dans la forge…
COUPEZ I
Pierre, le vrai forgeron de Soppe-le-Haut entretient le feu de la forge et montre une dernière fois à Bernard Cupillard – le faux Camille Petitjean – comment battre le fer quand il est chaud.

Séquence 8 – extérieur
jour – devant la maison
Silence… moteur

Près d’une charrette, Justine et les enfants, s’apprêtent à se rendre aux champs. Camille sort de l’étable : « J’lavais dit de pas donner de foin à la Roussette, Sacrebleu, elle a déjà le gros ventre ! »
COUPEZ  !
Un rien d’énervement dans la voix, l’assistante réalisateur fait reculer quelques curieux un peu trop curieux, dont l’image se reflète dans les vitres de la maison. Déjà les machinistes, la peau tannée par le soleil brûlant de la mi-août, poussent la camionnette jaune, moteur coupé, où sont installés cadreur et preneur de son. Pour la nième fois on va refaire la séquence. Profitant de l’interruption, les bénévoles du village ont mis les feux au vert, libérant ainsi les nombreux véhicules qui avaient tu leurs moteurs à distance respectable de la forge, pour ne pas gêner…

Projet muséographique

Une semaine durant, en ce mois d’août 1992, la Forge Musée d’Étueffont a retrouvé son activité d’antan. Le temps nécessaire à la réalisation d’une fiction autour d’une des personnalités les plus marquantes du village : Camille Petitjean le forgeron.
Le film montre Camille Petitjean au travail dans sa forge et les relations qu’il entretient avec ses proches, ses clients, ses concitoyens… Sa forte personnalité est éclairée par plusieurs témoignages de ses contemporains.
Cette fiction de vingt-six minutes est destinée à être présentée au public comme la première étape d’un projet muséographique intégré à l’écomusée d’Etueffont, autour du thème de la forge. Ce projet repose sur l’imbrication des regards posés sur le forgeron, sur son statut dans un groupe social donné, sur le travail du fer et de ses résonances symboliques.

Vers d’autres champs culturels

Un recours à des références prises dans d’autres champs culturels (archéologie, histoire médiévale, espace ethnologique) doit avant tout permettre de mieux faire comprendre la position sociale occupée par le forgeron d’Etueffont. Ainsi, une deuxième production verra-t-elle le jour sous la forme d’un documentaire ethnologique de treize minutes, tourné à Marrakech et intitulé « Forgeron du Souq ».
Soutenu par le Conseil Général du Territoire de Belfort et la Direction Régionale des Affaires Culturelles de Franche-Comté, « Camille le forgeron » et « Forgeron du Souq » sont produits par le CENTRE FRANC-COMTOIS DE CINEMA et réalisés par François Royet.
« Camille le forgeron » sera présenté au public dès l’ouverture de la Forge Musée d’Étueffont, au printemps prochain.

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Avec l’aimable complicité de M. Bernard Boespflug et de toute l’équipe de tournage du Centre Franc-Comtois de Cinéma.

Ce numéro de La Vôge est épuise.

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